Sagesse du pluvian
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Moulin démesuré
Ce grand moulin se prend pour une cathédrale,
Il se voudrait aussi défenseur de la foi ;
Mais j’y entends, la nuit, des chansons sépulcrales
Capables d’effrayer les défunts d’autrefois.
Le meunier dit des vers d’une voix magistrale,
Ainsi que des dictons en langue des Gaulois ;
Ça fait fuir les démons jusqu’à la voûte astrale
Dont inutilement ils contestent les lois.
Jusqu’au petit matin j’écoute leurs insultes,
Mais je n’y comprends rien, c’est un langage occulte,
J’en viens à préférer leurs ignobles chansons.
Quand vient le grand soleil, ils ferment leurs paupières,
Ils restent sans bouger sous le vieux Pont de Pierre ;
Avec moi le meunier partage une boisson.
Le complexe d’Icare
Voler au loin, telle est mon espérance,
Mais le Soleil me met au désespoir ;
La cire fond sous cet ardent chauffoir,
Je suis perdu, selon toute apparence.
Mon père m’a conseillé la prudence,
Par mon échec, je le vais décevoir ;
En inframonde ils vont me recevoir,
Les noirs démons, dans leur outrecuidance.
J’affronterai la mort sans être amer,
Dans la montagne ou dans le fond des mers,
Où tant d’humains l’ont déjà rencontrée.
Ainsi devra mon récit s’achever,
D’un qui voulut noblement s’élever
Pour découvrir d’accueillantes contrées.
Dauphin du Port de la Lune
Profonde est la Garonne, il n’en faut pas douter,
De mystère est empli cet insondable espace ;
S’y promène un dauphin, ne laissant nulle trace,
Qui du menu fretin est vraiment redouté.
Il a beaucoup appris, car il sait écouter,
Lui qui n’aura jamais le coeur à marée basse ;
L’ondin le congratule et l’ondine l’embrasse,
Sous le vieux Pont de Pierre ils prennent leur goûter.
Quand la muse survient dans sa modeste barque,
Le dauphin lui sourit, comme le fit Pétrarque ;
Du moyen de séduire, il n’est pas dépourvu.
Ira-t-il visiter d’autres fleuves de France ?
C’est le nôtre, je crois, qui a sa préférence ;
Pourtant, dans la Dordogne, un poète l’a vu.
Ambipalefroi modeste
Je suis un bon cheval, mais je suis un peu lourd,
Je devrais prendre garde à ce que je dévore ;
Mais la sobriété ne me vient pas encore,
Je savoure aujourd’hui mon festin de ce jour.
De l’ambidestrier j’entends les longs discours,
Il en sait plus que moi sur la faune et la flore ;
Il peut même chanter de vieux airs du folklore,
Au grand amusement du Roi et de sa cour.
J’évite, pour ma part, ce qui est trop ardu,
Face aux difficultés je suis un peu perdu ;
J’aime l’oisiveté, comme une brave bête.
Aux uns va le labeur, aux autres le pouvoir,
Dans sa sphère chacun se doit de se mouvoir,
Sauf quelques égarés qui n’en font qu’à leur tête.
Arbres impériaux
Ces arbres ont grandi sur la vaste terrasse,
Adoucissant l’ardeur des étés assoiffants ;
Sous leur ombre un penseur s’en va philosophant
À propos des rapports du temps et de l’espace.
Ceux-là ne craignent point la neige ni la glace
Sous lesquelles je vois leurs sommets triomphants ;
Ils savent consoler le vieillard et l’enfant,
De tendres amoureux près d’un d’entre eux s’enlacent.
Ces lieux sont fréquentés par un petit ours brun
Qui de l’air forestier savoure les parfums ;
Nous le voyons aussi danser dans l’aube claire.
Quoi de plus apaisant qu’un grand arbre qui dort ?
La dryade en rêvant peigne ses cheveux d’or,
Songeant sans désespoir aux ans qui s’en allèrent.
Amphore lumineuse
Verte dans la lumière blanche,
L’argile reflète l’azur ;
Immobile sur le sol dur,
C’est moi qui toute soif étanche.
Jour de semaine ou bien dimanche,
Tu boiras, adossé au mur ;
Je contiens un liquide pur
Qui de charmants rêves déclenche.
Cette journée sera splendide,
C’est une offrande du destin ;
C’est de ton bonheur le matin.
Ne me crains point, buveur candide,
Car je t’offre une éternité ;
Tu devras donc en profiter.
Étalon rêveur
J’aime cette jument dont la crinière est blonde,
Lumineux le regard et provocants les cils ;
Mais c’est une rusée qui me croit peu subtil
Et peu digne, vraiment, d’accéder à son monde.
