Sagesse du pluvian
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Murmurante église
Trois démons sur l’autel ont déposé des fleurs,
Eux qui ne craignent point d’entrer dans une église ;
Ils consacrent ainsi les biens qu’ils subtilisent,
Auxquels ils n’attribuent pas la moindre valeur.
Un murmure assourdi vient de leur sombre coeur
Qui vibre faiblement, comme sous une brise ;
Dieu sera bienveillant pour leur âme indécise
Qui d’inframonde a pris les sinistres couleurs.
Ils tremblent quelque peu ; est-ce un ange qui passe
Ou un trou noir géant qui traverse l’espace ?
Vers leur triste refuge ils sont prêts à courir.
Les démons de l’Enfer rarement rient ou pleurent,
Eux qui dans cette église aiment passer des heures ;
Femme du charpentier, veux-tu les secourir ?
Habit de calcaire
Loin de la Normandie et de ses verts feuillages,
Sur la grève sans fin je m’arrête un instant ;
Les soucis quotidiens ne m’importent plus tant,
Je les laisse dormir, ainsi que fait un sage.
La brise du Ponant caresse mon visage,
Le son de l’Océan berce mon coeur battant ;
Qu’est-ce qui dans ce jour serait plus important
Que d’aller admirer différents coquillages ?
Je n’entends pas au loin les voilures frémir,
Mais je pense aux marins éloignés de leur terre,
Je sais que le retour est leur plus grand désir.
Le soleil d’Armorique inonde mes paupières,
Un oiseau pousse un cri qui me semble un soupir ;
Je médite en silence, assis sur une pierre.
Évêque manichéen
Deux êtres sont pour lui remplis de majesté,
L’un deux est créateur du Ciel et de la Terre ;
L’autre est inconnaissable, il est un pur mystère,
Et tout être en ce monde est ainsi contrasté.
L’évêque s’accoutume à ces deux vérités,
À la froideur lunaire, à la chaleur solaire ;
Deux livres sont chargés de mots oraculaires,
Aucun des deux écrits n’est de l’autre imité.
Âme, serais-tu donc de deux maîtres servante ?
Et d’avoir deux bouquins, en es-tu plus savante ?
Difficile de croire à deux Seigneurs divins.
Bien peu de citoyens fréquentent cette église ;
Cette théologie toujours reste incomprise,
Les deux textes sacrés sont récités en vain.
Maître Goupil
Jamais un poulailler ne me laisse de glace,
J’aime pour ce motif me mettre en mouvement ;
Mais serait-ce un péché d’être un goupil gourmand ?
Je suis un prédateur, pour me nourrir, je chasse.
De ce subtil métier mon âme n’est point lasse,
Je ne vois d’ailleurs pas comment vivre autrement ;
La carotte et le chou sont de bons aliments,
Qui pourtant nullement la viande ne remplacent.
Leur coq n’est pas féroce et je ne le crains point,
La belette avec moi s’accorde sur ce point ;
Ce bouffon ne saurait gâcher notre existence.
Mais sur cet animal, je ne veux m’attarder,
Ni sur mon réservoir de gibier mal gardé ;
Laissez-moi donc me taire, et prendre mes distances.
Cornes de sinople
Un bélier plus cornu que ceux de Polyphème,
Devant qui, plusieurs fois, des géants sont tombés,
Par un rusé démon fut un jour dérobé ;
Le berger, dégoûté, se répand en blasphèmes.
Ça ne suffirait point pour en faire un poème,
Car nul dieu de cela ne se vit perturbé ;
Mais les vers que j’écris peuvent tout enrober,
Dont quelques professeurs font des sujets de thème.
Le démon est fautif, cette histoire est limpide,
Mais il agit ainsi parce qu’il est stupide ;
Il fait tranquillement ce que ses pareils font.
Nul tribunal n’ira le remettre à sa place,
Quelques vols de bétail, ça les laisse de glace ;
Ils laissent donc en paix la faune des bas-fonds.
Lune d’azur au ciel de sable
La lune bleue incite une âme à la paresse,
Et je trouve que c’est conforme à la raison ;
La rumeur du feuillage est comme une caresse,
Un silence de rêve entoure la maison.
Il est temps de songer à des enchanteresses
Dont le charme éternel fut sans comparaison ;
Il est temps de songer à des temps d’allégresse,
Tandis que le jardin offre ses floraisons.
Lune et poète sont deux entités oisives,
Leur peine est éternelle et leur joie est furtive ;
En écrivant cela, je tombe de sommeil.
La ronde des saisons rassure une âme pâle,
Surtout quand vient briller cette lune d’opale ;
Seuls les hyperactifs préfèrent le soleil.
