Sagesse du pluvian
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Sagesse des loups
Les petits loups d'azur dansent au ciel d'argent ;
Ils ont à leur menu, ce soir, de l'oie de sable,
Rien à redire à ça, c'est un dîner passable,
Il leur arrivera de sourire en mangeant.
Les doux chevaux d'argent lisent un livre d'or :
On y voit affrontés les fiers griffons de gueules.
Que les commentateurs nous disent ce qu'ils veulent,
Celui qui fit ce livre est quand même assez fort.
La grande oie, le beau loup, le cheval, le griffon
Ne sont-ils pas remplis de sagesse animale ?
On ne peut s'empêcher de trouver minimale
Celle dont les humains tempèrent ce qu'ils font.
Sagesse des monstres
Faire un monstre, parfois, divertit la nature ;
Les formes du vivant changent à volonté.
Des êtres surprenants naissent dans la clarté,
Pas toujours précurseurs d’une espèce future.
Leur forme, cependant, n’est pas une imposture :
Ils apprennent ce monde où leur corps fut jeté,
Finissant par gagner beaucoup d’habileté
Après avoir vécu diverses aventures.
De ce grand univers, ils découvrent les lois,
Heureux de les connaître et d’y accorder foi,
Comme le font aussi les monts et les rivières.
Monstre ou pas, l’essentiel est d’être un peu savant
Et de savoir aussi se montrer bon vivant :
Ce qu’il faut pour mener sa vie dans la lumière.
À cor et à cri
Un cor au fin fond des montagnes
Dit la mort de Roland ;
Lui répondit, dans la campagne,
Un autre cor, plus lent.
-- Te moques-tu de ma souffrance,
Vieux cor de paysan ?
-- Non, je suis un berger de France,
Un homme peu causant ;
Je veux juste apaiser ton âme,
Soldat de l'empereur :
Elle n'ira point dans les flammes
Dont tu as la terreur.
-- Comment sais-tu pareille chose,
Paysan du terroir ?
Entends-tu le démon qui cause,
As-tu un noir miroir ?
-- Comte Roland, seigneur des plaines,
Tu es un innocent ;
Elle n'est point, l'eau des fontaines,
Plus pure que ton sang.
Temple vide
Voici un temple orné de cent statues d’ivoire,
Et chacune possède un pouvoir qui guérit
Soit un trouble du corps, soit un mal de l’esprit ;
Celui qui les sculpta mériterait la gloire,
Ou qu’au moins on louât ces cent belles victoires,
Mais le roi l’exila, son destin fut flétri,
Son nom fut effacé des documents écrits,
Sans qu’on sache pourquoi lui advint ce déboire.
Voici sa pauvre tombe auprès d’un peuplier,
Sans la moindre inscription. Son nom est oublié,
Nul rhapsode n’ira l’illustrer de sa lyre.
Fêtes et jours normaux, le temple reste ouvert,
Mentionné seulement dans ces quatorze vers
Qui trouvent rarement un regard pour les lire.
Bouffon du temps révolu
Le vieux farceur à la face lunaire
Est invité dans le château d'azur ;
On a fixé des tentures aux murs
Pour accueillir ce seigneur débonnaire.
Au ciel d'argent montent les cerfs de gueules,
Dans le cellier mûrit le vin nouveau ;
Faites rôtir à la broche les veaux,
Vous donnerez aux valets ce qu'ils veulent.
Rieurs, mangeurs, à la lueur des flammes,
Autour du pitre assemblés pour un soir :
Ne dites point que l'homme est sans espoir,
Quelques bons mots font la joie de son âme.
Deux univers
En pleine nuit, le loup d’argent compose
Un chant sonore aux couplets animés ;
Une sirène, en l’entendant rimer,
Attend qu’en prince il se métamorphose.
Chanter voudrait le lapin, mais il n’ose :
Il craint, du loup, le gosier affamé.
Il veut quitter ce sable mal famé
Pour l’argent pur, où le canard se pose.
Hurle, grand loup, de toute ton haleine :
Tu prendras bien ainsi une baleine
Si jusqu’ici elle vient en nageant.
Deux univers, sans porte qui débouche
De l’un vers l’autre, on ne sait s’ils se touchent,
Argent sur sable et sable sur argent.
Résidence inframondaine
Le démon de sinople a pris pour locataires
Dans son antre secret, deux joyeux vagabonds ;
C’est un appartement qu’ils trouvent bel et bon,
Loin du tumulte urbain, dans le creux de la terre.
