Sagesse du pluvian
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Le roi-lyre
image de l'auteur
Le roi, dedans sa cour, règne parmi les rires,
Ça ne le gêne point, lui, doux comme un ramier,
Son crâne est surmonté d'une étonnante lyre
En bois de sycomore, ou en bois de pommier.
Cette lyre est experte à célébrer la vie,
Elle trouve le son qui convient en tout lieu,
Elle s'adresse à tous, la cour en est ravie,
Ses accords matinaux semblent venus des cieux.
Plongeant les grands seigneurs en extases sans trêve,
Elle dit la forêt, la mer aux vastes eaux,
La sirène inconnue, que l'on n'entend qu'en rêve,
Le colloque joyeux d’invisibles oiseaux.
Ambigoupil
image de l'auteur
L'ambigoupil, rôdant parmi les herbes jaunes,
Est improvisateur, ses ruses sont en vrac ;
Or, il ne craint personne, il n'a jamais le trac
Et s'abstient de prier, face aux saintes icônes.
Une proie est un dû, ce n'est pas une aumône;
Au soleil de l'adret, dans le froid de l'ubac,
Il prend le rat terrestre ou le poisson du lac,
Il est l'un des seigneurs de la sylvestre faune.
Les autres animaux ne l'admirent pas tant ;
N'a-t-il jamais pitié de leur coeur palpitant ?
Doit-il ensanglanter l'aurore aux doigts de rose ?
Ils ont écrit sur lui, tant ils le trouvent dur,
D'une encre provenant du jus noir d'un fruit mûr,
Un clair et long recueil d'accusatrice prose.
Sagesse des carnivores
image de l'auteur
Fort satisfaits de leur destin,
Ils gouvernent leur petit monde
Baignant dans le fumet divin
Des proies dont la fourrure est blonde.
Dormant d’un paisible sommeil,
Loin de la fringale importune,
Ils rêvent de moutons pareils
À de blancs animaux de lune.
Un carnivore aime être seul ;
Bien que la vie lui semble brève,
Il sait qu’il aura pour linceul
Sa peau qu’il entretient sans trêve.
Ornithologie béotienne
image de l'auteur
Cultivant son jardin, l’oiseau n’a nul souci,
Sollicité qu’il est par de belles pensées,
Même si leurs couleurs semblent un peu passées ;
Le vif éclat du jour en est presque adouci.
S’il poussait des soucis dans le sol endurci,
Aucune humble pensée n’en serait offensée ;
Par d’aimables voisins, l’âme n’est pas blessée,
Et les fleurs ne sont point rivales sans merci.
Au jardin du miroir, Alice s’entretient
Avec ces végétaux, modeste est leur maintien ;
Ils observent l’oiseau du pays des merveilles.
Contrairement au sens du nom de ces deux fleurs,
En elles ne se voient que tendresse et douceur ;
C’est, en ce clair matin, ce que dit une abeille.
Ramure du roi
image de l'auteur
Ornement qui va jusqu’aux cieux
Et qu’aucun vêtement ne voile,
Parure atteignant les étoiles,
Grandissant quand tu deviens vieux,
Je chante l’éloge sonore,
Je célèbre, à sons éclatants,
Et demain, vanterai encore
La ramure du roi Printemps.
Lui qui règne sur nos amours,
Je sais bien qu’il me fut propice :
Il m’aida quand j’étais novice,
Il me détruira, sans détours.
Cochon-dinde
image de l'auteur
Le petit cochon-dinde a des pouvoirs magiques :
Puisque ses deux parents ne furent point pareils,
Plus que l'un, plus que l'autre, il a connu l'éveil,
Douceur du chant porcin, dindonnesque musique.
Je vous remercie donc, géniteurs séraphiques,
Pour vos rapprochements sous un ardent soleil,
Ou volant, par les nuits, des instants au sommeil,
Car la diversité, c'est chose bénéfique.
C'était, peut-être, au son d'un tardif piano,
Lorsqu'une âme à une autre en un mystique anneau
Se soude par l'effet d'une alchimie secrète.
Les dindes vont au ciel, et les porcs sont divins ;
Si leur accouplement, presque toujours, est vain,
Quelquefois, il en sort un animal-poète.
Deux lords
image de l'auteur
Ces lords ne savent pas quoi faire :
Plutôt le mal? plutôt le bien ?
On leur a dit d’être sévères ;
Ça, vraiment, ça ne leur dit rien.
Or, faut-il que le peuple en rie ?