Grenouille transcendante
Je vis parmi des herbages dorés,
Nulle fleur n’est à ses consoeurs pareille ;
Des arbres noirs les fruits ont des oreilles,
Je les entends au matin murmurer.
Un visiteur serait désemparé
En découvrant les raisins de nos treilles ;
Ils ont le goût de la salsepareille,
Noir est le vin qu’on en peut préparer.
Nos protecteurs, qui les démons combattent,
Sont des golems aux talents d’acrobates ;
Ceux d’inframonde en sont bien étonnés.
À nul sauveur nous ne sommes fidèles,
Mais nous prions le dieu des hirondelles ;
Ce monde étrange est fort bien ordonné.
Grandeur de la bécasse
L’eau d’un vieil étang doucement se ride,
La bécasse y boit pendant tout l’été ;
Cet oiseau ne craint pas les lieux humides,
L’ondin de la mare aime l’écouter.
La bécasse au bois est un peu timide,
Qui jamais ne veut cet endroit quitter ;
Son coeur est serein mais il n’est pas vide,
À son doux regard, comment résister ?
Bécasse, prends garde aux bêtes cruelles
Qui de leurs longs crocs mordaient ton corps frêle ;
Ou qu’un vieux chasseur te mette au tombeau.
Reste donc en vie, oiseau plein de charme,
Nous écouterons ton rire et tes larmes ;
Ne crains pas le loup ni le noir corbeau.
Fleur d’un étrange printemps
Il se peut que le monde aille vers le chaos
Et que de noirs démons surgissent des cratères ;
Mais dans mon jardin pousse une fleur solitaire
Qui boit avidement la lumière d’en haut.
De plusieurs chants d’oiseaux la charment les échos,
Elle les apprécie, elle s’en désaltère ;
Sa racine grandit et savoure la terre,
Sa vie de végétal est un plaisant repos.
Il se peut que sévisse un terrible incendie,
De cette fleur la fièvre est vite refroidie ;
Jamais un traitement ne lui fut imposé.
Dans la ville aujourd’hui les hommes font silence,
Seuls les chats des jardins leurs subtils appels lancent ;
À l’amour d’une fleur mon coeur est disposé.
Errance nautique
Ce bateau dérivant, c’est un vaisseau massif,
C’est un sombre rafiot d’origine inconnue ;
Quelquefois, sur le pont, chante une voix ténue,
J’entends jour après jour son déclin progressif.
Ce surprenant navire ignore les récifs,
Une magie puissante est par lui détenue ;
Les pâles matelots dans leur noire tenue
Arborent presque tous un visage pensif.
Songent-ils à leur vie, qui jadis fut profane ?
Se remémorent-ils des mots d’Aristophane ?
Sur un danger prochain furent-ils alertés ?
Je n’en dirai pas plus dans cette chanson brève,
Je laisse à ces errants leur pleine liberté ;
Ils savent naviguer sur les ailes du Rêve.
Tristes deux mille vins
C’est l’année du virus et c’est l’année du rat,
L’an prochain nous aurons l’année des hirondelles ;
Beaucoup de professions ici manquent de bras,
Car une épidémie fait beaucoup parler d’elle
Le virus est mutable et fol qui s’y fiera,
Avec ton ADN il joue à la marelle ;
Tes poumons ont souffert, que point l’on n’opéra,
Tant de méchanceté dans un tel être grêle…
Faut-il vous en parler, vous raconter l’histoire
Des grands lits d’hôpital et de leurs accessoires ?
Mais contre un pareil monstre il n’est point de recours.
De ces petits machins, terribles sont les ruses,
Nul ne sait quoi penser de leur substance intruse ;
Mais de notre santé nous verrons le retour.
Loup des deux rives
Ce prédateur habite auprès d’un très vieux pont
Qui fut cher à nos coeurs et pourtant se délabre ;
Sur les deux rives sont des marchands de cinabre
Chantant des airs auxquels un clair écho répond.
Ce vieux mâle n’est pas un coureur de jupons,
Par ailleurs il se tient à l’écart des palabres ;
Il ne redoute point le soldat ni son sabre,
Malgré la longue lame en acier du Japon.
Il écoute le vent et consulte les astres,
Puis il lit des écrits de Geneviève Pastre,
Cela le rafraîchit autant qu’un bain de mer.
Il ne travaille point et rarement il bouge,
Il est indifférent, mais il n’est pas amer,
Il savoure le soir un verre de vin rouge.
Dragon tavernier
Chez ce noble dragon l’assoiffé prend refuge,
Car il tient un troquet qui n’est point clandestin ;
Si la chaleur est forte ou s’il tombe un déluge,
Alors «est bibendum» comme on dit en latin.