Ici, nul vent ne souffle et nulle pluie ne tombe :
On y passe le temps en lisant des sonnets,
Tantôt des inédits, tantôt ceux qu’on connaît ;
Caveau préfigurant la fraîcheur de la tombe.
Sagesse aquatique
Je suis le vieil ondin de la source qui chante ;
Aux jours se succédant, mon coeur fait bon accueil,
Que ce soit un beau ciel dont la clarté m'enchante,
Ou des temps nuageux semblant porter un deuil.
Les ondines d'ici ne sont guère méchantes ;
On les voit, deux à deux, papotant sur leur seuil,
Parfois se racontant des histoires touchantes,
Bien souvent un reflet de malice dans l'oeil.
D'être un esprit des eaux, c'est douce destinée ;
Baigner dans la fraîcheur, au long de la journée,
Entendre les propos silencieux des poissons,
Admirer la lumière où, d'un bleu brillant, vole
Maître martin-pêcheur, acrobate frivole...
C'est à lui que je dois l'air de cette chanson.
Navigation dominicale
J'ai rêvé que j'errais, seul dans un grand bateau
Qui lui-même réglait ses innombrables voiles ;
Il savait naviguer par-dessus les étoiles
Et se passait fort bien d'avoir des matelots.
Après un bien long temps passé à voyager,
Le navire descend vers un astre tranquille
Dont le frais océan est tout parsemé d'îles
Où sont mis à l'honneur les plaisirs passagers.
Car le dimanche est fait pour ces amusements,
Pour échanger des mots qui semblent des caresses,
Pour passer un moment au Pays de Tendresse :
Merci à toi, Robert, pour cet enseignement.
Sagesse d’un aubergiste
-- S’il vient un cavalier, j’apporterai un seau
D’eau fraîche que j’aurai tirée de la rivière
Pour sa fière monture ayant, de la poussière
Des arides chemins, subi les durs assauts.
-- Aubergiste, attention, des fous remplacent l’eau
Du seau par des boissons plus fortes que la bière,
Donnant à leur cheval de curieuses manières
Et d’étranges façons d’avancer au galop.
-- S’il passait par ici ce genre de client,
J’aurais soin, ce jour-là, de me montrer liant ;
J’aurais bien du plaisir à lui offrir un verre.
-- C’est gentil de ta part de vouloir l’inviter,
Mais il te répondra qu’il ne peut accepter :
Sobriété en route est sa règle sévère.
Olivier de Magny
Olivier chante par les plaines ;
Il chante la joie des fontaines
Et des tavernes d’alentour,
De chanter, il en est presque ivre,
Tant il a de bonheur à vivre ;
Si ravissant est son séjour.
Olivier chante son départ,
Pour garder de lointains remparts ;
Mais il veut bien que la déesse
Qu’il a servie avec amour
Veuille songer à son retour
Et peu de temps au loin le laisse.
Olivier chante dans nos coeurs,
D’oubli ce poète est vainqueur :
Nous le chantons dans nos tavernes,
Et dans les chemins que l’on suit,
Observant la lune, la nuit,
Et saluant cette lanterne.
Nef de mars
Comment marche la nef qui n’a point de mâture ?
En se laissant porter par les courants sereins,
Elle glisse au hasard sous les astres d’airain ;
Son équipage est fait de trois trolls immatures
Ne sachant point parler (sauf en alexandrins).
Ils sont partis, lassés des herbeuses pâtures ;
Tant pis si l’Océan devient leur sépulture,
Autant vaut cette eau-là que les bords méandrins.
Ils voient, de loin, danser la licorne des dunes
Sous la blanche lumière émanant de la lune ;
Au rivage ne va leur improbable nef.
Si leur navigation, quelque peu hasardeuse,
Ramène à son départ leur coque baladeuse,
Vers le plus lointain cap ils iront, derechef.
Archerie
La sirène-amazone a dressé quatre cibles ;
Ce sont quatre guerriers autrefois invincibles
Que sa cruelle main s'amuse à transpercer,
Eux qu'elle avait d'amour et de chansons bercés.
Les guerriers, sous les coups, sont devenus des chantres ;
Leur voix éveille au loin les grottes et les antres,
Ils pourraient émouvoir les monstres dans les cieux,
La sirène, pourtant, chante encore un peu mieux.
De cette relation, qui saura les arcanes ?
La sirène sourit, amazone et sultane,
Mais avec son sourire est aussi un soupir :
Ah, dit-elle, quand donc un plus grand champ de tir ?
