Sagesse du pluvian
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Ladysan
Cochonfucius
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Nuit de mars
La harpe du sorcier chante des maléfices ;
Le corbeau les répète au hasard des vents froids.
L’épouvante grandit dans la forêt du roi
Aux arbres se dressant, tels des bois de justice.
Un grand canard d’argent s’immole en sacrifice
Afin de consacrer les Tables de la Loi ;
La salamandre allume un feu de bon aloi
Et rajoute à la sauce une poignée d’épices.
C’est une nuit de mars aux noirs envoûtements ;
Les paysans du coin s’enferment prudemment,
Attendant le retour de l’aube purpurine.
Allons, dit le sorcier, cessez de voir le mal
Dans ces actions qui n’ont rien que de très normal !
Ça me prend, quelquefois, de me mettre en cuisine.
Chapelle barbare
Temple d’argent sous le ciel mauve,
Dont le dieu n’est qu’un rouge fauve ;
Ses serviteurs sont deux iris
Qui le croient enfant d’Osiris.
À l’accueil, tu vois deux sirènes
Prenant des manières de reines ;
Puis quelques démons sur le toit,
Et les trois soleils de la Loi.
Jamais n’y vient nul pèlerin
Par chemin terrestre, ou marin :
Car il se dresse à la surface
D’un blanc caillou, loin dans l’espace.
Dernière édition par Cochonfucius le Ven 13 Mar 2015 - 15:31, édité 1 fois
Hibou transatlantique
Si ton navire croise un hibou solitaire
Porteur d'un grand épi, prends garde : il va pleuvoir
Et le vent va tourner. Il est bon de savoir,
Quand on est capitaine, un peu de ces mystères.
Adresse une parole au volatile austère
Qui pourrait t'être utile, avec ses grands pouvoirs :
Bien des choses des mers, son oeil rond peut les voir,
Sur lesquelles, souvent, il s'obstine à se taire.
Donne-lui de la viande,en symbole de paix ;
Ne crains pas de couper des morceaux bien épais,
Sois sûr que le rapace appréciera ce geste.
Et puis, reprends ton cap vers l'horizon lointain,
Soulagé d'avoir vu ce présage incertain :
De tous les sorts de mer, ce n'est le plus funeste.
Printemps à la plage
Un corbeau plane sur la mer,
Emblématique oiseau de sable ;
Par terre, un bipède inclassable
Écoute son langage amer.
Le printemps s’avance, sans fièvre,
Assez léger, assez subtil ;
Ce trait sur le sol, serait-il
L’empreinte nouvelle d’un lièvre ?
Coq de parade
Je suis le grand coq d'or, aux fiers battements d'aile.
Je parcours mes États sur un boeuf bien portant,
Aimé des animaux dont je suis le sultan,
Le maître, l'empereur et le soldat fidèle.
Chaque poule, au printemps, me veut bien proche d'elle ;
Je ne refuse pas ce service important.
Mon oeil voit la suivante, au lointain, qui attend ;
Au-dessus de la cour dansent les hirondelles.
Tel un triomphateur du peuple des Romains,
Sur mon boeuf engraissé je suis le grand chemin
Au rythme de sa marche, il est vrai, peu pressée.
Au hasard du trajet, j'annonce à pleine voix
Que le printemps viendra sur la plaine et les bois ;
Et les astres du ciel saluent cette pensée.
Sagesse d'un lutin
Un lutin dans l'ombrage vert
Très imperceptiblement chante ;
Tôt ce jour, il a découvert
Une ondine pas trop méchante.
Ainsi, dans le profond des bois,
Chanter de ses amours l'amuse,
Et sa mie qui est à la fois
Charmante ondine et belle muse.
Ce lutin devient désormais
Le maître d'un sage collège :
Y cultivant, mieux que jamais,
Des joyeux chants le florilège.
Sagesse du paléographe
Des mythes d’autrefois, jamais il ne s’abuse :
Ce déchiffreur patient parcourt les parchemins
Et ne craint d’accomplir un travail de Romain.
Sur le coin de sa table, un très long cierge s’use.
Le texte mystérieux présente une méduse
Éprise d’un sureau ; le sens est incertain.