S’accouder au comptoir n’est pas un subterfuge,
Ce que dit le patron n’est pas du baratin .
Lui qui de l’inframonde est un heureux transfuge,
Il cherche la sagesse, et parfois, il l’atteint.
La soif dure longtemps, mais n’est pas éternelle,
L’horloge de la gare à l’ordre nous rappelle,
Sauf si la dissimule un opportun brouillard.
Nous aimons savourer des boissons ordinaires,
Il faut ça pour remplir nos ventres rondouillards ;
Il sera toujours temps de songer aux affaires.
La tour des confins
Le terrain frontalier n’est pas d’accès facile,
C’est un canton sans vie, sans charme et sans amour ;
Il ne s’y passe rien, ni la nuit, ni le jour,
De vieux sorciers barbus y tiennent leur concile.
On n’y peut rencontrer ni village ni ville,
Notre bon empereur y fit faire une tour ;
Je m’y tiens confiné, rêvant à mon retour,
Cette vie de soldat n’est que souffrance vile.
Ce que je vous en dis, ce n’est pas important,
Pourvu que nos seigneurs soient toujours bien portants,
C’est quand on nous dit ça que notre joie est grande.
Ainsi chante en sa tour un guerrier mal vêtu,
Un modeste troufion sans vice et sans vertu ;
Puis aux dieux de l’Empire il apporte une offrande.
Oiseaux presque imperceptibles
Un détail invisible agrémente la scène
Où figurent aussi des nuages d’argent ;
Peut-être des oiseaux dans l’azur vont plongeant,
Phénomène déjà décrit par Avicenne.
Le ciel ne tremble point,l’atmosphère est sereine,
Il ne fait pas trop chaud, le temps n’est point changeant ;
L’un de l’autre éloigné se déplacent les gens
Et de même dans l’onde agissent les sirènes.
Nous ne regrettons pas nos plaisirs disparus,
Ni la brièveté des chemins parcourus ;
Le malheur finira, la guérison se trame.
Invisibles oiseaux dans l’air frais du matin,
Pline a parlé de vous dans un texte latin ;
Je vous devine un peu, j’entends chanter votre âme.
Église dans le vent
Les antiques démons, nos âmes poursuivant,
Ne craignirent jamais les mouvements de foule ;
Leurs sabots sonnent clair sur le pavé qu’ils foulent,
Mais s’arrêtent s’ils voient l’église dans le vent.
Ils sont trop timorés pour aller de l’avant,
Ils frottent leur visage où la sueur s’écoule ;
La crainte les saisit, la détresse en découle,
Leur coeur dans leur thorax n’est qu’à demi vivant.
Aucun consolateur ne vient soigner leur fièvre,
Ils aimeraient pouvoir courir comme des lièvres
Mais leur élan se brise en un arrêt brutal.
Pour surmonter la peur, chaque jour ils s’entraînent,
Affrontant vaillamment des monstres de métal ;
Mais l’église est pour eux une effrayante arène.
Dans la basse atmosphère
Les frères Montgolfier bricolent un ballon
Et le roi leur octroie un blason majuscule ;
Rouge est l’étrange nef dans l’or du crépuscule,
Lointains sont les sommets et lointains les vallons.
Vers d’immenses progrès ils posent des jalons,
Vers un monde où chacun fort aisément circule ;
Libre est leur trajectoire, et nul ne la calcule,
Ils s’en vont n’importe où, sans trouver le temps long.
Ballon des voyageurs, invention salutaire,
Tu permets à chacun de survoler la terre,
Que le vent s’accélère ou qu’il soit ralenti.
Acceptant le soleil et la pluie qui le mouille,
L’aéronef s’en va dans le temps qui se brouille,
Ton principe, Archimède, il n’avait pas menti.
Araignée de Mallarmé
spider
Dans son exosquelette vert,
Elle boit à d’étranges coupes ;
Des insectes la vive troupe,
Tels sont ses aliments divers.
Qui trouverait cela pervers ?
D’autres vont manger de la soupe
Ou l’entrecôte qu’ils découpent,
Ainsi les nourrit l’univers.
Chaque animal a son langage,
Chacun dans son chemin s’engage
Vers sa perte ou vers son salut.
Belle araignée, sous les étoiles,
Ce bref éloge tu as lu,
Ton rire fait frémir ta toile.
Noblesse d”un serpent
Qui donc croira que l’homme est roi de la nature ?
Il ne domine pas la terre ni les cieux ;
Il prétend qu’on l’a fait à l’image de Dieu,
Je dis, foi de serpent, que c’est une imposture.
