Sagesse du pluvian
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Ladysan
Cochonfucius
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Sanctuaire du silence
Dans un temple gardé par quatre lézards verts,
Rarement l'on entend la parole ou le rire.
Trois vieux trolls, vers le soir, s'y installent pour lire,
Pour se désaltérer, pour composer des vers.
Ils mettent en sonnets des récits fort divers,
Ne sachant ralentir le flot de leur délire ;
Et l'on entend ronfler leur maladroite lyre
Ainsi qu'un vieux moulin qui tourne de travers.
La feuille sous leurs doigts se trouve barbouillée
De termes exprimant leur âme ensoleillée,
Disent-ils, et chacun les traite de bouffons.
Qu'importe ! Ils sont heureux. Leurs rimes ingénues
Aux ondines font voir des beautés saugrenues ;
Lecteur, n'y cherche rien de sage ou de profond.
Les drôles de mots
Encore un drôle de poème
Et je l’ai fait pour toi,
Car je me dis que tu les aimes,
Et même, je le crois.
Encore un écrit de la sorte,
Vite né, tôt vieilli ;
Car ma chandelle n’est pas morte,
Encore un fruit cueilli.
Encore un fragment de passé
Que ma paresse effeuille ;
Ah, combien de mots peut tisser
Un coeur qui se recueille ?
Un doux rêveur
Le fils du charpentier, sans fureur et sans rage,
Nous a, frères humains, de nos maux déliés,
Et consolés aussi, pauvres humiliés,
Ce dont, jusqu'à ce jour, nous lui rendons hommage ;
Pour son action sur Terre, il obtint l'avantage
D'être, comme un bandit, les pieds et poings liés,
Conduit vers le trépas, devant ses familiers,
Des terrestres démons le volontaire otage.
Un sphinx avait jadis, dans sa rude ferveur,
Posé cette question à notre doux rêveur :
-- Pour défendre le bien, faut-il que quelqu'un meure ?
L'ascète avait souri jusqu'au fond de ses yeux,
Disant : --S'il advenait, ce Royaume de Dieu,
Crois-tu qu'il semblerait une humaine demeure ?
1975-2014
En rêve je revois le soleil des Yamis
Auquel nous échappions dans une ombreuse église ;
Oubliant la couleur des mornes banlieues grises,
Un vitrail illumine un ancien tatami.
J’étais jeune et j’étais assez fier d’habiter
En improbable lieu, une position sûre ;
Et je ne savais plus où étaient mes chaussures,
Au vestiaire, sans doute, avec ma dignité.
Dame des sept couleurs
Au milieu de la nuit mon âme va songeant
Comme un errant perdu devers Constantinople ;
De gueules bat mon coeur aux forêts de sinople ;
Ma dame me regarde et le ciel est d'argent,
Mais un ciel plus profond est dans ses yeux d'azur.
D'or mûrit la sagesse aux froides nuits de sable ;
On voit au loin danser l'hermine impérissable.
Est-il d'autres couleurs ? Je n'en suis pas très sûr.
Terre de brume
L’hiver dans nos quartiers va remplacer l’automne,
Refroidissant la rue et ses vieux bâtiments.
Les badauds sur la place errent languissamment ;
On n’entend pas les cris de la foule gloutonne.
Venant de nulle part, un carillon résonne.
Les passants sont saisis par un étouffement,
Même ceux du marché freinent leurs mouvements ;
Un dédale sans murs m’absorbe et m’emprisonne.
Le vieil hôtel de ville est aujourd’hui pâlot ;
Au brouillard qui me semble un immobile flot,
Un dernier feu de bois ajoute sa fumée.
Heureux que soit absent d’ici le vent du nord,
Je vais droit devant moi, profitant d’un temps mort
Pour marcher au hasard dans la ville embrumée.
Dans ma bibliothèque
Le livre le plus lourd disait : –J’ai la splendeur
De ce vieux Créateur dont nul ne voit la face ;
Toute mythologie auprès de moi s’efface,
Zeus brandissant la foudre, Aphrodite en rondeurs.
