Sagesse du pluvian
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Berceau de Jules Laforgue
C’est dans un recoin de l’espace
Que se forma ce noble coeur ;
Il eut des frères et des soeurs
Dont nous n’avons que peu de traces.
Alors, au fil du temps qui passe,
Surgirent bonheur et malheur ;
Ce rêveur, ce futur auteur,
D’une Muse il voyait la face.
Il n’aimait rien, il aimait tout,
Il était sage, il était fou ;
Il était un peu solipsiste.
Il n’était point déshérité,
Mais certains jours, il était triste,
Lui qui cherchait la vérité.
Forteresse précaire
Ici vivent trois égarés,
Trois malheureux rois sans couronne ;
Ils vivent de ce qu’on leur donne,
Ces monarques désemparés.
Dans leur petit jardin carré,
Les récoltes ne sont point bonnes ;
Peu s’en faut qu’ils ne l’abandonnent,
Tant ce courtil est mal barré.
Nul sujet ne leur fut fidèle,
Bientôt s’éteindra leur chandelle ;
Le froid viendra les assaillir.
Les murs abritent leur paresse
Et tous leurs espoirs disparaissent ;
Sans nul doute, ils vont défaillir.
Coq sans nom
Moi qui n’eus jamais de métier,
Je n’ai pas gaspillé ma force ;
Très tendre sous ma rude écorce,
J’ai du coeur et de la pitié.
Jamais je ne fus un routier,
Jamais je n’ai chassé le morse ;
Un son puissant sort de mon torse,
Je chante avec mon corps entier.
Mon esprit fait des étincelles,
Ça fait applaudir les oiselles
Qui jamais ne me disent non.
Par un oubli fort regrettable,
Je n’ai jamais reçu de nom ;
Mais j’ai pour surnom « Redoutable ».
Maison de nulle part
Derrière son rideau de lierre,
Jardin sans rime ni raison ;
Puis, la demeure familière,
Une bien modeste maison.
Au soir elle prend la lumière
D’un soleil bas sur l’horizon ;
L’hiver, quand ronfle la chaudière,
C’est une assez sombre saison.
Les occupants, des gens futiles,
Au monde n’étant plus utiles,
Baignent dans leur simplicité.
Maison bizarrement foutue,
On s’accoutume à l’habiter,
Bien au calme elle se situe.
Ancre flottante
C’est la plus légère du monde,
Neptune peut te le jurer ;
Elle est capable d’assurer
Au vaisseau sa place sur l’onde.
Autour de la planète ronde
Les marins vont s’aventurer ;
La nef bénie par le curé
Ne craindra pas les eaux profondes.
« Quel prodige, une ancre qui flotte !
Il m’en faut une, saperlotte ! »,
Disait l’armateur, Maître Porc.
Un vieux capitaine, à sa table,
Un connaisseur de chaque port,
Trouvait ce progrès contestable.
Re: Sagesse du pluvian
Fraîche rivière où je viens boire,
Du paradis tu es le seuil ;
Je fais de toi mon oratoire
Sous le regard des écureuils.
Sur ta rive, les eupatoires
Se dressent dans tout leur orgueil ;
J’apprécie leur aimable accueil,
Je les appelle « Fleurs de Gloire ».
Ces bois sont parfois pleins de charme,
D’autres jours, j’y verse des larmes ;
Ces fleurs savent m’émerveiller.
La vie, c’est une brève flamme,
Qu’elle soit de biche ou de femme ;
Pas trop facile à surveiller.
Sanctuaire insolite
C’est dans ce temple peu commun
Que sont les démons redoutables ;
Devant ces monstres véritables
Ne nous montrons pas importuns.
Ils distillent d’affreux parfums,
C’est effrayant, c’est lamentable ;
Ils ont des boissons non potables,
Toxiques pour tout un chacun.
Ordurières sont leurs paroles,
Et de plus, lourdes d’hyperboles ;
Ce sont des êtres médisants.
S’affrontant à coup d’immondices,
Ils s’infligent des préjudices ;
Leur regard devient méprisant.
Trois feuilles magiques
Filles d’un arbuste enchanté,
Nous avons mille remembrances ;
Nous transcendons les apparences,
Le monde est par nous décanté.
Nous savons l’art de méditer,
Cela nous plonge dans la transe ;
Nous sommes vives, sans outrance,
Ignorant la cupidité.
Nous vivons sans biens temporels,
Sans petits ennuis corporels ;
Cela n’a rien de méritoire.
Sur les monts chante le chocard
Qui toujours se tient à l’écart,
Lui qui jamais n’eut d’auditoire.
Vie d’un volatile
C’est un oeuf à coquille rose
Dans son nid parmi les roseaux ;
Il en sort un drôle d’oiseau
Qui sur une pierre se pose.
Puis il déclame de la prose,
Mais il déforme tous les mots ;
Ça fait rire les animaux,
Ce piaf qui bizarrement cause.
Nul n’est venu le pourchasser,
Nul ne le viendra tracasser ;
Il se vautre dans sa paresse.
Les poissons, pour lui, sont sacrés,
Il ne veut pas les massacrer ;
Ils sont l’objet de sa tendresse.
Reptile volant
C’est un prédateur plein de charme,
Mais son langage est hasardeux ;
Il passe pour un galvaudeux
Auprès de ses compagnons d’armes.
Son maître à penser fut un Carme
Qui lui apprit à servir Dieu ;
Pour trouver le chemin des cieux,
Il souffrit, retenant ses larmes.
Il se complaît dans la torpeur,
Il lit des livres obsolètes ;
Trop de travail, ça lui fait peur.
Comme un coq avec ses poulettes,
Il goûte d’Éros les parfums ;
Il leur trouve un goût de nerprun.
Planète Elatandra
Sur cet astre on n’ose nommer
D’aucun nom les amours nouvelles ;
Les sentiments que l’on révèle,
On craint de les voir consumés.
Aimer, c’est être désarmé,
Surtout si l’on reste fidèle ;
Abélard en est le modèle,
Qui fut en moine transformé.
En ce Pays de Poésie,
Nous cultivons nos fantaisies
Pour délirer seuls, ou par deux.
L’amour dont nous avons mémoire
Ne provient pas d’un vieux grimoire,
Mais de notre sort hasardeux.
Visage souriant
Un petit dieu, dans le silence,
Regarde décliner le jour ;
Un blanc nuage est son séjour,
Il y vautre son indolence.
Son domaine n’est pas immense,
Il en a vite fait le tour ;
Forts calmes sont les alentours,
Les vents y sont pleins de clémence.
Souvent, il sourit sans raison,
À toute heure, en toute saison ;
Car c’est un être bien frivole.
Un petit sylphe déluré
Lui a du bon vin procuré ;
Il trinque avec ce bénévole.
Hoc est Porcus
Ce porc de plume et d’encrier
Vit une vie assez sereine ;
Les mots futiles qu’il égrène,
Il ne sait comment les trier.
Jamais il n’a vu de sirène,
Jamais de licorne-bélier ;
Mais il a, sur eux, publié
Des vers que sa muse parraine.
C’est un rêveur, pas un rebelle ;
Il sourit quand sa vie est belle,
Comme le ferait un humain.
Pour le peu qu’il lui reste à vivre,
Il s’abritera dans ses livres ;
La poésie est son chemin.
La tour s’incline
Les murs ne se tiennent pas droits,
Ils donnent au vent trop de prise ;
Être à la merci de la brise,
Ça déstabilise le toit.
La charpente est de mauvais bois
Qui peut se rompre, par surprise ;
Avec lui notre espoir se brise,
Cela nous met en désarroi.
Par les vallons, par les collines
Marche une armée picrocholine ;
Les nôtres partent en courant.
Cette tour à choir se dispose ;
Innombrables en sont les causes,
Croyez-moi, ce n’est pas marrant.
L’oie d’argent
Majestueuse est ma stature,
Je dis cela sans me vanter ;
Je sais danser, je sais chanter,
Je suis une oiselle immature.
J’aime marcher à l’aventure,
L’univers m’offre sa beauté ;
Mon coeur en reçoit la clarté,
Le fier Pégase est ma monture.
Un pluvian me sert d’écuyer,
Sur la route il sait m’aiguiller ;
Rieur est son tempérament.
Mes valises ne sont pas lourdes,
Que mes valets portent gaîment ;
Ils ont du bon vin dans leur gourde.
Aquaria
Dame de la source sacrée,
Tu fais ton oeuvre sans bouger ;
J’entends battre ton coeur léger
Sous ta belle robe échancrée.
L’eau n’est ni salée, ni sucrée,
Le mouton l’aime, et le berger ;
Suivant un parcours inchangé,
Elle reflète une aube ocrée.
La Dame n’est pas affamée
Ni par nul désir enflammée ;
Cet endroit, c’est son lieu natal.
Quand, dans cette vallée de larmes,
Viendra le jugement fatal,
Elle ignorera les alarmes.
Deux clés sur une table
Un trésor est dissimulé
Ici, ce n’est pas un mystère ;
Soit dans la cave au sol de terre,
Soit au fond du grenier à blé.
À ce pactole accumulé
Ont prétendu deux légataires ;
Pour ce, nul besoin de notaire,
D’un coffre il faut trouver la clé.
J’en vois deux, semblables entre elles ;
Une à chacun devrait échoir,
Celle du trésor, c’est laquelle ?
Impossible de le savoir !
L’un des deux héritiers modèles
À ce jeu va se faire avoir.
Planète Paradisiacandra
Calmes nuits et paisibles jours,
Plaisant paysage sonore ;
Les oiseaux bénissent l’aurore
Qui vient consacrer leurs amours.
La lune au ciel nocturne court,
Un dragon parfois la dévore ;
Mais cela, nul ne le déplore,
On attend juste son retour.
Ce paradis n’est pas perdu,
Mais sans humains, bien entendu ;
Ainsi, la nature est parfaite.
Serpent, ça peut te décevoir ;
Veuille ne pas t’en émouvoir,
Fort honorable est ta défaite.
Dame Chouette
Je ne suis pas une vestale,
Je n’en ai pas la chasteté ;
J’aimais voir le fils de Dédale
Affrontant du ciel la clarté.
Pleine de sagesse animale,
Je m’attache à la vérité ;
Je fuis la noirceur infernale,
J’aime pourtant l’obscurité.
Je suis pauvre et je suis honnête,
En sont témoins tous mes amants ;
Eux que jamais je ne maltraite.
Je leur dois d’assez bons moments,
De nocturnes instants de fête ;
Qui en écrira le roman ?
Planète caniculaire
Notre air nous brûle, et c’est malsain ;
Perdus dans la lumière blanche,
Pris d’une soif que rien n’étanche,
Nous invoquerons tous les saints.
Au sol tombent nos fantassins,
De vils démons sur eux se penchent ;
Meurent les arbres et leurs branches,
Victimes du ciel assassin.
La nature est notre ennemie ;
Sa haine jamais endormie
Semble une infâme déraison.
Bientôt se tairont tous nos chantres,
Des tombeaux seront leurs maisons ;
Le Diable rira, dans son antre.
Kobold ailé
Ce monstre plane sur nos terres,
Sur la vigne et sur d’autres lieux ;
Lui, qui naquit sous d’autres cieux,
Ne connut ni père ni mère.
Ce n’est pas un foudre de guerre,
Mais un vieux démon paresseux ;
Il mange des rebuts poisseux
Que nul ne lui dispute guère.
Il est fragile, il vole bas,
Son haleine sent le tabac ;
Il est presque aussi laid qu’un homme.
Quand la fin du monde viendra,
Un tribunal le jugera :
C’est celui du Pape de Rome.
Horrible Créature
Ici survient un démon blême,
Un adversaire de la foi ;
Il dénigre l’Être Suprême
Et ses très équitables lois.
Il complique tous nos problèmes,
C’est un contradicteur sournois ;
Il réfute nos théorèmes,
Les logiciens sont aux abois.
Il vécut toujours à la marge,
Assez subtil mais un peu barge ;
Volontaire, mais indécis.
Que faire de ce pauvre diable ?
Les dieux on auront-ils souci ?
Son sort est-il indécidable ?
Sagesse du félin songeur
Il sait du Cosmos les décrets,
Il sait les lois de l’atmosphère ;
Il sait d’un rien se satisfaire,
Ce félin modeste et discret.
Celle qu’il aimait en secret,
Où est-elle ? C’est un mystère ;
Il reste donc célibataire,
Cette vie n’est pas sans attraits.
Démêlant d’un rêve les spires,
Il prend des notes, ça l’inspire ;
Il en déduit je ne sais quoi.
Survient une dryade frêle
Qui, loin de lui chercher querelle,
Le conduit au fond des grands bois.
Hexapode nonchalant
Je ne fais que ce qui m’agrée,
J’agis de façon pondérée ;
Moi qui laisse en paix l’univers,
Je bois des coups, j’écris des vers.
Mon âme n’est pas égarée,
Qui au Réel est amarrée ;
Je reste bien au chaud l’hiver,
En été je me mets au vert.
Très modestes sont mes envies,
Je mène une bien simple vie ;
Ce n’est pas un chemin de croix.
Aujourd’hui ma vigueur décroît,
Mon faible coeur est presque froid ;
Il tremble, il hésite, il dévie.
Grenouille gonflante
C’est une arrogante grenouille
Qui se moque d’un ruminant ;
Elle dit que c’est une andouille,
Plus quelques mots inconvenants.
L’oeil du boeuf de larmes se mouille,
Il trouve tout ça consternant ;
Ne sachant répondre, il bredouille,
L’autre l’écoute en ricanant.
Imperméable à tout reproche,
Elle sourit, c’est plutôt moche ;
Cet animal n’est pas gentil.
Cette ambulante catastrophe
Est racontée en quelques strophes
Dans un très vieux grimoire, en chti.
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