Sagesse du pluvian
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Papillon de janvier
Je vole en plein hiver, et j’ai froid, c’est banal,
J’ai perdu ma vigueur et ma peine est profonde ;
Il serait temps pour moi d’aller en inframonde,
Je ne reverrai point les jours de Germinal.
Je ne sais pas sortir de ce songe hivernal,
J’en parle au Créateur, mais sans qu’il me réponde ;
J’éprouve une douleur à nulle autre seconde,
Un sombre désespoir, un tourment infernal.
Un rimeur en veut faire un sonnet, c’est obscène,
Je suis bien dégoûté par cette oeuvre malsaine ;
Mais je ne vole plus, tout cela va finir.
J’ai regret du nectar, j’ai regret des caresses ;
Mais je ne pense pas que ça vous intéresse,
Je ne resterai pas dans votre souvenir.
Ange d’ombre
Mon âme est de faux or,
Mon esprit est fait d’ombre ;
J’aime les endroits sombres,
Où rôde Belphégor.
Même en vie, je suis mort,
Mon coeur n’est que décombres ;
Tu vois, je suis du nombre
Des fantômes sans corps.
Voulant planer, je tombe
Vers un terrain maudit
Où s’ouvrira ma tombe.
D’ailleurs, je le mérite,
Un criquet me l’a dit ;
Car je fus sybarite.
Dauphin des Pyrénées
J’ai baigné dans une eau verte
Mon corps lourd comme du plomb ;
En franchissant les surplombs
Les humains me déconcertent.
Rive de neige couverte,
Dont le dégel sera long ;
Allons vers la source, allons,
La boisson nous est offerte.
En amont résonne un cor,
L’écho lui fait des accords ;
Roncevaux de gris se voile.
C’est la nuit, ma bonne étoile
Chante une chanson de toile ;
Cette complainte m’endort.
Oiseau de nuit
Je n’ai cure de la froidure,
Car j’ai mon beau plumage gris ;
L’oiselle dont je fus épris
Trouvait belle cette parure.
Quelques rongeurs je me procure,
Que Dieu nous offre à petit prix ;
Je les extrais de leurs abris,
Je mets fin à leur vie obscure.
Je ne fais le mal ni le bien,
Je n’entretiens guère de liens,
Mais ne vis pas en solitude.
J’ai vécu sans rien acquérir,
Et cependant, sans dépérir,
Malgré quelques incertitudes.
Taureau volant
Je plane sur la Crète,
Cupidon me conduit ;
Je pense qu’aujourd’hui
Je vais faire la fête.
Je suis la noble bête
Qui les vierges séduit ;
Parfois, cela produit
Un monstre à jolie tête.
Buvant parmi les roses,
Trois pucelles s’exposent ;
C’est fort plaisant à voir.
Dans une danse folle
Leurs scrupules s’envolent ;
J’exerce mes pouvoirs.
Calice au jardin
Père, je me soumets à votre volonté,
La Loi me le demande, ainsi que les prophètes ;
Mon âme à son devoir jamais ne fut soustraite,
Même si je comprends qu’il faut le redouter.
Je viens me recueillir en ces lieux écartés
Pendant que les Romains leur bois funèbre apprêtent ;
Dans ce monde, toujours, les choses sont bien faites,
Elle suivent le Plan, par vous prémédité.
De peu de poids sera mon humble destinée ;
Ma carrière en ce monde est déjà terminée,
Je me reposerai dès le vendredi soir.
Se peut-il que la Mort soit une épiphanie ?
La route qu’elle croise en est-elle aplanie ?
À traiter ce sujet je ne peux que surseoir.
Planète Sadiracandra
Ici, jamais les gens n’auront l’air d’être vieux,
Comme un rêve est la vie dans ces heureux parages ;
Nul n’y verra jamais la fureur ni la rage,
Leurs coeurs sont aussi purs que leurs paisibles cieux.
Nulle nef ne pourra te conduire en ces lieux,
Tu n’atterriras point parmi leurs frais ombrages ;
D’ailleurs, ce paradis, c’est peut-être un mirage,
Une ruse du Diable, une farce de Dieu.
Or, rêvant d’un tel monde, on s’obstine, on espère,
On peut imaginer qu’un prodige s’opère ;
Nous sommes pourtant loin d’y croire, franchement.
Qu’importe ! Nous aimons ces fantasmes fragiles ;
Nous voulons oublier que la chair est argile,
Donc, nous nous languissons d’une vie sans tourments.
Alpha Balaenae
La grande étoile émet diverses sortes d’ondes,
Ainsi que le ferait un quasar vigoureux :
Autour d’elle tu vois plusieurs planètes blondes,
La troisième a des fleurs et des fruits savoureux.
Rien ne vient perturber ces calmes petits mondes
Qui ont pour habitants des êtres fabuleux ;
Leurs poèmes sont beaux, leur sagesse est profonde,
Ils ignorent la guerre (et c’est miraculeux).
Les démons à ces lieux jamais ne s’intéressent,
Cela met le système à l’abri des ennuis ;
Ces gens sont exemptés de tout ce qui te stresse.
Trois lunes de saphir illuminent leurs nuits,
Le ciel au-dessus d’eux n’est pas d’un noir funèbre ;
Et leur âme, non plus, jamais ne s’enténèbre.
Dans ce coeur
Ici se font les antidotes
Pour sauver un corps agressé ;
Ce coeur n’est jamais courroucé,
Sur un petit nuage il flotte.
Coeur d’artichaut, coeur de linotte,
Toujours tu l’entendras danser ;
Il n’a pas besoin de penser,
Ni, non plus, de prendre des notes.
Les organes sont un réseau ;
Chacun, frêle comme un roseau,
Communique ses états d’âme.
Tout ça, c’est usé, désormais.
Cela marche un peu moins bien, mais
Il subsiste un semblant de flamme.
Livres trouvés
Une boîte à livres suffit
Pour qui veut aller à la pêche ;
Car ces divers bouquins m’allèchent,
Dont je ne sais qui se défit.
Nul vendeur n’en tire profit,
Aucun besoin d’oseille fraîche ;
C’est tout près des lieux où je crèche,
Le trajet n’est pas un défi.
Je prends ceux qui me font envie,
Ce sont les plaisirs de ma vie ;
Chaque ouvrage est un univers.
J’aime surtout ceux des poètes,
Car je leur pique leurs recettes ;
Cela réchauffe mon hiver.
Mots d’un arbre
Je suis fils de la Terre,
Je suis du meilleur bois ;
Du Vent j’entends la voix,
Mais moi, je sais me taire.
Je ne suis point austère,
Je me nourris, je bois ;
Je suis grand, tu le vois,
Ce n’est pas un mystère.
Un peu de ma beauté
L’automne vient m’ôter,
Me laissant mes branchages.
Pendant les mauvais jours
En mon humble séjour
Ça manque de chauffage.
Le serpent rêve
En rêve on me fit Roi des Morts,
Seigneur d’un infernal repaire ;
Presque aussi fort que Dieu le Père,
Presque aussi sage qu’un vieux porc.
Les défunts qui plus rien n’espèrent
Sont dans la peine et le remords ;
Je leur dis d’accepter leur sort,
Mais certains d’entre eux s’exaspèrent.
Je voudrais les distraire un peu,
Je plaisante comme je peux ;
Je me déguise en petit faune.
Ils n’en sont guère consolés,
Rien ne sert de les cajoler ;
Ils ne feront que rire jaune.
Phacochère
Par tous, ma gloire est proclamée,
Chacun ne peut que m’admirer ;
Je n’ai donc rien à désirer,
Ma chair n’est jamais affamée.
Ami, mon espèce est nommée
« Grand phacochère aux yeux dorés » :
Me rencontrer, c’est m’adorer,
Ton âme en sera consumée.
Dieu pourvoit à tous mes désirs,
Il sait quel est mon bon plaisir ;
Chaque jour est une victoire.
À sa loi je sais me plier,
Sa rigueur est mon bouclier :
Je n’en dis pas plus, je vais boire.
Corne copieuse
Cette corne peut sans fautes
Imiter ce qui est bon ;
Son intérieur est profond,
Ses aptitudes sont hautes.
Elle vibre, elle tressaute,
Produisant d’étranges sons ;
« On croirait un vieux basson »,
Me disent les internautes.
Quel principe est agissant ?
Est-ce un ange se glissant
Dans un long tunnel sans bornes ?
Qui l’a portée en ces lieux ?
Est-ce un serviteur de Dieu
Qui de mille vertus s’orne ?
Fleur surprenante
Bien étrange est mon corps,
Je suis phénoménale ;
Mon âme est amicale
Envers les êtres forts.
Je suis la fleur d’Armor,
Très rare, et peu banale ;
Au long des matins pâles,
Je prépare ma mort.
De ma chair abolie
Naîtront mille autres vies ;
De beaux fruits ronds et roux.
C’est de ces jolies boules
Que du sucre s’écoule ;
Il n’est rien de plus doux.
Lieu de prière
Sous cet autel, mille défunts,
Garde-les, Vierge Souveraine ;
Que nul démon ne les entraîne
Vers l’inframonde aux noirs parfums.
Dehors aussi, sous le sol brun,
Sont quelques dépouilles sereines ;
Marins noyés par les sirènes,
Capitaines hors du commun.
Ce lieu profond comme une grotte,
J’en veux pour mon dernier sommeil ;
Ou bien la friche, c’est pareil.
Le trépas n’a point d’antidote,
Me disait un sage mentor,
Lui qui rarement avait tort.
Ancre soluble
La mer me dissout, c’est dommage,
Mon auteur fut un un plaisantin ;
Il venait d’un pays lointain,
Lui qui se prenait pour un mage.
Il parlait un obscur langage,
Ça n’avait presque rien d’humain ;
Il traînait au long des chemins
De lourds et encombrants bagages.
