Sagesse du pluvian
+2
Ladysan
Cochonfucius
6 participants
Page 38 sur 40
Page 38 sur 40 • 1 ... 20 ... 37, 38, 39, 40
Petit oiseau rouge
image de l'auteur
Cet oiseau, chaque jour, entasse
Des trésors en un vert hallier,
Et, pour fuir ceux qui le pourchassent,
Se perche en haut d’un peuplier.
Si quelques démons le menacent,
Il s’abrite d’un bouclier ;
Aussi quand les corbeaux croassent,
Volant dans l’ombre par milliers.
Cet oiseau jamais ne se lasse
De son cher trésor familier,
Savourant le temps qu’il y passe,
Comme un ivrogne en un cellier.
Cheval de gueules
image de l'auteur
De gueules, ce cheval vit en terre inconnue ;
Il est assez ardu d'en faire le portrait,
Car cette bête-là, qu'on dirait ingénue,
Souvent cache son corps dans des endroits secrets.
Lorsqu'un dragon volant surgit du fond des nues,
Il porte un cavalier qui le perce d'un trait ;
Et le monstre subit une déconvenue,
Qui à son triste sort jamais ne se soustrait.
Cheval, tu vas, au gré de ta course légère,
Combien vis-tu mourir de dragons éphémères
Qui n'accomplirent point leurs funestes désirs ?
Dans la lueur du soir, je crois parfois entendre
Des redoutables arcs la corde se détendre,
Et la flèche voler dans le bruit d'un soupir.
Fleur crocodilienne
image de l'auteur
Vois, elle ne fleurit qu'au fin fond des ténèbres,
Loin des regards humains, et pour un temps très court ;
Or, cela représente un présage funèbre
Capable d'affliger les jardins et les cours.
C'est une fleur sans nom, qui grogne de colère
Ou qui rit quelquefois, mais d'un rire forcé,
Elle ne pousse point dans les régions polaires
Et ne mange jamais de bons marrons glacés.
J’écoute en frémissant ses victimes qui tombent ;
Dans de si mauvais jours, on voudrait être sourd,
Car les pauvres poissons qui à la fleur succombent
Tremblent de désespoir, et leur coeur est bien lourd.
Empereur fatigué
image de l'auteur
L’empereur convoqua le chef des moines chauves :
Ensemble, ils ont marché dans le parc verdoyant,
Et l’empereur tenait des propos ondoyants,
Le prêtre transpirait dans son écharpe mauve.
La fin du jour, sur eux, luisait d’un éclat fauve,
Cent mille oiseaux peuplaient les bosquets chatoyants,
Le vieillard progressait, mais d’un pas vacillant,
Pressé de regagner sa confortable alcôve.
Pendant tout ce temps-là, le religieux fluet
Écoutait sa parole et demeurait muet.
Comme il l’était souvent dans le coeur de son temple.
Or, son sens du devoir ayant pris le dessus,
Il lui dit : «Mon Seigneur devrait s’être aperçu
Que, d’Empereur sans charge, il n’y a point d’exemple».
Trois lunes d'hermine
image de l'auteur
Lunes sur un monde sans voix,
La nuit les admirent les pages ;
Le premier d'entre eux qui les voit
Les annonce à tout l'équipage.
Pour eux, ce serait un affront
D'ignorer ces lunes coquettes,
Aucun d'entre eux n'aurait le front
De leur préférer des comètes ;
Les comètes vont par paquets
Alors que chaque lune est seule,
Les unes sont pour les laquais,
Les autres pour les fines gueules.
Ours royal
image de l'auteur
Ici est un ours d’or, monarque casanier,
De relire une fable est sa plus grande fête ;
Mais elle n’a pas tort, cette sauvage bête,
D’apprendre à supporter la vie d’un prisonnier.
Au printemps de son âge, il aimait voyager,
Mais il vient une époque où sage est qui s’arrête,
Ne pouvant faire aller ni les pieds, ni la tête,
Et devant s’en remettre à quelques messagers.
Qui se change en ermite, en sûreté demeure,
Si ses désirs anciens presque jamais ne meurent,
Au cours de la vieillesse, ils sont moins dangereux :
L’ours royal le sait bien, fugitive est sa vie,
Sagesse en fin de cours nous est souvent ravie ;
Or, quand on n’en a plus, n’est-on pas plus heureux ?
Chasseur de têtes
image de l'auteur
Le chasseur, embusqué aux endroits ténébreux,
Prend-il quelque plaisir à sa tâche sanglante ?
Je le vois progresser, de sa démarche lente,
Chargé, au bout du jour, de ses trophées nombreux.
