Sagesse du pluvian
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Ladysan
Cochonfucius
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Lions volants
C’étaient deux aigles-lions
Voletant dans la brise,
Ainsi qu’un tourbillon
Tout autour d’une église.
Ils ont volé sept ans
Sans même boire un verre,
Au bout de tout ce temps,
Faut qu’ils se désaltèrent ;
Auprès du vieux clocher,
Deux vignes sur des treilles :
Le prêtre a débouché
Bouteille après bouteille.
Ils en ont bu sept ans
Sans dire une parole ;
Au bout de tout ce temps,
Les voilà qui s’envolent !
Ils sont montés aux cieux,
J’entends leurs voix qui prient ;
Qu’ai-je besoin de Dieu ?
Je suis avec ma mie.
Dans l'azur
Le pluvian boréal chante au pays de glace :
L'accompagne, le soir, la harpe du sorcier.
La grenouille polaire arpente le glacier
Ainsi que la banquise, où légère est sa trace.
Dès que ce batracien montre sa verte face,
Un arctique fantôme, enfourchant son coursier,
L'accompagne au troquet où ils vont apprécier
Un thé du Kamtchatka dans une grande tasse.
En ces terres du Nord, les instants se ressemblent ;
Dans les mêmes endroits, les mêmes gens s'assemblent,
Disant assidûment du mal des dirigeants.
Le mur de la taverne est vierge de verdure :
Elle ne saurait vivre à ces températures ;
Les ours dansent au loin, sous la lune d'argent.
Sagesse de l'ondine
Cette ondine sourit toujours
Au vent qui la dénude :
Il le fait avec tant d'amour,
Et sans se montrer rude.
Puis il lui propose un habit
De claire transparence ;
Sous la cascade au fier débit,
Tu peux la voir qui danse.
Rilke, pour faire son portrait,
Prend sa plus belle plume ;
Je viens ensuite et j'en extrais
La savoureuse écume.
Apanage de gueules
J’ai vu la chèvre d’or à l’élégant maintien
Droite sous le soleil ainsi qu’une luronne,
Face au renard d’argent, que sa grâce n’étonne ;
Tous deux semblaient avoir un paisible entretien.
Ce monde est fait ainsi : parler de tout, de rien
Et de je ne sais quoi, un chacun s’y adonne,
Qu’il soit duc, vigneron, renard, chèvre ou baronne ;
Le bavardage emplit le cadre quotidien.
Tel n’est point mon état de taciturne aragne :
Je vais loin de la foule et, paisible, je gagne
Les hauteurs où domine un silence béni ;
Ma toile est un hamac solide et confortable ;
C’est, en ces temps mouvants, une structure stable,
C’est le point d’où je peux contempler l’infini.
Plumes reflétées
S'il arrivait au coq de voir
Son image au miroir,
Contre un rival imaginaire
Il partirait en guerre.
Si l'écho lui renvoie son chant,
Il devient très méchant,
Il ébouriffe son plumage
Et devient vert de rage.
Mais voir un couteau de métal,
Ça, c'est le plus brutal ;
Il dit alors un « Notre Père »
Juste avant de se taire.
Sagesse d'un gallinacé
Un coq d’argent veillait pour défendre sa terre.
Nul aigle ni vautour ne descendit des cieux,
Mais des lions étaient là, ce qui ne vaut pas mieux ;
Aussi, notre héros fut sur le pied de guerre.
Le lion d’azur a dit : Reposez-vous, compère,
Nul intrus n’osera se montrer sous mes yeux.
Le coq a répondu : Je défendrai ce lieu,
Même s’il venait Zeus armé de son tonnerre.
De gueules dit le lion : N’avons-nous pas raison,
Nous, rois des animaux, de taxer ta maison ?
Nous n’avons pas signé d’édit qui t’en délivre.
La conclusion du coq : Si je parle avec vous,
C’est que, précédemment, j’ai bu de nombreux coups ;
Je ne vois de tels lions que quand je suis bien ivre.
