Sagesse du pluvian
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Salamandre en Eden
Privé de ses humains, le jardin fut tranquille,
Ils s’étaient éloignés et le serpent aussi ;
Je ne regrette pas ces créatures viles,
Ma vie de salamandre est sans aucun souci.
Je ne vois pas les jours ni les saisons qui filent,
Je sais bien que Chronos est un dieu sans merci ;
L’âge a déjà rendu mes jambes malhabiles
Et mon oreille sourde, et mon coeur indécis.
Cette terre, pourtant, n’est pas abandonnée,
Même si l’infraction ne fut point pardonnée ;
En leur mémoire l’ont les mages d’Orient.
Je sais que bien plus tard, ils se mettront en marche
Pour aller saluer un enfant souriant ;
Le roi David, alors, dansera devant l’Arche.
Ambiduc plantigrade
Cet ambiduc respectable
Est un ours vaillant et fort ;
Il fait partie des notables,
Comme son cousin le porc.
Il garde dans son étable
Une vache aux cornes d’or ;
Ainsi qu’un marchand de sable,
Elle le berce, et l’endort.
En rêve il va sur la lune,
Chevauchant un tamanoir,
Mais il y va pour des prunes.
Il a fort peu de savoir
Et n’exerce aucun pouvoir,
Cet ambiduc sans fortune.
Dragon aptère
C’est l’âme d’un dragon dans le corps d’un lézard,
Magicien sans magie, empereur sans empire ;
Il subit son destin sans jamais le maudire,
Et d’ailleurs, il se fout du tiers comme du quart.
Il fut instruit, jadis, par le roi Balthazar
Qui même lui apprit à sonner de la Lyre ;
Car, sachez-le, ce roi n’est pas un triste sire,
Son goût pour les plaisirs se lit dans son regard.
— Que nous racontes-tu, beau lézard sans éclat ?
Ta vie fut-elle bonne, à ce qu’il te sembla ?
(Mais il ne répond rien, son esprit part en vrille).
Ce très sage animal ne pense pas beaucoup,
Mais il peut cependant nourrir des rêves fous,
Dans lesquels le réel par son absence brille.
Bouvier des minotaures
C’est un bouvier farceur, un raconteur d’histoires,
S’il va boire en taverne il est sur son terrain ;
Le sang du charpentier dans sa coupe d’airain
Fait glisser son esprit vers des rêves de gloire.
L’aubergiste, pensif, regarde l’homme boire,
Et la pendule dit son éternel refrain ;
Aux tables on entend des blagues de marins,
Car ce troquet n’est point le lieu des idées noires.
Dionysos n’est pas loin, il a béni ce lieu,
Accordant aux buveurs une langue éloquente,
Même à celui qui lit des livres de brocante.
Nul n’est indifférent au culte de ce dieu
Qui seul nous réconforte au long des nuits sereines
Et donne à la serveuse une voix de sirène.
Nef d’Entre-Deux-Mers
Une modeste nef, un modeste équipage
Sur les limpides flots bordant l’Entre-Deux-Mers ;
Un tonneau de vin rouge est souvent du voyage,
Plaisant à déguster au petit matin clair.
Plus d’un marin du bord s’y connaît en cépages,
C’est affaire de goût, c’est affaire de flair ;
Nous les voyons passer, quand l’automne est dans l’air,
Auprès de la taverne où vont boire les pages.
Ces enfants monteront aussi sur cette barque,
Depuis déjà longtemps ne buvant plus de lait ;
Sur un fleuve et sur l’autre ils laisseront leur marque.
Le rhapsode est semblable au marin de Garonne
Qui lentement navigue, et boit quand ça lui plaît ;
Habile à survoler tout ce qui l’environne.
Ambition d’un nouveau pont
Ce pont veut rapprocher les deux rives du monde,
Où sont de beaux jardins et de nobles cités ;
Chaque lieu par sa rive étant délimité,
Tous les moyens sont bons pour traverser les ondes.
Des deux côtés l’on voit des provinces fécondes,
Des habitants prenant un plaisir mérité ;
Mais s’il faut les unir, sous quelle autorité,
Eux qui sont séparés par cette mer profonde ?
Poséidon peut-il prendre la chose en main ?
Et quel est son avis sur ce nouveau chemin ?
Voudra-t-il être élu dans une république ?
Laissons cette question, prenons de la hauteur,
Mettons-nous à bâtir des routes angéliques
Pour glisser sans effort par-dessus l’Équateur.
Grenouille ordinaire
Cet animal est de vert coloré,
Du même vert que toutes ses pareilles ;
Elle entend par d’invisibles oreilles,
Même un insecte en train de murmurer.