C’est un monstre discret, fuyant toute lumière,
Qui n'est pas attiré par le vibrant azur ;
Je le vois, poursuivant sa victime au coeur pur
Qui ne peut regagner la rive hospitalière.
Après un jour de chasse, au bar, il va s’asseoir,
Près de la tavernière aux charmantes épaules ;
Et quand il a bien bu, il s'endort sous les saules,
Ses rêves sont bercés par la rumeur du soir.
Arbre à visages
image de l'auteur
C’est un arbre étonnant, qui dans le vent frémit,
Tous ses fruits arborant des faces désolées.
Il aime les taillis, les friches isolées,
Ou bien l’obscurité d’un bosquet endormi.
Un temple dans ces bois, qui s’effondre à demi,
Lui sert de compagnon sous la voûte étoilée ;
Une lune timide, et de brume voilée,
Baigne de sa lueur ces deux sombres amis.
De ma vision nocturne, et sans doute rêvée,
De cette construction assez inachevée,
Je n’aurais pas l’idée de faire une chanson.
Le sens en est douteux, la forme en est confuse,
Le mouvement plus lent que l’eau dans une écluse ;
Des songes de ce genre, on ne sait ce qu’ils sont.
Animaux d'or et d'argent
image de l'auteur
C'est un monstre marin, prêchant sous les feuillages.
Parlant de la sagesse en étant abrité ;
On voit, voulant l'ouïr, une foule monter
Le long du raidillon qui dessert le village.
Animaux de métal, bien plus sages que nous,
Vous savez que l'Esprit est près de votre porte,
Que la sainte éloquence est bien loin d'être morte,
Et que l'enseignement est un baume fort doux.
Animaux de métal, entre vos murs de pierre,
Vous vous remémorez ce grand monstre savant,
N’ayant pour formateurs que la pluie et le vent,
Et la lune dont luit l’amicale lumière.
Corbeaux de sinople
image de l'auteur
Planète des corbeaux, planète empoisonnée,
Eux-mêmes vous diront que l’air leur semble bon ;
Ils n’ont pas, comme ici, la noirceur du charbon,
Mais changent de couleur, aux saisons de l’année.
Ils ne font que chanter des chansons surannées,
Contemplant, tout le jour, leur soleil moribond,
Puis ils s’en vont manger des tranches de jambon,
Oubliant, presque tous, la chanson fredonnée.
Planète des corbeaux, planète de mensonge,
De m’y trouver un jour, point ne faut qu’ils y songent
Je les laisse chanter sur leurs grands arbres morts.
De sinople, un corbeau rêve de boucheries,
Mais aucun animal n’arpente la prairie ;
Nul ne soufffre par eux, ce m’est un réconfort.
Deux vieux aigles
image de l'auteur
Fatigués, ces oiseaux, et bien lasse leur âme !
Or ce n’est pas qu’ils soient mécontents de leur sort ;
Ils ont ce que leur coeur apprécie et réclame,
Ne craignant point la vie, pourquoi craindre la mort ?
Leurs deux linceuls sont prêts, et leurs fosses jumelles
En feront, très bientôt, des cercueils sans passé.
Quand se dégradera leur dépouille mortelle,
Leurs os reposeront dans le sous-sol glacé.
Ils n’ont jamais aimé les demeures superbes,
Ils ne demandent point vos regrets, ni vos pleurs,
Car vous ne pleurez pas le blé qu’on met en gerbe.
lls aimaient les blasons, les chants, les vers, les fleurs.
Petits rois barbus
image de l'auteur
Quels charmants rois ! Faut-il les présenter ?
À voir leur barbe, un visiteur devine
Qu'ils sont nourris de sagesse divine
Et que le barde a droit de les chanter.
Se partageant un royaume enchanté,
Ces deux larrons font toujours bonne mine ;
Quant aux malheurs, oncques ne les ruminent,
Mais du présent savent se contenter.
Jamais amour charnel ne les tracasse ;
Leurs songeries se perdent dans l'espace,
Mythes jamais ne les ont abusés.
Se reposant, ces quelques vers ils chantent,
Mais ils n'y voient nulle attention touchante ;
De romantisme, ils ne sont accusés.
Plantigrade de sable
image de l'auteur
Cet ours cultive le silence,
C’est un habitant du désert,
Il aime la tiédeur de l’air
Quand vers sa caverne il s’avance.
Il aime le vaste horizon
Dont peut surgir une amoureuse,
Une oursonne mystérieuse
Venant d’un monde aux verts gazons.
Sitôt que le ciel devient sombre,
Il rejoint son lit de rameaux ;
Sa grotte devient un tombeau
Où les soucis meurent dans l’ombre.
Sagesse du crocolion
image de l'auteur
Du crocolion, qui peut ignorer les prouesses ?
Des pièges de ce monde, il s'est toujours tiré,
Et combien de rivaux n'a-t-il pas déchirés !
Il fut une terreur, dès sa prime jeunesse.
Cet animal ne peut être tenu en laisse,
Si tu le vois venir, tu peux te retirer,
Il n'a nulle beauté qui te puisse attirer,
Puis, garde-toi, surtout, que ses dents ne te blessent.
Gens qui cette présence ont longtemps enduré
Lui envient, semble-t-il, son pas bien assuré,
Ses deux cris effrayants, son regard qu'on peut craindre.
Or, est-il si content d'avancer hardiment ?
N'aurait-il pas en lui quelque secret tourment ?
C'est là qu'il est malin : il ne veut pas s'en plaindre.
Trois architectes
image de l'auteur
Le projet du premier tient à peu près la route ;
C’est un fier bâtisseur, il fera son chemin,
Le voici, paradant, une maquette en main,
Et sur lui, je n’ai rien à dire, somme toute.
Le deuxième dessine une montante voûte ;
Il est sûr d’inventer la maison de demain,
Car il veut apporter le bonheur aux humains ;
Je dis que ses pareils, souvent, sont en déroute.
Le troisième introduit des solutions faciles,
Il veut qu’un chantier soit un non-événement ;
Si le maçon n’opère aucun détournement,
La pierre lui sera bienveillante et docile.
Le bicoq et le biporc
image de l'auteur
Dans le vaste jardin qu’un crépuscule enflamme,
D’étranges animaux errent en liberté ;
Bicoq est par Biporc bien souvent transporté
En échange de vers, qu’alors il lui déclame.
La plus douce amitié règne entre ces deux âmes,
Car ces bons compagnons, tous les deux, sont dotés
De belle et bonne humeur, de franche loyauté
Et du sens du plaisir, vertus que rien n’entame.
La beauté du décor les charme et les étreint ;
Leur esprit libéré, que plus rien ne contraint,
En perçoit comme un goût de sagesse éternelle.
Le scribe qui les voit dit que rien ne saurait
Surpasser cet accord de volaille et goret ;
Laissons à leur bonheur ces deux amis fidèles !
Atelier d'Héphaïstos
image de l'auteur
Travail d'Héphaïstos, labeur obsessionnel,
Il forge des trésors, sans jamais voir le ciel,
Dans son noir atelier, comme dans une alcôve,
Sous le brûlant regard des grandes flammes fauves.
De tous les Immortels, ce brave homme est celui
Qui plus souvent travaille, hier comme aujourd’hui ;
C'est pesante corvée, dont rien ne le soulage,
Mais qui le met souvent dans une joie sauvage.
Marteleur obstiné dont le front s’alourdit,
Et qu'Aphrodite, en vain, attendra dans son lit,
De la pesante forge il goûte l'atmosphère,
Mais ce vieil artisan n'est pas homme d’affaires.
Chauve-souris bizarre
image de l'auteur
Monstre aérien qui volette sans trêve,
Quand je le vois, je ne me sens pas fort,
Car ce me semble un ange de la mort
Qui crie, le soir, sur une note brève.
Quand sur les bois du village il s’élève
Ainsi qu’un spectre emportant ses remords,
Annonce-t-il quelque funeste sort,
Prend-il le deuil d’un monde qui s’achève?
N’en craignons rien, car il ne fait qu’errer,
Inoffensif, ou j’ose l’espérer,
Malgré ses yeux d’une noirceur extrême.
Anges gardiens s’en vont le secourir,
Nuit après nuit le gardant de mourir,
Veillant sur lui bien plus que sur eux-mêmes.
Animaux divers
image de l'auteur
Animaux de la jungle, animaux de la plage,
Hôtes d'une caverne ou bâtisseurs de nids,
Animaux de la dune, animaux du feuillage,
En entendant vos voix, je me sens rajeuni.
Vivant pour un temps bref, ou de longues années,
Vous n'avez nul souci pour les questions d’argent ;
Vous ne pleurez jamais sur quelques fleurs fanées,
Votre humeur reste stable, en ce monde changeant.
Animaux de la plaine, animaux des ravines,
Vous recevez, sereins, le tonnerre et l'éclair ;
Vous ne contestez point les sentences divines,
Je vous vois près de moi, le jour devient plus clair.
