Sagesse du pluvian
5 participants
Page 19 sur 38
Page 19 sur 38 • 1 ... 11 ... 18, 19, 20 ... 28 ... 38
Calme printemps
Revient une saison d’amour,
Le vent caresse les brindilles ;
Un oiseau fonde une famille,
Un chat braconne aux alentours.
Le beau papillon fait sa cour
À la papillonne gentille ;
Par la suite, quelques chenilles
Dans ce jardin verront le jour.
La fleur, couverte de rosée,
Voudra quand même être arrosée ;
Ce qui pousse veut rester vert.
Les yeux du jardinier candide
Contemplent cet herbage humide
Qui ne pense plus à l’hiver.
Ambiporcus Singularis
Mes deux puissants cerveaux l’un et l’autre aiment lire,
Ce plaisir innocent suffit à leur bonheur ;
Comme les chemins creux plaisent aux randonneurs,
je flâne au long des mots des auteurs que j’admire.
D’entre eux, mes préférés sont ceux qui me font rire,
Ceux dont la palette a de plaisantes couleurs ;
Et qu’importe le Mal, pourvu qu’on ait les Fleurs !
L’ombre devient lumière aux accords d’une lyre.
Ce n’est point pour Rimbaud que sont faites les lois,
Elles épargneront Brassens, ça va de soi ;
Villon ne parle pas en défenseur des rites.
À de tels dissidents je me joins volontiers,
Même sans mériter d’en être l’héritier ;
Pour devenir comme eux, je suis trop sybarite.
Sagesse d’un conifère
La paix règne en mon esprit,
Jamais l’hiver ne m’outrage ;
Sombre et pur est mon ombrage,
D’un oiseau je suis épris.
Quand mon âme lui sourit,
S’illumine son visage ;
Alors, dans le paysage,
Dansent de vifs coloris.
C’est notre vie tout entière
Qui s’imprègne de lumière ;
J’entends des chants s’élever.
La fine dryade danse
Et, sans aucune impudence,
Ses habits sont enlevés.
Sagesse du théosaure
Ce dieu pluridimensionnel
S’abreuve d’assez bonne bière ;
Il aime bien la tavernière,
Mais n’a point de désir charnel.
Ce cousin du Père éternel
Est un vrai chercheur de lumière ;
Il est en terre familière
Dans le désordre originel.
Accomplit-il les Écritures ?
Non, ce n’est point dans sa nature ;
Car il préfère attendre et voir.
Les Chérubins qui l’ont vu naître
Auraient voulu l’avoir pour Maître ;
Il ne désire aucun pouvoir.
Vaillant coq
Je marche en ce beau jour d’avril,
J’ai pour bagage ma folie ;
Toutes mes peurs sont abolies,
Car mon coeur est ferme et viril.
Et que m’importent les périls !
Mon âme n’est pas ramollie ;
À mon bon vouloir, tout se plie,
J’ai du bon vin dans mon baril.
J’attrape les insectes frêles
Qui courent sur leurs pattes grêles ;
C’est un souper de bon aloi.
Un jour je mourrai, sans surprise,
De cet univers c’est la loi ;
Il nous produit, puis il nous brise.
Un renard peinard
« Amis, mes ruses apprenez :
Depuis toujours je les publie ;
Quant aux distraits qui les oublient,
Moi, je veux bien leur pardonner.
Ne soyez donc pas étonnés
De tant de tâches accomplies ;
Admirez ma tanière emplie
De vivres par autrui donnés.
Le corbeau noir ouvrit son bec,
C’est narré dans un texte grec ;
J’ai bien gagné cette pitance. »
Ce goupil, des leçons donnant,
Use d’exemples pertinents ;
Puis, son texte n’est point trop dense.
Humble maison
Paisible en est le voisinage,
Plus calme encore est ce manoir ;
On dirait presque un béguinage,
Les murs sont gris sous le ciel noir.
De nul noble il n’est l’apanage,
Mais de gens au modeste avoir ;
Habillés de sobres lainages,
Ils n’exercent aucun pouvoir.
Cette maison n’est pas de pierre,
Mais d’une plus vile matière ;
Elle s’effrite, elle se fend.
Des gens loin de ce quartier migrent,
Dont ils ne furent point enfants ;
Même, en partant, ils le dénigrent.[
L’Auberge du Bélier
En Grande Garabagne, au Nord,
C’est la gloutonnerie qui règne ;
Ayant le Bélier pour enseigne,
Un bouge sert des pieds de porc.
Il ne les vend pas à prix d’or,
Ces pieds qui dans la graisse baignent ;
N’en prends point si tu les dédaignes,
Mais je crois que tu aurais tort.
Nous pourrons aussi rendre hommage
À leurs tartines de fromage,
Aussi d’un très modeste coût.
Le pinard qui les accompagne
Est facturé trois francs six sous,
C’est du rouge qui vient d’Espagne.
