Sagesse du pluvian
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Chèvre de sable
Je marche le long d’un ravin,
Je suis une bête indocile ;
J’évite les parcours faciles,
Tu me les montres, c’est en vain.
Chevrier, va boire ton vin,
Prends tes aises dans ton asile ;
Moi, j’irai voir le bouc Basile,
C’est un reproducteur divin.
Ici vient aussi le Satyre
Que tant de bergers combattirent ;
Tous les trois, nous nous égayons.
Nous sauterons comme des lièvres,
Baignés dans les tièdes rayons
D’un soleil qui n’a rien de mièvre.
Dragon de sable
Le dragon noir n’a pas de loi,
Il est dépourvu de repères ;
Avec des femmes adultères
Il se débauche, et puis il boit.
Lui, qui jamais n’eut le coeur droit,
Vécut d’entreprises précaires ;
Douteuses furent ses affaires,
Des arnaqueurs il fut le roi.
Ses regards sont pleins d’insolence ;
Fausses sont toutes ses balances,
Impertinents sont ses discours.
La Terre est par lui profanée
Au fil des jours et des années ;
Contre lui je cherche un recours.
Grenouille démoniaque
Je suis la diablesse Artémise,
Préparatrice de poisons ;
Je fais des trous dans les cloisons
Pour voir les nonnes sans chemise.
Douze hommes sont sous mon emprise
Et je ris de leur déraison ;
Ils en ont pour plusieurs saisons,
Chacun d’eux souffre et se méprise.
Je leur ferai perdre la foi
Ainsi que leur respect des lois ;
Ils vivront en disharmonie.
Je défie leurs prédicateurs,
Les experts et les amateurs ;
Car le Créateur je renie.
Étoile de sable
Je ne vois rien quand je la sonde,
Malgré mes calculs rigoureux :
Le ciel qui en lumière abonde
Ici paraît avoir un creux.
Pourrait-il s’agir d’un non-monde ?
D’un métacosmos fabuleux ?
Ah, mon ignorance est profonde,
Tout ça me semble nébuleux.
C’est comme un signal de détresse,
Ce soleil qui jamais ne luit
Mais les lois du monde transgresse.
Mes yeux fixent le ciel de nuit
Qui me semble un tableau funèbre ;
J’y cherche l’astre de ténèbres.
Barque de septembre
Je vais de l’une à l’autre rive,
Sans craindre les nuages noirs ;
Je vais du matin jusqu’au soir,
J’aime les errances tardives.
Quelques ondines fugitives
Discrètement se laissent voir ;
Elles sont porteuses d’espoir,
Ces ambassadrices furtives.
L’ondin dans son manoir s’endort,
Les feux s’allument dans le port ;
Je veux reposer ma carène.
Je ne vais donc rien ajouter,
Mieux vaudra la voix souveraine
Du silence, à n’en point douter.
Trinité nébuleuse
Ces trois hypostases vieillottes
Ne font plus rien que paresser ;
Presque heureuses de régresser,
Assez loin du monde elles flottent.
Ces trois cervelles de linotte
Ont bien désappris à penser ;
L’Univers leur semble insensé,
Une harmonie de fausses notes.
Au matin chantent trois oiseaux
Pour elles, parmi les roseaux ;
Cela ne touche pas leur âme.
Leur voix qui ne parle jamais
Nous est inconnu, désormais ;
Prenons refuge en Notre Dame.
Calice au pays des merveilles
Le lapin blanc n’est pas un saint,
Que jadis poursuivit Alice ;
Mais il n’a pas trop de malice,
Pas plus qu’un très jeune poussin.
Je vois de Lewis les dessins
Qui sont marrants, c’est un délice ;
De cet univers, les coulisses
N’abritent rien de trop malsain.
Quel plaisir de perdre la boule
Avec les cartes en émoi !
Car ici, chacun se défoule.
Le calice a dit « Buvez-moi » ;
Humpty Dumpty parle à des poules,
La Reine se moque du Roi.
Planète des tourteaux
Ici, quelques seigneurs étranges
Sous leur belle armure sont nus ;
Ne les prends pas pour des archanges
Oeuvrant pour des dieux inconnus.
Les politesses qu’ils échangent
Sont dans un jargon saugrenu ;
Leurs jardins sont des lacs de fange,
Nul arbre n’y est bienvenu.
Jamais ils ne m’ont fait envie,
Je ne saurais vivre leur vie :
Je ne suis pas assez subtil.
Leurs courtisans sont des éponges
Qui dans cette vase se plongent,
Goûtant ses relents volatils.
