Sagesse du pluvian
+2
Ladysan
Cochonfucius
6 participants
Page 16 sur 40
Page 16 sur 40 • 1 ... 9 ... 15, 16, 17 ... 28 ... 40
Arbre à sangliers
C'est un arbre qui pousse auprès d'une eau dormante,
Dans un lieu que les vents nullement ne tourmentent ;
On distingue de loin son profil de géant,
Monument végétal qu'entoure le néant.
L'arbre est porteur de fruits dans lesquels, effroyables,
Logent des sangliers (la chose est peu croyable).
D'intrépides chasseurs, qui voudraient les cueillir,
Par d'invisibles trolls se font mal accueillir.
Le seul moyen, dit-on, d'avoir ces fruits étranges
Est de les faire prendre, un jour, par un archange ;
Les archanges, pourtant, que j'ai pu fréquenter
M'ont objecté qu'ils ont d'autres chats à fouetter.
Nef d’éléphants chargée
Nef de sable suivant un chemin tropical,
Traversant le cosmos, en errance éternelle ;
Des nefs de mon pays serait-ce la plus belle,
Partant pour un voyage intercontinental ?
Protégée par Neptune au fil du flot fatal,
Porteuse d’éléphants aux rieuses prunelles,
Elle trace sa voie vers des contrées nouvelles,
Vers des lieux jamais vus, loin de leur sol natal.
Ils y débarqueront, ils s’y plairont peut-être,
Y menant simple vie sans labeur et sans maître,
Ayant, tout bonnement, la forêt pour dortoir ;
Des astres ignorés y répandront leur flamme,
Des oiseaux inconnus enchanteront leur âme
Tout en leur répétant des brèves de comptoir.
Coq vagabond
Le coq d’or, explorant l’univers sans limite,
Est aujourd’hui porté par un éléphant d’or
Qui au champ de sinople avance sans effort,
S’éloignant vivement des lieux que l’homme habite.
Le fier gallinacé, qui pilote la marche,
Guide son compagnon, lourd et volumineux ;
Ils avancent ainsi, sous le ciel lumineux
Comme jadis Moïse emportant la grande Arche.
Ils franchiront la plaine, on ne les verra plus,
Ils parviendront au nid de la poule géante,
Dont les compagnes sont de belles éléphantes :
C’est, sur un parchemin, ce que le coq a lu.
* * *
Coq de parade
D'or et de sinople
Traversée du monde
Violon d'argent
Par un violon d'argent le monde est entraîné ;
Il danse chaque jour une ronde énergique
Quand, sous l'archet, surgit un son cosmologique,
Un air transcendantal que rien ne peut freiner.
Que la musique soit ! Ce n'est pas illogique,
Tout vivant peut parfois en être fasciné ;
Même le grand Fréchette a souvent frissonné,
Écoutant son ami venu de la Belgique.
Que la musique soit ! Qu'importe l'instrument,
Pourvu que la chanson se chante éperdument,
Chanson qui met au jour un mouvement de l'âme ;
Et que le musicien soit tragique ou moqueur,
Qu'il partage avec nous ce qu'il a dans son coeur :
De ce violon d'argent sort une douce flamme.
Troll biscornu
Voici qu'un troll invisible
Se fait gardien du verger
Où, des sangliers paisibles,
Il s'instaure le berger.
Dans sa fourrure soyeuse,
Il ne craint jamais le froid ;
D'une humeur souvent joyeuse,
Il est plus heureux qu'un roi.
Mais une chose l'inquiète :
C'est qu'un archange gaulois
Bien souvent fait la cueillette
Des sangliers de ces bois.
Archange à ceinture de sinople
Heureux guerriers gaulois, riant, buvant à flots,
Vous n’étiez certes point de petits angelots !
Aux plus ardents combats, vous alliez, sans armure,
Car la magie du druide éloignait les blessures.
S’il fallait affronter un Romain en champ clos,
Ou de la nef pirate un rude matelot,
Même, un troll invisible, ou d’autres créatures,
Vous n’aviez peur de rien, dans la vaste nature.
Or, celui d’entre vous qui a meilleure mine,
Le porteur de menhirs que la joie illumine,
N’est-il pas un archange, à la face des cieux ?
De sinople, d’argent et d’azur il s’habille,
Liesse et loyauté en son vaillant coeur brillent ;
S’il n’est pas un archange, il est un demi-dieu !