Il bavardait avec les morts
Auprès d’un rustique athanor ;
J’ai même observé des étreintes.
Moi qui n’ai point d’utilité,
J’ai bien envie de déserter ;
Rester sur le pont, ça m’éreinte.
Ange balistique
Mon vol est fait de paraboles,
Mais toujours j’évite de choir ;
Mon langage est fait d’hyperboles
Ou de charades à tiroirs.
Au coeur des forêts de symboles,
Je traverse un obscur miroir ;
Une reine m’offre une obole
Pour conjurer sa peur du noir.
Certains jours mes ailes font grève,
Ça me fait une pause brève ;
Le lendemain je vole mieux.
Enfin je me place en orbite
Autour du bel astre où j’habite ;
Presque je me prends pour un dieu.
Calice d’inframonde
Prends garde à la coupe enchantée,
Ne cède pas à ton désir ;
C’est de l’eau que tu dois choisir,
De l’eau claire et bien décantée.
Prends garde à la bête effrontée
Qui aimerait te voir périr ;
Tous ceux qui ont cru la chérir
Pour leur malheur l’ont affrontée.
Ce n’est pas un ange des cieux,
Mais c’est une ennemie de Dieu ;
Tiens-toi loin d’elle, par prudence.
Tu n’en aurais nulle pitié
Si tu en faisais ta moitié ;
Telle est bien la triste évidence.
« Quia nominor Leo »
Point ne suis un cochon,
Ni chef de leur famille ;
Je suis l’astre qui brille,
Montant de l’horizon.
Je suis grand, je suis bon,
Plus fort que le gorille ;
Les seigneurs de Castille
Font honneur à mon nom.
Je suis doux, je suis ferme,
Mon robuste épiderme
Sait bien me revêtir.
Jamais la pensée basse
En ce grand coeur ne passe
Ni n’en pourra sortir.
Couronne de feuilles
Un faune se prit pour un roi,
Ça le rendit autoritaire ;
Il voulut régner sur sa terre
Et sur les hôtes de ces bois.
D’une couronne il fit le choix,
Qui point ne fut héréditaire ;
Cet ornement rudimentaire
Fut de feuilles, d’un faible poids.
Il fit bâtir un mausolée
Au fond d’une sombre vallée ;
Car il sentait venir la mort.
Il semble que la Providence
Réprima son outrecuidance,
Lui réservant ce triste sort.
Griffon bouffon
Je travestis les Évangiles,
J’y mets des mots de plaisantin ;
Dans ma prière du matin
Sont évoquées des choses viles.
J’imite le ton de Virgile
Dans un ignoble baratin ;
Ça reste d’assez bon latin,
Mais la syntaxe en est fragile.
Je déraisonne en divaguant,
Sans que ce soit inélégant ;
Deux ou trois métaphores flambent.
Le métier d’amuseur me plaît,
C’est plus beau que des ronds de jambe ;
Tu l’apprendrais, si tu voulais.
Bison turlupin
Héros d’une amusante joute,
C’est le bovidé baladin ;
Tu lui parleras sans dédain
C’est avec respect qu’il t’écoute.
Il a vraiment raison, sans doute,
De s’exprimer d’un ton badin ;
Ce n’est pas un causeur mondain,
C’est un errant des longues routes.
Son crâne est plus dur qu’un galet,
Me dit son cousin Porc-Valet ;
Mais il a bien toute sa tête.
Ce bison très sage et très fou,
Je sais qu’il est loin d’être bête ;
Qu’on le sous-estime, il s’en fout.
Bishops among madmen, y alfil loco
C’est Joking Black Bishop avec Maître Fou Blanc,
Disant « Ah, Messaline, une bien belle échoppe » …
Mais pourquoi publier ce poème interlope,
Avec la gourgandine on fait toujours semblant.
Ces deux fous se tenaient dans un rapport troublant,
Ils fréquentaient tous deux la même Pénélope ;
Sans pouvoir pervertir cette chaste antilope,
Ils gaspillaient leurs jours en des jeux accablants.
Désireux, mais en vain, de ses faveurs divines,
Ils ont chacun subi les maux que tu devines ;
Tout ça jusqu’à l’entrée d’un troisième larron.
Un fou n’est jamais franc, sa démarche est oblique,
La chose est confirmée par la rumeur publique ;
Il se brûle une patte en tirant les marrons.
Pyramide en inframonde
Bâtie par des croquemitaines,
J’ai des parois de marbre blanc ;
Les ouvriers furent bien lents,
Et leur expertise, incertaine.
Ai-je des racines lointaines
Au pays des crapauds volants ?
Ça ne se voit pas sur mes plans
Tracés par un démon ruthène.
Rien sur moi dans Apollinaire
Ni chez les profs du séminaire ;
Rien nulle part, et c’est bluffant.
Mon sort est inscrit sur l’écume
Par un maudit scribe sans plume
(Ou par un dieu, ça se défend).
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