Le berger sourit, s’il les voit ;
Il pourrait, par sorcellerie,
Rendre autoritaire leur voix.
Pour qu’en eux-mêmes ils puissent croire,
Le curé a fait leur portrait :
Entre eux, un talisman d’ivoire
Devenu sacré, par décret.
Lune des éléphants
image de l'auteur
Ce sont trois éléphants, toujours nourris de chaume,
Sous un triste fardeau n'ayant jamais ployé,
Quand la lune s'en vient dans la nuit qui embaume,
Ils s'en vont, tous les trois, rejoindre leur foyer.
Le plus jeune des trois est né de l'an dernier,
À peine connaît-il, du ciel, le vaste dôme ;
Les deux autres, deux vieux sujets de ce royaume,
Se rappellent l'enfant qu'ils entendaient crier.
Jamais ils ne verront les rives de la Seine,
À quoi l'indifférence, en eux, est souveraine ;
Pas plus qu'ils ne voudront s'installer sous un toit.
C'est la sérénité qui fait vivre leur âme,
Et nul besoin, pour eux, de prier Notre-Dame :
La lune leur suffit, nouvelle chaque mois.
Deux boucs héraldistes
image de l'auteur
L'écu fut dessiné par deux boucs inconnus,
On pense que c'était pour orner un mur nu ;
Le valet qui les sert avec sollicitude
Aime ce fier blason, meublant leur solitude.
Le voyageur, passant par ce pays sans lois,
Chez ces deux bons seigneurs peut dormir sans effroi.
Nul ne les vit gronder, ni se mettre en colère,
On me dit que leur âme est comme de l'eau claire.
Il fait bon séjourner chez ces boucs sans orgueil,
Oubliant, de la vie quotidienne, les deuils;
Vers le soir, on savoure un alcool de prunelle
Dans les feux du couchant, rougissant la tonnelle.
.
Dernière édition par Cochonfucius le Lun 11 Juil 2016 - 18:04, édité 2 fois
La planète des hippocampes
image de l'auteur
Les hippocampes d'or ont la joie dans le coeur ;
Je ne sais le pourquoi d'une telle allégresse,
Je sais que jamais, nul ne les vit en détresse,
L’océan n'a, pour eux, pas la moindre rigueur.
Ces habitants des mers n'y versent point leurs pleurs,
D'une saison à l’autre, ils s'amusent sans cesse,
Frétillant de bonheur, ignorant la tristesse,
Consumant l'existence en des jours sans douleur.
Veux-tu donc imiter ces beaux poissons, mon âme,
Si tu n'y réussis, tu n'auras pas de blâme,
Car le destin, parfois, nous meurtrit en passant.
L'homme n'est point blotti en un paisible gouffre,
Et nombreux sont les maux dont, au passage, il souffre,
Qu'il soit chargé de torts, ou qu'il soit innocent.
Ambiphants
image de l'auteur
De quel trésor sont-ils en quête,
Trésor d’archevêque ou de roi ?
Cherchent-ils, comme les poètes,
Le bonheur sous un humble toit ?
Un blanc papillon les inspire,
Une sirène, un alcyon,
Un petit troll les fait sourire,
Une fleur captant un rayon.
Toi qui me lis, ne me demande
Pas vers où ce beau troupeau part,
Puisque mon ignorance est grande,
Sans le moindre mot de leur part.
Sainte Vache
image de l'auteur
Sainte Vache reçut la grâce, par destin,
C'est, du moins, ce que dit un scribe du diocèse ;
Pratiquer la vertu toujours la remplit d'aise,
Vache de bonne vie et de très bonne fin.
Les fidèles sont là pour lui offrir le thym,
Le pavot, le lilas, la myrtille et la fraise,
Et le tendre poivron qu'on grille sur la braise ;
Les fidèles sont là pour fleurir son chemin.
Les lions de l'inframonde, à la brûlante haleine,
Espèrent que demain sera leur panse pleine,
Si la vache était proie de Maître Lucifer ;
Or, elle ne craint point qu'un démon la consomme,
Car sa chair délicate est réservée aux hommes,
Qui ne jettent jamais leur pitance en enfer.
Trollville
image de l'auteur
Ici vivent des trolls blêmes ;
Leur moral est toujours bas.
Ils s’en vont à petits pas,
Comme pour se fuir eux-mêmes.
C’est de mépris pour leur chef
Que s’anime leur poitrine,
C’est en amateurs de ruines
Qu’ils consument leurs jours brefs.
Dès qu’ils sont hors de ma vue,
Le jour, à nouveau, me plaît,
Et la ville, et la forêt,
Et les sylphes, dans les nues.
Aigle-lion
image de l'auteur
L’aigle-lion, m’a-t-on dit, se nourrit de lumière ;
Durant tout son repas, il est silencieux,
Savourant le délice octroyé par les cieux,
S’efforçant de ne pas y tremper sa crinière.
Nous pouvons l’admirer, assis sur son derrière ;
Ses deux visages sont d’un aspect radieux,
À les voir, j’en deviens presque religieux,
Puis, je vois l’aigle-lion rentrer dans sa tanière.
Mais au goûter, parfois, il dévore un éclair,
Draguant les pâtissiers, sans trop en avoir l’air,
Proposant un séjour sur un coin de nuage.
Si j’étais musicien, j’aurais un instrument
Pour chanter à loisir ce roi des éléments,
Ce maître des photons, ce seigneur de l’orage.
Empire aboli
image de l'auteur
En désordre gisant, les pierres des églises
Reposent pour toujours dans la poussière grise ;
Il ne reste plus rien des grands bulbes dorés,
Et pas le moindre éclat des vitraux colorés.
Les dames qui rêvaient dans l’ombre des chapelles,
Où sont leurs ornements, où sont donc leurs dentelles ?
Un peintre en avait fait de si charmants tableaux
Que le monde jamais n’a rien vu de plus beau.
C’est le temps de l’exil pour l’épouse et et la vierge,
Qui jamais plus n’iront, à la clarté des cierges,
Entendre le prêcheur, moine vêtu de noir,
Disparu, lui aussi, à la tombée du soir.
Seigneur des trolls
image de l'auteur
Invité chez les trolls, je fis la découverte
Du palais seigneurial, sur lequel est posé
Un toit monumental aux reflets ardoisés,
Demeure magnifique et noblement couverte.
Pour y ranger le vin, des souterrains boisés,
Ainsi que la prunelle et que l'absinthe verte,
Car le seigneur des trolls sait tenir table ouverte
Dans le confort feutré d'un salon pavoisé.
Les arbres du jardin, déployant leur ramures,
De plusieurs bardes-trolls abritent les murmures,
Produisant mille fleurs aux pétales cuivrés.
Les salles du palais s'ornent de ce poème
(Je trouve assez flatteur cet hommage suprême),
Qu'aucun troll, cependant, ne daigne déchiffrer.
Acrobate du temps jadis
image de l'auteur
Il séduit même les gendarmes
(C’est surprenant, me direz-vous),
Cet acrobate est plein de charme,
Il s’élève au-dessus de tout.
Je vois des griffons, je vois même
Des anges aux grands yeux d’enfants
Admirant ce sauteur suprême,
Ce saltimbanque triomphant.
J’ai vu la licorne à bicorne,
Ancrer son céleste radeau
Venu des espaces sans bornes
Pour se mêler à ces badauds !
Hexapodologie nébuleuse
image de l'auteur
L'hexapode survint, dans sa barque sans voile,
Descendant le torrent parsemé de rochers.
J'offre un grand bloc de sel qu'il se plaît à lécher,
Geste de courtoisie que j'appris sur la Toile.
Je suis toujours ravi des secrets qu'il dévoile,
Quel royaume à quel autre envoya des archers,
Quel chercheur de quel Graal parvint à s'approcher,
Je reste à l'écouter longtemps, sous les étoiles.
L'hexapode, aujourd'hui, se fait bien rare, hélas !
Presque autant que le noble éléphant de l'Atlas,
Ou la licorne pure, ou le fringant Pégase.
Fort simple est le blason de l'hexapode d’or,
Aucun aigle royal n'y prenant son essor,
Nulle sainte alanguie n'y frémissant d’extase.
Fantômes d’Alésia
image de l'auteur
— Guerrier gaulois, je te connais.
Mais ton corps n’est plus qu’un nuage,
Guerrier gaulois des lointains âges,
Si du tombeau tu revenais !
— Je reviens, car le soleil brille ;
Le paysage a la douceur
De Cléopâtre, ou de ses soeurs,
La gentillesse d’une fille.
— À te voir heureux, je le suis,
J’aime ce monde, et si tu l’aimes,
Nos préférences sont les mêmes :
Buvons ensemble, cette nuit !
La planète des tétracéphales
image de l'auteur
Ayant quatre cerveaux pour penser à leur chasse,
Les gens de ce pays connaissent plus d’un tour ;
Ils ont exterminé le gibier alentour,
À force de bravoure, à grands renforts d’audace.
On y voit, désormais, plus d’une tête basse,
De l’ours et du grand cerf espérant le retour,
Mais c’en est bien fini, je le dis sans détour,
Plus de cerf, et plus d’ours, et plus rien à la place.
Hélas ! Les animaux, qu’ils aimaient rencontrer,
Au détour d’un sentier ne pourront se montrer ;
On ne les connaîtra que d’un savoir livresque.
Avec ces commensaux, ils ont vécu longtemps
Partir en quête d’eux était un passe-temps :
Vous êtes regrettées, victimes pittoresques.
Aigles d’or et de sable
image de l'auteur
L’aigle de sable occupe un temple s’écroulant ;
L’aigle d’or a sa place au sommet d’un mont jaune,
Ces deux rois, semble-t-il, sont heureux sur leurs trônes,
L’univers, autour d’eux, n’est qu’un manège lent.
Potentats endormis, monarques somnolents,
L’échanson leur apporte un petit vin de Beaune,
Auprès de leurs palais se déplace une faune
Qui peuple le jardin bucolique et galant.
-- Que dites-vous aux rois, beaux animaux parlants ?
Bercez-vous d’oraisons ces vivantes icônes ?
Flattez-vous leurs penchants pour avoir une aumône ?
-- Rien de ça, répondit l’hermine, en s’envolant.
Anachorète
image de l'auteur
L’ermite prie sans se laisser distraire,
De l’ermitage, il ne peut s’absenter ;
Le loup qui semble, au soir, se lamenter,
N’a point raison de sa ferveur austère.
Qu’il est pensif, cet homme solitaire !
Plusieurs démons ont beau se présenter
Pour le surprendre et pour l’épouvanter,
Il ne craint rien, il rit, bien au contraire.
Au ciel n’est pas son étoile ternie ;
Il vit sa vie, sans autre compagnie
Que d’un succube et de son chant de mort.
Bien rares sont les gens de cette sorte,
Qui, aux jardins où jaunit l’herbe morte,
Semblent trouver un étrange confort.
Charlie Schlingo 1955-2005
image de l'auteur
Il trouve en ses crayons une étrange harmonie ;
Fumiste, plaisantin, provocateur, génie,
Percussionniste, atteint d’autres talents divers,
Je l’ai vu, l’autre jour, dire ses propres vers.
Il n’est plus avec nous, mais nous amuse encore ;
Les pages des revues, que ses dessins décorent,
Sur mes meubles de bois, d’ornements tiennent lieu,
Pour le rire de l’âme et le plaisir des yeux.
Heureux ce révolté, dont la plume rétive
À se moquer des gens ne fut jamais tardive ;
Joyeux rabelaisien, de bons mots généreux,
Exaltant sa folie dans ses albums nombreux.
Épouvantail de sinople
image de l'auteur
L’épouvantaiil, qu’anime une modeste foi,
Communie, dans son champ, avec de braves bêtes ;
Blotti dans son silence, il a l’air d’un poète,
Méditant sur la vie, rimant je ne sais quoi.
Épouvantail, tu es un exemple pour moi,
Ton coeur n’a rien de dur, ni rien de malhonnête,
Tu ne menaces point la fragile planète,
Tu passes tout le jour sans peine et sans émoi.
Le mérite qu’il a, c’est d’être ce qu’il est ;
Peu lui importe, à lui, s’il est beau, s’il est laid,
Du moment que son âme est généreuse et vive.
Or, ceux qui vont disant que cette âme est naïve,
Je ne les connais point ; qui les aime les suive,
Mais d’être épouvantail, c’est ce qu’il me fallait.
La planète des rois
image de l'auteur
La planète des rois peut vous sembler obscure,
Mais elle tient son rang, et fait bonne figure,
Couverte, comme elle est, de rustiques maisons
Avec de beaux jardins de fleurs de guérison.
Là, jamais un chasseur ne fait rougir le givre
Sur le sol du sous-bois ; les passants laissent vivre
Les animaux charmants qu’on y peut souvent voir,
Le borogove bleu, le drac, le tove noir.
C’est un astre de paix, dont l’atmosphère est bonne,
Un paradis lointain, béni par la madone ;
Chacun y peut goûter les plaisirs coutumiers,
Seulement, les vergers n’ont jamais de pommiers.
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