Sagesse du pluvian
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Chevalier sans épée
Je marche au long de la rivière,
Mes biens, je les ai délaissés ;
Maintenant j’oublie mon passé,
Demain je retourne en poussière.
Pas de glaive, pas de rapière,
Pas de projectile à lancer ;
Désormais je veux commencer
Un long chemin vers la lumière.
Une musique sans orchestre,
Un sobre logement rupestre,
La vie simple, vous m’entendez.
Je suis le plus chétif des êtres
Mais jamais je ne serai traître
À ce qu’un dieu m’a commandé.
Manoir altier
Perdu au fin fond de la Creuse,
L’édifice est assez discret;
Entouré de sylves ombreuses,
Bâti d’imposants blocs de grès.
L’approche n’est pas dangereuse,
Ce sont des chemins de forêt ;
Les visites sont peu nombreuses,
Mais moins rares qu’il n”y paraît.
En ce lieu règne une harmonie
De modestes cérémonies ;
L’un boit du vin, l’autre du thé.
Un autre au sommeil s’abandonne
Cependant qu’un barde fredonne
Un couplet qu’il vient d’inventer.
Cinq fleurs
Voici cinq fleurs que l’on adore,
Aimées en tout temps, en tout lieu ;
C’est une saveur pour les yeux,
Au crépuscule ou dans l’aurore.
Merveille de les voir éclore,
Vraiment, c’est le plaisir les dieux ;
Je sens qu’elles font de leur mieux
Et peut-être un peu plus encore.
Cela vient petit à petit,
Tous les tons sont bien assortis ;
Rien à redire, elles sont belles.
Ça s’en va, c’est pour revenir,
Comme revient un souvenir ;
La fleur sait qu’on se languit d’elle.
Renard intrépide
Moi qui ne manque pas d’audace,
Je suis un fauve en liberté ;
Rien ne saurait me tourmenter
Partout je me sens à ma place.
Je tiens la route et je fais face
À toutes les adversités ;
Je maîtrise l’immensité
De l’univers qui te dépasse
Je comprends la ligne et le plan,
Je connais le chêne et le gland ;
Aussi, le meilleur et le pire.
Rien de nouveau sous le soleil ;
Le Créateur est en sommeil,
Sans nul souci de son empire.
Cygne muet
Vêtu de mon plumage gris,
Je suis comme une étoile éteinte ;
Je ne chante aucune complainte,
Jamais je ne lance aucun cri.
Je suis terne, mais pas flétri,
Car ma bonne humeur n’est pas feinte ;
Au troquet je vide une pinte,
La tavernière me sourit.
Je suis honnête et je suis chaste,
Et calme, même quand j’ai bu ;
Je m’abstiens de tous les abus.
Je suis de la meilleure caste,
Celle qui comprend la philo
Et qui compose ex nihilo.
Arbre noir
L’arbre qu’ont connu mes ancêtres,
Il est noir, été comme hiver :
Selon les lois de l’univers
C’est bien ainsi qu’il devait être..
Cet arbre n’a ni Dieu ni maître
Et c’est là son moindre travers ;
Tous ceux qui voudraient qu’il fût vert,
Il a su les envoyer paître.
Tu ne feras rien de son bois
Il en est de meilleurs, crois-moi ;
Choisis plutôt le sycomore.
Ce bois noir dont rien tu ne fais,
C’est un trésor, et plus encore ;
Il est inutile et parfait.
Monstre calme
Jamais je n’eus soif d’aventure,
L’ordinaire me suffit bien ;
Donc, le banal, le quotidien,
C’est ce qu’il faut à ma nature.
Bien frugale est ma nourriture,
Et je la prends comme elle vient ;
J’aime ce corps, je l’entretiens
Sans le gaver de confiture.
De n’avoir pas ce que je veux
Ça ne me rend pas trop nerveux.
Je m’arrange de ce qui reste.
Quand viendra le temps de l’adieu ?
Ce n’est guère loin, je suis vieux ;
Ma tombe aussi sera modeste
Porte vers la science
C’est l’entrée d’un lieu de silence,
D’un îlot de calme parfait ;
Entre, et tu seras stupéfait
De voir tout un peuple qui pense.
Ce trésor de sagesse immense,
C’est au quotidien qu’il se fait ;
D’un commun effort c’est l’effet,
D’une longue persévérance.
Calcul simple ou calcul ardu,
Et chacun s’y montre assidu ;
On classe on décrit, puis on nomme.
Ici s’élaborent des lois
Qui toutes sont de bon aloi ;
Trouver,c’est le propre de l’homme.
Diable triple
Le Père est un démon frugal,
Picorant avec sa fourchette ;
Les sombres âmes qu’il achète
Lui sont un modeste régal.
Le Fils fait du troc illégal,
Sa complice est la fée Mouchette ;
Ils trafiquent dans leur cachette,
C’est mal, mais ça leur est égal.
L’Esprit savoure une liqueur
En affirmant d’un ton moqueur
Que Dieu n’a qu’à boire aux fontaines.
Cette Trinité croit avoir
De spectaculaires pouvoirs ;
Mais la chose est très incertaine.
Purgatoire des grenouilles
Tu nous vois ici, désarmées,
C’est triste, ce n’est pas marrant ;
Les Portes du Ciel sont fermées,
Guère d’espoir, c’est effarant.
Nous eûmes bonne renommée,
Ainsi que l’eurent nos parents ;
Maintenant, nous voilà paumées
Sans aucun recours apparent.
Allons ! Ces jours de purgatoire,
Nous n’en ferons pas une histoire
On va se taire un peu, c’est mieux.
Par où sortir ? C’est un mystère,
Comme le sont les lois austères
Que nous subissons en ces lieux.
Canard gris
Je suis un canard,je suis vieux,
Je suis seul et je périclite ;
Tout à l’oisiveté m’incite,
Car c’est ce qui me va le mieux.
Aucune richesse en ce lieu
C’est le refuge d’un ermite ;
Assez rares sont les visites,
J’ai des amis sous d’autres cieux.
Cet ermitage est moins austère
Que ne le sont les monastères ;
On y vit avec ou sans Dieu.
Dans mes rêves chantonne un barde
Issu d’un modeste milieu ;
Il apprivoise la Camarde.
Fantôme d’un pelgrane
Moi, j’ai vécu dans l’imposture,
Tout mon mérite est inventé ;
Je squatte ce manoir hanté
Où j’agis selon ma nature.
Loin d’être un terrain d’aventures,
C’est un lieu de sérénité ;
Les heures dans l’obscurité,
Vont glisser sur cette structure.
Les instants vont se déployer;
Dans lesquels je vais me noyer
Cela n’est pas sans agrément
J’écouterai l’horloge sourde,
Je l’écouterai sagement ;
Mon âme est de moins en moins lourde.
Veilleur d’inframonde
Aucun vivant ne s’aventure
Sur ce chemin, je le sais bien ;
Mais je suis là, digne gardien
Du jardin des mille tortures.
« Accomplir faut les Écritures »
Dit un ouvrage fort ancien ;
Même les châtiments, j’y tiens,
Qui s’appliquent aux créatures.
Je dois donc veiller dans la nuit,
Celle où bien souvent rien ne luit ;
Les heures passent, je demeure.
Venez, chercheurs de vérité,
S’il advient que votre espoir meure,
C”est que vous l’aurez mérité.
Fraternité léonine
Nous sommes de tendresse armés,
C’est une forme de sagesse;
Chacun par son frère est charmé,
Chacun pour l’autre a des largesses.
Notre mère nous a nommés
De deux noms chargés de noblesse ;
Ces vocables sont fort aimés
De sa cousine la tigresse.
Nous qui savons passer le temps
Sans rien accomplir d’important,
Cette vie nous est supportable.
Notre père, un modeste dieu,
Commence à se faire un peu vieux ;
Il n’a plus rien de redoutable.
Trésor clandestin
C’est un voyageur solitaire
Partant sans espoir de retour ;
Il porte un fardeau, pas très lourd,
Qui s’enveloppe de mystère.
Cet homme est le dépositaire
D’étonnantes lettres d’amour ;
Langage auquel il n’est pas sourd,
Ça lui réchauffe ses artères.
Il veut les porter au désert,
Pour quel motif, ce n’est pas clair ;
C’est un des secrets de son âme.
Serait-ce l’effet d’un regret ?
Nous n’en savons rien de concret,
C”est une embrouille qui se trame.
Poisson vagabond
J’erre en contrebas du rivage,
Soit vers l’aval, soit à rebours ;
Rien d’important sur mon parcours,
C’est un rassurant paysage.
Des humains marchent sur les plages,
Même, parfois, l’un d’entre eux court ;
Je ne retiens pas leurs discours,
Tout cela, c’est du bavardage.
Même leur langage amoureux
N’a rien pour moi de savoureux,
Car il sent trop le mélodrame.
Je laisse donc le flot passer ;
J’y vois chaque barque glisser,
Sans jalouser le gars qui rame.
Oiseau sérieux
Ce volatile est un charmeur,
C’est un oiseau, c’est presque un ange ;
Son âme est bleue comme une orange,
Toujours il est de bonne humeur.
Il souffle des mots aux rimeurs,
Parfois banals, parfois étranges ;
Nous, plumitifs, on s’en arrange
Sans que ça nous rende frimeurs.
Il ne se nourrit pas de mouches ;
À nul autre insecte il ne touche,
Il grignote des grains de mil.
C’est un oiseau savant et brave,
Un volatile heureux et grave ;
Il n’en est point de plus subtil.
Monstre las
Je suis comme un débris flottant,
Comme une épave paresseuse ;
Mon âme qui fut maraudeuse
Reste sur place, en végétant.
Il est loin, mon trop vif printemps,
Car voici la saison frileuse ;
Voici la fin de vie songeuse,
Car de vivre, il n’en est plus temps.
Comme une nef désemparée,
Comme une hirondelle égarée,
Cette âme vit dans le tourment.
L’hiver en lui-même se change,
Imperceptible changement ;
C’est naturel et c’est étrange.
Voile dans le vent
La nef prend le vent quelquefois,
Qui de sa voilure est munie ;
Le vent nous propulse, et la foi,
Et notre mâture bénie.
Ce sont des mâts du meilleur bois,
Venus des Provinces-Unies ;
Notre reine en a fait le choix
Au prix de quelques insomnies.
Le vent, tu ne peux le saisir
Et moins encore le choisir ;
Et nous l’utilisons, pourtant.
Il fait la pluie et le beau temps :
Il s’enfle et puis il diminue,
Presque plus rien, brise ténue.
Planète charbonneuse
Terre de noirceur et d’outrance,
Berceau de sinistres penseurs ;
C’est une foule d’offenseurs,
Grands amateurs de remontrances.
D’aller là-bas je me dispense,
Je n’aime pas les sermonneurs ;
Je ne leur ferai point l’honneur
D’aller leur dire à quoi je pense..
Ils font des Guerres de Cent Ans,
De ces horreurs ils sont contents ;
Vraiment, ce sont tous des faux frères.
Leurs sources d’eau vont se tarir,
Leurs cultures vont se flétrir ;
De ce monde ils vont se soustraire.
Poids et mesure
Je suis une balance obscure,
J’accomplis d’implacables lois ;
J’évalue tout ce que je vois,
J’en interprète la structure.
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Les êtres, selon leur nature,
Ont une taille, ils ont un poids ;
Un corps,aussi menu qu’il soit,
Possède son architecture.
Je suis juge de l’Univers,
En long, en large et en travers ;
Car je suis arbitre des nombres.
J’ignore à quoi ça peut servir ;
Ce qui suffit à me ravir,
C’est d’être balance de l’ombre.
Roi fantasque
Le roi lance un cri de corbeau,
Ça vient de son côté funèbre ;
Sa folie l’a rendu célèbre,
C”est son blason, c’est son flambeau.
Il fleurit son propre tombeau,
Cet âne, ce drôle de zèbre,
Son intellect n’est que ténèbres,
Sa comprenette est en lambeaux.
Ce roi jamais ne fut instruit,
Car les leçons glissent sur lui
Qui les prend pour de bonnes farces.
Son père vint des bas quartiers
Et sa mère fut une garce,
Sa vie est un mauvais sentier.
Flamme grise
Flamme de deux âmes jumelles,
Conjugaison de leurs ardeurs ;
Attisée par un vent frondeur,
Elle rayonne de plus belle.
Qu’importe au fond ce vent rebelle ?
C’’est le messager du bonheur ;
Ami des flammes et des fleurs,
Il leur dit de bonnes nouvelles.
Flamme terrestre et vent des cieux,
De quoi t’en mettre plein les yeux ;
Plus qu’un barde ne peut le dire.
Mais ce vent, ce n’est que de l’air,
Ce qu’il nous dit, ce n’est pas clair,
J’appelle cela du délire.
Branche fossile
Branche inerte que l’on dispose
À côté d’un vase de fleurs ;
Assez triste en est la couleur,
C’est une pitoyable chose.
Ce qui vécut se décompose,
Tel est de Chronos le labeur ;
Il est sage, il n’est pas trompeur,
Cette bonne règle il impose.
De tant d’éphémères beautés
Tu ne verras rien subsister,
Ça ne mérite aucune glose.
Mais ce fossile de malheur,
Quelle en sera donc la valeur ?
Calcule-la, toi, si tu l’oses.
Lézard vaillant
Ce lézard est un grand prophète,
Il extermine les vautours ;
Devant la foule stupéfaite,
Il les avale tour à tour.
Il n’a subi nulle défaite,
Il n’a jamais fait de détour ;
Il boit du cidre, il fait la fête,
Il arbore ses beaux atours.
C’est une bête de spectacle,,
C’est un voyant, c’est un oracle,
Jamais je n’ai vu son pareil.
À la fin, le cidre l’enivre ;
Ça l’endort et ça le délivre,
Il fait sa sieste en plein soleil.
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