Dernière édition par Cochonfucius le Mar 31 Mar 2015 - 11:26, édité 1 fois
Trolls bouddhistes
C’est le bouddha de sable, un être de lumière,
Qui tourne obstinément sa face vers le mur ;
Mais le bouddha de pourpre et le bouddha d’azur
Échangent avec lui des vérités premières.
De gueules, ce bouddha dit la loi coutumière :
Garder la tête froide et garder le coeur pur,
C’est un enseignement qui n’est jamais bien dur ;
Il convient au palais ainsi qu’à la chaumière.
Le bouddha d’or a dit : Cultivez la sagesse ;
Le bouddha d’argent dit : N’ayez pas de richesses,
Ayez juste un bâton, ayez tout juste un bol.
Et puis, je vois sourire, on ne peut plus folâtre,
Le vrai triomphateur de ce monde grisâtre :
Le bouddha de sinople. Il boit avec les trolls.
Eligius Episcopus
Il avait, sous sa lourde mitre,
Non pas l’air d’un pitre,
Mais l’air de bon aloi :
Évêque il fut, sous la dentelle ;
Il n’aimait point la bagatelle,
Grand Saint Éloi.
Il se sépara de son père,
Il quitta sa mère,
Et, porté par sa foi,
Il s’en fut voir le roi de France
Pour s’occuper de ses finances,
Grand Saint Éloi.
Il fut maître en orfévrerie,
Mais sans ladrerie ;
Sans tricher sur le poids,
Il mesura l’or à son aune
Et put produire un double trône,
Grand Saint Éloi.
Il fonda quelques monastères,
Mais pas bien austères ;
Les maîtresses du roi
Y vinrent chanter des cantiques
Sous la lumière monastique,
Grand Saint Éloi.
Pour mieux honorer le dieu triple,
Il eut un disciple :
Un Barbare, je crois,
Que meurtrirent les Infidèles,
Que la Vierge prit auprès d’elle,
Grand Saint Éloi.
Il rencontra, près de sa forge,
Le guerrier Saint Georges ;
Il lui offrit des noix,
Avec un peu de vin d’Alsace
Qui fait du bien par où il passe,
Grand Saint Éloi.
Pour s’en aller au cimetière,
Il fut mis en bière
Dans du très humble bois ;
Dagobert vida quelques pintes,
Tout en chantant cette complainte,
Grand Saint Éloi.
L'apôtre voit un inframonde
Bon prêcheur, tu nous dis que ce monde est misère ;
Tu le crois inférieur, et tu le trouves bas.
Tu crois que ceux du ciel échappent au trépas,
Qu'ils volent doucement dans la brise légère ;
Qu'ici, c'est l'inframonde, où les hommes révèrent
Quelques démons impurs qui sentent le tabac
Et qui, pour la vertu, n'engagent nul combat,
Des ennemis du ciel, des âmes de vipère.
Apôtre, ton sermon survient mal à propos :
Si l'on prend bien ce monde, il est de tout repos,
Même si, quelquefois, l'agite une tourmente.
Les arbres sont en fleurs, il faut s'y arrêter !
Avril vient nous sourire, il faut donc le chanter
Avec l'heureux soutien d'une muse charmante.
Richepin
Tu chantais à Montmartre et au Quartier Latin,
Jean Richepin, rimeur et flâneur aux mains vides ;
Tu chantais et buvais du soir jusqu’au matin.
Tu n’étais pas gourmand, tu n’étais pas avide ;
Tu te sentais chez toi dans ce bel univers
Qu’ont bien décrit les mots de Lucrèce et d’Ovide.
Sur un site bien fait, nous t’avons découvert,
Qui est le Paradis des Albatros de France ;
Et nous restons souvent devant ce livre ouvert
Sur dix mille trésors, sur mille fulgurances !
Jeudi de sinople
C’est un serpent de gueules qui contemple
Boeufs et chevaux au ciel aventurés ;
Il a pour gîte un calice doré,
Chose dont nul autrefois n’eut d’exemple.
Chevaux et boeufs ont un vol assez ample ;
Le vieux serpent, quoique démesuré,
Ne semble pas pouvoir s’en emparer,
Il n’en fera nul sacrifice au temple.
C’est un bouddha de gueules méditant
Sur le retour et la fuite du temps,
Voyant tourner le disque de l’Histoire ;
C’est un bouddha de sinople qui rit
De ce calice où le reptile est pris :
Qu’adviendra-t-il, si le prêtre veut boire ?
Écharpe de gueules
Gentil chien de sinople, il vient le temps de Pâques :
Au ciel, nous verrons moins de nuages opaques,
Mais la sagesse dit que dans le mois d'avril,
Personne ne devrait se découvrir d'un fil.
Une écharpe je fis, de gueules fut ma laine,
Emmitouflée ainsi, je ne suis pas vilaine,
Au crépuscule d'or, je marche au bord des champs,
Rejoignant le village aux lueurs du couchant.
À la croix des chemins, le fils du charpentier
Surveille le passage et sourit à moitié :
Il aimerait, au coeur de le joie printanière,
Que son corps fût traité de plus douce manière.
Planète de gueules
Au ciel de gueules sont des vivants qui s’empressent
De courser des reflets de la même couleur ;
Un petit soleil d’or brille par sa pâleur
Et la sirène hésite à se faire des tresses.
Le cerf hume les airs, en quête de maîtresses
Ou de nobles rivaux, pour en être vainqueur ;
De triples tourbillons semblent porter malheur,
Mais je n’y crois pas trop, voyant leur maladresse.
De gueules, l’horizon de la mer sans nul port ;
Est-ce en rêve qu’on voit ce bizarre décor ?
Car jamais l’astre clair, au long du jour, ne change.
Or, dans l’étrange lieu, méditant et songeant,
Je fus interrompu par un éclair d’argent :
Apparut une mouette, on pourrait dire : un ange.
De sinople et d’argent
Tant de vivants viennent à la fontaine,
Cheval d’argent au livre d’or lisant,
Joli boeuf d’or, de l’azur se grisant,
Rouge griffon devenant amphisbène ;
Regarde-les danser sur la margelle
Pour célébrer la venue du printemps :
Demain c’est fête, ils ont le coeur content,
C’est la banquise en eux qui se dégèle.
Jardin pour méditer
C'est un petit jardin, c'est tout un paysage.
On entend du bélier le bêlement soudain,
On voit la feuille au sol, posée comme une main ;
Et là-haut, près du ciel, tous les nouveaux feuillages.
Ici, pour méditer, nul besoin d'être sage.
Il importe surtout que le coeur soit serein,
Que l'herbe doucement caresse, de ses brins,
Le vieillard, pour un temps oubliant son langage.
Le voici, grisonnant, tel un paisible aïeul,
Avec ses quelques fleurs aimant se trouver seul,
Bercé par le soupir d'un branchage qui tremble.
Même si cet instant de sagesse est bien court,
Il nous laisse entrevoir l'universel amour
Dont l'homme et les vivants font leur profit, ensemble.
Sagesse des monotrèmes
Deux ornithorynques joyeux
Emplissent d’azur leurs doux yeux.
Cet azur est plein d’allégresse,
C’est un heureux temps de paresse.
Le monde est comme un encensoir
Brûlant du matin jusqu’au soir,
Dont la douce vapeur enivre
Et de tout inconfort délivre.
Il n’est point temps d’être morose,
Disait l’ornithorynque rose :
Le jour où l’oiseau fait son nid,
Depuis toujours, il est béni.
Cérémonie printanière
Le blaireau bicéphale allume deux chandelles
En l’honneur du jardin qu’il voit se réveillant.
Il chante quelques vers, tout en se recueillant,
Pour redire en son coeur que la nature est belle.
Il salue l’escargot, sourit aux fleurs nouvelles,
Admire les bourgeons à demi sommeillants,
Se promène alentour, tout en s’émerveillant,
Promenant son regard sous la voûte éternelle.
Le firmament, sur lui, ne verse plus ses eaux :
L’aquilon a choisi de prendre du repos,
Son humeur vagabonde étant bien assouvie.
Au bois l’on voit danser le chevreuil et le daim,
Profitant de ce jour, sans peur du lendemain :
Ronsard, tu nous appris à chanter cette vie.
Sagesse de l'apôtre Paul
Il s'attendait à son sort,
Il s'attendait au supplice ;
Choisissant la brusque mort
Et le peu profond calice,
Il a péri sous la main
D'un qu'il appela complice,
Paul, un citoyen romain.
Il fut un apôtre fort,
Non dépourvu de malice ;
Son vaisseau tira des bords
En dépit des maléfices ;
Il a combattu le vice
Toujours, au long des chemins,
Ainsi que les artifices :
Paul, un citoyen romain.
Dans Rome, à présent, tu dors,
Bien après ton sacrifice.
Paix à l'âme et paix au corps
De Paul, citoyen romain !
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