Le livre le plus vert disait : — Moi, je détiens l’odeur
Du jardin suspendu aux magiques terrasses ;
Précarité du sage en ce sublime espace,
Lui, l’auguste semeur et bientôt moissonneur.
Le Larousse disait : — Moi, j’ai des pages roses
Où la sagesse grecque et latine est déclose ;
Sur le plan lexical, je tranche, sans pitié.
Le recueil de sonnets, dans sa folle jeunesse,
Ne pouvait s’exprimer avec tant de finesse ;
Il ne connaissait rien, que trois mots d’amitié.
Courte partie d'échecs
E2-E4 est blanc, E7-E5 est noir ;
Cela vient de deux pions se tenant face à face.
À ce stade, on dirait des patineurs sur glace,
Ça glisse en coup de vent, sans trébucher ni choir.
En milieu de partie, observe les tensions
Qui, généralement, président aux échanges :
Le premier dont les plans d'attaque se mélangent
Va payer assez cher un peu d'inattention.
On en vient à la fin, règne alors la rigueur :
Le perdant peut choisir, ou bien de se soumettre,
Ou de voir son espoir peu à peu disparaître :
De plus rien ne lui sert sa première vigueur.
Empereur et licorne
Celle qui sort du bois, c'est la licorne pure ;
L'empereur va chantant, la licorne soupire.
-- Qu'as-tu à soupirer, trésor de mon empire ?
-- Je ne sais si je dois vous le dire en droiture.
La reine est après moi, d'un barbare royaume,
Disant que j'ai voulu la faveur de son maître ;
Même s'il m'advenait de mourir et renaître,
Sa haine est après moi, que n'éteindra nul baume.
-- Licorne, tu devras te cacher dans les dunes ;
Les reines n'y vont point, ni les impératrices.
Cache-toi loin d'ici, licorne tentatrice,
Si tu peux t'envoler, cache-toi sur la lune.
Celle qui danse au loin, c'est la licorne pure ;
En la voyant danser, notre empereur soupire.
Il donnerait sans doute un bout de son empire
Pour pouvoir s'en aller, marchant à l'aventure.
Les sept vagabondes
Une vierge d’argent éclaire le soir pâle ;
Une ondine d’azur le rend un peu plus froid.
De gueules va dansant la dame en ces grands bois,
Toutes trois se disant des phrases amicales.
Une vierge de sable effeuille les pétales
D’une rose cueillie aux abords d’une croix ;
Une fée de sinople appelle de sa voix
Les démons familiers de sa contrée natale.
Une dame d’hermine a vu, vêtu de fer,
Parsifal que jadis faillit chanter Stéphane
Mallarmé, vieillissant, en des couplets amers.
Toutes sont déjà loin, fuyant le rude hiver ;
Sur la lourde trirème, elles ont pris la mer,
Au rivage laissant leurs pantoufles diaphanes.
Re: Sagesse du pluvian
J'aime bien, "Courte partie d'échec"
Ladysan- Seigneur de la Métaphysique
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Identité métaphysique : Aucune
Humeur : De toutes les couleurs
Date d'inscription : 15/03/2010
Désert blanc
La roche a disparu sous la glace, en hiver ;
Dans ce coin de forêt, la vie est assoupie.
Rien de plus blanc, ce jour, que le pré jadis vert,
Rien de plus désolant que le cri de la pie.
Les habitants du lieu la traitent de harpie ;
En entendant ce nom, son coeur n'est pas amer,
Tu pourrais aussi bien la dénommer chipie
Sans pour cela blesser son âme ni sa chair.
Le sentier forestier voit passer Piaf-Tonnerre
Que son plumage épais garde du froid polaire ;
Il a le coeur paisible, il marche sans effort.
D'empereur et licorne il chante la complainte
Qu'au loin semble reprendre un carillon qui tinte
Au clocher dont le bulbe est paré de vieil or.
Phénix assoupi
Vivre au coin du feu,
Au son des guitares :
C’est un plaisir rare,
C’est un sort heureux.