Arbre aux cent sonnets
L’arbre pour la rime a du goût,
Elle lui tient lieu de musique ;
Il choisit toujours des mots doux
Pour ses sonnets mélancoliques.
Il les apprit je ne sais où,
Mais assez riche est son lexique ;
C’est élégant et c’est pudique,
Plusieurs bardes en sont jaloux.
À tous les saints il rend hommage
Et à Marie au beau visage ;
De sa Dryade il est aimé.
Ses plus beaux textes sont pour elle,
Il dit qu’en son âme immortelle
Sont mille trésors enfermés.
Bannière familière
Voici notre emblème imprégné de gloire,
Dans cette contrée, chacun le connaît ;
Au temps où Roland de son cor sonnait,
Nous portions déjà ce pennon notoire.
Or, le voici donc objet de mémoire,
Quand nous en parlons, c’est à l’imparfait ;
La Grande Paix règne, et c’est un bienfait,
Mais n’oublions pas nos leçons d’Histoire.
Faisons-en des vers à notre manière,
Les jongleurs d’antan chantèrent ainsi ;
Dédicaçons-les à nos tavernières.
Dans l’âtre, du feu ; du vin sur la table,
Dans notre avenir, rien de redoutable ;
Muse du foyer, viens t’asseoir ici…
Seigneur dromadaire
Moi qui domine le désert,
Je règne sur très peu de monde ;
Je ne suis pas maître des ondes,
Je n’ai que peu de jardins verts.
Cet endroit n’est pas un enfer,
J’aime l’aspect des dunes blondes ;
Venant de couches très profondes,
Un filet d’eau nous est offert.
Les nuits sont paisibles et fraîches,
Les saisons toujours un peu sèches ;
Dans tout cela, rien d’effarant.
Moi, j’ai vécu des odyssées
De sagesse et de foi tissées ;
Dieu me regarde en se marrant.
Chasseur de papillons de nuit
Dans une plaine ténébreuse,
Mes proies surgissent tour à tour ;
La nuit, je la préfère au jour,
Car elle m’est plus savoureuse.
Ainsi, jusqu’à l’aube laiteuse,
Après des papillons je cours ;
Ces derniers m’échappent toujours,
Cette chasse est calamiteuse.
De loin j’admire leur beauté ;
Renonçant à ma cruauté,
Mon vaste filet je dépose.
Sachez-le, ma vie est ainsi,
Et sans doute, la vôtre aussi ;
Frères, faisons la part des choses.
Dame du délire
Reine d’un fumeux empire,
Déroutants sont tes réseaux !
Tu as pour sceptre un roseau,
Tu aurais pu trouver pire.
.
Je m’étonne et je t’admire,
Tes jeux sont toujours nouveaux ;
Si j’atteignais ton niveau,
Je serais un noble sire.
En ton bon vouloir j’ai foi,
Donc, à ta santé je bois ;
Sur ton vaisseau je m’embarque.
Manoir gris
Gris sont les murs dans la grise lumière,
Vivent ici des chevaliers ringards ;
Aux alentours sont de pauvres chaumières,
Elles n’ont rien qui charme nos regards.
Cher est le vin, donc ils ont de la bière,
Ayez pitié de ces pauvres soiffards !
Le souvenir de leurs errances fières
A fini par leur donner le cafard.
Où est le temps des aventures tendres ?
Flammes d’antan, dont il reste la cendre,
L’amour s’absente, et le grand Pan est mort.
Le ciel est noir, morne le paysage,
Le désespoir envahit leurs visages ;
Mais la cervoise a quelques reflets d’or.
Dame des pommes
Un serpent dans le silence
Rumine un futur méfait ;
N’en soyez point stupéfaits,
Maléfique est son essence.
Le jardin n’est pas immense,
En quelque jours il fut fait ;
D’une magie c’est l’effet,
Reflet d’une transcendance.
Voici deux individus ;
Un fruit leur est défendu,
À la Femme autant qu’à l’homme.
Il devront porter leur croix,
Exilés de cet endroit ;
Roi maudit, reine des pommes.
Manoir flottant
C’est un palais qui flotte,
Il est presque aérien ;
Neptune l’aime bien,
Le barreur est son pote.
J’entends les claires notes
D’un psaume très ancien ;
Avec ses musiciens
La sirène fricote.
Par temps clair, par temps gros,
Nous voguons sans accroc ;
Lointaines sont les terres.
Guidée par le compas,
Cette nef solitaire
Glisse, et ne se perd pas.
Luttes inélégantes
Nous ne recherchons pas la gloire,
Car elle est pour les insolents ;
Bergers aux modestes talents,
Nous vivons des vies sans histoires.
Ne rien faire est notre victoire,
Ou vagabonder à pas lents ;
Ou méditer, les bras ballants,
Indemnes de toute idée noire.
Cueillir des herbes, brin par brin,
Cueillir aussi du romarin ;
Même, parfois, de la luzerne…
Comme le disait Jean Lorrain,
« Soyons heureux dans nos cavernes » ;
Nous le suivrons sur ce terrain.
--------------------------------
https://litteraemeae.wordpress.com/2019/02/24/un-bouquet-fin-de-siecle-jean-lorrain-en-quelques-textes-meconnus/
Iconographie de l’héraldiste
Des images plein les mains,
Des écrits qui s’amoncellent ;
Notre héraldiste est fidèle
À ce jeu peut-être vain.
Ne le prenez à dédain,
Il sait que son oeuvre est frêle ;
Mais quelques plaisirs s’y mêlent,
Et qui ne sont pas vilains.
Ce n’est pas de la magie,
Ce sont des choses surgies
Du coeur de ce petit vieux.
Ici son âme déverse,
En désordre, et c’est tant mieux,
Ses pensées les plus diverses.
Roi des monstres
Sans substance est mon univers,
Je vaux moins que le Roi des Mouches ;
Mes soldats n’ont rien de farouche,
Leurs culottes sont à l’envers.
Mes courtisans sont des pervers,
Toujours un blasphème à la bouche ;
Les prêtres font des choses louches,
Toute la Cour va de travers.
De noms ignobles l’on m’appelle ;
Mon confesseur dans ma chapelle
Cajole la princesse Iris.
Mes murs sont de fange dorée ;
Sur ma concubine adorée
Se vautre la nonne Doris.
Un ange drague une fée
L’être ailé veut offrir son coeur
À une enchanteresse fière ;
Lui qui naquit de la lumière,
Il a Cupidon pour vainqueur.
Je l’appris d’un vieux chroniqueur,
Un des gardiens du cimetière ;
Nous partagions un pot de bière,
Faute de plus forte liqueur.
« Amour-ivresse et corps-flacon »,
Chantait un troubadour gascon ;
Le corps d’un ange aussi, peut-être.
La fée n’a pas voulu de lui ;
Il fut consolé, l’autre nuit,
Par la dryade d’un grand hêtre.
Porte des faubourgs
Vers des quartiers déshérités
S’ouvre une porte belle et bonne ;
J’entends le gardien qui marmonne
Semble-t-il, des insanités.
Ces environs de la Cité
S’appellent « Petite Couronne » ;
Ce sont endroits que l’on bétonne,
Ce sont des lieux d’opacité.
Ce sont de vastes bâtiments,
Ce sont des avenues bien droites ;
Mais j’aime mieux mes rues étroites.
Je vais donc rester prudemment
Dans mes vieux murs, où ma personne
À des futilités s’adonne.
Seigneur de la banquise
Mes vassaux ne sont pas frondeurs,
Ici règne la paix sociale ;
Le cachalot des profondeurs,
Il m’accorde une paix royale.
Mes enfants sont pleins de candeur,
Paisible est ma vie familiale ;
La nuit polaire en sa splendeur
Fait oublier qu’elle est glaciale.
Ici, pas grand-chose de vert,
Jamais de sapins en hiver ;
Bâtie de neige est mon alcôve.
Je n’ai pas construit de remparts,
Sinon quelques glaçons épars ;
En ce lieu, la nature est sauve.
Terne feuille
Voici la feuille grise
Qui dort auprès du puits ;
Loin de l’arbre elle a fui
Dont elle fut éprise.
L’air chantonne sans bruit,
Le jour est sans surprise ;
La fraîcheur de la brise
Précèdera la nuit.
Au lointain sonne l’heure ;
Dans ma vieille demeure
Il ne s’est rien passé.
Les morts au cimetière
Ne peuvent s’enlacer,
Ni soulever leur pierre.
Les anges planent
Au temps où fut croquée la pomme,
Chantèrent les Anges d’Enfer ;
Mais d’autres furent moins pervers,
Ceux-là qu’« Anges du Ciel » tu nommes.
Le triste exilé fit un somme,
Il revit les feuillages verts ;
Il retrouva son univers,
Ce coupable, Adam, ce pauvre homme.
Par la suite, il se recueillit,
Comprenant qu’il avait failli ;
Il a perdu sa langue, il pense.
Il n’accuse pas le serpent,
Mais son propre désir rampant ;
D’un ange il entend le silence.
Sagesse du tripode
Ce tripode est comme un renard,
Sa malice nous déconcerte ;
Surtout, ne le crois pas inerte,
Il peut courir comme un guépard.
Il te séduira par son art
De commenter ses découvertes ;
Emplis-le d’une absinthe verte,
Cela peut le rendre bavard.
Il sait toujours trouver la rime
Au prédicat que tu exprimes ;
Quelquefois c’est assez joli !
Surtout, n’imite pas sa ruse ;
Son sens moral est aboli,
Je ne lui trouve aucune excuse.
Page 19 sur 38 • 1 ... 11 ... 18, 19, 20 ... 28 ... 38
Sujets similaires
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
Page 19 sur 38
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum