Sagesse du pluvian
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Modeste poule
Au Seigneur Coq je me soumets,
En m’efforçant de rester digne ;
Il m’offre une pêche de vigne
Qu’il a choisie en fin gourmet.
À l’étang, je n’y vais jamais,
Car je n’aime pas trop les cygnes ;
Je reste en ma cour où s’alignent
Mes poussins, quand Dieu le permet.
Ici je fus jeune poulette,
Fort aventureuse et follette ;
Porteuse d’amour et d’espoir.
Même, je rêvais d’être artiste,
J’en parlais au vieux canard noir ;
Il disait « Soyons réalistes ».
Anneaux du savoir
Apprendre, c’est ton vrai désir,
La chose est à ton avantage ;
Accroche-toi, disciple sage,
Tu auras du lourd à saisir.
Tu ne pouvais pas mieux choisir
Et donc tu dois prendre courage ;
Il faudra te mettre à l’ouvrage
Auquel tu vas prendre plaisir.
Cette chaîne jamais brisée
Sera par tes pareils prisée ;
Bienheureux, celui qui apprend.
Ne sois donc jamais réfractaire,
Tout au long de ta vie sur terre ;
Retiens tout ce que tu comprends.
Lion sot
Je ne suis pas de ceux qui lisent,
Pas même en la froide saison ;
M’asseyant auprès des tisons,
C’est de bon vin que je me grise.
Les gens écrivent des bêtises,
Des lecteurs leur donnent raison ;
Quand je pense à de tels oisons,
Je me dis que je les méprise.
Que peut noue enseigner Platon ?
Des blagues ou des théorèmes ?
Cet auteur-là, nous l’évitons.
Il n’est point de sagesse extrême,
Je le dirai sur tous les tons ;
Chacun doit penser pour soi-même.
Poisson traducteur
Je déchiffre les caractères
Qui pour moi n’ont aucun mystère ;
Que je sois pendu si je mens,
Je lis, et je comprends vraiment.
Je connais le ciel et la terre
Et leurs très nombreux locataires ;
Je connais les mots des amants
Et ceux des auteurs de romans.
Je sais aussi ce que Dieu pense,
Rien qu’en écoutant son silence ;
Je connais ses moindres soucis.
Tu ne me crois pas, je m’en moque,
Ceux des précédentes époques
Furent incrédules aussi.
Escuiruels
squirrels
Les deux écureuils sont perchés
En haut d’un arbre séculaire :
Ils disent des choses peu claires,
Qu’à comprendre il ne faut chercher.
Ils ne sont nullement cachés,
Ils ne sont pas impopulaires ;
À tout le monde ils veulent plaire,
À leur gloire ils sont attachés.
Ils délirent plus qu’à moitié,
À tel point qu’ils nous font pitié ;
Mais nous ne pouvons rien y faire.
Écureuils, ça ne va pas fort
Et vous n’aurez nul réconfort ;
Votre attitude est mortifère.
Trésor
Des lingots d’un coûteux métal
Ainsi que deux ou trois pépites ;
Coffre gardé par un ermite
Fort dévot mais un peu vénal.
Craint-il l’adversaire infernal ?
Il le conjure par des rites ;
Il prépare de l’eau bénite
Qu’il conserve dans un bocal.
Il n’est nullement sybarite,
Car il a su rester frugal ;
Le luxe, ça lui est égal.
Pour sa servante Marguerite,
Ce n’est qu’un vieil original ;
Rien dans cet homme ne l’excite.
Blancheur d’un oiseau
Mes plumes sont de bel ivoire,
Cela n’a rien d’inattendu .
Je suis noble, bien entendu,
Porteur de sagesse et de gloire.
Le corbeau ne veut pas me croire,
Me traitant de piaf saugrenu ;
Mais il est jaloux, c’est connu,
Lui qui n’est qu’un perdant notoire.
Je n’ai souci du lendemain ;
Je suis plus sage qu’un humain,
Car mieux pourvu de savoir-vivre.
Te tairas-tu, corbeau moqueur ?
Noirs sont ton plumage et ton coeur,
Que Thanatos nous en délivre !
Ange obscur
Je fais des choses dangereuses,
Au ciel ou dans de troubles eaux ;
Vous ne ferez pas de vieux os,
Démons des profondeurs ombreuses.
Mes amantes sont peu nombreuses,
J’en reçois de rares cadeaux ;
Je reste seul sous mes fardeaux,
Mon âme est sale et ténébreuse.
Je suis un ange abandonné,
Mon sort est celui d’un damné ;
J’envie les mortels ordinaires.
Je n’aurai pas de réconfort ;
Sauf si un être imaginaire
Me révélait que je suis mort.
Noble bouc
Je somnole parmi les livres,
Mais je m’active par moments ;
Les textes viennent par fragments
Quand mon intellect s’en délivre.
En ce refuge il fait bon vivre
Avec fort peu d’entendement ;
Car tout se traite simplement,
Jamais cela ne nous enivre.
À mes défunts j’irai me joindre,
Et d’entre eux je suis l’un des moindres ;
La vie qui me reste, elle est brève.
Lourds sont les jours, les nuits aussi,
Mais que m’importent mes soucis,
Ce ne sont que de pauvres rêves.
Feuille oubliée
Je suis la feuille solitaire
De je ne sais quelle saison ;
Auprès d’une vieille maison
Je me repose sur la terre.
Que fais-je ici ? C’est un mystère,
C’est un chemin sans horizon ;
C’est un défi pour ma raison,
Cela n’a rien d’élémentaire.
Ce beau jardin, c’est l’univers
Où j’ai dormi tout un hiver,
On est vraiment loin des tropiques.
Un insecte parle tout seul :
Il dit qu’à l’instant fatidique
Il fera de moi son linceul.
Pâle coeur
Ce coeur ne sait plus s’allumer,
Même si Vénus l’y convie ;
Animé d’un semblant de vie,
Il se souvient d’avoir aimé.
Lui qui d’Éros fut estimé,
Porteur de flamme inassouvie,
Vaillance jamais asservie,
Le voilà seul et renfermé.
Que de vains souvenirs de gloire,
Quelle nostalgie de victoires !
De cris, de chocs, de tourbillons…
Les blés fauchés sont mis en gerbe,
Plus ne vole aucun papillon :
Car toute chair est comme l’herbe.
Monstre froid
Je suis un démon sans audace,
De quoi me sert ma liberté ?
Je suis un démon tourmenté,
Je ne me sens pas à ma place.
Je ne sais comment faire face
À toutes ces complexités ;
J’ignore les subtilités
De ces temps de flamme et de glace.
J’aimerais être un poisson blanc
Aux gestes vifs, aux nobles flancs ;
Celui que je ne sais décrire.
Que vienne le dernier sommeil !
S’arrêtera ce coeur vermeil
Avec un ultime sourire.
Arbre abstrait
Cet arbre semble être de pierre,
Ça lui donne un certain attrait :
Un sculpteur en fit le portrait
En buvant quelques pots de bière.
L’artiste sage et solitaire
Aimait les monuments abstraits ;
Pour trois admirateurs distraits,
Il en évoquait le mystère.
L’oeuvre va dans un pavillon
Orné de mille papillons ;
C’est un abri, pas une geôle.
Cet arbre regarde l’humain
Qui par le travail de ses mains
Fit un objet plaisant et drôle.
Fleurs de canicule
C’est la mort pour les immortelles,
Tu peux voir leurs rangs clairsemés ;
J’entends des gens prier pour elles,
Je vois des cierges s’allumer.
J’entends pleurer les hirondelles,
Je vois des anges désarmés ;
Le miroir dit à la chandelle
Le deuil de ces êtres aimés.
La canicule, c’est la mort,
C’est le dessèchement du corps
Qui vainement réclame à boire.
Mais demain, c’est un autre jour,
C’est le réveil de nos amours ;
Nous vivrons jusqu’à la victoire.
Étoile obscure
Voici cet astre mal éclos,
Vainement traversant le vide;
Source de lumière morbide,
C’est un luminaire pâlot.
Son coeur est un méli-mélo,
Un sac d’atomes fratricides ;
Sa couronne, un éclat perfide,
Un invraisemblable halo.
Source de lumière embrouillée
Sur fond d’énergie magouillée,
Que peut-il sortir de ce corps ?
Étoile, ignoble messagère,
Les gens te traitent de mégère
Et je me dis qu’ils n’ont pas tort.
Bélier du Petit Prince
Ici vit un bélier barbare,
Qui d’une autre planète vient ;
Il a plutôt l’air d’un Terrien,
Mais je le trouve un peu bizarre.
Il a bu le vin d’une jarre,
Cela ne lui fit aucun bien ;
Mais il retrouva son maintien
En avalant l’eau d’une mare.
Ne crains donc rien, bélier timide,
Comme l’eau, ton âme est limpide ;
Tu dois prendre soin de ton corps.
Nous ferons venir la vestale
Bienveillante et sentimentale
Qui t’offrira du réconfort.
Dragon nonchalant
Même si je suis vigoureux,
Nul mortel devant moi ne tremble ;
Nous rions, nous buvons ensemble,
Ce sont des instants savoureux.
Récemment je fus amoureux
D’une dryade, ce me semble ;
Ma paresse m’en désassemble,
Même si c’est malencontreux.
L’amour me paraît mortifère ;
Le plus sûr est de ne rien faire,
Que l’on soit jeune ou qu’on soit vieux.
Je n’irai point ravir Hélène,
Cette désirable Troyenne ;
Ni me battre pour ses beaux yeux.
Au gré du fleuve
Ayant descendu la rivière,
Du fleuve je rejoins le cours ;
Sereine est la clarté du jour,
Les eaux boivent cette lumière.
Quelques ondines familières
Viennent se montrer tour à tour ;
Bien sommaires sont leurs atours,
Bien rustiques sont leurs manières.
Conversations sans lendemain,
Un peu de drague, c’est humain ;
La routine du jour, en somme.
Les ondines ne restent pas,
Car c’est l’heure de leur repas ;
Elles vont manger, loin des hommes.
Pont perdu
Ici la rivière est profonde,
Ce lieu est traversé d’effroi.
Il n’en est de pire en ce monde,
Ici chacun porte sa croix.
Un ondin cette noire eau sonde,
Pour y trouver on ne sait quoi ;
Un noir papillon fait sa ronde
En d’invraisemblables endroits.
Un murmure franchit les lèvres
D’un fantôme accablé de fièvre ;
Il a maudit l’astre du jour.
Puis il se noie dans le silence
Car son désespoir est immense ;
Il a regret de ses amours.
Sage loup-barde
Sentences jamais altérées,
Cette voix de loup dit le vrai ;
Mais pas de détails indiscrets,
Cette parole est modérée.
Sagesse jamais égarée,
Sans vantardise et sans apprêts ;
Les habitants de la forêt
L’écoutent au long des soirées.
Il dit la joie et le souci,
La tristesse et l’amour aussi,
Pour tous les animaux sauvages.
C’est le loup-barde aux sombres yeux,
Seul en son genre sous les cieux ;
C’est un survivant d’un autre âge.
Les clés du grenier
Que trouverai-je en ce grenier ?
Diverses toiles non signées,
Des livres, de sols, des deniers,
Quelques missives dédaignées ?
L’ombre est de mystère baignée,
Un trésor gît en un panier ;
Malle de poussière imprégnée,
Très vieux vêtements printaniers.
C’est un grenier où l’on s’égare,
Le diable y vient sans crier gare,
Lui qui naguère m’effrayait.
J’ai trouvé la petite boîte
Ornée d’une main maladroite,
Un vieux poème y sommeillait.
Logis discret
Rien de spécial ne le désigne,
Cet édifice suranné ;
Rien qui puisse nous étonner,
Rien qui d’un poème soit digne.
J’écris pourtant ces quelques lignes,
Sur un thème indéterminé ;
J’écris, je me laisse entraîner
Comme une grive dans les vignes.
Je ne dirai rien d’étonnant ;
Sous la lumière du Ponant
Je contemplerai ma terrasse.
J’aime ce coin peu fréquenté,
Ce modeste manoir hanté
Par d’illisibles paperasses.
Peser des riens
La balance de Mélusine,
Que voudras-tu lui demander ?
Elle arrive à s’accommoder,
Des moindres débris de cuisine.
L’invisible brise marine,
Le fond que tu ne peux sonder,
L’odeur du pacage inondé ;
L’instrument jamais ne lésine.
Pèse des riens, divertis-toi,
Tu peux prendre exemple sur moi ;
Je fais ça depuis des semaines.
Je pèse les vapeurs de Seine
Et leurs rimes et leurs raisons
Moins lourdes que n’est l’horizon.
Homme sans qualités
Je ne fais rien que de frivole,
Je ne dis rien de convaincant ;
J’ai le corps froid, l’esprit vacant,
Cet univers me déboussole.
Du déclin je suis le symbole,
Cela fait rire les croquants ;
Quand je les entends se moquant
Je réponds par des fariboles.
Je note dans un cahier mauve
D’insipides secrets d’alcôve ;
Fleurs des bords d’un mauvais chemin.
Je ne suis qu’un vieux porc indigne,
Pour tout vous dire en une ligne ;
Rien qu’un rebut du genre humain.
Ermitage vide
Il a disparu, cet ermite,
Repose-t-il en un tombeau ?
En vain j’interroge un corbeau
Dont le mutisme est sans limite.
Un anachorète nouveau
Viendra-t-il occuper ce site ?
Sa présence serait licite,
Il n’aurait guère de rivaux.
Ou peut-être, une sainte femme
Viendrait y abriter son âme,
Car c’est un lieu de pureté.
Ou bien (ce serait plus étrange)
Il pourrait y venir un ange,
Un être porteur de clarté.
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