Quand la braise est rose,
Boire du tilleul
À plusieurs, ou seul ;
Lire de la prose.
Taquiner la muse
Sans rien exiger,
Un bonheur léger,
Si je ne m’abuse.
Passer la journée
Vêtu d’un peignoir
Ou d’un habit noir,
Tenue surannée.
Les sept cailloux
De ce caillou d'argent, ferai-je une statue ?
Ou du caillou d'azur, plus facile à sculpter ?
De gueules, qui paraît une lèvre imiter ?
De sable, auquel la vue aisément s'habitue ?
La pierre de sinople est de grâce vêtue ;
Et l'or, peut-être, est seul à rendre la beauté
Dont se pare la muse ou la divinité ;
Mon esprit à choisir vainement s'évertue.
Seras-tu polychrome, image de la Femme,
Comme un feu d'artifice aux incroyables flammes ?
Je réfléchis encore, et j'invoque les dieux.
Ainsi, j'approfondis, j'hésite, je rumine :
C'est alors que surgit un grand monstre d'hermine
Qui dit : -- Foin d'une fille ! Un fauve, c'est bien mieux.
Quelques taureaux
Le taureau blanc disait en ouvrant la fenêtre :
-- Pas besoin d'anorak, puisqu'il va faire beau.
Son frère ne dit rien, lui, plus noir qu'un corbeau.
Le taureau vert disait : -- La pluie viendra, peut-être,
Car on entend frémir le feuillage du hêtre.
Le taureau rouge a dit : -- Buvons un verre d'eau,
Que la chaleur du jour ne nous soit un fardeau.
Le taureau bleu disait : -- Quand revient notre Maître ?
C'est le jaune taureau qui lui a répondu :
-- Pendant de nombreux jours, nous l'avons attendu ;
Vainement, selon moi, nous l'attendons encore.
Le taureau mauve a dit : -- Mince, un bestiau qui parle !
Les autres l'ont repris : -- Calme-toi, mon vieux Charles !
On n'est pas des taureaux, on est des minotaures.
Au portraitiste de la reine
Peintre, fais une image en forme d'élégie :
Soigne donc le tracé du sourire carmin,
Sois recueilli comme est un évêque romain,
Ajoute, si tu veux, ta touche de magie.
Peintre, n'hésite pas, brosse avec énergie
La toile qui vaut mieux que plus d'un parchemin ;
Et que soit cependant pacifique ta main,
Comme un roi reste calme au milieu d'une orgie.
Quand d'innombrables ans auront fui et passé,
Les foules croiront voir ton pinceau caresser
Ce portrait dans lequel on ne voit rien d'austère ;
Ce visage qui fut de larmes arrosé
Après de longues nuits, dans les matins rosés,
Peintre, tu as capté son émouvant mystère.
Les sept navires
C’est une nef de sable avançant au hasard,
Conduite, étrangement, par quatre vieux lézards.
C’est une nef d’argent qui traverse un orage ;
Les morts de l’an passé forment son équipage.
Une autre la poursuit, c’est une nef d’azur
Toutes voiles au vent, qui claquent dans l’air pur.
Ceux de la nef en or boivent plus qu’en auberge,
Sauf un prêtre qui tient de sa main gauche un cierge.
De gueules court la nef à chasser le narval,
Sinistres sont les cris de ce gros animal.
Vers la nef de sinople, où se tient une ondine,
Vogue la nef du troll, à la voile d’hermine.
Méditation d'automne
Seul dans mon jardin sauvage
(Que ferais-je d’un témoin !)
J’en désherbe un petit coin
Et me crois sur un rivage.
Du soleil, grâce à l’ombrage,
Je me préserve avec soin ;
J’aurai le spectacle, au loin,
De son quotidien naufrage.
Je ne sais où je serai
Demain, si je m’y plairai ;
J’accepte ma destinée,
Je peux aller en tous lieux,
Surtout si devant mes yeux
Brûle un feu de cheminée.
Exploration
Césaire s'avançant dans la forêt magique
Y voit des végétaux à la vive couleur ;
Il passe son chemin sans cueillir une fleur,
Affûtant dans son coeur sa plume nostalgique.