Quand elle a pu de mouches s’emparer,
Elle digère à l’ombre d’une treille ;
Indifférente à la salsepareille,
On ne la voit jamais en préparer.
Ces animaux bien rarement se battent,
Presque jamais ne se font acrobates ;
Aucun d’entre eux ne veut nous étonner.
Au marécage on les trouve fidèles,
N’imitant point le vol des hirondelles ;
C’est un destin simplement ordonné.
Sagesse d’une feuille
Un bref instant, je fus créature volante,
Je n’ai pas d’illusions, c’était un vol contraint ;
Maintenant je m’endors, et la terre m’étreint,
Je peine à formuler ma pensée somnolente.
Mes ancêtres ont vu les jardins des Atlantes,
Platon décrit la chose en de nobles quatrains ;
Puis, quand ces citoyens furent dans le pétrin,
La lune leur a dit des phrases consolantes.
Dormir en cet endroit, c’est tout ce que je veux,
Mais j’ai quelques regrets, je vous en fais l’aveu,
De n’avoir pas été emportée par la Seine.
Je songe à tous ces lieux que je ne connais pas,
À mille végétaux d’ici ou de là-bas ;
Je sais, au fond de moi, que ma sagesse est vaine.
Sagesse d’un oiseau d’azur
Ce bel oiseau, qui la lune contemple,
Jusque si loin ne veut s’aventurer ;
Cet astre est mort, n’allons pas l’explorer,
Car de folie ce serait un exemple.
L’oiseau s’élève et son vol est très ample,
Mais dans son corps, rien n’est démesuré ;
Nul oiseleur ne peut s’en emparer,
Nul braconnier, ni nul gardien du temple.
Apprends-moi donc, joli piaf méditant,
À quel loisir je dois passer mon temps,
Moi qui cultive une vie sans histoire.
Ne fais donc rien, dit cet oiseau qui rit,
Prends ton plaisir, c’est toujours ça de pris,
Et n’oublie pas : fais des pauses pour boire.
Dame nautonière
Elle est exploratrice, elle n’est pas craintive,
Sa barque sans rameurs avance dans le noir ;
Puis la lune qui vient illuminer le soir
Adoucit quelque peu son errance tardive.
La dame est voyageuse, et n’est pas fugitive,
Qui sans regrets quitta son antique manoir ;
Car dans notre univers sont tant de lieux à voir,
Tant de grandes cités sur l’une et l’autre rive !
Le silence est profond, quand l’océan s’endort,
Éteintes, désormais sont les rumeurs du port ;
À peine perçoit-on le souffle des sirènes.
La dame en son vaisseau n’a rien à redouter,
Cette navigatrice est des flots souveraine ;
Je rêve qu’elle chante, et j’aime l’écouter.
Mélancolie du dragon d’azur
Ce dragon veille quand tu dors,
Un ver luisant lui sert de lampe ;
Il lit des légendes d’Armor
Ou parfois contemple une estampe.
Son coeur et son âme sont forts,
Mais l’indifférence en lui rampe ;
Des gens de son âge sont morts
Et bientôt c’est lui qui décampe.
Ce moment n’a rien d’enchanteur,
La nuit s’écoule avec lenteur,
Même les taverniers sont ivres.
Le soleil brillera demain
Sur sa plume et son parchemin,
Et même sur quelques vieux livres.
Monstre improbable
N’ayez pas peur de ce monstre improbable,
Quelquefois, même, il est affectueux ;
Il est modeste, et pas présomptueux,
Il aime lire et raconter des fables.
Une bouteille est souvent sur sa table,
Mais ses boissons n’ont rien de luxueux ;
En son logis n’est rien de fastueux,
On peut le dire ascète véritable.
Darwin en parle en son petit carnet
Dans lequel sont aussi quelques sonnets ;
Il dit «Ce monstre est noble, en quelque sorte».
Juste une plume et juste un encrier
Dans son bureau ; des livres mal triés,
Plus quelques vers qu’un courant d’air emporte.
La Tour gardant le Pont
Sur cette tour le vent gémit,
Une ondine en est désolée ;
Une algue verte est enroulée
Autour d’un récif qui blêmit.
N’allez pas là-bas, mes amis !
Votre âme en serait affolée ;
Quand sera la tour écroulée,
Passer le pont sera permis.
Va plus loin, passant qui m’écoutes,
Quitte ces lieux par l’autre route.
Ne reste pas près du danger.
Un jour viendra, que Dieu nous aide,
Un jour chanté par les aèdes
Où bien des choses vont changer.
