Sagesse du pluvian
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Ladysan
Cochonfucius
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D’azur aux trois lunes
Cheval d’or et boeuf d’or, quittant le sol humide,
Parcourent en volant l’azur de l’univers ;
Ils y sont accueillis par trois lunes timides
Qui saluent leur présence en récitant des vers.
L’ange contemporain des Grandes Pyramides
Dit des blagues datant de quatre mille hivers
(Celles qui amusaient son esclave numide) ;
Les bestiaux sont heureux de le voir toujours vert.
L’étoile brille clair dans ce monde sans arbres ;
Sans nul regret des sols de gravier ni de marbre,
Chacun se laisse aller, dans les airs se mouvant.
Moi, dès que je le peux, j’entre en un pareil songe ;
Comme boeuf et cheval, dans l’azur je me plonge
Et je me rêve ainsi, sur les ailes du vent.
Trois apprentis
L'apprenti des lointains
Se perd en rêveries;
Dans son étourderie,
Il progresse, incertain.
L'apprenti des montagnes
Est fort, il est carré,
Mais il est égaré,
Trouvant l'école un bagne.
Le disciple barbu
Est rempli de sagesse,
Mais il a ses faiblesses ;
Hier soir, il a trop bu.
Ce que le maître croit :
Rien de tout ça n'est grave,
Car ils deviennent braves,
Ensemble, tous les trois.
Sagesse d’un étalon
Le beau cheval d’argent au grand soleil s’expose,
Dans le désert de sable il mache d’un pas lourd.
Cupidon le menace avec son arc d’amour,
Et le trait acéré que d’un philtre il arrose.
La lune de sinople au goût d’apothéose
Survole cet archer, comme fait un vautour,
Le cheval risque ainsi de passer bien des jours
À souffrir d’un poison au doux parfum de rose.
Il risque d’en souffrir au cours de bien des nuits ;
Mais, ayant discerné le danger devant lui,
Il adresse au tireur un ou deux mots magiques.
Cupidon, quoique indemne, hésite dependant,
Et renonce à tirer, disant « C’est plus prudent :
Je ne supporte pas qu’on me prenne au tragique ».
Le Chien et les Raisins
Moi, le Chien de Sinople, et Seigneur de la Vigne,
Je suis gardien des fruits dont fermente le sang :
Sur chaque abeille d’or luit, de sable, mon signe
Qui veut dire « impérial », en d’autres mots, « puissant ».
Le chemin de la vigne est une route en terre ;
Quand il y passe un homme, un boeuf ou un cheval,
Je lance un aboiement. Je ne peux pas me taire,
Homme, boeuf et cheval trouvent cela normal.
Plus loin, les paysans échangent des paroles,
Pour annoncer quel jour ils saigneront le porc
Ou mettront le grand coq dans une casserole ;
Ils auront soin de moi, tant que j’aboierai fort.
Au coeur du jardin
Adam marche au jardin sans admirer les roses,
Car Ève en est jalouse, et ça le gêne un peu.
Non loin du plus bel arbre, ils se tiennent, tous deux ;
Pris, comme chaque jour, dans la beauté des choses.
Car cet endroit, jamais, ne les laisse moroses ;
Tantôt c’est la chanson d’un petit oiseau bleu,
Tantôt c’est un insecte ayant l’éclat du feu,
Parfois même, un serpent composant de la prose.
Les lunes de sinople (une étrange couleur)
Disent que, de ce lieu, Dieu bannit la douleur,
Pourvu que les humains respectent ses consignes.
J’y vois, dit le reptile, une provocation :
Le véritable sens de cette indication,
C’est que, sur cette branche, un beau fruit vous fait signe.
Bar de Dimey
Quand Dimey prend un verre, il en fait des chansons,
Que ce pot soit servi par une tavernière
Ou par la blanche main d'un gracile échanson
Qui semble frais éclos de la saison dernière.
Quand Dimey prend un verre, il nous refait le monde
Mais en vachement mieux, avec de beaux décors,
Et puis des habitants qui sont bien dans leur corps,
De beaux oiseaux planant sur la terre et sur l'onde.
Il retrouve les clés (au fond de son godet)
Pour entrer au jardin où fut l'arbre magique ;
Dis-nous que, toi aussi, tu en es nostalgique...
Encore un coup, patron, un coup de muscadet !
Barde rabelaisien
Le barde Joachim sait la saveur des choses,
Le goùt de la nature, et des livres aussi :
Son trait, tantôt féroce et tantôt adouci,
Peut se faire épineux, comme il advient des roses.
Qu’un pape devant lui meure et se décompose
(Même ces grands seigneurs doivent finir ainsi !)
Il nous rappelle alors, avec des mots précis,
Quelle odeur doit avoir pareille apothéose.
Un morceau du passé se tient là, sous nos yeux ;
Et nous le contemplons avec un regard pieux,
Tant le rhapsode a pris les vrais mots pour le dire.
Du Bellay, de nos jours, nous ne regrettons point
D’écouter ta leçon, mot à mot, point par point :
Car c’est elle qui peut nous apprendre à écrire.
De gueules à la vigne d'or
Le vigneron comprend la poésie des feuilles,
Celle des fleurs aussi, et celle des fruits lourds ;
Et la chanson des mois, des semaines, des jours
Et des ans révolus que la mémoire accueille.
L'arbre du charpentier, nous dit-il, c'est la vigne,
Arbre qui n'est point là pour nous donner du bois,
Mais le nectar subtil qu'entre copains l'on boit,
Avec modération, bien sûr ; en restant dignes.
Le vigneron comprend les rimes de la terre,
La fleur dans le jardin, l'insecte sous le ciel,
Le vin qui, certains jours, peut prendre un goût de miel,
Et la discrète voix du barde solitaire.
Sagesse valdoisienne
Au loin, dans le Val d’Oise, est un homme subtil ;
Il arpente la friche humblement arrosée
Certains jours par la pluie, d’autres par la rosée,
Afin d’y découvrir les belles fleurs d’avril.
Les oiseaux des forêts lui dédient leur babil ;
Il médite souvent, à tête reposée,
Sur une mélodie par ceux-là composée :
« Ils sont forts, ces petits ! », ainsi en conclut-il.
Son chemin est bien long, puisque la friche est vaste ;
Mais il aime explorer ce lieu plein de contrastes,
Sans porter avec lui beaucoup de provisions.
Aux contraintes du temps il n’aime se soumettre.
Par terre, il a trouvé un vieux bâton de Maître
Qu’il arbore en chemin, par simple dérision.
De vair au bouddha de gueules
-- La voie est ineffable, et tu dois le savoir.
Elle n'est pas construite au gré de la pensée
Qui par sa propre danse est souvent dépassée ;
Elle dit sans parole, et va sans se mouvoir.
-- La leçon que j'entends n'est certes pas récente.
J'avance sur la voie, non d'esprit, mais de corps ;
Mes gestes sont des traits, mes mots sont des accords,
Ainsi court un chamois sur l'invisible sente.
-- Disciple, tu tiens là le discours de l'ivresse :
Mon livre le permet, tout au moins, par instants.
Maintenant, fais ton oeuvre, et sois assez constant
Pour que ta fantaisie se transforme en sagesse.
De sinople à un monstre d’or
-- Au pays de sinople est un monstre qui luit.
Sa peau semble être en or, ou tout au moins, en cuivre ;
Je n’avais jamais vu sa figure en un livre,
Je n’avais jamais vu de monstre comme lui.
-- Ce n’est qu’un cauchemar, un monstre de la nuit.
C’est un reflet dans l’onde, un éclat sur le givre,
La réverbération de l’habit d’une vouivre,
La robe abandonnée de l’ondine du puits.
-- Permettez, dit le monstre à la voix singulière,
Mon être est fait de chair, et non de froide pierre,
Je vous vois, je vous parle, il est vivant, ce corps.
-- Vivant, bon, pourquoi pas, conclurent les deux bardes.
Mais nous ne voyons pas en quoi ça nous regarde,
Nous allons te compter pour meuble du décor.
Piaf-Tonnerre débonnaire
Dimanche, en son quartier, circule Piaf-Tonnerre ;
Il avale un café, plus un petit croissant,
Il admire un nuage, au firmament glissant,
Il rejoint le canal aux carpes centenaires.
Plaisir dominical, un parcours sans obstacle,
Les passants satisfaits d'aller et de venir ;
Et puis, pour indiquer ce qui peut advenir,
Une mouette arrivant de loin, comme un oracle.
Que le soleil est beau, juste avant les ténèbres !
Qu'ils sont beaux, les jardins, de son éclat couverts !
Il est heureux d'avoir sa place en l'univers,
Ce vieillard, nullement important, ni célèbre.
Pavot rêveur
Le pavot des talus, magicien à moitié,
Rêve, dès le matin, des choses indicibles ;
Au retour des saisons, tout son coeur est sensible,
Tel celui de l’abeille au détour du sentier.
Le pavot, qui jamais ne s’est montré altier,
Répand son rouge éclat, ses rayons intangibles.
Pour fleur emblématique, il est bien éligible,
Tel que l’ont adopté des régiments entiers.
Tu écoutes le vent, tu ris, tu te balances,
Toi qui portas bonheur aux chevaliers de France ;
Ta corolle inclinée ainsi qu’un coeur battant.
Te voyant refleurir, j’éprouve une joie telle
Que j’ai voulu chanter ta louange immortelle,
Pavot qui te souviens des complaintes d’antan.
Trois univers
Mille pigeons d’avril dans l’azur sont des anges
Parcourant tous les jours le vaste firmament ;
Quand le ciel est d’argent, vient une lune étrange,
Un tourteau de sinople au visage charmant.
Au coeur de l’inframonde, adoptant la posture
Par laquelle il entend se gober comme un oeuf,
L’ouroboros luisant de toute sa dorure,
Affolé par l’effort, transpire comme un boeuf.
Serpent, nobles oiseaux, grande lune placide,
Vous formez, à vous tous, un surprenant tableau,
Une harmonie de corps qui dansent dans le vide,
Ainsi que la sirène aux profondeurs de l’eau.
Nef d'avril
Ce lourd vaisseau d'avril parcourt les mers glacées ;
Les riches passagers sont des hommes bien mis,
Les frêles matelots vont, comme des fourmis,
D'un pont à l'autre pont, d'une allure empressée.
Nul ne sait plus par qui la route fut tracée,
Le trajet quotidien semble au hasard soumis ;
Tous ceux qui sont à bord ont dit : « À Dieu remis,
Jusqu'ici, l'excursion s'est toujours bien passée ».
Du poisson leur suffit pour apaiser leur faim ;
Ce ne sont pas des coeurs craignant les lendemains,
À bien des inconforts, ils savent tenir tête.
Neptune, semble-t-il, les guette, cependant :
Il éprouve, à l'avance, un plaisir évident
À contempler la nef au coeur d'une tempête.
Trois écosystèmes
Lorsque la plaine se réveille,
Il y fait encore un peu froid ;
On y voit danser les abeilles
Que soutient leur vibrante foi.
Lorsque L’Aurore aux doigts de rose
Fait se lever l’homme au violon,
C’est un air de feu qu’il compose,
Qui en or transmute le plomb.
Mais regardez cet Ours de sable !
Aussi bien le jour que la nuit,
Il joue, comme un irresponsable,
Et sa vie, cependant, s’enfuit.
Deux anachorètes
On trouvait un ermite à l'est de la forêt :
Sa poésie planait dans la grande altitude,
Tout en gardant du vers les nobles servitudes ;
Patient artisanat, que l'homme savourait.
Un autre solitaire au ponant discourait ;
Mais il mettait au jour des poèmes plus rudes
Que lui dictait sa longue et fière solitude,
Poèmes de combat que l'ermite arborait.
Un prêtre interrogea les dieux de la justice
Pour voir si les deux vieux n'usaient de maléfices.
Les deux dieux, se cachant dans des buissons touffus,
Écoutèrent chacun l'un de nos deux rhapsodes.
-- Non-lieu, dit le premier, c'est juste un obscur code.
-- Pareil, dit le second, c'est juste un bruit confus.
Familiarités
Robert nargue un peu ses potes,
Cultivateurs de carottes :
Il dit qu'ils sont près du sol
Où fleurit le trèfle fol.
Par le trèfle et les abeilles,
Quel miel ! une vraie merveille ;
C'est pour mettre sur du pain,
À la pause, entre copains.
Robert nargue un peu Gribouille,
Disant que c'est une andouille ;
Mais c'est un lion, par ailleurs,
Le plus fort et le meilleur.
Ambassadeur en inframonde
Voilant la face d’ange, un masque d’or, qui luit,
Accrédite Michel en l’inframonde antique ;
Un empereur-démon, placide ou frénétique,
Attend, dans le sous-sol, pour parler avec lui.
Partout, dans les couloirs, de redoutables bruits,
Comme dans une ville aux turbulents portiques.
Les échos font trembler les voûtes granitiques,
Disant je ne sais quoi, dans l’éternelle nuit.
L’archange tremble un peu sous sa fringante armure,
Car cette expédition n’est pas dans sa nature :
Il aime les trajets qu’inonde le soleil.
Or, par pitié pour lui, les lunes souterraines
Déversent d’un seul coup leurs clartés souveraines :
Les diables, affligés, contemplent leurs orteils.
Nef de huit tonneaux
Voyez ce frêle esquif, et observez qu'il s'orne
De huit tonneaux de bois, entassés sur le pont :
L'équipage, formé de deux ou trois fripons,
S'en va quérir du vin, traversant l'eau sans bornes.
Quands les fûts seront pleins, quel moment d'allégresse !
Quel retour bienheureux, poussés par un bon vent
Grâce auquel on les voit vivement se mouvant,
Sans éprouver la peur de la vague traîtresse.
-- Vous avez le nectar de vos vieilles nations ;
Pourquoi vouloir en prendre aux vignes si lointaines ?
-- Nous préférons celui de la quête incertaine :
Le vin de poésie, le vin d'inspiration.
Apostolat barbare
Le visage du Maître, un masque nous le cache :
Il prend les traits d’un dieu pour prêcher aux passants
La vie et le vouloir de l’être tout-puissant,
Brandissant les deux clés que rarement il lâche.
Ici la truite vole, ainsi qu’une bernache ;
L’ermite des lointains dit des mots frémissants,
Le serpent du sous-sol, d’un regard menaçant,
M’interdit d’approcher de l’arbre où il s’attache.
L’apôtre, cependant, qui poursuit son chemin,
Semble nous annoncer le bonheur, clés en main ;
Ça donnerait envie de chanter un cantique.
Est-ce donc une terre où l’on peut être heureux ?
As-tu, poisson volant, des filets savoureux ?
(Croyez-vous qu’il répond ? C’est un être mutique).
Trois songes de sable
Robert songe, en premier, qu'il va dans un tonneau
Qui roule tout le jour, et la nuit, dans la cave.
Allons donc, se dit-il, la chose n'est pas grave,
Le tonneau est cerclé de solides anneaux.
Puis un lion quadrumane apparaît devant lui,
Qui se met à danser, cherchant son équilibre.
Qu'y puis-je, se dit-il, cet animal est libre,
Il a donc bien le droit de s'amuser la nuit.
Enfin, il devient cerf. Un autre cerf survient,
Disant qu'on lui confère un grade militaire.
C'est bon, se dit Robert, je n'ai plus qu'à me taire,
Muette est notre armée, vous le savez tous bien.
Firmament d’argent
Au firmament d’argent vit la grenouille fière ;
Elle passe le jour en un songeur repos,
Comme si l’univers n’était qu’un grand tripot,
Comme si le soleil n’était qu’un pot de bière.
Les dragons vont dansant, dessous la voûte claire,
Un bel iris d’azur surgit auprès des flots ;
Un écureuil propose à la grenouille un pot,
Un autre lui raconte une histoire légère.
-- Admirons l’harmonie de ce monde lointain,
Nous qui ne possédons qu’un logis incertain
(Et quelques vieux troquets d’étrange gouvernance).
-- Mais il n’est pas si mal, notre univers obscur,
Il offre aussi, parfois, la couleur de l’azur,
Et la fine saveur de notre impermanence.
Taureau d'argent
Aux plaines de sinople est le taureau d'argent ;
La tulipe se dresse au bord de la rivière.
L'animal, contemplant ces choses familières,
Sourit à deux poissons, dans le bonheur nageant.
Vilmorin dit des mots dans la plaine fertile,
Elle que va brûlant la douleur de l'amour ;
Aimer cette nature est sans doute un recours,
La plume, pour cela, est-elle bien utile ?
Louise et le taureau, deux allures paisibles ;
Tranquilles sont les blés grandissant au printemps.
Ce poème se veut, si possible, hors du temps,
Comme le sont, des vents, les routes invisibles.
Monstre ravissant
Comètes vont le ciel de gueules allumant,
Suivant un long trajet qui presque s’éternise ;
D’un monstre du cosmos elles se trouvent prises,
Comme on en imagine, au Jour du Jugement.
L’abeille du destin voit ça sereinement,
Elle apprécie ce monstre et bien le favorise ;
Heureuse du succès de sa grande entreprise,
Elle note en son coeur ce grand événement.
Tout rempli, à présent, d’une énergie nouvelle,
L’animal fabuleux va rencontrer sa belle ;
Quels rejetons seront issus de leurs amours ?
Or, moi, qui ne suis pas un mangeur de comètes,
Je demeure en repos sur mon humble planète,
Me nourrissant de plats qui sont beaucoup moins lourds.
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