Sagesse du pluvian
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Sur la croix
Tu leur donnas ton fils, Maître de l’univers,
De son sang répandu cette croix se macule ;
Elle est du même bois que le bûcher d’Hercule,
De chênes qui ont vu leur centaine d’hivers.
Nul poète latin n’y consacra des vers,
Mais parmi le bon peuple une chanson circule ;
Trois modestes couplets, les rimes s’y bousculent,
Le rythme, cependant, marche un peu de travers.
Mémoire du public, romantique folklore,
De tes mille récits notre âme se colore ;
La rue te sert d’école et d’université.
Dure est du Créateur la fibre paternelle ;
Celle-ci ne doit point notre ire susciter,
Au Fils nous demandons l’indulgence éternelle.
Re: Sagesse du pluvian
La salle est éclairée par quatre candélabres,
Où nous dormons, lisons, bavardons et mangeons ;
À partir vivre ailleurs jamais nous ne songeons,
Même si du donjon l’atmosphère est macabre.
Dans notre armurerie s’empoussièrent les sabres,
Jamais en en un combat nous ne nous engageons ;
Les corvées d’entretien, nous nous en déchargeons,
Nous n’intervenons point sur ce qui se délabre.
Maigres sont, cette année, les vendanges d’octobre,
Mais cette pénurie ne nous rendra pas sobres ;
Nous aurons d’autres vins dans nos coupes d’argent.
Et qu’importe, après tout, que ce lieu soit lugubre,
Que trouble soit son eau et son air insalubre ?
Rien ne nous servirait d’être trop exigeants.
Coq d’automne et coq d’été
Le grand coq estival qui régna sans partage
Abdique, c’est l’automne, il n’en est pas amer ;
La brise devient fraîche, elle vient de la mer,
Le Ponant nous envoie quelques sombres nuages.
Le coq d’automne alors en ces lieux emménage,
À sa plus belle épouse il vient offrir un ver ;
Au soleil du matin, son chant traverse l’air,
Tout un chacun se dit que c’est un bon présage.
Les canards de l’étang se disent ses vassaux,
Mais aux canes jamais il ne donne l’assaut ;
La plus jeune, pourtant, lui trouve un certain charme.
Le coq d’été nous donne un dîner savoureux,
Je sais que son trépas ne fut pas douloureux ;
Pas d’obsèques pour lui, pas de deuil, pas de larmes.
Oiseaux de la poste royale
Ces deux oiseaux facteurs transmirent des missives,
Ils eurent du succès, on se les arrachait.
Les messages s’ornaient de très nobles cachets,
Mais parfois contenaient une prose lascive.
Je les voyais planer de l’une à l’autre rive,
Aux horizons lointains leur regard s’attachait ;
Au Ponant le soleil lentement se couchait,
Un nuage perdu partait à la dérive.
Ils ont aussi formé de jeunes apprentis,
Prenant le plus grand soin de ces braves petits ;
La Reine les logeait en sa belle demeure.
Leur petit déjeuner fut de chez Baillardran,
Un valet matinal le servait à sept heures,
De sucre raffiné les fraises saupoudrant.
Anatomie d’un monstre
Son aspect corporel, il n’a pu le choisir,
Sa tête est minuscule, et cela, ça l’ennuie ;
Son corps péniblement sur ses jambes s’appuie,
Il a bien de la peine à prendre du plaisir.
Ses mains n’ont pas de doigts, il ne peut rien saisir,
Son maigre poil ne peut l’abriter de la pluie ;
Ses fragiles poumons se sont emplis de suie,
Son âme ne peut plus éprouver de désir.
Or, de tous ces malheurs, jamais il ne se fâche,
Il peut même accomplir une modeste tâche ;
D’un certain réconfort c’est le commencement.
Quelquefois, dans la foule, un visage l’attire ;
Il s’en approche alors et sourit doucement,
Rêvant de retrouver ses talents de satyre.
Cygne en plein saphir
C’est une nef de plumes blanches,
Un vaisseau confortable et sûr ;
Garde ton cap, les temps sont durs,
Aucun dieu vers toi ne se penche.
En passant sous un pont de planches,
Le cygne avance vers l’azur ;
L’eau si claire, le ciel si pur,
Tant d’oiseaux chantant sur leurs branches…
Je te le dis, tu es splendide,
Parce que tel est ton destin ;
Tu illumines nos matins.
Ta vie n’aura rien de sordide,
Mais sera noble, en vérité,
Tu es par la grâce habité.