Oiseau du Crétacé
Enfant de dinosaure, on ne sait pas son âge,
Rarement rencontré par les explorateurs ;
Lui qu’on entend fort peu, ce n’est pas un chanteur,
Je ne lui vois d’attraits qu’en son joli plumage.
Il bâtit quinze nids, ou même davantage,
Où des oiselles vont, car c’est un séducteur ;
Aucun de ses enfants ne craint les prédateurs,
Car ils ne pourraient point les prendre sans dommage.
Il vécut en Eden, d’où l’homme s’est enfui,
Après quoi, le serpent s’est adressé à lui,
Mais sans beaucoup d’efforts, il s’en est rendu maître.
Aucun langage ancien ne lui est étranger,
Et le sien, cependant, se préserve, inchangé,
Sauf pour quelques détails dans la forme des lettres.
Vagabondage du dragon
Un dragon débonnaire au loin s’est envolé
Comme voulant quitter ce monde d’amertume ;
Dans les fiers battements de ses ailes sans plumes,
Nous entendons l’écho d’un cosmos affolé.
Certains ont applaudi quand il a décollé,
Mais lui, sans rien répondre, est parti dans la brume ;
Il s’élève au-dessus des flots chargés d’écume,
D’un étonnant prestige il est auréolé.
On me dit qu’il est né sous une bonne étoile,
Que son portrait jadis fut peint sur une toile,
Dont un grand roi tira des motifs pour son sceau.
Il est trop loin, déjà, je ne vois plus son ombre,
Il va vers le Ponant où le grand soleil sombre ;
Où ne vit aucune âme, où ne va nul vaisseau.
Le roi qui fut un oiseau
Cet oiseau-là fait peu de bruit,
Qu’on appelle ornithomonarque ;
Jamais en guerre ne s’embarque,
Jamais à quiconque ne nuit.
Chacun l’aime et nul ne le fuit,
Cet auteur de sages remarques ;
Quand viendront le saisir les Parques,
Chacun prendra le deuil pour lui.
Dans un livre d’Alphonse Allais,
Cet oiseau parle à son reflet ;
Il n’a nul besoin de tribune.
Si son peuple était consulté,
Ce roi serait plébiscité,
Qui point ne règne pour des prunes.
Grandeur des cygnes
Comme ils sont élégants, les cygnes dans la brise!
J’en suis admiratif, je vous en fais l’aveu ;
Chacun peut s’envoler vivement, s’il le veut,
Afin de s’éloigner de cette banlieue grise.
La pêche, sachez-le, c’est un art qu’ils maîtrisent,
Le poisson, s’il les voit, se montre un peu nerveux ;
Il sait que sa survie ne tient qu’à un cheveu,
Et c’est une leçon bien durement apprise.
Un tel oiseau ressemble aux habitants des cieux,
Lui qui peut se montrer comme un ange à nos yeux ;
Et quoi de plus charmant qu’un ange dans la brume ?
Il chante noblement pour son dernier soupir,
Cela pour évoquer ses plus beaux souvenirs ;
Son âme va dormir sur des coussins de plume.
Un chien vaillant
J’aime ce chien qui marche élégamment
Et me regarde avec d’humides yeux ;
Son maître qui le promène en tous lieux
Me dit qu’il est d’un bon tempérament.
Il a grandi en paix, loin des tourments,
Dans la campagne, on ne sait sous quels cieux ;
Sans doute, il est ce qu’on trouve de mieux
Parmi les chiens, sous le bleu firmament.
Il peut manger, parfois, un truc étrange,
Ce qui n’est pas un sujet de louanges ;
Mais on excuse, après tout, son ardeur.
Lui qui, la nuit, d’un panier se contente,
Peut s’éveiller pour un oiseau qui chante ;
D’un pareil maître on apprend le bonheur.
Arbre charmeur
L’arbre me séduisit par son feuillage fauve
Et ses petites fleurs aux reflets de carmin ;
Sur la douceur du tronc j’aime poser ma main,
Les branches m’abritant comme une grande alcôve.
C’est ici que j’ai lu des vers du Cahier Mauve,
Mais aussi des écrits du temps des vieux Romains ;
Je vis de poésie, car j’ai pris ce chemin,
Je crois que c’est un art qui m’éveille et me sauve.
Sur un arbre, un renard, une rose, un poisson,
Sur dix mille sujets je fis quelques chansons
Que chante à des marins, peut-être, une sirène.
Mon bel arbre charmeur, accomplis donc ce voeu:
Que je puisse rimer autant que je le veux
Avant d’aller dormir en chambre souterraine.
Monstre sympathique
Ce monstre maîtrisant plusieurs langues vivantes
Aime se procurer des livres par kilos ;
On le voyait jadis boire un litre au goulot,
Ce fut pour ses amis un sujet d’épouvante.
Il était entouré d’une troupe savante
Qui de publications entretenait un flot ;
Mais il n’en fait plus rien, cet épisode est clos,
Il produit à présent des rimes émouvantes.
Pour calmer sa fringale il déguste un éclair,
Puis il ouvre sa porte, il sort pour prendre l’air
Sous le grand firmament que le soleil embrase.
Son style est régulier, vertigineux et sûr,
Il semble voyager en chevauchant Pégase
Et tremper son pinceau dans le fond de l’azur.
Tour de brume
Elle abrite un errant, l’aronde y fait son nid,
Aucun foyer flambant jamais ne s’y allume ;
La mousse l’enveloppe ainsi que de l’écume,
Le vent murmure un chant qui jamais ne finit.
Ni le vin, ni la rime ici ne sont bannis,
Le silence qui règne est sans nulle amertume ;
C’est un lieu surprenant, c’est notre Tour de Brume
Où le songe souvent à la plume s’unit.
On trouve sur le sol des vieux papiers qui traînent,
Et les portraits aussi de muses fort lointaines ;
Mais ce texte ne peut entrer dans les détails.
Le poète souvent doit garder sa part d’ombre,
Il doit être discret sans jamais être sombre;
Il trace un nom, parfois, au dos d’un éventail.
Bénédictions joyeuses
Il faut, sans hésiter, bénir ce qu’on admire,
La sagesse des vieux et leur rire innocent ;
Il n’est pas interdit de bénir les passants,
L’eau qui tombe du ciel ou le vent qui soupire.
Poète, quelques vers pour consacrer ta lyre
Et les mots de ton coeur lentement surgissant ;
Puis, le jour qui décline et la nuit qui descend,
Ce qu’on sait raconter, ce qu’on ne peut décrire.
Quel plaisir d’exalter des objets si divers,
La ville trépidante et les ombrages verts,
La nonne rougissante et la fille de joie !
D’une telle louange il ne faut rien bannir,
Ni le chien, ni le porc, ni le cygne, ni l’oie,
Tant d’autres animaux, c’est à n’en plus finir.
Escargot cultivé
Au jardin se promène un escargot savant,
Ses cornes doucement s’agitent dans la brise ;
Il ne veut s’impliquer dans aucune entreprise,
Mais régner sur ces lieux, roi pensif et bavant.
Il n’est pas très rapide, il va contre le vent,
En matière de course il n’a pas d’expertise ;
Il observe les fruits sans nulle convoitise,
Il n’en cueille jamais, n’en mange pas souvent.
Par des amours jadis son âme fut grisée,
Ce fut une faiblesse, à présent maîtrisée ;
Il glisse doucement, ça ne fait aucun bruit.
L’aube met un reflet sur sa coquille claire,
Il a comme une idée que ce jour va lui plaire,
Tout comme il a goûté la précédente nuit.
Dame Cabrette
C’est la chèvre sans maître, elle vit loin du monde,
Elle est sur un blason digne de figurer ;
On ne lui connaît point d’orgueil démesuré,
Elle dont l’existence en modestie se fonde.
Ne cultivant jamais l’inutile faconde,
Elle tient cependant des propos assurés ;
Elle parle aux oiseaux, ceux du ciel azuré
Et ceux qui sont cachés dans la forêt profonde.
Elle a quelques enfants qu’elle soigne et dorlote,
Qui savent se tenir et jamais ne complotent,
Savourant les propos de leur cousin, le porc.
La chèvre, qui jamais ne fait rien d’arbitraire,
À nul autre animal ne veut causer de tort ;
Aucun de ses voisins ne lui sera contraire.
Oiseau sans prétention
Sa pitance est légère, il ne pèse pas lourd,
On ne le voit jamais draguer les hirondelles ;
Il peut en abriter, cependant, sous son aile,
Douceur sans lendemains, platoniques amours.
Il survole une route aux amples carrefours
Qui longe des jardins aux ombreuses tonnelles,
Dont certains qu’il fréquente en visiteur fidèle ;
Des dames, le dimanche, y montrent leurs atours.
Nul de le rencontrer jamais ne s’effarouche ;
Volatile banal, et qui n’a rien de louche,
On ne peut l’appeler un oiseau de malheur.
Dernier représentant d’une espèce inconnue,
Il médite souvent parmi de blanches fleurs,
Son coeur est innocent, son âme est presque nue.
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