Blé d’argent
Récolte que nul ne méprise,
Trésor déployé sous les cieux ;
Son fruit se consomme aux Saints Lieux,
Dans la chapelle, dans l’église.
Les épis dansent sous la brise,
Un pavot brille en leur milieu ;
Le doux bleuet ravit mes yeux,
De cette harmonie je me grise.
Dans peu de temps viendra la nuit
Et notre vie aussi s’enfuit ;
Nous boirons la lie du calice.
Nous quitterons joies et soucis ;
Il faut s’en aller, c’est ainsi,
Ne plus voir les blés qui mûrissent.
Re: Sagesse du pluvian
À nos regards il est caché,
Cet étrange cousin de l’Être ;
Tout ce qui vient à disparaître
Ira chez lui se retrancher.
Personne ne le peut toucher,
Personne ne sera son maître ;
Lui, qui dans tous les lieux peut naître,
À nul d’entre eux n’est attaché.
C’est une imposante muraille,
Ce sont d’augustes funérailles
Et c’est un abîme béant.
De n’être rien, c’est sa nature,
Il surpasse ainsi les géants
Et nourrit la littérature.
Re: Sagesse du pluvian
La nef rarement voit un port,
Elle est souvent loin des rivages ;
Fuyant la guerre et ses ravages,
Elle avance en tirant des bords.
Les marins sont des hommes forts,
Tu peux compter sur leur courage ;
Ils ont vécu plusieurs naufrages
Et presque tutoyé la mort.
Ils ont croisé des blocs de glace,
Aimé des sirènes salaces
Et bu avec des ondins fous.
Les vents jamais ne se reposent ;
C’est ainsi, c’est le cours des choses
Et nous le suivrons jusqu’au bout.
Tour précaire
Une fragile tour s’élève
Dans la grise lueur du jour ;
C’est un bien modeste séjour,
Ce n’est pas un palais de rêve.
Sur la pierre le lierre court,
Qui jamais n’est à court de sève ;
Tu le verras verdir sans trêve
Comme si c’était pour toujours.
Ici fut jadis un empire
Régi par de très nobles sires ;
Les diables savent où ils sont.
L’Histoire est faite de ratages,
C’est un poème en mille pages
Qui finit en queue de poisson.
Tortue qui chante
Je divertis le tavernier
Avec quelques couplets débiles ;
La belle tavernière Odile
Les a transcrits sur le papier.
Les buveurs me sont familiers,
Dont les âmes sont peu subtiles ;
Le plus fidèle, c’est Achille
Qui du comptoir est le pilier.
Ils ignorent le goût de l’eau
Mais savent celui de la bière ;
Odile leur en verse à flots.
Pas de télé, pas de rugby,
Quelques chansons dans la lumière ;
Que du banal, rien de zarbi.
Particule étrange
Inexplicable est ma structure,
Je suis un objet hasardeux ;
Je suis unique, je suis deux,
Insaisissable est ma nature.
Je ne sais depuis quand je dure,
Rien n’est pour moi très lumineux ;
L’univers est un sac de noeuds,
C’est un désordre de soudures.
Ça ne saurait me tourmenter ;
Qu’importe mon identité ?
Je savoure le temps qui passe.
Toi aussi, laisse-toi flotter,
Installe ton corps dans l’espace
Et le temps, qui te vont porter.
Bannière ducale
C’est un étendard dans le vent,
Cet emblème est sacré pour nous ;
Sur le sol posant un genou,
Le Duc le salue noblement.
Derrière lui, trois régiments
Qui se tiennent au garde-à-vous ;
Même un vieux rhapsode est debout,
Plongé dans le recueillement.
Plus tard surviendront des penseurs,
Des plaisantins et des danseurs,
Plus un vieux moine, frère Luc.
Puis les seigneurs boiront parmi
Leurs serviteurs et leurs amis,
Trinquant à la santé du Duc.
Ange-oiseau
Cet ange n’a point forme humaine,
Car c’est un petit oiseau blanc ;
Son vol est assez nonchalant,
Non loin du sol il se promène.
Licorne d’octobre
Que sont devenus mes plaisirs,
Pourquoi mon corps se croit-il sage ?
Comment retrouver le désir
Qui m’enflammait sur son passage ?
Je n’ai maintenant pour loisirs
Que de futiles bricolages ;
Certes, j’ai dû, pour les choisir,
Abandonner tout mon courage.
À la paresse abandonné,
Je ne sais à quoi m’adonner ;
Que le Seigneur veuille m’absoudre !
La mort dissoudra mes soucis,
Quand mon corps sera cendre et poudre ;
Car Dieu veut qu’il en soit ainsi.
