Sagesse du pluvian
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La reine Aragne
Ce beau jardin, c’est mon empire,
J’y tisse d’élégants réseaux ;
Le vent fait danser les roseaux,
Je me balance et je respire.
Ici personne ne m’admire,
Qu’importe, ce n’est pas nouveau ;
Je n’ai pas besoin de dévots,
Car ceux-là sont de tristes sires.
Des insectes sans foi ni loi
Font, en ce lieu, je ne sais quoi ;
Un papillon se croit monarque.
Presque tous achèvent leurs jours
Dans mes pièges, je suis leur Parque :
Ainsi finissent leurs amours.
Bélier de Jeanne d’Arc
Ma bergère affronta les flammes,
Et s’en attristèrent les cieux ;
En pleurèrent jeunes et vieux,
Dont elle avait séduit les âmes.
Quand on m’a raconté ce drame,
Je me mis à douter de Dieu,
Il aurait pu la garder mieux ;
Nous regretterons cette dame.
Et notre monarque en sa cour ?
Au lieu d’aller à son secours,
Il drague une marquise blonde.
Ils l’ont mise au rang des martyrs,
Mais ils devront s’en repentir,
Ils brûleront en inframonde.
Arbre résilient
Les gens disent que je suis frêle,
Mais mon moral est excellent ;
Ma sève a de nobles élans
Et ma dryade est la plus belle.
Au printemps, je me renouvelle,
Je redeviens un vert galant ;
Je suis solide et nonchalant,
Mon âme se croit éternelle.
J’écoute chanter les crapauds ;
Ils savent bercer mon repos,
Plusieurs animaux les envient.
Je regarde courir le daim ;
C’est un quadrupède badin
Qui sait profiter de la vie.
Sapin lointain
Ici vécurent mes ancêtres,
Qui leur sagesse m’ont légué ;
D’eux-mêmes toujours étant maîtres,
Ils savaient l’art de dialoguer.
Dans la forêt qui me vit naître
Vivent des hôtes distingués :
La noble dryade du hêtre
Et le vieux faune aimant draguer.
L’écureuil danse en haut du chêne,
Les oiseaux bavards se déchaînent ;
Ils disent que ce monde est beau.
Mes frères, qu’un bûcheron blesse,
Conservent toute leur noblesse,
Comme les gisants des tombeaux.
Les ducs de Blanquefort
Ces grands seigneurs, dans leur donjon,
Vident leurs verres en famille ;
Dans le champagne qui pétille
Ils découvrent des horizons.
« Blanquefort » est le noble nom
Dont leur identité s’habille ;
Plus fiers que des grands de Castille,
Ils portent un vaillant blason.
Aux alentours sont des cultures,
Des églises, des sépultures ;
Un charmant pays, sans mentir.
Les ducs vont parfois à la chasse
À la biche ou à la bécasse,
Mais ils ratent souvent leur tir.
Fleur de vertu
L’Amour m’abreuve de ses larmes,
Ses beaux jours se sont en allés ;
Alors, je le laisse parler,
Ma gentillesse le désarme.
« Même la tristesse a son charme »,
Lui dis-je pour le consoler ;
Son chagrin semble s’envoler,
Je vois la fin de ses alarmes.
Moi, qui sais offrir le bonheur,
Je sais que c’est à mon honneur ;
Et cela fait ma renommée.
Moi, qui parle sans me vanter,
Je vis dans un monde enchanté ;
Je suis la fleur la plus aimée.
Saint Quadrupède
Ce saint, que l’Écriture inspire,
Est le plus doux des animaux ;
Dans son genre il n’a point d’égaux,
Les démons contre lui conspirent.
Pour le meilleur et pour le pire,
Il soigne de chacun les maux ;
Quand il parle, il pèse ses mots,
À plus de sagesse il aspire.
Il aime la Bête à Bon Dieu ;
Il la voit monter vers les cieux,
Ce dont il a l’âme ravie.
Je l’entends prier en tout lieu,
Il suit en cela ses envies ;
Il convertit jeunes et vieux.
Maison qui subsiste
C’est un modeste bâtiment
Dans une paisible ruelle ;
Jadis, peut-être, elle fut belle,
Mais nul ne s’en souvient, vraiment.
Nul n’y demeure, en ce moment,
Peu de gens se souviennent d’elle ;
La poussière s’y amoncelle,
La ruine survient, lentement.
Ses horloges sont engourdies,
Ses chambres se sont refroidies ;
C’est un tas de pierres qui dort.
Des habitants, rien ne subsiste,
La terre a recueilli leurs corps ;
Ils nous manquent, c’est un peu triste.
Fruit d’automne
Mon écorce et ma chair sont blanches,
Mon goût peut plaire à ton gosier ;
Tu n’auras rien du cerisier,
Lui qui a dénudé ses branches.
Si tu aimes les saveurs franches,
Remplis de fruits ton grand panier ;
Assieds-toi sous le marronnier,
Le troisième, celui qui penche.
La dryade dira tout bas
Deux mots pour bénir ton repas ;
Mais ils seront en langue verte.
Et plus tard, reviens-moi souvent,
Qu’il pleuve ou qu’il fasse du vent ;
Ces délices te sont offertes.
Tiède ouverture
Vers le Pays de Fantaisie
S’ouvre un passage inusité ;
Vers cette terre de beauté,
C’est la porte que j’ai choisie.
Mon vaisseau, c’est la poésie ;
Aux vents de la diversité
Je vogue avec ténacité,
De rimes je me rassasie.
Je me récite du latin
Sous le clair soleil du matin,
Ce Virgile est plein de sagesse.
Vais-je naviguer bien longtemps ?
Le savoir n’est pas important,
Bien d’autres choses m’intéressent.
Corbeau d’argent
Moi qui suis porteur de messages,
Je ne m’envole pas en vain ;
Je m’annonce, on m’offre du vin,
Les gens attendent mon passage.
J’appris à lire avec un mage,
J’ai quelques sonnets de sa main ;
Je range ces beaux parchemins
Avec ma collection d’images.
Je ne suis pas vêtu en deuil,
Mon plumage est plaisant à l’oeil ;
Point ne suis porteur de ténèbres.
J’habite en un lieu consacré ;
Je plaisante avec le curé,
Même quand la messe il célèbre.
Lampe en veilleuse
La nuit vient, je reste allumée,
Tu me vois briller faiblement ;
Je t’aide en tes déplacements,
C’est ma servitude assumée.
Les chandelles sont consumées,
Qui ne durèrent qu’un moment ;
La maison dort profondément,
Même la cuisine enfumée.
L’horloge et moi, nous écoutons
Un gars qui compte des moutons
Pour s’endormir, c’est sa coutume.
Il recompte, il n’en manque aucun ;
Il remâche son amertume,
Il re-recompte, il en manque un.
Danse avec les arthropodes
Ce n’est ni valse ni tango,
C’est une marche singulière ;
Ce sont des sursauts de sorcières
Et ce sont des pas inégaux.
Ces animaux, tels des nigauds,
En tous sens bougent leur derrière ;
Eux qui évitent la lumière,
Ils marmonnent en leur argot.
Tu ne les verras pas bondir,
Ni d’enthousiasme resplendir ;
Mais ils dérapent, mais ils glissent.
Nous laisserons donc ces vauriens,
Ces abrutis, ces galériens,
Ces ordures, ces immondices.
Sirène carnivore
Ce monstre n’a point forme humaine,
Faut-il avoir pitié de lui ?
Peut-être pas, car il nous nuit,
Il mange plus qu’une baleine.
Sa mère était une sirène,
Un adultère l’a produit ;
De cet accouplement fortuit
Provient cette figure obscène.
Bien peu capable de tendresse,
Lui qui fut sevré de caresses,
Il vit sans amour et sans coeur.
Jamais il ne deviendra père ;
En le trépas son âme espère,
Qui de ses maux sera vainqueur.
Sage vigneron
Ce viticulteur plein d’adresse
Sauve sa vigne des dangers ;
Il l’aime mieux qu’un potager,
Car le vin procure l’ivresse.
Sa terre est sa seule maîtresse,
À d’autres il ne peut songer ;
Tous les labeurs lui sont légers,
Chaque jour est plein d’allégresse.
Il aime toutes les saisons ;
L’hiver, il chauffe sa maison
Et reste en ce lieu confortable.
Il ne se plaint pas de son sort,
Ni de la vie, ni de la mort :
Il a du bon vin sur sa table.
Barques
Les modestes canots d’Armor
Quittent les ports dans l’aube claire ;
Ils sont moins lourds que des galères,
Plus lestes pour tirer des bords.
Nous ne trouverons nul trésor,
Mais des poissons bien ordinaires ;
Pas de sirène débonnaire,
Mais quelques vieux crabes retors.
Large voile et longs avirons,
Nos nefs longtemps navigueront
Et toujours garderont leur charme.
Dans les ports les moins fréquentés,
Nul ne nous viendra tourmenter,
Pas même un vétilleux gendarme.
Cornes de buffle
J’ai deux cornes que l’on m’envie,
Qu’on admire de toute part ;
Munie de ce noble rempart,
Mon âme n’est point asservie.
Mes bufflonnes en sont ravies,
Ayant pour elles des égards ;
Je vois resplendir leur regard,
Montrant leur âme inassouvie.
Ne m’affronte pas, étranger,
Car tu te mettrais en danger ;
Fort belliqueuse est ma nature.
Ne va pas non plus t’affoler,
Avec toi je peux rigoler ;
Je ne manque pas d’ouverture.
L’arbre qui fait pleuvoir
J’appelle l’averse et l’ondée,
Car tout le monde en a besoin ;
Un nuage venu de loin
Nous accorde l’eau demandée.
Phrases par les gouttes scandées,
Je les interprète avec soin ;
Je les comprendrai plus ou moins,
Quand je les aurai bien sondées.
Cela fait plaisir aux limaces,
Elles font leur sortie en masse,
Demandant encore plus d’eau.
Homme, ne marche point sur elles ;
Respecte leur structure frêle,
Préserve-les, gentil badaud.
Si je ne me trompe
L’amour, pour moi, c’est un mystère,
Qu’il soit heureux, qu’il soit déçu ;
Sur ce sujet je veux me taire,
Moi qui n’en ai jamais rien su.
D’où sont nos sentiments issus ?
D’une étrange et lointaine terre ?
D’un plan par Cupidon conçu ?
De la sagesse trinitaire ?
Mon esprit veut se montrer tendre,
Mais sans jamais bien s’y entendre ;
Mon coeur très souvent se trompa.
Que signifie « être fidèle » ?
L’âme, n’étant pas sûre d’elle,
S’interroge, et ne répond pas.
Péril nébuleux
Un spectre chante sa tristesse
Mais n’exhale aucune rancoeur ;
Les craintes qui hantaient son coeur
Maintenant s’endorment et cessent.
D’autres tourments, pourtant, le blessent,
Dont il ne peut être vainqueur ;
C’est comme une amère liqueur,
C’est une angoisse qui l’agresse.
Alors, dans l’espace il s’étale,
Il se plonge dans la torpeur ;
Il tourne en rond, puis il détale.
Il sait seulement qu’il a peur ;
En vain, dans sa mémoire il creuse,
La menace est trop nébuleuse.
Planète Armagnacandra
Ici sont des terres sacrées,
Refuge pour les amoureux ;
Tu vois ici des bois ombreux
Où toujours la vie se recrée.
Ici n’est nulle âme claustrée,
Les coeurs n’y sont point ténébreux ;
Ils ne diront rien de scabreux,
Les francs buveurs de la contrée.
Beaux charpentiers, gentils maçons,
Vous avez de mille façons
Pratiqué votre architecture.
Ici n’est nul esprit souillé ;
Nul corps de vieillard n’est rouillé,
Nul membre ne craint les fractures.
Noble libellule
C’est la Dame du Crépuscule,
Elle aime un ondin jeune et fort ;
Tous deux ennemis de l’effort,
Avec nonchalance ils circulent.
La nature bientôt s’endort,
Au fil de l’eau vogue une bulle ;
Une dryade déambule
Loin de son arbre aux feuilles d’or.
Que vienne la nuit embaumée,
Chargée d’étoiles innommées ;
Nous l’aimons mieux qu’un jour trop clair.
Le vent soufflera sur la friche,
Des spectres passeront dans l’air ;
De nos rêves nous serons riches.
Amphibiens solitaires
C’est la grenouille sans famille,
Mal choisi fut son compagnon ;
Dans le bocage bourguignon,
Elle entend ses soeurs qui babillent.
Elle aime un vieux triton grognon,
Un pauvre animal qui boitille ;
Ils ont un abri de brindilles,
Dans la clairière à champignons.
Douce est la solitude à deux,
Que l’air soit clair ou brouillardeux ;
Les jours s’en vont, et les semaines.
N’avoir aucune descendance,
Finalement, quelle importance ?
La vie n’en est pas moins humaine.
Re: Sagesse du pluvian
Ici c’est un lieu respectable,
Aussi bien la nuit que le jour ;
La tristesse n’y a pas cours,
Car c’est un endroit délectable.
Les serveurs vont de table en table
Et nous abreuvent tour à tour ;
Le plateau ne leur est pas lourd,
Qui à tout instant reste stable.
La tavernière vient souvent
S’asseoir avec ces bons vivants ;
Ils font des efforts pour lui plaire.
Le tavernier parfois la suit ;
Nous avons des égards pour lui,
Qui sait se rendre populaire.
Aérostat
Je vogue en l’air, je suis un peu perdu,
Car au hasard les divers vents m’entraînent ;
Je n’aime pas qu’ainsi l’on me promène,
Je perds le Nord et j’en suis confondu.
Je n’ai jamais aimé l’inattendu,
Car, selon moi, c’est une chose vaine ;
Ça peut flatter les vanités humaines,
C’est juste fait pour les esprits tordus.
Nul ne m’entend, pourquoi cette complainte ?
Mais j’ai besoin de dévoiler mes craintes,
Je me lamente en attendant la mort.
Épargnez-moi, bourrasques ennemies,
Je suis bien faible et je n’ai qu’une vie ;
Pitié pour moi, soufflez un peu moins fort !
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