Il cultive la prose et les enluminures,
Ce n’est, le plus souvent, que de la poudre aux yeux ;
Il se croit le Seigneur des vivants de ces lieux,
De ses sujets parfois faisant sa nourriture.
Primate, calme-toi, car tu n’es qu’un passant,
Sans mes explications tu serais innocent,
C’est de moi que provient la noblesse de l’homme.
Savoureuse devient la fin de ton repas
Car tu peux désormais mordre dans une pomme,
Ce fruit que, semble-t-il, tu ne connaissais pas.
oux du premier jardin
Les humains l’aiment bien, qu’importent les épines,
L’admirant au solstice, hivernal rituel ;
L’arbuste semble avoir des dons spirituels,
Ainsi pensent la Dame et Lilith, sa copine.
Le houx se trouve aussi dans les forêts alpines,
Il ornera plus tard les clos conventuels ;
Lui qui est habillé d’un vert perpétuel
Ne craint point de Chronos les cruelles rapines.
C’est le buisson de houx, ce n’est pas un roseau,
Ses pareils dans les bois forment un grand réseau,
Leur esprit le permet, leur âme en est la cause.
Il ne dédaigne pas de nourrir les oiseaux,
Il laisse un jardinier le tailler aux ciseaux ;
Il ne jalouse point la douceur de la rose.
Pont impérial et royal
Une tour est posée sur l’arche,
L’Empereur est Maître de l’Eau ;
Nul ne doit passer au galop,
La règle veut que chacun marche.
Le gardien est comte de Garches,
Lequel est loin d’être un ballot ;
Son page timide et pâlot
Aime sa voix de patriarche.
L’autre gardien est un bailli
Dont la foi jamais n’a failli ;
C’est le plus brave du Royaume,
Ces personnages officiels
Observent les décrets du Ciel,
Sauf l’aventureux duc Guillaume.
Pont de sinople
Ne connaissant ni règle ni compas,
J’ai dans la tour taillé d’obliques marches ;
Mais je suis fier du pont aux nobles arches,
Il est solide, et tout à fait sympa.
Si l’Empereur ne l’inaugure pas,
Le béniront la Dame de Luzarches
Et son mari, ce noble patriarche ;
Nous servirons un abondant repas.
Si cette dame en avait le désir,
Je l’instruirais au temps de son loisir ;
Mon confesseur pourrait me le permettre.
Ai-je le droit de la solliciter,
De requérir cette félicité ?
C’est Cupidon qui en sera le maître.
Barde polycéphale
monster
Barde qui de sa vie a dépassé l’automne,
D’amoureux souvenirs lui reviennent souvent ;
Plaisirs venus du ciel et qu’emporte le vent,
L’esprit en peut frémir, la mémoire en frissonne.
La tendresse du coeur aucun mot n’abandonne,
Le galant d’autrefois peut revivre en rêvant ;
Songe qu’à grande peine on quitte en se levant,
Au cruel Cupidon, pourtant, l’âme pardonne.
L’esprit se refroidit sous des cheveux d’argent,
N’étant guère tranquille en ce monde changeant ;
La mort est annoncée, la vie est incertaine.
Folle fut cette tête au temps des cheveux bruns ;
Mais que nous sont ces jours de jeunesse lointaine,
Sinon la nostalgie et l’oubli d’un parfum.
Arbre du scepticisme
Le fruit d’un pareil arbre est une douce chose,
Dame Avette le sait, mais Dame Guêpe aussi ;
Leur caractère en est bellement adouci,
Comme au joli printemps par la saveur des roses.
Souvent sur le gazon ces fruits se décomposent,
Le primate aime bien les déguster ainsi ;
Il en attend, d’ailleurs, un résultat précis :
Qu’à moins de soumission son âme se dispose.
Sur le premier jardin posant alors ses yeux,
Il emplit son esprit de la douceur du lieu ;
Il se sent bien chez lui, plus qu’on ne peut le dire.
Désormais le serpent ne l’intimide point,
Il réfute ses mots, répondant point par point,
Grâce au Vieux Testament qu’il s’amuse à écrire.
Porte sépulcrale
Cette porte est fort légère,
C’est la porte d’un tombeau ;
Car la vie est passagère,
Même si ce monde est beau.
De rien ne sert la prière,
De rien ne servent les mots ;
Mais mourons dans la lumière
D’Eros et Bacchus, jumeaux.
Ce sonnet n’est point mystique,
Ce discours n’est pas unique ;
Juste un petit mot d’adieu.
Bien légère est cette porte,
Et son bruit n’est pas joyeux ;
C’est le temps des années mortes.
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