Temps suspendu
Certains jours, on ne sait plus l'heure,
Le temps est suspendu ;
On ne sait plus ce qu'on a vu,
C'était sans doute un leurre.
Ces jours, la vie est insonore,
L'oiseau ne chante plus ;
Quand le printemps sera venu,
Il va chanter encore.
Dernière édition par Cochonfucius le Sam 24 Jan 2015 - 11:43, édité 1 fois
Cadran lunaire
D’azur est le cadran de l’horloge des muses,
D’or y sont dessinés de beaux chiffres romains.
Pas de meilleur gardien pour le temps des humains,
De meilleur surveillant pour voir comme ils en usent.
Quand à rimer ces vers un rhapsode s’amuse,
L’exemple des anciens n’est pas suivi en vain ;
De sable les écrits que prodigue sa main
Font chanter le sureau et danser la méduse.
C’est pour lui le moyen d’échapper à l’ennui,
D’orner la Vérité au sortir de son puits
Et d’offrir au public sa voix jamais lassée.
Du cadran, cependant, il doit suivre la loi ;
De la sorte, il vivra sa vie de bon aloi,
Qui la route suivra par les muses tracée.
Errance matinale
René Char marche en une aube laiteuse
Sans déranger un archange dormant ;
D'un tel oiseau la chair n'est pas frileuse,
Et le sommeil offre un tableau charmant.
D'or et d'azur le jour se renouvelle ;
De carnation le visage sourit.
L'arbre, hors saison, de figues ne nourrit
Ni le loriot, ni l'absente hirondelle.
Frêles oiseaux et bienveillant archange,
Veillez sur lui, poète délicat :
Il se fera votre fier avocat,
C'est bien utile, en ce cosmos étrange.
Fortification barbare
Un homme monstrueux étant devenu roi,
Il posa dans les champs la folle architecture
D’un palais gigantesque aux brillantes toitures ;
Colosse à l’horizon se dressant fier et droit.
Pour colonnes, l’on mit des troncs de bon aloi ;
Tous émaux, tous métaux servirent de peinture.
Brillant de mille feux sous toutes les coutures,
Le château arborait cent drapeaux sur ses toits.
Cent cuisines chauffaient, dans leurs énormes fours,
Les gâteaux que mangeaient dans les petites cours
Les maîtresses du roi, au maintien désinvolte.
Mais les gens du pays, par villages entiers,
D’un grand soulèvement ourdirent le chantier,
Abattant l’édifice en leur juste révolte.
Vocabulaire d'un cétacé
Le dauphin polyglotte aime les mots limpides,
Mais aussi quelques-uns dont le sens est changeant :
Orphée, l'accompagnant de sa lyre d'argent,
Admire ses talents de traducteur rapide.
Le dauphin ployglotte aime les mots d'azur,
Il aime entrelacer tous les hymnes qu'il chante ;
Il sait déterminer, de sa prose tranchante,
Ceux qui auront ou non les honneurs de son mur.
Le dragon, dans les cieux, dérive sur ses ailes,
Entendant tous ces sons qu'il ne comprend pas bien ;
Dragon, ce sont des vers, des chants, ne crains donc rien :
La sirène est ici, les mots jouent avec elle.
Sagesse du dragon
Du ciel ou de la terre, il ne craint nul danger,
Le dragon polychrome aux allures sereines ;
Cependant, les sept mers abritent des sirènes
Dont il redoute un peu les hymnes étrangers.
Si le son de leurs voix brisait son vol léger,
Il flotterait dans l’onde, ainsi qu’une baleine,
Sans pouvoir regagner le nuage ou la plaine ;
À ce sort effrayant, son coeur n’ose songer.
La sirène, dit-on, de sa crainte se joue ;
Elle compose un chant qui exalte et qui loue
La sage retenue du dragon, pourtant preux.
Son cousin le dauphin, cet interprète agile,
Traduisit la chanson en langue de Virgile.