Sont-ce des avatars de petits dieux latins
Ou de celtes démons dont la malice fuse ?
Le récit se poursuit, hors de nécessité,
Semblant n’avoir été que peu prémédité,
Entraînant ses lecteurs dans des confins extrêmes.
De traduction précise, il ne peut s’acquitter :
Mais il s’en sortira par un texte imité
Des fables d’autrefois, de celles que l’on aime.
Licorne ambivalente
Les monstres sur le mont contemplent la licorne,
Ne sachant si, pour eux, c’est une aimable soeur ;
Questionnant le corbeau à la sage noirceur,
Ils en ont obtenu un silence sans bornes.
La licorne entrevoit d’innombrables soleils ;
Elle reste ébahie de ces jeux de lumière.
Leur éclat fait danser les morceaux de matière,
Le moindre fruit devient un ornement vermeil.
Licorne, je ne sais te conférer un titre ;
Aussi, je m’abstiendrai de cette décision,
Même si je te dois d’étonnantes visions,
Même si, de ma vie, tu remplis un chapitre.
D'or et de sinople
Le boeuf étant absent, c’est le rhinocéros
De sinople qui sert au coq d’or de monture ;
Mais du gallinacé le superbe logos
N’a certes point perdu sa sonore texture.
Il dit : Je n’allais point choisir un mérinos,
Toi, rhinocéros vert, force de la nature,
Tu serais digne d’être un porteur d’albatros ;
Tu es un monument parmi les créatures.
De ce point élevé, je propage ma voix
Tout au long de la plaine et tout au long des bois
Dans le but d’édifier mes amis volatiles ;
Je suis mieux sur ton dos que sur un vieux clocher ;
Et plein de bonne humeur, quand je vois approcher,
Courant à tes côtés, le pluvian fluviatile.
Nef lourde
La nef porte le poids d’un temple vénérable.
La coque du navire est en fin bois d’érable,
Mais les ponts supérieurs sont en calcaire dur,
Un matériau peu fait pour traverser l’azur.
Il est pourtant désert, ce vaisseau minéral,
On n’y verra jamais chanter nul cardinal,
On n’y croise jamais les pas d’un organiste :
Un goéland, parfois, sur les dalles de schiste.
De matelots, pas un. Capitaine ou barreur,
Fier gabier, moussaillon ou modeste rameur,
Tous ont abandonné la nef immense et lourde
Où j’entends, cependant, une prière sourde.
Falaises de sable
De gueules, deux chamois hantent les monticules.
Au sommet des parois, je les vois adossés,
Bien fiers de l'altitude où ils se sont haussés ;
Ils contemplent, au loin, les maisons minuscules.
Puis ils repartiront, franchissant les fossés,
Respirant le bon air au goût de renoncule,
Et voyant flamboyer sur eux le crépuscule
D'or, d'argent, de vermeil et de pourpre brossé.
Alors se dissoudront les vastes paysages
Comme fait une idée dans le crâne d'un sage,
Comme fait un serment dans l'âme d'un amant.
Ils verront dans le ciel passer la lune d'ombre
Apportant des parfums et des rêves sans nombre :
Et leur coeur dansera, comme elle, au firmament.
Découvreuse
La sirène capture une improbable épave ;
En figure de proue, elle monte à l'étrave
Et se laisse conduire, au hasard des courants,
Au hasard de la mer et des souffles errants.
Elle avance longtemps sous la lune d'hermine ;
De lumières d'antan les vagues s'illuminent.
-- Sirène, parvenant à ta destination,
Comment le sauras-tu ? Je pose la question.
-- À ma destination ? Barde, je n'en ai pas ;
Comme les vagabonds qui hasardent leurs pas,
Je mène par ces lieux mon éternelle fuite,
Ainsi que ce poème où les mots vont sans suite.
Sagesse des animaux-bardes
La voix des animaux est aimée des humains,
Même quand sa nature est indisciplinée ;
Par les appels du coq, l’aube est illuminée,
Et la chanson de l’âne abrège le chemin.
Les oies du Capitole ont sauvé les Romains,
Changeant, de l’univers, toute la destinée ;
J’écoute, vers le soir, leur parole obstinée,
Qui semble m’annoncer la joie des lendemains.
Heureuse est votre humeur, beaux porteurs d’espérance,
Harmonisant vos tons malgré vos différences ;
Car, dans la basse-cour, vous répétez souvent.
Du coq, de l’oie, de l’âne il est plaisant d’entendre
Le printanier caquet, mélancolique et tendre :
Un hymne à plusieurs voix que m’apporte le vent.
Traversée du monde
Le coq d’or veut offrir son être à l’univers ;
Le chameau d’or l’emporte en une trajectoire
Où mille poulaillers honoreront sa gloire,
De la mer aux forêts, de la ville aux déserts.
Le coq est exalté par l’idée du voyage,
Il ne peut s’empêcher d’en tirer un discours
Qu’il prononce à loisir, tout au long du parcours,
Instruisant les badauds des prés et des villages :
-- Je suis un être au coeur pénétré de vaillance !
Je viens jusqu’à chez vous, diffusant mon éclat ;
Quant aux poules, surtout, qui se trouveraient là,
Posez-les près de moi, je suis leur providence.
Nef atlante
Ce vaisseau d’un pays qui cessa d’exister
Poursuit en mer d’argent sa course vagabonde ;
Selon les grands devins, cette errance inféconde
Pourra se prolonger pendant l’éternité.
Jamais sur une plage il ne fut rejeté,
Ce témoin d’un antique et bel état du monde :
D’or chimiquement pur on fit sa coque ronde,
Qui semble de soleil sous l’azur de l’été.
Le capitaine en est un ondin translucide
Au point qu’on peut penser que le vaisseau est vide,
Que ce n’est qu’une épave, un objet dérivant.
Il a pour matelots deux ânes solitaires
Dont les sabots, jamais, ne peuvent toucher terre :
Car ils sont condamnés à se nourrir de vent.
Chanson souterraine
En inframonde un démon chante ;
Assez nostalgique est sa voix,
Car ce démon n'est pas de bois
Et de vieux Cupidons le hantent.
Le démon rêve aux hirondelles,
À ces anges porteurs de foi
Qui du printemps suivent la loi,
Autant que les portent leurs ailes.
Pourtant, cet inframonde étrange,
A des dragons pour seuls volants,
Qui viennent, silencieux et lents,
Ouïr le démon à la voix d'ange.
Saint Pierre de Lune
Pierre, que fit pasteur le fils du charpentier,
S’en alla découvrir une Terre nouvelle
Où s’ébattait la mouette aux immobiles ailes,
La salamandre aussi, qui est diable à moitié.
Les animaux, voyant surgir cet héritier,
Sans lui laisser le temps de prêcher sa Nouvelle,
Lui ont donné un chef de lune sans cervelle,
Car pour un missionnaire ils n’ont pas de pitié.
-- Te sens-tu mieux ainsi, empereur sans couronne ?
Es-tu fier d’arborer la face belle et bonne
De l’astre qui la nuit se montre à nos carreaux ?
-- Mes amis, votre action me semble charitable ;
Cette tête contient mon âme véritable,
L’apôtre n’est plus là, je suis l’ami Pierrot.
Lire en méditant
Saint Ours, marchant vers l'église,
Lit un ouvrage innocent ;
Les dragons au ciel passant
De l'air printanier se grisent.
Le saint, joyeux personnage,
Dit : ce livre est palpitant ;
Mais les chanteurs du printemps
Sont un plus doux voisinage.
On voit rire son oeil bleu ;
Car la journée sera belle
Dans les cris des hirondelles
Semblant déchirer les cieux.
Miroir de lion
De gueules, ce grand lion porte un miroir précieux
Qu’il traverse parfois pour y prendre des lièvres,
Des vestales d’argent aux souriantes lèvres,
D’incroyables trésors, ou des fruits délicieux.
Le miroir et le lion deviennent un peu vieux ;
Le monde reflété se nuance de fièvre,
Le lièvre est remplacé, parfois, par une chèvre ;
Une lune pensive en traverse les cieux.
Bien mûre est la vestale, et non adolescente ;
L’envol des sentiments fait place à la descente,
Comme il advient aussi, vers le soir, du soleil.
Mais ce fol univers reste sans amertume :
Ses astres ne sont point dévorés par la brume,
Le rêve qu’on y fait ne craint point le réveil.
Trois enchanteresses
La première admire une branche
Qui verdira jusqu’en été ;
Le buisson vers elle se penche,
Par son charme il est enchanté.
La deuxième explore un grand songe
Qui se déroule, lentement,
Dans un silence qui s’allonge
Comme le discours d’un amant.
La troisième est un peu farouche ;
Elle se souvient d’un ami.
On pourrait lire sur sa bouche
Le nom que l’amour y a mis.
Juxtaposition onirique
Un ruisseau suit son cours en un matin de brume,
Les licornes d'azur font partir le tourment ;
L'ours avec la sirène échange tendrement,
Un ange se tient droit sur l'océan d'écume.
Un pluvian ne dit pas l'effroi qui le consume,
Un disque d'or produit son fier rayonnement ;
Un mur de briques vient séparer les amants,
Les buveurs attablés s'emplissent d'amertume.
Ce monde, un échiquier dont mainte pièce fuit,
Visité du corbeau une heure avant la nuit,
Quand prie le vieil ermite aux paupières mi-closes.
Pianiste, joue-nous donc un de nos airs d'enfants,
Donne un peu de douceur à ce monde étouffant :
Ne laisse point les boeufs manger toutes les roses.
Dans les parages de l'inframonde
Pour entrer au souterrain,
Pas de clé ni de serrure ;
Mais faut savoir l'écriture
Du grimoire souverain.
Le trident garde la porte
Sans que le tienne un gardien,
Il vous frappe pour un rien,
Ne parlez pas à voix forte.
Le chien, le lion, le cheval
Poseront des devinettes
Aux réponses pas bien nettes :
Ils tricheront, c'est normal.
Pour visiter les tréfonds
De ce jardin des supplices,
Mieux vaut être le complice
Des dragons et des griffons.
Cochon-scribe
Un cochon se plaisait à maintes écritures,
Et presque chaque jour, nous voyons qu’il a fait
Un essai de sonnet, plus ou moins imparfait,
Pour chanter la grandeur qu’on voit dans la nature.
Comme un facteur Cheval en son architecture,
Il crée un monument aux étranges effets ;
Il use du massif, du nain, du contrefait
Pour bâtir un palais d’amusante figure.
Ainsi, jour après jour, il propose à la ronde
Quelques échantillons de sa vision du monde,
Comme un fier constructeur dont le mur devient haut ;
Il répond aux passants qui, les deux pieds sur terre,
Cherchent d’où peut venir tout cet imaginaire :
-- Je le trouve en voyant voltiger les chevaux.
Chalet de Piaf-Tonnerre
Plus haut, plus haut que les collines,
Sur un fort nuage d'argent
Où ne viennent jamais les gens,
Piaf-Tonnerre est dans sa chaumine.
Il n'y cultive nul gazon ;
Il voit ses chevaux qui voltigent
Et cela n'a rien d'un prodige,
Fortes sont les ailes qu'ils ont !
Rieur est le soleil d'été ;
Il se rafraîchit quand il vente
Et se met en dérive lente
Vers le ponant, sans se hâter;
Sagesse incarnée
Le fils du charpentier, tant qu’il vécut sur terre,
Jamais ne fut pressé de retourner aux cieux :
Le vin lui suffisait pour se sentir un dieu,
Du vin de tous les jours, ni Pauillac ni Sancerre.
Cet homme qui pouvait commander au tonnerre,
Aux vagues de la mer, aux esprits furieux
Et même à Lucifer soi-disant glorieux,
Devant sa coupe pleine oubliait d’être en guerre ;
Ainsi, les vignerons par lui sont honorés ;
De vendre leur pinard, ils sont bien assurés,
Puisqu’il devient le sang qui nos fautes efface.
Avant de trépasser sous la loi des Romains,
Il but un dernier verre au milieu des humains ;
Plus d’un, en songe, voit cette riante face.
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