Sagesse du pluvian
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Ladysan
Cochonfucius
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Récit du temps jadis
Le monstre de sinople a le coeur plein de peine,
Car, tout au long du jour, il s’abreuve de sang,
Dont le goût, vers le soir, lui semble trop puissant,
Lui qui voudrait laper l’eau des claires fontaines ;
Mais il n’en peut rien faire, elles sont si lointaines !
En rêve, il se tranforme en cet ange d’argent
Qui la distance peut franchir en voltigeant,
Sans nul besoin de nef ou de noire poulaine.
Or, bref est son sommeil, et s’il ouvre les yeux,
Il voit le ciel peuplé d’étranges petits dieux
En forme de goupils à la face rusée ;
Le plus rouge d’entre eux dit à celui d’azur :
-- Compagnon, veillons bien sur ce monstre au coeur dur.
Qui sait ce que seront ses prochaines visées ?
Quelques cornes
Corne d'argent, vieux luminaire,
De l'aube le préliminaire !
Corne de sable, astre inconnu,
Le ciel par toi est mis à nu.
Corne de sinople, exotique,
On te vend cher dans les boutiques.
De gueules corne, étrange objet,
Tu favorises les projets ;
Corne d'azur, corps peu plausible
Ton éclipse est imprévisible.
Corne d'or, imposant récif,
Nous admirons ton tronc massif.
Blason des sept jours
Beau vendredi d’azur, que les choses vont mieux
Quand sur le pays vient ta lumière sereine !
Samedi de sinople, achevant la semaine,
C’est le jour qui convient pour flâner sous les cieux.
Dans le dimanche d’or, nous offrons à nos yeux
L’éclat d’un frais jardin, où les heures se traînent ;
Vient le lundi de sable où les labeurs nous prennent,
Aussi longtemps, du moins, que l’on n’est pas trop vieux.
Brave mardi d’hermine, où nous cherchons fortune,
Tu escortes la nef en route sous la lune
Et tu cèdes la place au mercredi d’argent,
Respectant chaque fois l’ordre chronologique ;
Puis de gueules surgit le jeudi nostalgique,
Vers le doux vendredi enfin se dirigeant.
Clairière
-- Oiseaux qui chantez sur la rive
Une chanson bien vive,
Vous animez les arbres verts
De cet endroit désert.
Vous annoncez l'aube sereine
Que le ciel nous ramène ;
Car votre chant est aussi pur
Que le profond azur.
-- Poète chantant nos louanges,
Point ne sommes des anges ;
Juste nous donnons de la voix
Pour dire qu'il fait froid.
Jardin de livres
D’innombrables auteurs j’accepte l’influence ;
Qu’ils aient de l’enthousiasme ou bien de la froideur,
Je capte leurs clins d’oeil, j’admire leur vigueur,
J’aime les beaux effets d’une plume qui pense.
Que de fois je les ai suivis, dans le silence
D’une soirée paisible, éloignée du labeur,
Explorant avec eux les noires profondeurs
Où, ravi de plonger, l’esprit joyeux s’élance !
En pensant aux chemins qui me furent ouverts
(Et même, aux raccourcis par chance découverts),
Je dis : Ces vieux auteurs sont une bonne école.
Je les suivrai longtemps, sans trop m’en écarter,
Heureux dans ce jardin qu’ils surent enchanter,
Où j’ai ma place aussi, celle d’une herbe folle.
Le printemps reviendra
Au cimetière, on voit des arbres,
Ils sont verts au printemps ;
Comme ils ombragent bien les marbres,
Mais aussi les vivants !
Nourrissez-vous de pourriture,
Insectes du sous-sol ;
Ou bien, partez à l'aventure
Parmi les tournesols.
Moi, j'irai boire à la fontaine
Qui procure l'oubli :
Car ma jeunesse est trop lointaine,
Mon printemps aboli.
Hommes de mémoire
-- Aux penseurs du passé, notre fidélité ;
Et nous les déchiffrons en toute patience,
Tâchant d’entrer un peu dedans leur conscience,
Voulant, de leurs écrits, prouver l’utilité.
Or, nous leur tolérons quelques obscurités ;
La saveur poétique est notre récompense,
Et la joie de connaître un ancêtre qui pense,
Saveur et joie qui sont des plaisirs mérités.
Ils nous ont éclairés sur la question de l’Être,
Mais aussi, par leur style, il nous servent de maîtres,
Ce qu’on peut constater, les relisant souvent.
-- Cependant, ne rien lire est parfois fort utile :
Et mes inspirations parmi les plus fertiles
Vinrent de voir danser des feuilles dans le vent.
La brune nonne
Ceux-là qui vont au bois, sont évêque et novice,
L’évêque va chantant et la nonne soupire.
-- Qu’as-tu à soupirer, ma brune carmélite ?
-- J’ai le coeur bien épris de ma soeur Marguerite ;
Je suis nonne le jour, et la nuit pauvre amante,
Je regrette le temps des larmes innocentes ;
Des deux sortes d’amour, lequel est donc le pire,
Le fils du charpentier ne veut point me le dire.
L’évêque a murmuré : --Allons boire en taverne,
Car ce débat mérite un godet de Sauternes.
Trois fois ils ont vidé la carafe de verre,
À la troisième fois, tous deux sont en prière.
Je n’étais avec eux, n’attendez que je dise
La sage décision qu’un bon évêque a prise ;
Dupanloup fut son nom, un grand homme d’Église,
Fautes furent par lui assez souvent remises.
Ceux-là qui vont au bois, sont évêque et novice,
La nonne va chantant et l’évêque soupire.
Évêque et chanson
Dupanloup déclara : Si caricatural
Que puisse être un couplet, mon indulgence est grande.
Quel mal si les enfants le chantonnent en bande ?
Je garde, quand à moi, mon calme épiscopal.
Leur chanson les amuse, et c'est le principal.
Trouver de l'impudeur dans les refains qu'ils scandent ?
Que ce serait mesquin ! jamais ils ne prétendent
Égaler la beauté d'un psaume vespéral.
Quand, sous risible forme, est un portrait gravé,
Disons : C'est, pour tout homme, un succès achevé,
Motif d'amusement, et non point de vengeance.
Soldats pour des bons mots ne croisent point le fer,
Ni Dieu ne fait tonner la foudre dans les airs :
Et, par moi, vous le dit notre Église de France.
Bouffons d'argent
Bouffons d'argent, buveurs de nuit,
Que vous faites de bruit !
Allez donc voir la nonne brune
Qui rêve sous la lune.
Bouffons d'argent d'on ne sait où,
Vos propos sont de fous ;
Pas plus aimable votre vie
Qu'une journée de pluie.
Mais quand, dans l'aube au goût de sel,
Vous buvez l'hydromel,
À vos pieds, cent muses amies
Se posent endormies.
Dernière édition par Cochonfucius le Jeu 15 Jan 2015 - 14:39, édité 1 fois
Souvenirs de classe prépa
Pantalon de sinople et chandail d’azur sombre,
Un étudiant rêveur dialogue avec son ombre ;
Il se tient tout le jour immobile et songeur,
Un fier bouffon d’argent épinglé sur son coeur.
Un maître lui apprend à maîtriser les nombres :
Souvent, quand vient le soir, son esprit s’en encombre,
Calculs sans solution, bataille sans vainqueur,
Car cet art numérique a des traits ravageurs.
Il insiste pourtant, puis au prof rend la feuille.
Le maître, en la lisant, quelque peu se recueille,
Et dit : -- Ce que je vois est un peu décevant.
Or, pour donner congé à ces équations vaines,
Il part se promener sur les bords de la Seine,
Comme fit autrefois Cosinus, le savant.
Dernière édition par Cochonfucius le Jeu 15 Jan 2015 - 14:40, édité 1 fois
Temple obscur
À la vestale, un corbeau noir
Apporte un fragment de miroir,
Pris à l'hétaïre de Grèce
Qu'on nomme aussi l'enchanteresse.
Le temple aux magiques parfums
Ne le tient pas pour importun :
Si la prêtresse est vertueuse,
Tolérons-la voluptueuse.
Un miroir, une lyre d'or :
Vestale, avec ces deux trésors,
Tu vaux autant qu'une sirène
Et bien plus qu'une souveraine.
Sagesse des lyres
C’est la lyre d’azur dans les mains de la fée
Qui tresse des mots bleus lorsque le soir descend ;
C’est la lyre d’argent aux airs retentissants
Qui le matin te fait abandonner Morphée.
De gueules crie la lyre aux mouvements puissants,
L’art de la faire vivre est imité d’Orphée ;
De sinople la lyre a la voix étouffée
Du nain vert Obéron qui s’adresse aux passants.
La lyre d’or évoque une époque splendide,
Emplissant de héros la maison presque vide
Où le barde paisible aligne quelques vers ;
Le son des instruments est devenu moins fort,
Le ciel nocturne au monde apporte un réconfort
Et la lyre de sable apaise l’univers.
Sagesse de l'enchanteur
-- Merlin, rêvant sous les étoiles,
Ne vois-tu point mes yeux ?
Pourquoi toujours aimer les cieux,
Je ne porte aucun voile.
-- Je vois tes yeux, fille de l’onde,
Et j’en aime l’azur ;
Pourtant, je sais que le plus sûr
Est d’être seul au monde.
-- Merlin, c’est pour toi que je chante,
C’est pour toi que je vis ;
Je ne te lance aucun défi,
Je ne suis pas méchante.
-- Mais tu es jeune, et je suis vieux,
Telle est la différence ;
Vivons donc, sans nulle espérance,
Le temps de nos adieux.
Sous les rafales
Un ermite contemple une branche qui tombe,
Bois mort qu'ont détaché les rafales d'hiver ;
Le vent a dispersé les ornements des tombes
Et fait trembler sur pied les cyprès toujours verts.
Le vieillard se promène, arrosé par les trombes ;
Il a si souvent vu s'agiter l'univers
Qu'à des effrois communs, rarement, il succombe,
C'est doux d'aller au vent, quand on est bien couvert.
Le cimetière exhale une odeur de forêt ;
Presque aucun visiteur aujourd'hui n'y paraît,
Au milieu d'une allée danse une fleur séchée.
-- Tu n'es pas à l'auberge, avec ce mauvais temps ?
-- Je préfère être ici ; mais je boirai pourtant
La bouteille qu'auprès d'un tombeau j'ai cachée.
Prisme lunaire
La lune, comme un prisme, altère les rayons
Qui viennent du cosmos, et nous nous distrayons
À contempler ces jeux de couleurs insolites
Dans le soir traversé de lourds aérolithes.
Les animaux marins entourent le donjon
Pour entendre parler l'empereur des pigeons ;
Un grand catoblépas, par la suite, interprète
Un air du Moyen Âge, à grands coups de trompette.
La tortue de sinople agite un éventail
Pour insuffler la vie au sombre épouvantail ;
S'emparant d'une plume, il s'empresse d'écrire
Au dos d'un vieux bouquin, ces trois quatrains pour rire.
Couleurs emblématiques
-- Liesse est de sinople, et non mélancolie ;
Sable dit bonnement la simplesse qui va
Et qui à fourberie nullement ne se plie.
De gueules, c’est prouesse, et Quichotte en rêva.
Azur est loyauté qui jamais ne s’oublie,
Richesses sont d’argent que Crésus cultiva ;
Noblesse est d’or très pur, qui à l’honneur se lie,
Hermine est pureté que Jeanne préserva.
Qui sur un seul écu ces sept couleurs arbore,
N’a-t-il la perfection, que lui faut-il encore ?
N’est-il un grand héros rempli de qualités ?
-- À toutes ces couleurs pour ton mérite vendre,
Ajoute carnation, cette nuance tendre,
Qui de ton corps humain dit la fragilité.
Navigation nocturne
Naviguer sans jamais voir d'îles,
Sans voir de goélands,
Naviguer d'un mouvement lent,
Ne pas songer aux villes.
Ne jamais songer aux montagnes,
S'asseoir sur ses talons
Pour se baigner dans l'aquilon
De Grande Garabagne.
Franchir ainsi la mer immense,
Le pays des oiseaux,
Franchir d'infranchissables eaux,
Les eaux de la démence.
Grimoire déformant
Chez le vieux magicien sont des livres pesants ;
Y dorment de vieux mots, ainsi qu’au cimetière,
Prêts à se taire ainsi, l’éternité entière,
Comme se tait chez lui le sage paysan.
Pourquoi pas ? Le silence est sans doute apaisant.
Souvent je l’entendis, les jours où la matière
Avec les physiciens se montrait cachottière ;
Et mon esprit rêveur l’a trouvé bienfaisant.