Le dragon nous a dit : « Pour moi, c’est de l’hébreu ».
Faune aquatique
Rivière de sinople aux salamandres d'or,
Que le monde est étrange !
Un gros oiseau de sable avec une voix d'ange :
Mais d'ange de la mort.
Mille chevaliers francs aux éperons d'argent
Sur des chevaux d'hermine ;
Celui qui les commande a soucieuse mine,
C'est le seigneur Roland.
De gueules le museau d'un troll de ces parages,
Qui boit du vin nouveau ;
On croit entendre au loin les cris d'un jeune veau
Errant au pâturage.
Sagesse d'un amphibien
La salamandre vit dans la flamme tranquille
Qui se forme au-dessus du ruisseau que voici.
Elle passe son temps, recluse, loin des villes ;
Son âme est sans tourment, son coeur est sans souci.
Au bord de la rivière, une aragne d’or file ;
Sa toile de l’insecte aura toujours merci,
Tranquilles voleront les sveltes drosophiles
Et tout autre diptère arrivant par ici,
Loin de tout, traversant la plaine abandonnée,
Apportant avec eux leur chanson bourdonnée ;
Au matin, quand le ciel blanchit à l’Orient,
Un passereau d’azur au bord des flots se perche,
Et, dormant à demi, l’amphibien souriant
Entend la mélodie qui s’élève et se cherche.
Vent qui chante
Le grand vent qui s'élève
A pris pour instruments
Les vieux arbres sans sève ;
J'accompagne son chant.
Qui donne la mesure
Forte que nous suivons ?
Qui montre les figures
Simples que nous dansons ?
Quand il semble se taire,
Le jardin parle et rit ;
Ils n'ont si belle terre,
Ces messieurs de Paris.
Séduction d'un instrument
Un monstre, qui n’avait rien connu de la vie
Que les champs de bataille au long des jours d’été,
S’introduisit un jour au manoir enchanté ;
Par un air musical, son âme fut ravie.
Mais au bout d’un moment se tut la mélodie :
Chacun des musiciens partit de son côté,
Les uns devant dormir, les autres répéter,
Et le monstre eut son âme, à nouveau, alourdie.
Afin de retrouver cette récente ivresse,
Il s’attaque au clavier, en toute maladresse,
Mêlant l’aigu, le grave, et le clair, et le sourd.
Pour l’entendre, par chance, il n’y avait personne.
Il savoure ces sons qui si durement sonnent ;
Gauches sont tous ses doigts, mais il s’ouvre à l’amour.
Douceur monastique
Un moine sur un banc de pierre
Déguste un pot de bonne bière ;
Il en remercie le Bon Dieu
Qui boit du pinard dans les cieux.
C'est un art, savourer la vie,
Une voie par lui bien suivie ;
Il se tient pour digne héritier
De la femme du charpentier.
Si le diable au couvent se glisse,
Moines contre lui vont en lice :
Satan, tu n'as jamais rien pu
Contre des gens qui ont bien bu !
Aragne et moine
Un moine était gardien d’une innombrable troupe
De bouquins qu’on devait aux plus sages humains.
Il admirait surtout les plus anciens du groupe,
Dont les mots noircissaient d’antiques parchemins.
Mangeant plus d’une mouche au lieu de bonne soupe,
Une aragne au plafond se tissait un chemin,
Puis descendait parfois, ayant le vent en poupe,
Pour visiter le cloître embaumé de jasmin.
-- Aragne, si tu veux, je peux, de ces grimoires,
Tirer mille récits dont ils ont la mémoire :
Nous passerions ainsi d’agréables instants.
-- Moine, merci beaucoup, mais épargne ton souffle :
Je préfère écouter les mots de la pantoufle
Qui, sans aucun savoir, est poète, pourtant.
Plaisir des lézards
Qu'elle est douce, l'existence
Des lézards, dans les lueurs
D'un soleil levant de France !
Ils rêvent dans la fraîcheur
De la courette endormie ;
L'aurore allume des flammes
Qui brûlent en harmonie
Avec celle de leur âme.
Douceur érémitique
Des nuits de solitude et des jours solitaires,
Sans la moindre pensée de souffrance ou d’amour ;
La pluie sur les volets répète son bruit sourd,
Dans l’âtre, le grillon continue à se taire.
L’empereur se souvient des voix des secrétaires
Qui, à ses mots d’esprit, se récriaient toujours ;
Des coqs dans les jardins, qui annonçaient le jour,
Et du valet de chambre à panse de notaire.
En hiver le corbeau qui danse dans les airs,
En été le lézard en beau costume vert :
De ces deux compagnons se satisfait son âme.
Le vieillard, dans son coeur, n’abrite aucun regret,
Son esprit ne cultive aucun remords secret ;
Comme une salamandre, il sourit dans les flammes.
Cellule de méditation
Baudelaire investit la loge intemporelle,
La confortable bulle où peut dormir son art ;
Mais il a trop vécu, pour son coeur, c'est trop tard,
Il ressent ses malheurs de façon corporelle.
Un poète peut-il devenir un ermite ?
Dans son silence auront à parler plusieurs voix,
Ou chacune à son tour, ou toutes à la fois :
Alors la solitude exhibe ses limites.
Paix d'un animal
Un triton fait son nid dans un plasma dormant
Qui s'accroît plus haut qu'un canal coulant ici ;
Il vit ainsi, captif, loin d'un urbain roman,
Sans affliction, sans cri, sans chagrin, sans souci.
Son voisin fait un fil inactif, mais charmant ;
Aux animaux s'offrant sous un jour adouci,
Ni fulminant, ni noir, ni dur, ni alarmant,
Nul jour par son action tari, ni raccourci.
Loin, fort loin, franchissant un sol à l'abandon,
Portant un joli son, la chanson du bourdon,
Au matin, dans l'azur, au mitan du grand parc ;
Un piaf au ton saphir au bord du flot chanta ;
Du triton pur cobalt l'audition s'aimanta,
Apprivoisant l'amour, ainsi qu'a dit Saint Marc.
Saveur du dimanche
C'est un jour pour être indolent :
Le temps de savourer la vie,
D'errer, si tu en as envie,
D'un pas bien paresseux et lent.
Ce petit village de France
A des étals où les chalands
Admirent des fruits rutilants ;
Ce marché, c'est ta providence !
Et même, des marrons brûlants.
Déclin d'un lutteur
Hercule a pour abri la taverne embuée ;
Quant à ses ennemis, ils dorment au tombeau.
Le héros, s’abreuvant sous un maigre flambeau,
Se souvient de la terre à leur mort remuée.
La serveuse au silence est bien habituée,
Que rompent seulement les longs cris d’un corbeau
Dévorant au jardin des viandes en lambeaux
Sous le ciel que traverse une sombre nuée.
Sa jeunesse qui fut un peu folle et ardente
Aujourd’hui laisse place à la vie trop prudente
D’un vieillard tout pensif, marmottant des mots pieux.
Il dort le jour et fait un songe assez tragique
Qui le montre allongé au bûcher fatidique ;
Mais il n’est pas pressé de rejoindre ce lieu.
Boeuf qui vole
Vers le ciel, le dieu Boeuf étend son large bras,
Disant au laboureur : Notre tâche est finie.
Mille anges-boeufs beuglant alors en harmonie
Ont survolé le pré qui n'est jamais ingrat.
Alors le paysan de poésie se grise ;
Il danse dans l'odeur des bons fruits mûrissants,
Le grand boeuf monte au ciel, grâce à son vol puissant,
Et s'éloigne sans fin, emporté par la brise.
Puisque le laboureur par lui n'est point déçu,
Le grand boeuf, tel saint Luc, n'allonge point ses phrases
Et fait fi de tout dogme où la raison s'écrase,
Content si du poète il est juste aperçu.
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