Trolls de Châteaurenard
Habiter un renard, c’est cela seul qui branche
Les invisibles trolls du verger desséché ;
Ils l’ont chargé de murs, de chambres à coucher
Et d’un grand réfectoire, où sont des nappes blanches.
Portés par l’animal vers d’autres horizons,
Ils découvrent toujours de nouveaux coins de terre ;
Ils tiennent compagnie au renard solitaire
Qui va, sans se presser, traversant le gazon.
Il avance, et les trolls se taisent dans la nuit,
Heureux de leur château d’excellente facture ;
Ils n’entendent aucun des bruits de la nature,
Ni l’insecte chantant, ni le vent qui gémit.
Vous êtes bien logés, trolls de Châteaurenard !
Ayant tout ce qu’il faut dans votre domicile,
Votre vie, désormais, vous paraîtra facile,
On vous surnommera « les petits trolls peinards ».
Arbre à petits éléphants
Beaux fruits qu'il a, cet arbre, en vérité :
Éléphants d'or, d'admirable facture ;
Un tel fleuron de l'arboriculture,
Il faut le voir, il faut le visiter.
Coeurs d'éléphants, qu'on entend palpiter,
Les plus beaux coeurs que fasse la nature ;
Leurs trompes d'or, croissant dans la verdure,
J'aime les voir lentement s'agiter.
De ce bel arbre, on chante la louange,
Et le renom de ses vertus étranges,
Et son aspect, qui est ahurissant ;
Tel qui est mûr, à choir au sol s'apprête ;
C'est la récolte, et c'est un jour de fête,
Vieux éléphants ce jour vont barrissant.
Le centaure et le prince
Un centaure arpente la friche,
En vain recherchant la fraîcheur ;
Survient un prince, un doux seigneur,
Assez noble, mais pas très riche.
-- Centaure, allons jusqu'à la ville,
Faisons-nous servir au comptoir
De ce bon vin qu'on boit le soir,
Loin de la multitude vile.
-- Prince, autrefois vivait mon père
Qui me donna cette leçon :
« Laisse les puissants où ils sont,
Les seigneurs ne sont pas nos frères. »
Danseurs de sable
Les démons d’inframonde ont dansé, sous mes yeux,
Ondulant de l’épaule et rentrant bien le ventre,
Arborant pour pelage une fourrure où n’entre
Que la noire couleur des plus nocturnes cieux.
Ils dansent tout le jour, comme ont fait leurs aïeux,
Car ils sont peu pressés de regagner leur antre ;
Or, n’ayant convoqué ni musicien, ni chantre,
Ils piétinent en rythme, à la grâce de Dieu.
Non point des Lucifers, mais des démons de base,
Pris dans leur mouvement qui parfois se déphase
Et martelant le sol de leurs pieds déchaussés,
Sans boire, sans parler, sans s’offrir une pause,
Au long de leur ballet, leurs pas se juxtaposent,
Démons du grand ciel d’or, fantômes désossés.
Paradis sans histoire
Vainement, sur son arbre sombre,
Le vil serpent s'est enroulé :
Car les bouddhas jamais ne sombrent,
Leur vertu ne peut s'écrouler.
Dans leur méditation ardente,
Ils restent près de l'arbre noir ;
Ils ne rêvent d'aucune amante,
Ils savourent la paix du soir.
Le serpent, maudissant la Terre,
Est bien près de baisser les bras ;
Aucun de ces deux solitaires
Dans son piège ne tombera.
Moine-cerf
J’écoute ce prêcheur au prodigieux visage,
De tout ce qu’il exprime, on ferait un roman
De trois cents, de cinq cents, même de mille pages ;
Il foisonne de mots, je ne sais pas comment.
Sa ramure imposante indique son grand âge ;
Depuis toujours, j’ai vu ce moine triomphant
Venir nous abreuver de sa parole sage,
Instruisant à la fois le vieillard et l’enfant.
Or, tous les villageois en oublient leur misère,
Ils comprennent enfin qu’il ne faut pas s’en faire,
Ni se décourager pour un oui, pour un non.
Si ce barde écrivait, nous aimerions le lire,
Conserver dans nos murs l’empreinte de sa lyre,
Les mots mirobolants qui firent son renom.
D’azur à trois bouddhas
Le bouddha de mémoire a des mots plein la tête ;
Il les apprécie tous, ne les confond jamais,
Il parle lentement, chaque phrase, une fête,
Chaque vers, un plaisir, chaque rime, un sommet.
Le bouddha visionnaire est maître d’un empire
Qui s’étend, verdoyant, sous le ciel étoilé,
Il manie la raison ainsi que le délire ;
Jamais ne fut certain ce qu’il a dévoilé.
Le bouddha de l’instant, c’est amour et souffrance,
C’est un quatrain tremblant, c’est un vers enflammé ;
C’est, au coeur d’un blason, la fleur de lys de France,
C’est, au fond d’un godet, le bon vin parfumé.
Au pied du mur
Cinq éléphants de sable, en ce printemps joli,
Par la beauté du monde ont leur âme charmée ;
Ils marchent lentement sur le pavé poli,
Brigade dérisoire, insignifiante armée.
Un mur barre soudain cette route embrumée ;
Leur plaisir vagabond n'en est pas aboli,
Leur soif de renouveau n'en est pas consumée,
Leur goût de flânerie n'est pas enseveli.
-- Nous pouvons, à nous cinq, franchir cette muraille !
-- Compagnons, sur mon dos, montez, vaille que vaille !
-- Plus haut... Il manque encore un peu, pour le franchir.
-- Ce mur n'a pas de porte, et non plus, de fenêtre.
-- Donc, sur notre succès, un doute pourrait naître,
Mais point d'affolement, nous allons réfléchir.
Enchanteur de sable
Un moine de conte de fée
Sermonne pauvres et bourgeois
En Bavière, dans une allée ;
Il dit la Lumière et la Loi.
Il prêche en toutes les saisons,
Sous le soleil et sous la pluie ;
Ce qu'il dit n'est pas déraison,
À l'écouter, nul ne s'ennuie.
Or, c'est un enchanteur de sable,
Et ses paroles sont du vent ;
Son éloquence est périssable,
Sa vérité ne vit qu'un temps.
Ce n'est pas, non plus, un menteur ;
Mais, enivré de vin de messe,
Il parle comme l'inventeur
D'un univers tout en promesses.
De pourpre et d’argent
L’étrange ciel de pourpre est souvent éclairé
Par la feuille d’argent d’un arbre redoutable ;
La nuit comme le jour, elle plane, indomptable,
Poursuivant à jamais son vol désespéré.
Le vaste ciel d’argent, joliment décoré
Par son unique fleur, d’un azur incroyable,
Abrite un écureuil, un rouge petit diable,
Qui les fruits automnaux se plaît à dévorer.
Or, parcourir ces cieux, c’est la rude entreprise
Que des explorateurs ont, à maintes reprises,
Tenté, sans grand succès, d’accomplir hardiment.
Car, malgré leurs efforts, et le mal qu’ils se donnent,
Ces lieux sont trop lointains ; alors, ils abandonnent
Leur quête d’idéal, qui n’offrait que tourment.
Nef aux vitraux d'azur
De gueules et de sable est la lueur du jour.
Il surgit une nef de très lourde apparence
Où s'ouvrent des vitraux teintés de bleu de France ;
De l'océan de pourpre, elle fera le tour.
Le timonier confond l'oiseau avec le vent,
Le vin qu'on boit le soir avec de la saumure,
La nappe de la table avec sa belle armure,
La braise du fourneau avec le jour levant.
Pour qu'il y voie plus clair, la magie d'un miroir
Pourrait bien opérer, mais l'objet salutaire,
Hélas, manque à l'appel. Est-il resté à terre,
Ou, simplement, rangé dans Dieu sait quel tiroir ?
Le troll des cerises
Près de l’arbre, il n’a pas, ce troll, les bras croisés ;
Une odeur de fruits mûrs lui parvint, par la brise,
Il a suivi l’appel de la senteur exquise
Au long des frais sentiers par l’aurore irisés.
Invisible, il se tient dans ce secteur boisé ;
Or, nous le chanterons, c’est le troll des cerises,
De leur chair délicate il se gave ; il se grise
D’un jus plus enivrant qu’un petit vin rosé.
Les trolls vont-ils dormir, à la fin, sous un marbre ?
Sûr qu’on mettra le sien pas trop loin de son arbre :
Ce raisonnable voeu, qui le peut rejeter ?
Le cerisier sourit au petit troll sauvage
Auquel il doit, bien sûr, pardonner ses ravages,
Un troll a de si beaux récits à raconter !
De gueules à deux renards d’or
Les renards sont des plaisantins,
Et parfois, même, ils mentent :
C’est surtout l’espèce volante,
Experte en baratin.
Ne tombez pas sous leur emprise,
Ne leur accordez foi :
Avec leurs discours à la noix,
Ils vous mettraient en crise.