Renarde qui rêve
En songe, on se construit un cosmos bien à soi,
La renarde, elle aussi, des mirages façonne ;
Elle entrevoit un prince et son âme frissonne,
Mais ce n’est qu’au réveil qu’elle s’en aperçoit.
Ce rêve reviendra, qui sait combien de fois ?
Mirages intérieurs, reflets que l’on moissonne,
Univers où se fond l’une à l’autre personne ;
Entrer dans un tel jeu, c’est un acte de foi.
L’aviateur prend congé de son étrange prince,
L’un rejoint sa planète, et l’autre, sa province ;
Pour eux deux, c’est un deuil qu’il faut apprivoiser.
Le fatal serpent dit « Cette enveloppe est vide,
Vos destins, cependant, se sont entrecroisés,
Comme ceux des héros d’un poème d’Ovide. »
Prière barbare
Nous ne prions que toi, Dame des oliviers,
Ainsi que ton cousin, le Démon des racines ;
Protège-nous quand vient la tornade assassine,
L’horrible canicule, ou le gel de janvier.
Ne laisse pas mourir la fille du bouvier,
Notre si jeune amie, la petite Alphonsine ;
Applique sur son front ta bonne médecine,
L’extrait du basilic ou de l’amadouvier.
Pour toi nous verserons le sang de trois brebis,
Le barde officiera dans ses plus beaux habits ;
Trois nuits en ton honneur nous brûlerons des cierges.
Le druide bénira ton logis souterrain,
Il sonnera trois fois de sa cloche d’airain ;
Mais toi, ne nous prends pas l’âme de cette vierge.
Rêve d’un lieu magique
Au portail du jardin t’accueillera Saint Pierre,
Le gardien de ce havre où tu viens t’abriter ;
C’est dans ce clair logis que tu veux habiter,
Dont tu vaudrais aussi goûter la bonne bière.
Si l’heure du trépas n’est pas l’heure dernière,
Elle est donc le début de notre éternité ;
Le doute à ce propos, je ne peux l’éviter,
Mon esprit sur ce point n’a que peu de lumières.
Jamais aucun témoin ne revint de ce lieu,
Tu ne peux pas t’y rendre en traversant les cieux ;
Il se peut que ce soit un monde imaginaire.
Soyons heureux chez nous, profitons du soleil,
Sachons nous contenter des plaisirs ordinaires ;
Car sans rêves sera notre dernier sommeil.
Apparition du Saint-Esprit
Le ciel a d’étranges couleurs,
Il y surgit une colombe ;
En se posant sur une tombe,
Elle lance un cri de douleur.
D’où vient cet oiseau de malheur ?
Un noir nuage le surplombe,
Porteur d’éclairs ou bien de trombes ;
Nous frissonnons dans la chaleur.
Que veut-il faire de nos âmes ?
S’en iront-elles dans les flammes
Quand nous serons mis au tombeau ?
Il reste ici, l’oiseau plaintif,
Prédateur des êtres chétifs,
Fausse colombe et vrai corbeau.
Oiseau factionnaire
Posé sur une jambe, il cède à la torpeur
Comme s’il entendait la voix d’une sirène ;
En rêve il a conquis les faveurs d’une reine,
Il sourit sous l’effet de ce songe trompeur.
Il cède à ses ardeurs que plus rien ne réfrène,
Dans un flot de plaisir il noie toutes ses peurs ;
Son amour le consume et son âme est sereine,
D’un capiteux parfum respirant les vapeurs.
Ce songe est envoyé par un mauvais génie
Qui le veut pervertir, dans sa ruse infinie ;
Je ne dis point son nom, car on me le défend.
C’est un bon serviteur, mais c’est un mauvais maître,
Il malmène l’insecte ainsi que l’éléphant ;
Je le tiens à distance, au moins quatorze mètres.
L’araignée du piano
Ici les musiciens viennent trop rarement,
Les cordes, tout le jour, observent le silence ;
Ce beau meuble subit des mouches l’insolence,
Je les vois atterrir et souiller l’instrument.
Une araignée, qui voit cet envahissement,
Finit par décider d’en faire sa pitance ;
Elle a bien vite fait d’interrompre leur danse
En dévorant leurs corps, sans avertissement.
Un poète rêveur survient, qui la contemple ;
Il écrit ce sonnet, vraiment, sans y penser ;
Il faut lui pardonner, car c’est un insensé.
L’araignée du piano, comme un prêtre en son temple,
Par son digne maintien donne le bon exemple ;
Mais c’est bien superflu, soit dit sans l’offenser.
