Sagesse du pluvian
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Re: Sagesse du pluvian
J’entends ce reptile moqueur
Qui rit de sa voix argentine ;
Il dit des fables florentines
Qu’il connaît à peu près par coeur.
Il suivit le grand Paul Ricoeur
Dans une fête estudiantine ;
Il but de la Bénédictine,
Une fine et forte liqueur.
J’aime bien ce lézard sans gloire ;
En sa compagnie j’irai boire
En taverne quelques demis.
Nul homme envers lui n’est sévère,
Bien qu’après trois ou quatre verres
Il se gausse de ses amis.
Grenouille nocturne
Je ne sors que pendant la nuit
De ma souterraine demeure ;
J’aime les ciels bleus quand ils meurent,
La clarté solaire me nuit.
Je chemine, et nul ne me suit,
Les étoiles me disent l’heure ;
Dans l’onde la sirène pleure
Car son bel ondin s’est enfui.
Ma nourriture préférée,
C’est la libellule dorée
Qui sous la lune se promène.
Chasser dans l’ombre, c’est plaisant,
C’est facile et c’est apaisant ;
Mais toute chasse est incertaine.
Invisible musicien
Parmi les rumeurs citadines,
Un être invisible à nos yeux ;
Il joue d’un instrument très vieux,
Harpe aux sonorités latines.
Les dames des maisons voisines
Prennent ce sonneur pour un dieu ;
Venant d’inframonde, ou des cieux,
Sa mélodie les turlupine.
Ne pouvant plus s’en séparer,
Elles suivent l’homme admiré
Jusqu’à sa maison sur la rive.
Quand je m’approche de ces murs,
Désert est l’endroit, sous l’azur ;
Un écho plane, à la dérive.
Floraison discrète
Jardin sur la berge du fleuve,
On y voit de rares passants :
Oiseaux jamais ne se lassant
De chanter, qu’il vente ou qu’il pleuve.
J’y vois cette fleur toute neuve,
Elle qui vivra peu de temps ;
Moi qui ai vu tant de printemps,
Toujours de beauté je m’abreuve.
Auprès du chemin vicinal,
Le pavot, petit cardinal,
Me reconnaît et me fait signe.
De telles fleurs n’ont pas de prix ;
Elles éveillent mon esprit
Comme fait le vin de nos vignes.
Monseigneur Bouffon
Il a du latin plein la tête,
Qu’il a trouvé dans son pichet ;
Mille citations toujours prêtes
Que dans son enfance il bûchait.
Il est serein dans les tempêtes,
À la crainte il n’est pas sujet ;
Sans se prendre pour un poète,
Il sort des vers du premier jet.
Il connaît des histoires drôles
Et les raconte, c’est son rôle ;
Bien souvent, c’est n’importe quoi.
La blague vaut la poésie,
Ce sont des jeux de fantaisie ;
Blagueur, à ta santé je bois.
Navigation d’une bouteille
En mes flancs je porte l’histoire
Du naufrage et du naufragé ;
Car la mer a bien des dangers,
Tu le sais, la chose est notoire.
La vie humaine est transitoire,
Même si tu sais bien nager ;
Comme matelot s’engager
Sur une nef, c’est méritoire.
Mon corps est fait de verre blanc
Qui au cristal est ressemblant ;
Je vais, je maintiens mon allure.
Je n’avale pas les poissons,
Je n’absorbe aucune boisson ;
Je ne porte aucune voilure.
Fruits défendus
C’est du poison, c’est même pire ;
N’écoutons pas le tentateur ;
C’est un truand, c’est un menteur,
C’est à notre mort qu’il aspire.
Ne soyons pas pris en ses spires,
Que le mal ne soit pas vainqueur ;
Sa parole noircit nos coeurs,
Lui qui triche comme il respire.
Si tu le vois se redresser,
Il te faudra le rabaisser ;
Montrer que c’est toi qui domine.
Qu’il se dessèche au grand soleil,
Il est de ceux qu’on élimine ;
Offre-lui son dernier sommeil.
Cinq tours
L’antique manoir se délabre,
Qui se détache à l’horizon ;
C’est une piteuse maison,
Sinistre sous un ciel macabre.
Les gardes ont vendu leurs sabres
Pour acheter des salaisons ;
Trop frugales sont nos saisons,
Éteints sont tous nos candélabres.
Quand souffleront les vents d’octobre,
Par pauvreté nous serons sobres ;
Nous n’avons vraiment plus d’argent.
Ainsi parlait, d’un ton lugubre,
Le Seigneur des tours insalubres ;
De tels destins sont affligeants.
Sablier relativiste
L’un des jumeaux de Langevin
Me prit dans son vaisseau rapide ;
Au travers du cosmos limpide
Il s’éloigna, puis il revint.
L’autre jumeau, le bel Yvain,
Reste dans sa maison, placide ;
Un autre sablier se vide
Auprès de ce buveur de vin.
Ces deux bonshommes, réunis,
Se sont de leurs loupes munis
Pour dénombrer les grains de sable.
Du voyageur le garde-temps
N’en a pas fait tomber autant
Que l’autre, c’est irréfutable.
Papillon du crépuscule
J’ignore la mélancolie,
Ma vie s’achève, et ça me va ;
À ce monde rien ne nous lie,
Chacun part comme il arriva.
J’eus des plaisirs, je les oublie,
J’oublie ce qui les entrava ;
Ce corps dont la flamme est pâlie,
Du temps rien ne le préserva.
Adieu, lumière que j’adore,
Adieu, mes cousins doryphores ;
C’est le moment de se quitter;
Sur tout cela, pourquoi m’étendre ?
Je vais partir, paix à mes cendres,
J’assume ma fragilité.
Le dieu Blaireau et le démon Goupil
— Renard, tu ne fais que tricher,
Tu veux arnaquer tout le monde ;
Avec moi, tu peux t’accrocher,
Je n’ai pas un cerveau de blonde.
— Blaireau, tu es mal embouché !
Tu me prends pour un être immonde ;
Mais je ne vais pas me fâcher,
Même si ma peine est profonde.
— Tu veux tu t’en sortir en plaidant,
Tu crois que j’y serai perdant ?
Démon rusé, tu te berlures.
— Moi, j’ai su tromper Lucifer
Pour ne pas aller en enfer ;
D’un pigeon je n’ai point l’allure.
Escuiruel d’inframonde
Un puits s’ouvre sous un rocher,
Mais sans aucune eau, que je sache ;
Évite de t’en approcher,
Un écureuil d’enfer s’y cache.
Avec son sabre, il peut trancher,
Il peut découper une vache ;
Son couteau, de corne emmanché,
La tête et les membres détache.
Il extermine les renards
Et massacre les saint-bernards ;
C’est un démon des plus sauvages.
Ne sois pas son prochain repas,
Qu’il n’ait pas ton sang pour breuvage ;
Ce diable ne pardonne pas.
Idéogramme indéchiffrable
Je fis diverses conjectures
Pour lire ce glyphe inconnu ;
Mais je n’y suis point parvenu,
Déroutante est cette écriture.
Ce lieu, c’est une sépulture
Où repose un cadavre nu ;
L’homme qui fut druide chenu
Aux siècles servit de pâture.
Près de lui dort son grand cheval,
Témoin de ses dernières heures ;
Alentour, des fantômes pleurent.
Sous un grand soleil estival,
Les tombeaux gardent leur mystère ;
Que signifie ce caractère ?
Mille racines
L’arbre s’étale dans l’espace,
Dont le tronc nous semble une tour ;
De feuilles sont ses beaux atours
Qui la plus fine soie surpassent.
Différente est son autre face,
Occupant un obscur séjour ;
Les racines, sans voir le jour,
Forment une vaste surface.
Les branches montent vers les cieux
Où sont les anges et les dieux ;
C’est grâce à leurs soeurs souterraines.
Le grand arbre les aime bien ;
Il ne les privera de rien,
Lui qui les tient pour souveraines.
Ange sénile
Je vole assez mal, je suis vieux,
Mon âme n’est plus très sereine ;
Au coeur du brouillard je me traîne,
Loin de la terre et loin des cieux.
Terne est le soleil à mes yeux,
Ternes les yeux de notre Reine ;
Les pauvres défunts me comprennent,
Dans leur tombe ils ne vont pas mieux.
C’est notre commune infortune ;
Anges et démons sous la lune
Semblablement vont s’affligeant.
Il nous faut vieillir, c’est logique,
Qu’importent nos voix nostalgiques ?
Ça n’intéresse pas les gens.
Grandeur du trèfle
C’est du trèfle, ça pousse bien,
Épargne-lui donc la tondeuse ;
C’est une plante vigoureuse,
Moi, je ne lui reproche rien.
Puisqu’à cette terre il convient,
Donne-lui cette plaine herbeuse ;
Il peut la rendre plus heureuse
Il sera son meilleur soutien.
Lui dont la sagesse est profonde,
Grâce à lui la richesse abonde ;
Honorons-le pour tous ces dons.
Aussi longtemps que sa fleur dure,
Jusqu’au temps de grande froidure,
Qu’il agrémente nos sillons.
Cavalier distrait
Je laisse flotter mon esprit,
J’écoute une invisible lyre ;
Un noir corbeau jette son cri,
Mon coeur n’a pas ce qu’il désire.
Mon grand cheval, d’amour épris,
S’éloigne de moi sans rien dire ;
Je laisse aller ce malappris,
Moi qui en connus de bien pires.
Cette inaction me rend nerveux,
Je ne sais pas ce que je veux ;
De noirs pressentiments m’obsèdent.
C’est sous un soleil éclatant
Qu’aux manoeuvres l’armée procède ;
La chose n’a rien d’épatant.
Rayons sans reflets
Ce n'est qu'une étoile lointaine,
Inconnaissable, sans mentir ;
Très sombre est son vaste domaine,
Des trous noirs viennent l’obscurcir.
Auprès de ses planètes naines,
Une comète peut surgir ;
Porteuse d’une longue traîne,
Elle peut noircir et blanchir.
-- Comment croire à ton existence,
Astre auquel nul chercheur ne pense ?
Nous croyons ce que nous voyons.
-- Je préfère être désirée
Que découverte et dévorée ;
Nul ne percevra mes rayons.
Floraison baroque
Je suis baroque, et pas barbare,
Je pousse dans tes rêves gris ;
Mais de moi, ne sois pas épris,
Car, quand vient l’aube, je me barre.
Je peux te changer en Icare,
En os de seiche, en vieux débris ;
Tu ne dois pas chercher d’abri,
Jamais nul ne me contrecarre.
Tu dis que tout ça n’est pas beau,
Mais c’est annoncé par Rimbaud
En son langage de prophète.
Il l’a prêché à Charleville
Devant la multitude vile,
Devant la foule stupéfaite.
Hipposaure magistral
J’aime enseigner, chercher aussi,
Car je sais cultiver le doute ;
Mon humble esprit trace sa route,
Ses repères sont imprécis.
Je passe le jour sans souci,
Puisant le savoir goutte à goutte ;
Un oiseau chante et je l’écoute,
Les heures filent vite ainsi.
Ma bibliothèque incomplète
À mille rêveries se prête ;
J’apprécie de tels aliments.
Pauvre corps et faible stature
M’a conférés Dame Nature ;
Je ne lui en veux nullement.
Iceweasel
C’est un carnivore hivernal,
Sa silhouette n’est pas laide ;
Son ange gardien pour lui plaide
En un céleste tribunal.
Distingue-t-il le bien du mal ?
Parfois à son caprice il cède ;
La fringale qui le possède
Fait périr plus d’un animal.
Pris de remords (c’est salutaire),
Les ossements il met en terre ;
Il se repent, mais un peu tard.
Peu après, toute honte bue,
Sur une autre proie il se rue ;
Incorrigible est ce viandard.
Dame d’un jeu de cartes
Dame ni de coeur ni de pique,
Ni de trèfle, ni de carreau ;
Pas même lame de tarot,
Je suis une figure épique.
Reine d’un terroir utopique,
Je chante avec Clément Marot ;
Il est rimeur, il est faraud,
J’aime son humour ésopique.
Allons, c’est tout pour aujourd’hui,
Tu dois m’aimer comme je suis,
Noble reine et dame précaire.
Au vent je prendrai mon envol,
Puis je tomberai sur le sol
Et je serai Dame de Terre.
Mur du Ponant
C’est une digue de fortune,
De granit aux rivets d’acier ;
Oeuvre d’un aimable sorcier,
C’est un rempart contre Neptune.
Je voudrais, sous la pleine lune,
Reine, que vous l’admirassiez ;
Il mérite d’être apprécié,
Ce monument de pierres brunes.
Vous délaisserez votre Cour
Qui sans vous peut suivre son cours ;
La vie du port est moins austère.
L’ondin vous fera des présents ;
Puis, dans son langage amusant,
Tiendra des propos délétères.
Papillon solipsiste
Je sais que l’univers est vide,
Ou bien c’est un jeu de miroirs ;
Comme une charade à tiroirs
Ou comme un jeu de mots stupide.
Ma mémoire est claire et limpide,
Un plan que trace un crayon noir ;
Le cosmos n’est pas un manoir,
Ce n’est qu’un fantasme insipide.
Illusoires, le blanc, le rouge
Et la forme de ce qui bouge ;
De réel, je n’ai que l’ennui.
Seule mon âme hyperactive
M’encourage pour que je vive
Mes nuits sans jour, mes jours sans nuit.
Masque d’argent
Chamane en diable déguisé,
Masque à la couleur bien choisie ;
Il propage des hérésies,
N’allons point les analyser !
Avec lui, j’aime à deviser,
Car sa parole est poésie ;
Que nul n’en ait de jalousie,
Ni ne le veuille mépriser.
Il n’a pas d’agissements louches ;
Le malheur des autres le touche,
Il fera des efforts pour eux.
À ses disciples il enseigne
Quelques mystères ténébreux
Qu’il découvrit sous d’autres règnes.
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