-- Renards, si vous parlez ainsi,
Votre offre est bien tournée,
Mais je n’y perdrai ma journée,
Au revoir et merci.
Renard et dragon
Le dragon de sinople aime narguer la loi ;
Il projette en avant sa langue de vipère
Et trompe ses amis, ses compagnons, ses frères,
En déployant sa ruse et sa mauvaise foi.
Le doux renard d’argent est défenseur du droit ;
Pour servir le royaume, il a quitté son père,
Pris par son sacerdoce, il ne voit plus sa mère ;
Il combat le parjure, en adversaire adroit.
S’il avait, ce dragon, l’esprit de pénitence,
On lui pardonnerait peut-être ses offenses ;
Mais son hostilité s’aggrave nuit et jour.
Au terme d’un procès qui prendra trois journées,
Il devra s’embarquer pour de longues années,
Unique passager sur la nef sans retour.
Aux ermitages
Un jardin au coeur du désert,
Un paradis dans un enfer :
Comme il fait bon y prendre l’air,
Qu’ils sont doux, les moines sauvages,
Aux ermitages.
Se chauffant comme des lézards,
Cultivant un peu tous les arts,
Ce sont de satanés lascars,
Des compagnons de fier lignage,
Aux ermitages.
Aussi, quand je serai bien vieux,
Vous m’allongerez sur un pieu
Installé dans l’un de ces lieux :
Je voudrais passer mon grand âge
Aux ermitages.
Un dragon voit un requin
C'est un dragon d'argent qui danse, à petits pas,
Au grand ciel de sinople où vient une aube claire ;
Une hirondelle chante, et son coeur s'accélère,
Mais pour quelle raison ? Ce coeur ne le sait pas.
C'est un requin d'argent qui cherche son repas ;
N'écoutant pas l'oiseau, dont son coeur n'a que faire,
Il promène sous l'eau son regard mortifère,
Accompli prédateur, image du trépas.
Ces deux seigneurs pourront, avant que la nuit tombe,
Échanger un salut auprès des grises tombes,
À l'heure où l'on entend la voix d'un vieux corbeau.
Ils se craignent l'un l'autre, ils baisseront les armes :
Du sombre cimetière, ils goûteront le charme,
Car l'on devient poète, assis sur un tombeau.
Mots d'oiseau, mots de loup
C'était un loup d'azur, il savait peu de mots ;
Dans la douceur des jours, il en faisait des rimes,
Non pour qu'on en récite ou pour qu'on en imprime,
Juste pour amuser les autres animaux.
C'était un oiseau d'or, composant des quatrains ;
Des quelques mots du loup se faisant un prétexte,
Il ajoutait, brodait, développait le texte,
Finissant par conclure, avec un bel entrain.
Je n'ai ce poil d'azur ou ce brillant plumage ;
Mais, comme ces deux-là, je m'amuse à rimer,
Ce n'est pas pour frimer, non, c'est pour m'exprimer :
Un grognement paisible, un modeste ramage.
Danseur hexapode
Sa danse est vraiment lente, elle est ensommeillée
Comme le menuet d’un pantin de bois mort ;
Et pour l’accompagner, la musique éraillée
D’un piano vieillissant, qui rate ses accords.
Elle est ainsi, la vie, elle finit, rouillée,
La tartine trop dure à celui qui la mord,
La main qui n’ouvre plus la porte verrouillée,
Le corps qui, frileux, dit : Que ferions-nous, dehors ?
Ainsi le Chat Botté, ne portant plus ses bottes,
Contemplant le jardin, de son regard qui flotte,
Peut rester, tout un jour, sur sa chaise posé ;
Dans un coin du cerveau, ce vieil esprit qui pense,
Qui se perd volontiers dans une remembrance,
Qui réfléchit un peu, puis s’endort, apaisé.
Gueules, or, azur
Dans un ciel de gueules dansait
La merveilleuse salamandre ;
Sa chanson, je pourrai l'entendre,
En approchant un peu... qu sait ?
Dans un ciel d'or est un zébu
De sable dont l'esprit s'éveille ;
Il en sortira des merveilles,
Ou des figures de rebut.
Au ciel d'azur un âne vole,
Auquel un ange dit des mots ;
Ange, parler aux animaux
Est un loisir un peu frivole !
Page 16 sur 40 • 1 ... 9 ... 15, 16, 17 ... 28 ... 40
Sujets similaires
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
Page 16 sur 40
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum