Sagesse du pluvian
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Héros confus
Je suis sans terre et sans avoir,
Ma vie n’est pas bien agencée ;
Ténébreuses sont mes pensées,
Grises mes heures, froids mes soirs.
Je m’habitue au désespoir
Dans cette existence effacée ;
Je remue des choses glacées
Au fond d’un sinistre couloir.
Je compose ce sonnet morne ;
Dans cette déprime sans bornes,
La frayeur s’empare de moi.
Monde de tristesse éternelle,
La mort s’y tient en sentinelle ;
Pas de quoi se mettre en émoi.
Fruits magiques
C’est un miracle saisonnier,
Cela semble issu d’un poème ;
De beaux fruits mûrs, comme on les aime,
De quoi remplir douze paniers.
Le serpent les goûte en premier,
Par ordre de l’Être Suprême ;
Il attend la fin du carême
En tournant autour du pommier.
Un vieil archange prend sa lyre ;
Quelques insectes en délire
Improvisent des mots d’esprit.
Plusieurs parts sont pour les chimères,
Cela rend leur vie moins amère
Et ce bonheur n’a pas de prix.
Fleur modeste
M’ouvrant du jour au lendemain,
Je ne sais pas si je suis belle ;
La rose est vraiment sûre d’elle,
Dans son bel habit de carmin.
Je découvre ce vieux jardin,
J’y suis la petite nouvelle ;
Sur d’autres fleurs je prends modèle,
Car je voudrais plaire aux humains.
Un oiseau survient, très poli,
Qui dit un poème joli ;
Puis à la fontaine il va boire.
Un autre oiseau lance son cri
Qui ne peut guère être décrit ;
Il m’aime aussi, j’ose le croire.
Royal fantôme
Je suis en dérive éternelle,
Mais cela n’est pas un tourment ;
Car je circule lentement
Parmi des formes qui sont belles.
Ce sont de vives étincelles
Surgissant à chaque moment ;
Je les poursuis farouchement,
Ces évanescentes pucelles.
Ces moments sont du plaisir pur;
Comme un rêve, comme une danse ;
Je les ai mérités, bien sûr.
Je savoure l’Impermanence,
Y compris son côté obscur ;
Je me délecte en mon errance.
Grenouille grise
Je ne suis rose ni bleutée,
Moi qui n’ai rien d’éblouissant ;
Mon teint n’est pas trop ravissant,
C’est de la grisaille floutée.
Ma grise mare est habitée
Par quelques poissons languissants ;
Je vois leurs corps se flétrissant
D’une misère imméritée.
Je rêve en attendant la mort,
N’ayant guère soin de mon corps ;
Ma vie fut une triste fable.
Les ans sont courts, les jours sont longs,
Mon coeur semble être fait de plomb ;
Je meurs de langueur ineffable.
Printemps des morts
Avril veut que chacun sourie,
Sauf, cependant, les disparus ;
L’éclat du soleil s’est accru
Et les pelouses sont fleuries.
Au cimetière un rêveur prie,
Parlant à des dieux inconnus ;
Son coeur voudrait se mettre à nu
Devant Notre Dame, Marie.
À la chapelle on brûle un cierge,
Il y plane des âmes vierges ;
C’est bientôt le Printemps des Morts.
Au jardin les fleurs sont écloses,
Toute vigueur quitte mon corps ;
Vient un silence, fin des gloses.
Silence d’une grenouille
Je me tais, je rêve et je pense,
Je médite sur l’infini ;
Le soir, quand le ciel se ternit,
Je contemple l’impermanence.
Ma sagesse est loin d’être immense,
Mais avec l’âge, elle grandit ;
Des mots qu’autrefois j’entendis
Viennent traverser mes silences.
Je progresse sans me presser,
J’évite ainsi de me stresser ;
Je vis ma vie en pente douce.
Même s’il est question d’amour,
Cela se fait pouce par pouce ;
Nulle hâte au long du parcours.
Planète des aliénés
Ici, quelques primates fous ;
Ils ont des manières humaines,
Ils chantent comme des Papous,
Ils délirent, ils se promènent.
Ils ne travaillent pas du tout,
Ils se baignent dans leurs fontaines ;
En taverne ils vont boire un coup,
Pas plus de sept fois par semaine.
Eux, si faibles et démunis,
L’adversité les désunit ;
Ils sont perdus, ils sont en panne.
Je leur verse encore du vin ;
Ils m’abreuvent de propos vains
Et dans l’ombre un démon ricane.
Dragon blanc
Je suis un être de lumière,
Je suis le Seigneur Dragon Blanc ;
Je sens vibrer mon coeur brûlant
De sa folle ardeur coutumière.
Je sens mon âme prisonnière
De mon corps faible et chancelant ;
J’effectue quand même, à pas lents,
Ma promenade buissonnière.
Mon père fut un dragon vert
Qui vécut de nombreux hivers
Et fréquenta d’horribles bouges.
Ma mère, une chimère rouge,
Ne fit jamais rien de ses mains,
Indifférente aux lendemains.
Biche souveraine
Je suis la Reine des Deux Rives,
Sans limites sont mes pouvoirs ;
J’ai pour amant le Grand Ours Noir,
Mais je ne suis point sa captive.
Je fus errante et fugitive,
Mais l’ours m’offrit un beau manoir ;
Nous parcourons notre terroir,
Ce sont des errances tardives.
En ces heures chacun s’endort,
Sauf un poète, le Vieux Porc,
L’auteur des Stances à la Reine.
Je m’arrête pour l’écouter ;
Il m’offre ses rimes sereines,
Je goûte ses mots veloutés.
Saint Papegault
Je suis un bel oiseau parlant,
Plusieurs saintes femmes m’adorent ;
Grâce à mon verbe étincelant
Je surpasse Saint Isidore.
Je suis un fabuleux galant
Qui de grands discours élabore ;
Je suis un séducteur volant
Qui son joli plumage arbore.
Je brille comme un ostensoir
Qu’au peuple montrerait un ange ;
Je suis le frais soleil du soir.
Je dors avec Sainte Chantal
Pour qui cela n’a rien d’étrange ;
Je me montre sentimental.
Grand hippotaure
Je suis le neveu de Protée,
J’aime cet oncle un peu givré ;
De mes peurs il m’a délivré,
Car il me les a bien ôtées.
J’ai pour marraine Galathée
Dont fut l’auteur enamouré ;
Je me trouve bien entouré,
Mon âme en est vraiment flattée.
Au pré tu m’entendras mugir ;
Si le goupil vient à surgir,
Moqueusement je le charrie.
Des songes peuplent mon sommeil,
De dryades, de fruits vermeils,
Et de Notre Dame, Marie.
Deux écureuils
Nous sommes plus beaux que des morses,
Nous sommes deux fiers écureuils ;
De l’arbre nous sommes l’orgueil,
Nous sommes garants de sa force.
La dryade n’est point retorse,
Elle qui nous voit d’un bon oeil ;
Nous ne rencontrons nul écueil
En grimpant à la rude écorce.
Nous sommes fils du firmament ;
D’Artémis nous fûmes amants,
Nous la revoyons dans nos rêves.
Le diable en nous voyant s’enfuit
Et court se perdre dans la nuit ;
Nous entendons sa plainte brève.
Baron d’enfer
Je suis le Seigneur des Racailles,
Je suis sale et mal embouché ;
Mieux vaut ne jamais m’approcher,
Je frappe d’estoc et de taille.
Je suis le Seigneur des Batailles,
Je suis le meilleur des archers ;
Les autres ne sont rien qui vaille,
Je dis qu’ils se feront torcher.
Les enfers proclament ma gloire,
Je souris en montrant mes crocs ;
Je souris un peu, rien de trop.
Je suis un massacreur notoire,
J’enfouis les gens sous le terreau ;
Ma vie est une sale histoire.
La Bande des Quatre
Ce sont quatre bonimenteurs,
Quatre douteux énergumènes ;
Dans le village ils se promènent
Sans aucun but, avec lenteur.
Ils cherchent des admirateurs,
Je trouve leur quête un peu vaine ;
Ils comptent sur un coup de veine
Qui, pour eux, serait salvateur.
Oublions ces êtres frivoles
Et diffuseurs de fariboles ;
Ils ne gagneront aucun lot.
Allons plutôt vider l’amphore
Que nous offrent les canéphores ;
Les Quatre n’auront que de l’eau.
Papillon d’avril
Le papillon nous émerveille,
Ce léger envoyé des cieux ;
En silence il charme nos yeux,
C’est une danse nonpareille.
Courtisant la rose vermeille,
Il est dans le secret des dieux ;
Lui, qui jamais ne sera vieux,
Dans la douceur dort et s’éveille.
Le papillon, volante fleur,
Aux muses offre ses couleurs ;
Chacune s’en trouve ravie.
Savourant de brèves amours,
Il ne voit point passer les jours ;
C’est peu de chose que sa vie.
Le seigneur d’Alpha Porci
Ici tout bouge et rien ne change,
N’y venez pas, frères humains ;
Tous nos soirs sont sans lendemains,
Nos cieux n’ont que de mauvais anges.
Tous nos océans sont de fange,
Des monstres y trempent leurs mains ;
Ensuite, ils perdent leur chemin,
Ce qui, je crois, n’a rien d’étrange.
Affreux mondes sans horizons,
Tu n’y verras que déraison ;
Va plutôt prendre un bain de vide.
Ainsi parle un Seigneur porcin,
Évoquant un cosmos malsain
Dont les planètes sont arides.
Chapelle du Pluvian
S’illuminant dans la nuit noire,
Voici des vitraux familiers ;
Voici la nef aux lourds piliers,
Voici le modeste oratoire.
Ne cherche pas dans les grimoires
Que tu possèdes par milliers ;
Car ce caprice immobilier
Leur reste inconnu, c’est notoire.
Ces murs ont, sans témoins, jailli
Dans la clairière d’un taillis ;
C’est ce que dit le pluvian-diacre.
Or, d’après cet oiseau malin,
C’est un miracle de Saint Fiacre
Ou même de Saint Broquelin.
Danse avec le temps
Ce qu’on ne peut apercevoir,
Pourquoi l’évoquer en paroles ?
Chacun dit que le temps s’envole,
Pourtant nul ne peut le savoir.
Ce qui ne peut te décevoir,
C’est le chant, c’est la danse folle ;
Ton âme et ton esprit décollent,
Ton coeur aussi, je peux le voir.
Survient une clarté soudaine ;
Loin des contingences mondaines
Tu ne songes qu’à t’élancer.
Dans cette escapade furtive,
Ta muse se fait inventive ;
Ta plume se met à danser.
Goupil vagabond
Errer, c’est dans mon caractère,
Souvent je quitte mon manoir ;
J’emprunte alors les chemins noirs,
Usant mes griffes sur les pierres.
Je vais en quête de mystères,
De tout ce que l’homme a cru voir ;
Je glane d’étranges savoirs,
Par endroits le monde s’éclaire.
J’arpente un territoire immense ;
Quand j’ai fini, je recommence,
Le vaste ciel me sert de toit.
Les paysages m’émerveillent,
Les archanges qui me surveillent
Disent « Tout ira bien pour toi ».
Pierre levée
Noble est du menhir la stature,
Ce sont des experts qui l’ont fait ;
Le cosmos en est satisfait,
C’est un bloc de belle facture.
Majestueuse est sa posture,
Cela produit de beaux effets ;
Il reste en son lieu, c’est parfait,
Sans jamais chercher l’aventure.
Ce roc, sous l’orage qui gronde,
Ne frémit pas le moins du monde ;
Il croit au retour de l’azur.
Un dieu nous donna cette terre ;
Nous lui consacrons cette pierre,
Ce témoin d’un miracle obscur.
Modeste logis
Sans se fatiguer, les maçons
Nous ont bâti ce domicile ;
Cela fut pour eux très facile,
Un bricolage à leur façon.
Les saisons viennent et s’en vont,
Je suis de plus en plus fragile ;
Adam vers sa native argile
Est retourné, nous le savons.
La demeure aussi devient frêle,
Mais ce n’est pas triste pour elle
Qui point ne craint de trépasser.
L’été brûlant, l’hiver glacé,
Nos écrits peuvent s’effacer ;
Surviendront des plumes nouvelles.
Silence de la ruche
Nulle ne chante ni n’appelle,
Leur grand silence emplit l’azur ;
Le calme règne dans leurs murs,
Ce sont nos servantes fidèles.
Pour elles les fleurs se font belles
Et le soleil se fait moins dur ;
Le miel sait qu’il doit être pur,
Qui l’âme du printemps recèle.
La ruche, un sobre monument,
C’est le contraire d’une usine ;
C’est un lieu paisible et charmant.
Le ciel au-dehors s’illumine,
Traversé par un soleil d’or ;
Le miel en deviendra plus fort.
Planète des embrouilles
Oublie cette planète folle,
Pleine de démons bagarreurs ;
Y aller serait une erreur,
Et ne crois pas que je rigole.
Dans leur ciel, des sorcières volent,
Te menaçant de leur fureur ;
Dans leurs océans, c’est l’horreur,
Un magma de matière molle.
Leurs poètes font des quatrains
Qui supprimeront ton entrain ;
Viendra la tristesse profonde.
Des deux pôles viennent des vents
Qui la cendre vont soulevant ;
Un fléau de plus en ce monde.
Chétif insecte
Je suis léger, mais plein de vie,
Goûtant des repas savoureux ;
J’évite les choix douloureux,
J’agis au gré de mes envies.
Mon amoureuse m’apprécie
Plus que ses prétendants nombreux ;
Elle me nomme « ténébreux »,
Et d’être là me remercie.
Marchant à deux vers le trépas,
Nous ne nous en tourmentons pas ;
Chaque chose vient à son heure.
J’ai perdu mes dons de dragueur
Mais je suis toujours un blagueur ;
Le reste compte pour du beurre.
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