Je lui parle de loin, ses frères me répondent
Que si je m’approchais, je serais en péril ;
Moi qui ne veux pourtant rien proposer de vil,
Avec un délinquant, sans doute, ils me confondent.
Aristote l’a dit, les femmes sont étranges,
Surtout celles, vois-tu, qui te semblent des anges ;
Respectons ce penseur, il est de bon conseil.
Mais, aimable lecteur, si leur cause tu plaides,
Composant un poème à nul autre pareil,
Je comprendrai que c’est pour venir à mon aide.
Le seigneur d’Epsilon Alaudae
C’est ici l’univers du délire et du songe,
Lequel est au pouvoir d’un seigneur inhumain ;
Les messages d’espoir y sont sans lendemain,
L’étoile est appelée le Flambeau du Mensonge.
Les rares habitants dans leur tourment se plongent,
Priant pour rencontrer la Camarde en chemin ;
Cent mille faux récits couvrent des parchemins,
Qu’un scribe trace à l’heure où les ombres s’allongent.
Pourquoi n’allez-vous pas vers d’autres horizons,
Ainsi que, d’après moi, le voudrait la raison ?
Ils ne répondent rien, ces bipèdes placides.
D’atteindre un autre monde ils n’ont pas le dessein,
Ni d’avoir le secours de la Vierge ou des Saints,
Diluant leur chagrin dans un vin trop acide.
Un monstre parle
Je n’y peux vraiment rien si mon corps est étrange,
J’ai dû depuis longtemps me faire une raison ;
Mon physique amusait la princesse d’Orange
Dont le cristallin rire égayait sa maison.
En vain, soigneusement, pour sortir je m’arrange,
Portant élégamment ma tenue de saison ;
On dirait que sur moi la nature se venge,
Sans pouvoir altérer, cependant, mon blason.
J’ai bien à ce sujet prié Sainte Benoîte ;
Loin de me secourir, elle m’a mis en boîte
En me donnant le nom d’Homme à Tête de Chou.
En vain mon portraitiste ajuste sa palette,
En vain les magiciens redressent mon squelette,
Sans résultat j’absorbe un remède mandchou.
Caillou qui vient de l’espace
Les diables ont du ciel un roc précipité,
Pour cela choisissant la nuit la plus propice ;
Était-ce un bon présage, était-ce un maléfice ?
L’abbé sur ce mystère a longtemps médité.
Par nul évangéliste un tel fait n’est cité,
Ni par aucun décret venant du Saint Office ;
Les moines ont choisi d’en tirer bénéfice,
Chose qu’ils font souvent, dans leur simplicité.
Disant que ce bolide était un don de Dieu,
Le peuple construisit une église en ce lieu,
Faite pour abriter cette magique pierre.
Cent mille voyageurs du caillou sont épris,
Qui le trajet pédestre ont en choeur entrepris ;
J’aurai toujours un mot pour eux dans mes prières.
Saint Ambichien
C’est un bel animal, modèle de constance,
Il est en oraison la nuit comme le jour ;
Sa cellule lui semble un aimable séjour,
La règle monastique est à sa convenance.
Il prend un vif plaisir à garder le silence,
Mais il siège au chapitre, il y parle à son tour ;
Il sait argumenter sans le moindre détour,
Car juste et fidèle est de son coeur la balance.
Il taquina jadis la rime et la raison,
Du temps qu’il habitait une jolie maison ;
Il n’écrit aujourd’hui que quelques paraboles.
Lui qui n’est nullement en son cloître emmuré,
Il honore parfois la table du curé,
Accompagnant le vin de doctes fariboles.
Taureau de Rabelais
Son breuvage est du vin, ses propos sont des vannes,
C’est le Taureau suprême, éclatant de santé ;
De plus d’une génisse honorant la beauté,
Il serait Dupanloup s’il portait la soutane.
Son maître a pour demeure une pauvre cabane
Où le vent peut entrer par les quatre côtés ;
Ce coin de la campagne est fort peu fréquenté,
Mais un meunier parfois y promène son âne.
À midi le taureau boit son vin sans rien dire
Car il est tout pensif, mais il semble sourire ;
C’est un noble animal, ce n’est pas un blaireau.
Montaigne et Rabelais sont ses points de repère,
Ce sont de beaux recueils qu’il reçut de son père,
Ainsi que des sonnets, ceux de Clément Marot.
Le seigneur Paon Chromatique
Mon modeste plumage a des reflets dorés,
Souvent, dans mon regard, surgit une étincelle ;
Mon corps est un peu lourd, mais mon âme a des ailes,
Je vole en un jardin vivement coloré.
Ma muse chaque jour me taquine à son gré,
Car je suis indulgent pour tout ce qui vient d’elle ;
Même si mes chansons ne sont pas très nouvelles,
Elles viennent à point pour me revigorer.
Je rumine mes mots en parcourant la ville,
Puis je suis accueilli de façon fort civile
Par une tavernière aux aimables discours.
Pour mon coeur vieillissant qui rarement s’enflamme
Je me veux rassurant , ce sonnet je déclame,
Moi qui sais que la rime est mon dernier recours.
Oiseau d’apocalypse
La colombe explique un mystère
À Jean par le doute envahi ;
Lui dont l’esprit fut ébahi
Reçoit la clarté salutaire.
Cet apôtre au profil austère
Ne mange rien le vendredi ;
Mais sa pitance en Paradis
Meilleure sera que sur Terre.
Il nourrit l’oiseau de sa main,
Et lui parle du genre humain
Ou de Lilith, l’étrange reine.
Un ange porteur d’un flambeau
Viendra pour ouvrir les tombeaux
Et vaincre la Mort souveraine.
Sagesse de l’hippotaure
Ce monstre aime les fruits qu’il se met sous la dent,
Il vit sa vie sans fièvre, et sans faire d’histoires ;
Des rires de jadis il nourrit sa mémoire,
Et d’une fleur d’Eden qu’aimait le père Adam.
D’une noble génisse il fut le seul enfant,
Il a connu des nuits et des jours sans déboire ;
Jamais il n’emprunta les sentiers de la gloire,
Il n’a point accompli d’exploits ébouriffants.
Son coeur fut diverti de folles amourettes,
Cela le fit planer au ras des pâquerettes ;
Mais il n’a pas pensé qu’un tel loisir fût vain.
N’attendons pas de lui le moindre chant du cygne,
Il ne demandera qu’un dernier coup de vin,
Lui qui probablement naquit près d’une vigne.
Mélancolie du gardien
Au milieu de la guerre on décide une trêve,
Le gardien de la tour en est presque navré ;
Il contemple le sol, en homme désoeuvré,
Sa vie soudainement lui semble un mauvais rêve.
Il surveille la plaine, il attend la relève,
Arborant son écu vivement coloré ;
Accablé de malheurs, il les veut déplorer,
Brandissant vers le ciel un inutile glaive.
De son entendement la lumière s’éteint,
Il ne sait plus si c’est le soir ou le matin ;
Il plonge en inframonde et croit y voir des anges.
De tout cela s’amuse un officier moqueur,
De ceux qu’aucun soldat ne porte dans son coeur ;
Ainsi passent les jours de cette guerre étrange.
Poissons du miracle
Le fils du charpentier, qui marchait sur les eaux,
S’aventurait aussi dans les déserts sauvages ;
Ses apôtres et lui, bien loin de tout rivage,
Au peuple ont expliqué que l’homme est un roseau.
Ils ont vanté le Dieu qui nourrit les oiseaux,
Fait les montagnes croître et verdir les herbages ;
Quand l’humain comme lui sera puissant et sage,
Sans frémir il verra la Parque et son fuseau.
Cinq pains et deux poissons furent les aliments
Offerts à cette foule à l’avarice encline ;
Bien nourris furent-ils, et surabondamment.
Nos frères poissons pris dans cette main divine
En sont reconnaissants, ton âme le devine ;
Ils ont dit grand merci à ce Sauveur clément.
Taverne forestière
J’entends deux clients qui dissertent,
Un troisième en silence boit ;
La taverne au milieu des bois
Baigne dans leur lumière verte.
La table est de lin blanc couverte,
D’un oiseau résonne la voix ;
Je lis des rimes d’autrefois
Tout récemment redécouvertes.
L’endroit n’est certes pas maudit,
Qui nous tient lieu de paradis
Où nos âmes sont assouvies.
C’est pour notre nef un bon port,
Qui aux vents n’est plus asservie ;
C’est la source du réconfort.
Antiquité d’une maison
Moi, je me dresse auprès d’une friche ombragée,
Au centre du terrain subsiste un arbre mort ;
Tout se met à danser quand le vent souffle fort,
Sauf lui, dont nous voyons la posture inchangée.
Dans la brume souvent cette friche est plongée,
En ces jours elle forme un irréel décor ;
Un spectre y fait glisser son absence de corps,
Nulle phrase avec lui ne peut être échangée.
En ce sombre logis vit un faible rimeur
Qui de quelques sonnets se forge un édifice ;
Il lit plus qu’il n’écrit, insensible aux rumeurs.
À Cupidon jadis offrant des sacrifices,
Il craignait de ce dieu la trop changeante humeur,
Mais lui disait merci pour quelques bons offices.
Tour du penseur solitaire
Ce refuge est bâti en un sinistre lieu,
Souvent l’on y perçoit l’odeur d’un marécage ;
C’est loin des champs de fleurs et c’est loin des bocages,
Un scribe l’a choisi pour y devenir vieux.
Lui qui se complaisait en un juste milieu,
Dans l’extrême ascétisme on dirait qu’il s’engage ;
En sa cellule il vit, tel l’oiseau dans sa cage,
Sans tourner ses regards vers la splendeur des cieux.
Tu ne le verras plus trinquer avec sa bande
De joyeux commensaux, c’est terminé pour lui,
Sa première vigueur n’est plus qu’une légende.
Il ne craint pourtant pas de sombrer dans l’ennui,
Car l’invisible muse en cet exil le suit ;
Toujours cette égérie est de ses mots gourmande.
Minuscule nef d’or
Ce frêle esquif n’est point un vaisseau de transport,
Tu le gouverneras comme tu le désires ;
Si tu l’abandonnais pour un autre navire,
S’en irait l’équipage aux tavernes du port.
Dans le grand vent d’hiver si tu tires des bords,
Le ciel te donnera le meilleur et le pire ;
Neptune est le gardien de ce liquide empire,
Nous dit Haddock jurant par les mille sabords.
Modeste est le vaisseau, mais sa coque est solide,
L’ondin le reconnaît, la sirène le guide ;
Le vent va s’affaiblir et la mer s’assagir.
À la nuit, tu pourras dormir sous une bâche ;
La sirène et l’ondin suffiront à la tâche,
Ils sauront empêcher les monstres de surgir.
Sagesse de l’ambicerf
Bête à double ramure, excellent combattant,
Limpide est mon esprit et vaillante est mon âme ;
Maintes biches au bois pour Seigneur me proclament,
Car j’eus sur maint rival un triomphe éclatant.
J’entends les battements de mon coeur palpitant,
Je respire la brise et le désir m’enflamme ;
Comme un fier chevalier qui convoite une Dame,
Je me livre avec fièvre aux assauts excitants.
Biche aux yeux de velours, n’en sois pas effarée,
Toi que j’ai dans mes vers aux Anges comparée ;
Car j’ai de la tendresse, autant que mes pareils.
Je deviendrai très doux, pour t’être désirable ;
Soyons deux découvreurs de ce monde admirable,
De ce vert paradis que baigne le soleil..
Manoir des rêveurs
Leurs songes sont chargés de sombres signes,
Un dieu leur parle en termes surannés ;
Puis il se met, n’en sois pas étonné,
À leur dicter de sévères consignes.
De l’inframonde ils pensent être dignes,
Car un jardin fut par eux profané ;
Le seul espoir qu’ils ont jadis glané,
C’est quand les cieux leur ont donné la vigne.
Bien effrayés par Jupiter tonnant,
Peu rassurés par les clochers sonnants,
Ils sont soumis à la Parque vorace.
J’ai reçu d’eux, les ayant fréquentés,
Un fier blason joliment pigmenté
Qu’ils ont choisi pour que je l’arborasse.
Chapelle de la princesse fantôme
Au bout d’une rue mal famée,
C’est un édifice discret ;.
Une âme y rumine un regret
Dont l’amertume est assumée.
La nef est de fleurs embaumée
Qu’un roi défunt cueille en secret ;
Sa mère fut Jeanne d’Albret
Par qui la France était charmée.
Le fils de la reine est songeur,
L’autre âme a des yeux ravageurs
Qui son coeur de leurs rayons criblent.
Un bel amour naît en ces lieux
Avec l’approbation des dieux,
Le trépas se fait moins horrible.
Hippoptère
Ce cheval emplumé coûte plus cher qu’un autre,
Mais il vole et jamais ne te laissera choir ;
Il peut même explorer les inframondes noirs,
Puis il est plutôt sobre, il se nourrit d’épeautre.
Lui, qui connaît par coeur les Actes des Apôtres,
N’ira point se vanter de ce vaste savoir ;
Il ne veut pas non plus exercer le pouvoir,
Ni baigner dans le luxe où les riches se vautrent.
Il est fort, il tient tête aux monstres menaçants ;
S’il voit une héroïne, il l’embrasse en passant,
Mais sans aller jusqu’à des relations torrides.
Un dieu peut quelquefois s’incarner en cheval ;
Heureux qui sait alors le tenir par la bride,
Car un tel cavalier ne craindra nul rival.
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