Ambimoine
image de l'auteur
Point ne prêche ce moine une loi trop cruelle,
Son discours édifie même les passereaux ;
Tantôt disant un psaume à quelques vieux corbeaux,
Tantôt montrant un livre aux sages tourterelles.
L’aigle de grands sommets l’abrite sous son aile,
Il reçoit des cadeaux d’exotiques oiseaux ;
Il s’adresse aux hérons dansant sous les ormeaux,
La doctrine, avec lui, semble fraîche et nouvelle.
Le chasseur, l’entendant, va ranger son fusil ;
Le chat cesse, un instant, d’effrayer les souris,
Chaque auditeur l’approuve, et plusieurs d’entre eux l’aiment.
Ambimoine charmant, comment ne pas l’aimer,
Que jamais de colère on ne voit s’enflammer,
Qui trouve un mot gentil pour Lucifer lui-même.
Ambiscribe
image de l'auteur
Le scribe écrit jusqu’à minuit,
Ou tout au moins, il s’y engage,
Car de ses pareils, c’est l’usage.
Ainsi, sa jeunesse s’enfuit.
— Il transcrit des lois fatidiques,
Qu’en fort grand respect nous avons
Et que bien souvent nous suivons,
Mieux vaut ne pas être hérétique.
Suivre le fils du charpentier
Nous grandit, c’est incontestable ;
La loi nous invite à sa table
Pour boire avec le monde entier.
Tigre bipède
image de l'auteur
Le grand tigre bipède avance sur les bords
D’un cours d’eau, pour aller la tigresse rejoindre ;
De n’avoir que deux pieds, sa force n’est pas moindre,
Son âme avec le monde est en parfait accord.
Il observe la Lune, elle lui parle, alors
Il sait que l’aube, ici, ne va tarder à poindre
Pour le bord de cette eau de blanche douceur oindre.
L’aurore la suivra, tendre et rougeoyant corps.
L’onde, dans le torrent, avance, tourne et vire ;
Joyeux sont les poissons, plus qu’on ne peut le dire,
Tigre, que je voudrais voyager comme toi !
Mais je traîne en ce lieu ma démarche inégale,
Comme au fond du jardin fait la vieille cigale ;
Tigre, je t’offre un coup, si tu viens par chez moi.
Tunnel des lapins
image de l'auteur
Les lapins ont creusé du nord jusqu’au midi,
Par temps chaud, par temps froid ou par temps attiédi ;
Au bout de leur tunnel, une porte carrée
Laisse passer un flot de lumière dorée.
La mer d’un bleu d’opale émet un son charmant,
Un oiseau surprenant la frôle par moments ;
Sans doute, ce pays possède des prairies
Où d’un rouge lapin s’ébat la rêverie.
Peut-être ont-ils trouvé cet antique jardin
Où le pommier portait son fruit incarnadin ;
Creuser jusque là-bas, quelle admirable chose !
Puis, c’est un bon endroit pour cultiver des roses.
Mangeurs de pommes
image de l'auteur
Eve eut tort de goûter cette pomme excellente
Devant tous les démons autour d'elle assemblés ;
Adam fut condamné à cultiver du blé,
Trimant avec le boeuf à la démarche lente.
Mais la faune du sol et la faune volante
Goûte toujours ce fruit, qui de grâce est comblé ;
Les animaux sont purs, leur coeur n'est pas troublé,
Ni leur esprit confus, ni leur âme tremblante.
Ils mâchent cette chair, blanche comme l'ivoire,
Sans réfléchir aux lois qu'énoncent les grimoires,
La question du péché jamais ne se posant.
Les bêtes du jardin n'ont ni dieux, ni déesses,
Ni conscience-grillon, ni surmoi qui les presse ;
Mais leur recueillement, je le trouve imposant.
Cinquante-troisième carte
image de l'auteur
Le fou nommé Joker rit du matin au soir,
Lui qui n'est pourtant pas de première jeunesse;
Mais il avale aussi le bon vin du pressoir,
De l'aube lumineuse au sombre jour qui baisse.
Il tient son âme ouverte aux parfums d’alentour,
Puis il sait deviner les mouvements de l’onde,
Il ne perd pas son temps à rechercher l'amour,
C’est un farceur atteint de sagesse profonde.
Un jour, on descendra son petit coeur vivant
Au funèbre caveau, trépassé, solitaire,
Comme une feuille morte, emportée par le vent,
Que l'arbre généreux vient offrir à la terre.
Page 38 sur 40 • 1 ... 20 ... 37, 38, 39, 40
Sujets similaires
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
Page 38 sur 40
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum