Sagesse du pluvian
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Dame des grands chemins
L’Amazone parcourt les routes de l’Empire,
Observant les couleurs de la terre et des eaux ;
Son brave palefroi sait que ce monde est beau,
Il est émerveillé, mais il ne peut le dire.
Elle ne compte plus les splendeurs qu’elle admire,
Que ce soit dans l’automne ou dans le renouveau ;
Choisissant pour dormir de modestes hameaux,
Elle s’y trouve mieux qu’avec de nobles sires.
Elle a de bons copains chez les hommes des bois,
Elle chante pour eux, aux heures où l’on boit ;
Vers un autre univers sa chanson les embarque.
Sachant que le bonheur ne dure pas toujours,
Elle attend calmement le verdict de la Parque,
Blottie entre les bras d’un heureux troubadour.
Diable invisible
Le diable transparent récite un madrigal,
Il veut gagner le coeur de la chèvre Blanchette ;
Il rêve qu’ils pourront mêler leurs barbichettes
Dans une imitation de bonheur conjugal.
Elle ne voudra pas d’un rapport illégal,
Car son âme n’est pas de celles qu’on achète ;
Elle aimerait plutôt trouver une cachette,
(En ville ou dans les bois, cela lui est égal).
Au vieux bouc elle doit accorder ses faveurs ;
S’il éloigne le diable, il sera son sauveur,
Mais d’un pareil combat, l’issue est incertaine.
Ou bien, si le démon se laissait émouvoir,
Chacun serait content de lui dire au revoir,
Surtout s’il s’en allait vers des contrées lointaines.
Ralentir
La sagesse, dit-on, de la lenteur est fille,
Sache que rien de grand ne se fait en un jour ;
Qu’importe si le temps file comme une anguille,
Tu dois en profiter, qu’il soit long, qu’il soit court.
Pour le contemplatif, mille vérités brillent
Dans un nuage qui le firmament parcourt ;
Chaque tige de blé que tranche la faucille
Nous dit un petit mot, n’y restons donc pas sourds.
Ceux qui fidèlement ce gai savoir retiennent,
Ceux qui dans les détails à tout lire ont appris,
Ceux-là seront d’accord avec ce que j’écris.
Les poètes, dit-on, peu de savoir détiennent,
Mais se sont procuré ce qui n’a pas de prix :
Il importe donc peu qu’autre chose ils obtiennent.
Deux chevaux aquatiques
Ces coursiers des bas-fonds sont porteurs de messages,
Tu peux voir que ce sont des animaux marins ;
Virgile les appelle « hippocampes divins »,
Plusieurs nobles tombeaux s’ornent de leur image.
Pour comprendre leur langue, il convient d’être un mage,
Un poète apnéiste, ou encore un ondin ;
Leur lexique est transcrit sur un long parchemin
Qu’on trouve quelque part, dans les tiroirs d’un sage.
La nuit, ces messagers ne dorment que d’un oeil ;
Ils veillent, certains soirs, en lisant des recueils
De sonnets concoctés par le Dieu des Ténèbres.
Sur terre ils ne vont pas, nous leur en savons gré,
Ils vivent dans les flots, qui sont, pour eux, sacrés ;
C’est leur refuge sûr, c’est un lieu qu’ils célèbrent.
Flamant gris
Cet échassier arpente une lointaine terre,
Il ne craint pas le loup, ni le goupil sournois ;
Il est par les étangs nourri comme il se doit,
Il est fort satisfait de sa vie solitaire.
Il capture parfois des éphéméroptères,
Car il en est gourmand, je ne sais pas pourquoi ;
C’est un piètre gibier, fretin de peu de poids,
Mais ne discutons pas ses goûts alimentaires…
Des oiselles, son coeur n’en voulut choisir qu’une ;
Leur rencontre, ce fut un bonheur imprévu,
Ils ont refait le monde, ensemble, sous la lune.
Ils furent, au printemps, de beaux enfants pourvus,
Ça fait un beau vacarme, ils sont une vingtaine,
Tu les vois patauger dans l’eau de la fontaine.
Opération du Saint Esprit
Sous mon aile j’ai pris les fragiles humains,
Une vierge mignonne a conçu par ma grâce ;
Son fils à l’Adversaire a vaillamment fait face,
Lui qui fut le Salut, la Vie et le Chemin.
Des scribes l’ont décrit sur quatre parchemins,
Des hommes par milliards ont marché sur ses traces ;
Des moines l’ont chanté de leurs voix jamais lasses,
Eux qui furent vainqueurs de l’Empire Romain.
Un miracle n’est pas un simple sortilège,
Car il peut éloigner les démons sacrilèges ;
Dans l’inframonde obscur chacun d’eux redescend.
Vous pouvez ressentir ma présence invisible,
Moi qui sais vous guider vers un bonheur paisible ;
Pleines sont, grâce à moi, les mains des innocents.
Ambiconnil
J’habite un souterrain dans un bois de sapins,
Dans la friche voisine est une herbe ténue ;
Je suis l’Ambiconnil, et non l’Ambilapin,
Une telle nuance est, certes, méconnue.
Je fus pris pour sujet d’une fable en latin,
Une pièce de vers que nul n’a retenue ;
Des textes les plus beaux, le sort est incertain,
C’est ce que dit le druide à la barbe chenue.
Des barbares l’ont-ils fait passer par le feu ?
Je sais qu’ils sont très forts à de tels petits jeux
Et qu’ils le font avec une grâce ineffable.
Je ne parlerai plus de ces mal élevés,
J’attends qu’un autre auteur nous fasse une autre fable ;
C’est un fort beau sujet, pour des gens cultivés.
Manoir délabré
De l’antique manoir est l’état déplorable,
Il y règne, de plus, le manque d’aliments ;
Cependant les cafards y courent hardiment,
Attendant, sans faiblir, des temps plus favorables.
Jadis vécurent là des hommes vénérables,
Et leur deuil, à présent, nous portons tristement ;
Leurs tombes, respectant un strict alignement,
Forment un rang modeste, à l’ombre des érables.
L’eau du ciel s’introduit par les toits défoncés,
Le soleil jette un oeil par les planchers percés ;
En la chambre du fond vit un fantôme pâle.
Un survivant, qui songe à ce passé flétri,
Arpente vainement la pièce principale ;
Il n’est nul souvenir dont il ne soit meurtri.
Noblesse du requin
Je ne fréquente plus la route des cargos,
Je préfère de loin la paix des eaux profondes ;
Les calamars géants sont presque mes égaux,
Eux qui ont la beauté des anges d’inframonde.
D’innombrables noyés ces lieux sont le tombeau,
Leurs corps sont grignotés par des larves immondes ;
Ils changent de couleur, il perdent des lambeaux,
Les crabes croque-morts dans leurs entrailles pondent.
Je suis de ceux qui fuient la lumière des cieux,
Car l’obscure clarté des grands fonds me plaît mieux ;
Cet environnement convient à ma nature.
Rien n’égale, pour moi, le goût d’un oiseau mort,
Pas même la saveur d’un vieux pêcheur d’Armor,
Pas même des morceaux de sirène immature.
Couple nostalgique
L’arbre vieillit, la dryade soupire,
Où s’en alla leur juvénile ardeur ?
Il est passé, le temps de la verdeur,
C’est au repos, maintenant, qu’ils aspirent.
Chronos les tient en ses cruelles spires,
J’entends l’écho de son rire moqueur ;
Il peut compter nos battements de coeur,
Il sait la fin de tout ce qui respire.
En ses vieux jours, l’arbre reste dressé,
Par sa faiblesse il n’est pas rabaissé ;
De souvenirs son âme s’illumine.
En leur hiver est un faible soleil
Qui vers aucun printemps ne s’achemine,
Mais bien plutôt vers l’éternel sommeil.
Messire Fringant
Ce papillon n’a de son père
Nul souvenir, c’est évident ;
Il n’en souffre point, je l’espère,
Pas plus que n’en souffrit Adam.
Son existence est sans mystère,
Il ne fait rien de fatigant ;
Il agit en célibataire,
Il veut qu’on le trouve élégant.
Carl von Linné sait son lignage,
Il en donne un clair témoignage ;
Qu’il dorme en paix dans son tombeau…
Un rayon de lumière blanche
Baigne les dernières pervenches ;
Du Fringant s’éteint le flambeau.
Carrosse du couronnement
Je fus Dauphin dès ma naissance,
Je suis votre Roi, maintenant ;
Roi des seigneurs et des manants,
Roi de bienveillante puissance.
Les plus nobles Dames de France
Viennent à mon couronnement ;
Dans mon carrosse, galamment,
J’en prends une en robe garance.
Je veille, en route, à son confort,
J’y consacre tous mes efforts
(En essayant de rester sage).
Son coeur en sera-t-il conquis ?
Elle dit « Non, j’aime un marquis,
Point n’aurez-vous droit de cuissage. »
Un penseur sobre
Je ne m’investis point dans des projets frivoles,
J’attends des arguments quelque peu convaincants ;
Je ne convoite pas tous les postes vacants,
Si je navigue, c’est avec une boussole.
Je parle simplement, sans user d’hyperboles,
Ce qui me permet d’être un bon communicant ;
J’ai toujours évité d’user d’intoxicants,
J’éloigne les prêcheurs usant de fariboles.
Si la métaphysique est en vue, je me sauve ;
Je ne médite point sur des secrets d’alcôve ;
Je ne me plonge point dans les vieux parchemins.
Je plaisante parfois, mais c’est en restant digne,
Si j’écris à quelqu’un, je pèse chaque ligne ;
Je tâche d’être honnête, autant qu’il est humain.
Seuil de l’inconnu
Me franchir, c’est quitter ta contrée familière,
Tu hésites, sans doute, et tu as bien raison ;
Je t’offre une aventure assez particulière,
Peut-être, tu devrais rester dans ta maison.
Dans l’autre endroit, de rien ne servent les prières,
Ni d’avoir bien appris, autrefois, tes leçons ;
Tu seras entraîné dans une errance fière,
Tu seras accueilli d’une étrange façon.
Ce monde est angoissant, mais il n’est pas hostile,
Malgré quelques démons rôdant aux péristyles ;
Tu seras désarmé par leur simplicité.
Ici la Vérité, d’une brise vêtue,
Chevauche, sous le nom d’Improbabilité,
Son rapide coursier, une noble Tortue.
Craindre de franchir le seuil
Je vois un nouveau monde et je reste à la porte,
La crainte me saisit, la honte me retient ;
Je sais que je devrais tenir meilleur maintien,
Cependant, je faiblis, que le diable m’emporte.
Alors qu’en temps normal, l’audace me soutient,
Mon âme en ce moment ne se sent pas bien forte ;
Ma flamme m’abandonne et ma vaillance est morte,
Quelques frémissements, c’est tout ce que j’obtiens.
Le désir s’affaiblit, le seuil est toujours là,
Mais ce portail magique en vain se dévoila :
Je ne tenterai point cette étrange aventure.
Quand l’histoire prend fin, le scribe tire un trait ;
Regrette-t-il ce monde auquel il s’est soustrait ?
Il y reste attaché, car c’est dans sa nature.
Cloche d’inframonde
Un univers sans âme, une étendue déserte ;
Les échos de la voix d’un démon tentateur ;
J’ai rêvé que j’étais, perplexe spectateur,
Arrivé dans ce lieu par une porte ouverte.
L’air était un poison, ma peau devenait verte,
Je n’étais secouru par aucun sauveteur ;
Mais, je ne sais comment, j’ai pris de la hauteur,
Sans craindre, désormais, de courir à ma perte.
Puis, je me suis perdu dans un vagabondage ;
J’aventurai mes pas sur un pont de cordages,
Espérant que ce jeu devait finir bientôt.
S’agissait-il d’un jeu ? N’était-ce qu’un délire ?
Ce qui me réveilla, j’hésite à vous le dire,
C’est un son familier, la cloche d’un bateau.
Papesse des oiseaux
Huppe de majesté, en visite à Saint-Pierre,
Deux de ses cardinaux marchent à ses côtés ;
L’un d’eux est son cousin, l’autre est le Chat Botté,
Ces deux-là sont vraiment des chercheurs de lumière.
La cloche les salue de sa voix familière,
Le Pape dit les mots du Bénédicité ;
Par la vue de la Huppe il est tout excité,
Il la voudrait choisir pour sa seule héritière.
Le Fils du Charpentier débouche une bouteille,
Il récite un sonnet dont chacun s’émerveille ;
La musique sacrée fait un boucan d’Enfer.
La Huppe a remplacé le Pape sur son trône,
Aux gens du peuple elle a donné des pièces jaunes
Frappées à l’effigie du Prince
Arbre qui remonte le temps
Traversant les siècles sans nombre,
Je les explore vaillamment ;
J’y retrouve d’anciens moments
D’amour, abrités sous mon ombre.
Je vois, au lieu de leurs décombres,
De fantastiques monuments ;
Je vois le brouillon d’un roman
S’écrire en la mansarde sombre.
Dans un lointain passé je plonge
(Et cela n’est pas un mensonge) ;
Je vois la pomme et le serpent.
J’entends le rire d’Aphrodite
Qui par son époux fut maudite ;
J’entends la flûte du dieu Pan.
Leosiris et Sethleo
Voici deux frères vigoureux,
Deux fauves devant qui l’on tremble ;
Eux qui furent nourris ensemble,
Ils ont souffert, priez pour eux.
Étant, l’un et l’autre amoureux
D’Artémis, ils se désassemblent ;
L’un pour l’autre un malfaiteur semble,
L’épisode est malencontreux.
Quant au meurtrier de son frère,
La déesse ne sait qu’en faire ;
Il n’a point agi comme un dieu.
Elle l’exile auprès d’Hélène
(Cette Artémis est bien vilaine !) ;
Il fait de Troie un mauvais lieu.
Tombereau
Dès l’aube, au pied de ma maison,
Une charrette bien connue ;
Réveillant toute l’avenue,
Elle traverse les saisons.
Nul ne sait quelle est la raison,
En ces instants, de sa venue ;
Peut-être est-elle saugrenue,
Sur ce sujet, nous nous taisons.
Le grincement brise les songes
Quand nos façades elle longe ;
Chaque matin, coquin de sort !
La somnolence est abolie,
Dont ce charretier nous spolie ;
Le fera-t-il jusqu’à sa mort ?
Voyageur intrépide
J’aime arriver, j’aime surtout partir,
Voir du pays, découvrir d’autres vies ;
Si, d’aventure, une route dévie,
J’en remercie tous les dieux, sans mentir.
Vous déplorez ma quête inassouvie,
Vous demandez « Que peut-il en sortir ? »
Et je réponds « Rien ne sert d’aboutir,
Heureux qui erre au gré de ses envies. »
Des vagabonds toujours l’âme progresse ;
Homère a fait jadis son tour de Grèce,
Ulysse en mer a, comme on dit, ramé.
Si la routine est ce que vous aimez,
Elle a son charme aussi, je le confesse,
Notamment, pour les vieillards désarmés.
Yinsoul, Yangsoul 魂魄
Il a deux âmes, l’univers,
Deux puits de sagesse profonde ;
L’une et l’autre sont vagabondes,
On les trouve en des lieux divers.
Ceux qui dorment les yeux ouverts
Captent de ces âmes les ondes ;
Elles n’éclairent point le monde
Car elles restent à couvert.
Par notre mort, par notre vie,
Par notre chair inassouvie
Chacun de nous les reconnaît.
Pour nous guider sur leurs chemins,
Nous nous aidons des parchemins
D’un sage ermite japonais.
Oeuvres d’Héphaïstos
Le dieu boiteux, forgeron redoutable,
Forge le cuivre et l’argent du Pérou ;
Son logis tremble à chacun de ses coups,
Les autres dieux le trouvent imbattable.
Un verre en main, bouteille sur la table,
Il prend sa pause en buvant comme un trou ;
Posant son verre, il bosse comme un fou,
Créant ainsi des trésors véritables.
Il est jaloux, mais il n’est pas amer,
Il se console en offrant quatre fers
Au fier Pégase ; ils lui seront propices.
Par lui, le fer est fier d’être battu ;
Pour son ardeur, et pour d’autres vertus,
Nous admirons ce dieu sans artifices.
Vitalité
Goupil-paon, plein de vie,
Un vrai fils de l’été ;
Un beau monstre enchanté,
La foule en est ravie.
Tu sais des mélodies,
Tu es fait pour chanter ;
Je t’entends répéter,
Oiseau qui psalmodies.
Tes jours sont une ivresse,
Un rêve, une allégresse ;
Dommage pour les sourds.
Prends soin de ta personne !
Si la triste heure sonne,
Il te reste l’amour.
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