Pont de la Palombe
Cet ouvrage récent connecte deux quartiers
Paisibles, non touchés par les rumeurs urbaines ;
À la belle saison, des badauds s’y promènent,
Eux qui avaient suivi les travaux du chantier.
Leur faudrait-il marcher vers des terres lointaines ?
Ce qui est près de nous, pourquoi le décrier ?
Au contraire, je dis : La plume et l’encrier
Doivent chanter les buts que l’on atteint sans peine.
Après leur promenade, ils vont à la buvette
Auprès du petit bois où chante la fauvette ;
Ils écoutent grogner le tavernier bourru.
La serveuse au patron fera baisser les armes,
Car d’un gentil regard il apprécie le charme ;
Quant au vin de ce lieu, c’est loin d’être un grand cru.
Siamois en Eden
Ces deux têtes, sans s’aimer,
Sur le même corps se dressent ;
Pas de cadet, pas d’aîné,
Qui aura le droit d’aînesse ?
Ventre toujours affamé,
Coeur d’une grande rudesse ;
Si leurs mains pouvaient s’armer,
Elles seraient chasseresses.
Les parents sont mécontents
De les voir souffrir autant,
Ça devient insupportable.
Dieu, qui est peut-être aux cieux,
Mit, par mystère, en ce lieu,
Des tourments bien regrettables.
Ambinosaure
Nous voyons s’approcher le monstre aux yeux baissés,
Pour nous en protéger, prions Sainte Eugénie ;
Elle a plus de pouvoir que Sainte Stéphanie,
Elle exauce les voeux qui lui sont adressés.
Un peu d’argent, pour elle, il vous faut dépenser,
Puis un ou deux billets pour Sainte Mélanie ;
Mais ne prévoyez rien pour Sainte Virginie,
On peut se contenter de ne pas l’offenser.
L’artiste les figure avec des robes blanches,
De bande dessinée il en fit une planche ;
Ses dessins sont fixés sur les murs du moutier.
Son excellent travail fut béni par les prêtres,
Admiratifs qu’ils sont pour les dons de ce maître ;
Modestement, il dit : « c’est juste mon métier. »
Sagesse du hérisson
J’aime le Portugal, j’aime la Bulgarie,
Tous les jardins du monde ont pour moi des attraits ;
Aux regards des humains, souvent, je me soustrais,
Blasé de leur langage et de leurs singeries.
Je parle avec mon frère ou avec ma chérie,
L’un pour l’autre n’ayant pas le moindre secret ;
Ou bien, nous échangeons quelques clins d’oeil discrets,
N’exagérant jamais dans nos taquineries.
Certains jours, nous dînons chez mon cousin, l’oursin ;
Il sait nous proposer des aliments très sains,
Il est plutôt beau gosse, il sait parler aux femmes.
Il se moque de nous, ça ne va pas bien loin,
Il s’en faut de beaucoup que le torchon ne crame ;
Il respecte les gens, sa parenté, du moins.
Prophète encanaillé
Le Précurseur visite un quartier mal famé,
Croyant qu’il serait bon d’y porter la Lumière ;
Il veut en profiter pour boire un peu de bière
Et rêver en plein jour aux yeux de Salomé.
Les troquets, dans ce coin, ne sont guère animés,
Notre saint homme est seul avec la tavernière ;
Avec lui, celle-ci se montre familière,
Il n’aura certes pas l’idée de l’en blâmer.
Son visage n’est pas celui d’une princesse,
Mais son sourire est là, qui semble une promesse,
L’ascète du désir éprouve les tourments.
Le farceur Cupidon, qui leurs deux coeurs enflamme,
Se croit-il le sauveur de cette brave femme,
Pense-t-il lui donner le meilleur des amants ?
Mégacéros malhabile
Ce maladroit animal
Lance des appels à l’aide;
Sa détresse est sans remède,
Ça va de plus en plus mal.
Souffrir, pour lui, c’est normal,
Avec très peu d’intermèdes ;
Quand au désespoir il cède,
Son malheur est maximal.
Aimer serait salutaire,
Faire un saut jusqu’à Cythère ;
Prendre une épouse, au hasard…
Vaut-il mieux choisir la grue,
Ou bien la jument qui rue ?
Ou la fille du lézard ?
Délire d’architecte
Par cette bizarre structure,
As-tu voulu nous divertir ?
Sa vue fait en nous retentir
Un vacarme de conjectures.
Tous les goûts sont dans la nature,
À cela je dois consentir ;
Sauf que ton oeuvre, sans mentir,
Est de trop étrange facture.
Mon avis n’est pas d’un grand poids,
Mais te le transmettre je dois ;
Par ce moyen je me rassure.
Tu aimes ce que tu produis
Car ta sagesse t’y conduit ;
Tu n’as pas commis d’imposture.
Dame délirante
Ceux de son patelin la trouvent un peu folle,
Mais son esprit est calme et son coeur apaisé ;
Elle est très attentive , et répond sans biaiser,
C’est avec grand plaisir que j’entends ses paroles.
Son délire, pourtant, s’exprime en paraboles,
C’est juste la façon qu’elle a de s’amuser ;
Ces mythes ne sont pas là pour nous abuser,
Elle maîtrise bien l’usage des symboles.
Elle sait évoquer la vie ou le trépas,
Si tu n’y comprends goutte, elle n’insiste pas ;
Elle laisse danser sa langue bien pendue.
Elle a de gros bouquins, traduits de l’allemand,
Où ces matières sont disséquées savamment ;
Mais ils sont rédigés en phrases distendues.
Scribe en sa cellule
Ma plume écrit sur des sujets divers,
Au point du jour est ma muse éveillée ;
Devant elle est mon âme agenouillée,
Puis ces deux-là parlent à coeur ouvert.
J’ai traversé de fort nombreux hivers
Dans ce réduit, cellule dépouillée ;
Le souffle court, la carcasse rouillée,
Je suis en paix avec mon univers.
Tant que j’aurai des rimes dans la tête,
Je les dirai, pour moi c’est une fête ;
Pour les soigner je fais quelques efforts.
Les grands auteurs qui m’ont servi de guides,
Je les admire, ils furent intrépides ;
Je ne pourrai jamais être aussi fort.
Les pommiers
Au jardin de Newton sont douze grands pommiers,
Leurs places sagement leur furent assignées ;
Le domaine est tenu par un brave fermier,
Nulle tâche par lui ne sera dédaignée.
La maison du chercheur, de lumière baignée,
Vibre d’activité, de la cave au grenier ;
La tête du savant, de bon sens imprégnée,
Déborde, ce matin, de songes printaniers.
L’esprit de ce héros bien rarement s’égare,
Il n’est pas de ceux qui n’ont rien dans le cigare ;
Déjà, dans son enfance, il nous émerveillait.
Dans un monde tordu son âme reste droite,
Elle est fort rigoureuse, elle n’est pas étroite ;
Il atteindrait la Lune, un jour, s’il l’essayait.
.
Dernière édition par Cochonfucius le Ven 7 Oct 2022 - 9:36, édité 1 fois
Démon frivole
Le diable est danseur de tango,
Car c’est la danse qu’il préfère ;
C’est l’occasion d’avoir affaire
Aux gens qui sentent le fagot.
Il s’agite en pas inégaux,
Être en rythme, ça l’indiffère ;
Partenaire, faudra t’y faire,
Ne contrarie pas son ego.
Il dit « C’est pour nous refroidir
Et c’est pour nous désengourdir,
Ne craignez rien, douce Eurydice. »
La belle qui ne répond rien
Regrette ses amants terriens,
Eux qui son absence maudissent.
Force de l’oie
Du cosmos, l’oie comprend les lois,
Car elle y trouve ses repères ;
Ce sont la musique des sphères
Ainsi que la règle de trois.
Ce palmipède a le coeur droit,
Lui qui fit honneur à son son père ;
Les difficultés, il les gère,
Il ne craint le chaud ni le froid.
Il sait contrôler ses dépenses,
Il dit toujours tout ce qu’il pense,
Sans se répandre en grands discours.
Ses amours ne sont point fanées,
En dépit du poids des années ;
Elles lui sont d’un grand secours.
Trois fleurs éphémères
Leur charme sera-t-il par leur mort aboli ?
Dans le pré s’interroge un sagace herbivore ;
Troublé par la question que son âme élabore,
Il erre à petits pas sous le ciel qui pâlit.
Ainsi qu’un artisan qui son oeuvre polit,
La nature au printemps cet herbage décore ;
Ou bien c’est le travail de la déesse Flore,
Assistée quelquefois par un démon joli.
Fleurs sans être des fleurs, dit un poète en Chine ;
Sur le bord du papier son ami les dessine,
J’ai lu ce texte-là, mais je ne sais plus où.
Après elles viendront des floraisons nouvelles,
Aucun être ici-bas n’a de vie éternelle ;
Dans nos coeurs, les défunts disent « Souvenez-vous ».
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