Il en est le gardien, l'observateur, le druide ;
Pour ses nombreux lecteurs, il en fait le portrait,
Parfois tout naturel, parfois un peu abstrait :
On reconnaît toujours sa langue pure et fluide.
Déclin de Dupanloup
Du père Dupanloup le désir amaigri
Siège, peu convaincant, sur le trône de Pierre.
La sombre somnolence alourdit ses paupières ;
Et voilà quelque temps qu’il n’a pas vraiment ri.
Son coeur, par Cupidon trop richement nourri,
Se montre irrégulier pour des journées entières ;
De puissant séducteur s’achève sa carrière,
Une nonne le plaint d’un regard attendri.
Soudain, dans le palais aux galeries profondes,
Paraît une vestale issue du bout du monde ;
Et l’oeil du patriarche enfin s’éclaire et luit !
Il reprend sa vigueur en sa saison dernière ;
Il contemple, ravi, l’affriolant derrière,
Heureux de rencontrer la fin de ses ennuis.
Sagesse du rêveur
Robert qui entre et sort par le trou des serrures
Se glisse dans la chambre et trouve un grand oiseau ;
Puis il va reposer sous l'abri de roseaux,
Quand de rose et de feu le ciel met sa parure.
Et si tu veux savoir qui garde son sommeil :
C'est l'orage du ciel, c'est le bruit des tempêtes,
C'est l'univers dément qui grouille dans sa tête,
Un cosmos onirique, à nul autre pareil.
Robert, de bon matin, a l'ivresse commune
Mais pas du tout vulgaire, il forge des récits
Et le jardin, tout bas, lui adresse un merci,
Robert est un rêveur, c'est toute sa fortune.
Pour voyager dans l'inframonde
La carte de ces lieux sur une grande estampe,
La formule à tunnel, pour traverser les murs,
L’éventail d’Osiris pour rendre l’air plus pur ;
Petit fanal en poupe, en proue la grande lampe.
Ne va pas près du mur où je ne sais quoi rampe ;
Réponds par le silence aux grondements obscurs ;
Invoque, s’il le faut, la licorne d’azur :
Car plus d’un démon fuit les monstres de sa trempe.
N’éprouve nulle peur si l’ombre devient rose,
Car c’est juste un reflet de la beauté des choses
Qu’offre le souterrain aux étranges couleurs.
Profite du navire, élégante princesse,
La fine nef d’argent va tenir ses promesses :
C’est à toi de savoir où veut aller ton coeur.
Cimetière de village
Terre posée sur les cercueils,
Ah, quelle sombre terre,
Serait-ce un emblème du deuil,
Un signe de mystère ?
Nuages, navires sans voiles,
Vaisseaux silencieux,
En foule, vous passez aux cieux,
Nous masquant les étoiles.
Arbustes devenus broussailles,
Dans cette obscurité,
Vous semblez des gens attristés
Venus aux funérailles.
Divinités farceuses
Aphrodite, en plaisanterie,
Envoie de beaux rêves, parfois ;
Quelques bacchantes en furie
Qui mettent un coeur aux abois.
Artémis, dans sa pruderie,
Montre les animaux des bois ;
Amusante ménagerie,
Je suis content quand je les vois.
Dans ces oniriques exploits,
Ce qui compte, c'est la poursuite ;
On ne demande pas, je crois,
En quoi peut consister la suite.
Ornithologie approximative
Oiseaux de sable sont corbeaux ;
D’argent, ce sont pluvians d’Asie.
D’hermine, aigle de Malaisie,
De sinople, un piaf pas très beau.
D’azur, mouette de poésie ;
De gueules, comme un vif flambeau,
L’hirondelle auprès d’un tombeau :
D’or, saffre de Papouasie.
Oiseaux sont pour faire semblant,
Surgis tout droit d’un papier blanc
Où sans contrôle une plume erre ;
Oiseaux pour chasser le cafard,
Pour oublier le temps blafard,
Et pour nourrir l’imaginaire.
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