Une tour, deux mille langues
Ce que l’un sait, l’autre l’ignore,
Chacun n’a qu’un savoir réduit ;
La rime en erreur nous induit,
Trompeur est son attrait sonore.
De lourds lexiques s’élaborent,
Qui s’agrandissent jour et nuit ;
Des érudits, le talent luit
Surtout dans l’art des métaphores.
Quand leurs arguments sont obscurs,
Quand ils débouchent sur un mur,
Il leur reste la poésie.
C’est elle qui sait le chemin
Où l’éternel effort humain
Trouve rigueur et fantaisie.
Arbre sans allégeance
Ma loi, c’est la pensée sauvage,
Car je suis libre comme l’air ;
J’ai l’âme sobre et l’esprit clair,
Que nul désespoir ne ravage.
Je vis heureux, car je suis sage,
Je n’ai point de regrets amers ;
Je ne suis jamais sur les nerfs,
Jamais je ne me mets en rage.
Nul faune de moi n’est épris,
Que personne n’en soit surpris ;
Mais j’aime une dryade douce.
Je n’ai de foi dans aucun dieu,
Qu’il soit d’inframonde ou des cieux ;
Je respecte tout ce qui pousse.
Sagesse mégalithique
« Sobre est du dolmen la nature,
C’est bien pour cela qu’il est beau » ;
Ainsi parlait un vieux corbeau
En admirant cette structure.
Témoin d’une antique culture,
Aux légendes il fait écho ;
De très vieux textes cléricaux
Racontent cette architecture.
Plusieurs poètes éminents,
Qui vont leur rimes combinant,
Chantent ce monument étrange.
Cependant, rien n’est éternel
De minéral ou de charnel,
Pas plus les dolmens que les anges.
Barque amnésique
Cette nef perdit la mémoire,
Ça ne la gêne pas beaucoup ;
Elle confond Garonne et Loire,
Ses quelques souvenirs sont flous.
Elle ignore sa propre histoire,
Ne la sachant ni peu ni prou ;
Elle décline, c’est notoire,
Elle a de l’eau perdu le goût.
Le monde lui semble un grand vide ;
L’atmosphère n’est plus limpide,
Elle porte mille dangers.
Les oiseaux lui parlent encore ;
C’est pour elle un non-sens sonore,
Un afflux de mots étrangers.
Dragon du vin de messe
Buvant à tire larigot,
Ce fringant dragon se déprave ;
En notre église Saint-Gustave,
Il nargue tous les buveurs d’eau.
Au bon prêtre il tourne le dos,
Dont il dévalise la cave ;
Les anges du ciel, il les brave,
Les brocardant en son argot.
Il nous sourit quand il a bu ;
De lui-même il est fort imbu,
Alors qu’il n’est qu’une fripouille.
Que faire de ce malappris ?
Nous le traitons par le mépris ;
De peu de chose il nous dépouille.
Cygne allemand
Cet oiseau disserte sur l’Être,
C’est un penseur de bon aloi ;
Du cosmos il apprend les lois,
Finissant par bien les connaître.
Il se souvient de ses vieux maîtres,
Il les évoque maintes fois ;
C’étaient des gens dignes de foi,
Sur ce monde ouvrant des fenêtres.
Il sait des contes populaires,
Mais aussi des blagues vulgaires ;
Il les raconte en allemand.
Il a de bons copains en France,
De joyeux compagnons d’errance ;
Tout lui plaît bien, finalement.
Hibou silencieux
Au mutisme je suis enclin,
Rêveur dans la nuit étoilée ;
Je pense aux âmes en allées,
Ainsi qu’à mon propre déclin.
Par mon maître, un vieux pangolin,
Me fut la clarté dévoilée ;
À d’autres je l’ai révélée,
Même au grand âne du moulin.
Nous sommes des bêtes pensantes,
Ce que bien des humains pressentent ;
Ça ne date pas d’aujourd’hui.
Mon silence point ne se brise,
Qui dure tout au long de la nuit ;
Du crépuscule à l’aube grise.
Particule qui danse
C’est un corpuscule vibrant
Sous l’effet d’une force obscure ;
La pesanteur, il n’en a cure,
L’espace est, pour lui, transparent.
Il n’a pas de nom, c’est marrant ;
Absent de la nomenclature
Il se déplace à l’aventure,
Car c’est, pour toujours, un errant.
Ni le passé, ni l’avenir,
Il ne saurait les définir ;
Ne croyez pas qu’il s’en alarme.
Les physiciens cherchent en vain
À capter son étrange charme ;
Mais jusqu’ici, nul n’y parvint.
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