Le grimoire fermé reste sur l’étagère ;
On dirait le boa qui l’éléphant digère,
Ou le catoblépas qui rêve dans le noir.
Chez le mage trop vieux, plus de sorcellerie ;
Au coin de son foyer, le sombre grillon crie
Sans invoquer les sorts, disant juste « Bonsoir. »
Monstre mélomane
Un centaure avec crainte approche
Pour entendre de près
La forte lyre qui décoche
De mélodiques traits.
Pour lui, ces notes qui l'attirent
N'ont rien de rebutant ;
Il ne sait pas que dans l'Empire
On en est mécontent.
Mais le centaure est trop timide :
Il s'éloigne, songeur,
Dansant au couchant, dont, limpide,
Se répand la rougeur.
Domaine de Ronsard
Dans le pré de Ronsard est l’herbe la plus tendre ;
Sa plume qui a fait des muses la fierté
En ce pré verdoyant cultive une beauté
Digne des angelots qu’on voit du ciel descendre.
Je rêve, en ce beau lieu, qu’il désire entreprendre
De bâtir un palais afin d’y habiter ;
Aussi, de s’y asseoir avec ses invités
Pour, tout au long du jour, en poèmes s’étendre.
En songe j’y viendrais le savoir butiner
Que chaque jour produit ce rhapsode obstiné ;
Le palais grandirait avec le temps qui passe.
Pierre sur pierre tient, sans besoin de ciment ;
Ainsi qu’une chanson se passe d’argument,
Le sonnet se termine et se tait avec grâce.
Jardin de sinople
Sous les arbres d'un vert passé,
La fée d'argent voulut danser
Sans être cachée tout entière ;
Sous les arbres de la clairière.
Elle place un élégant pas
Tout en levant très haut ses bras ;
Les ondines sont là, nombreuses,
Emplissant la forêt ombreuse.
Un buisson (à peine s'il bouge)
Était couvert de feuilles rouges ;
Le vent les emporta, ce fol,
Et nous fit voir un petit troll.
De sable et d'or
En un pays de sable est la solaire essence
Par quoi le loup d'argent s'est fait Maître et Seigneur ;
Et tout autre que lui en tirerait honneur,
Mais ce Sable est désert, et nulle est sa puissance.
Meubles au pays d'or sont de folle apparence :
Une écharpe d'hermine, un lézard maraudeur,
Une foudre d'azur, un mouflon baroudeur,
Tous de la fantaisie d'un blasonneur de France.
Serait-ce l'anarchie qui triomphe en ces lieux ?
Ou, de cet univers étalé sous tes yeux,
Pouvons-nous établir une chronique brève ?
Lecteur, la solution se trouve en ton pouvoir :
De n'y mettre aucun sens, ou de tâcher d'y voir
Le Paradis, l'Enfer ou l'endroit de tes rêves.
Au labeur
Passez la charrue sur vos terres,
Elles vous nourriront ;
De terre d'or on a la bière,
Le sol n'est point larron.
Terre de sinople est l'empire
Des bestiaux pâturant ;
Puis les jardins où l'on respire
Des parfums enivrants.
De gueules terre est pour la vigne
D'où l'on tire un nectar ;
Le charpentier le jugea digne
D'être son avatar.
Terre de sable est aux légumes,
C'est pour le pot-au-feu,
Ou pour cultiver des agrumes
Sous le soleil en feu.
Terre d'argent est pour les vases
Et pour les jolis plats ;
Que l'on pétrit, que l'on écrase,
On ne s'en lasse pas.
Terre d'azur, pour mes poèmes,
Et c'est le vaste ciel,
Puis toutes les choses que j'aime
Et dont je fais mon miel.
Dernière édition par Cochonfucius le Mar 20 Jan 2015 - 17:00, édité 2 fois
Vers un autre monde
La vestale aux douces rondeurs
Menait l’existence idéale
De ceux qu’abrite la splendeur
D’une forteresse ecclésiale ;
C’était un havre de candeur,
Un paradis pour la moniale ;
On n’en sentait pas la fadeur,
Ni la routine un peu triviale.
Mais quand l’arbre redevint vert,
Quand le printemps chassa l’hiver,
Elle rêva d’étreindre un fauve ;
Le cloître n’est plus un rempart,
Nous la voyons sur le départ :
Avec un troll, elle se sauve.
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