Sagesse du pluvian
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Sagesse d’une paire de pantoufles
Nous occupons un coin de la chambre aux murs verts,
Nul rêve ne survient en notre âme dormante ;
Nous aimons contempler la soubrette charmante,
Elle met de la joie dans ce calme univers.
Jamais elle ne dit si l’amour la tourmente,
Elle le dissimule au fond de ses yeux clairs ;
Notre maître est épris, qui sans en avoir l’air
Se confond en égards pour sa chère servante.
Accompagnant ses pas, car c’est notre boulot,
Nous suivons le couloir sans prendre le galop ;
Plus vite cependant que ne vont les tortues.
Dans la pièce d’entrée nous attend le manteau,
Lequel voisine avec son pote le chapeau ;
À nouer ses lacets le maître s'évertue.
Dragon frivole
Je suis l’indifférent, le dragon sans souci,
Paisibles sont mes jours, légères mes pensées ;
J’ai peu de souvenirs des galères passées ;
Les tourments de jadis se sont bien adoucis.
Je sais que les vivants sont des morts en sursis,
Mon âme cependant n’en est point offensée ;
Acceptant les ennuis sans en être blessée,
Elle a de la pitié pour les coeurs endurcis.
Avec de vieux copains souvent je m’entretiens,
Les mots nous font du bien, le rire nous soutient,
À remplir nos godets la tavernière veille.
Tantôt vient la froidure et tantôt la chaleur,
Mais à chaque printemps reparaissent les fleurs ;
De ces simples bonheurs mon esprit s’émerveille.
Grenouille vertueuse
Je ne fais que le bien, sur la terre et dans l’eau,
Ce qui est bien normal, car je suis fraîche et pure ;
Tu ne verras en moi nulle pensée obscure,
Innocents sont les mots que je chante en solo.
Pas plus que les agneaux, je ne trouble les flots,
Mon coeur est le plus doux de toute la la nature ;
Cela fut attesté dans la littérature,
Pour le bac on en fit un sujet de philo.
Très jeune, j’avais l’art d’éviter les excès,
De mon terroir jamais je n’interdis l’accès ;
Je fais partie de ceux qui leurs devoirs remplissent.
Pour fuir une dispute, il suffit de plonger ;
Quand on est aquatique, il faut savoir nager,
Le moyen d’être bon, c’est d’être sans malice.
Epsilon Hippopotami
Cette étoile grimace et cela m’interloque,
Cela perturbe aussi les habitants du ciel ;
Aurait-elle surpris l’archange Gabriel
Sur Terre accomplissant des gestes équivoques ?
A-t-elle d’un trou noir capté le soliloque,
Fut-elle importunée par cet astre cruel ?
Je pose ces questions au Seigneur Azazel,
Il réfléchit un peu, puis il dit qu’il s’en moque.
De ce corps je reçois l’incertaine lumière,
Je demeure pensif en finissant ma bière ;
J’ignorais qu’une étoile eût aussi des tourments.
De la terrasse on peut scruter le firmament,
Ça permet d’oublier ce monde de poussière ;
« N’oublie pas de régler », me dit la tavernière.
Cupidon-Grenouille
Le dieu vole, venant de sa demeure humide,
C’est un étrange feu qui brille dans ses yeux :
Il tourne sur la ville, il reconnaît les lieux,
Lui qui souvent choisit la débauche pour guide.
Rares sont en ce lieu les pucelles timides,
Cupidon, quant à lui, trouve que c’est tant mieux ;
Il cherche une victime en parcourant les cieux,
Ses ailes se déploient, qui brassent l’air limpide.
Les flèches qu’il envoie ne lui coûtent pas cher
Et peuvent provoquer le péché de la chair ;
Mais ce n’est pas la mort, ni le malheur d’une âme.
Sans lui, qu’en serait-il de Lilith et d’Adam ?
Où serait donc Ronsard sans ses désirs ardents ?
Toi qui n’es pas de bois, pourquoi craindre une flamme ?
Oiseau dévastateur
S’il passe par chez toi, les dégâts seront lourds,
Il brisera le mur où sont les hirondelles ;
Elles tremblent au son de ses battements d’ailes,
Un pareil prédateur est pire qu’un vautour.
Elles implorent Dieu, qui souvent fait le sourd,
Car il veut, de la sorte, éprouver ses fidèles ;
L’oiseau cent fois maudit frappe une citadelle
Dont je vois s’écrouler la muraille et la tour.
Qui nous délivrera de ce monstre farouche ?
Quel habile tireur dans ce corps fera mouche ?
Peut-être faudrait-il qu’il fût un oiseleur.
De vaincre, cependant, l’espérance est ténue,
Même en mettant à prix la peau du harceleur ;
De ce long cauchemar la fin reste inconnue.
Festin du garonnosaure
D’abord l’apéritif, un verre de vin vieux,
Un Pessac-Léognan dont son âme est ravie ;
Une fois que sa soif est vraiment assouvie,
Il emplit son assiette, et rassasie ses yeux.
Un tel monstre n’est pas à l’image de Dieu,
Jamais par ses pareils la messe n’est servie ;
Apprendre une prière, il n’en a pas envie,
C’est un être vulgaire, un sonnet lui plaît mieux.
Qu’on bénisse les plats, ça n’en vaut pas la peine,
Ce n’est qu’une lubie des cervelles humaines ;
La table est consacrée par l’éclat d’un beau jour.
En épilogue vient un clair alcool de poire ;
Qu’importent les honneurs et qu’importe la gloire,
Qu’importe la grandeur, et qu’importe l’amour ?
Le seigneur d’Alpha Scarabaei
De ministres ce roi se prive sans dommage,
Il gouverne tout seul, car c’est un vieux bandit ;
Mais tu peux observer que nul ne le maudit,
Car aucun vil forfait n’a terni son image.
Le peuple ne va pas jusqu’à lui rendre hommage,
Ce recoin du Cosmos n’est pas un paradis ;
La boue couvre les sols et baigne les taudis,
Les troquets sont fermés, les gens sont au chômage.
Ils chantent cependant, malgré tous leurs soucis,
Ne pouvant s’attrister, car leur âme est ainsi ;
Ils vont vers le bonheur par une route ardue.
Certains jours j’aimerais pouvoir en faire autant,
Je suis contre les maux un piètre combattant ;
Je fais quelques efforts, mais c’est peine perdue.
Ambichien maigre
Je suis nourri d’indigentes pensées,
Car il me vient moins d’une idée par jour ;
Tu peux le voir, je ne pèse pas lourd,
Ma pauvre vie n’est pas bien agencée.
Que reste-t-il de ma fougue passée ?
Je marche un peu, mais j’ai le souffle court ;
On entend moins mon luth de troubadour,
Puisque la muse en est presque lassée.
C’est mon destin, donc je dois m’incliner,
Tout ce qui vit finit par décliner ;
De rien ne sert une parole amère.
Je vais laisser mes jours s’effilocher,
Je vois la fin doucement approcher ;
Je le savais, que j’étais éphémère.
Se coucher comme les poules
Ce monarque affaibli va dormir de bonne heure,
Les veilles de jadis ayant ridé son front ;
Il ne s’attable plus parmi tous ses barons,
À peine a-t-il mangé deux tartines de beurre.
Il comprend désormais que la gloire est un leurre,
Il la laissera donc à ceux qui en voudront ;
Le pillage sera l’affaire des larrons,
Le désir de grandeur plus jamais ne l’effleure.
Par la guerre on faiblit, par la pais l’on est fort,
Un nain vivant vaut mieux qu’un géant mort.
Éviter les conflits, tel est le vrai courage.
Mon Roi, reposez-vous sans craindre le trépas,
Votre douceur vaut mieux que force ni que rage ;
Prenez toujours, le soir; un modeste repas.
Un long sentier vers les Cévennes
Prenant une pause estivale,
Je progressais dans la clarté ;
Parti d’une ville papale,
J’ai pris les chemins écartés.
J’avais de modestes sandales,
C’était ma coutume, en été ;
Ma pitance fut monacale,
Modèle de sobriété.
Mais quel décor pour ces dînettes !
La montagne et le firmament,
Les étoiles et les planètes.
Puis, j’ai passé de bons moments
Quand survint une blondinette
Qui partagea mon campement.
Boit-sans-soif
Elle ne mange rien, la sorcière édentée,
La sombre magicienne aux pouvoirs abolis ;
Elle partage avec quelques démons salis
Une épaisse potion qui semble ensanglantée.
Visage de momie, chevelure argentée,
Elle attend simplement de sombrer dans l’oubli ;
Ce qu’il reste de vie dans ce corps affaibli,
Elle en profite un peu, sans en être enchantée.
Elle n’écoute plus le grillon du foyer
Qui dans le lourd breuvage a failli se noyer ;
Elle ne goûte plus sa simple ritournelle.
Elle confond souvent les noms de ses amis,
Ne sachant même plus lequel fut son promis ;
Il lui reste, du vin, la saveur éternelle.
Gravitation romantique
La pomme de Newton tombe dans les herbages,
Ce fruit miraculeux disparaît à nos yeux ;
Peut-être est-il toujours sous le regard de Dieu,
Mais les simples mortels en ont perdu l’image.
Le sage physicien contemple les nuages,
Cherchant la juste Loi qu’ils suivent dans les cieux ;
Leur mouvement n’est pas ce qu’il comprend le mieux,
Mais son esprit vaillant jamais ne perd courage.
Clairement, le cosmos est une mécanique,
Peut-être ondulatoire ou peut-être quantique ;
Mille détails obscurs s’éclairciront ainsi.
Mais il se fait grand temps d’aller à la cantine,
D’autant plus que, mardi, c”est jour de galantine ;
Le Seigneur Estomac le tient à sa merci.
Arbre et serpent
Celle qui par le fruit fut faite pécheresse,
Quels mots de Gabriel pourront la consoler ?
Ils sont partis au loin, primates affolés,
Le noir serpent s’en moque et j’y songe sans cesse.
Parmi leurs descendants, des princes, des princesses,
Des poètes subtils, de gloire auréolés,
Mais d’autres souffriront, perdus, déboussolés ;
Pourront-ils transcender leur humaine bassesse ?
Hommes, n’écoutez point cette triste chanson,
Savourez donc plutôt les rires des buissons ;
Cultivez sagement votre terre natale.
Je ne suis, après tout, qu’un vieil arbre pensant ;
J”ai vécu trop longtemps, j’attends l’issue fatale,
Seul en ce grand jardin qui n’est plus très passant.
Chapelle à tous les vents
Ma porte n’est jamais fermée,
Je ne crains pas les indiscrets ;
Cierges d’espoir ou de regret,
Leur flamme est ici consumée.
Assis dans la nef embaumée,
Un moine au monde se soustrait ;
Il en oublie les faux attraits,
Son âme n’est plus désarmée.
Sous un vitrail haut en couleur,
Il voit s’apaiser ses douleurs ;
Il dit l’oraison coutumière.
Il fredonne, il ferme les yeux,
Il oublie la date et le lieu ;
Il devient chercheur de lumière.
Maître Loup
Je suis le Seigneur Loup, le bon sens incarné,
Même si les humains me traitent de rebelle ;
J’aime terroriser les moutons sans cervelle,
Ainsi que leur bélier lourdement encorné.
J’épargne le berger au manteau suranné,
J’ai du respect pour lui et pour son chien fidèle ;
Je ne désire pas sur eux prendre modèle,
Je n’irai pas, pourtant, jusqu’à les condamner.
Tu ne me verras point dévorer des racines,
Je ne suis pas friand de cette médecine,
Pas plus que de moutarde ou de fromage frais.
Je suis un prédateur, je vis de mes conquêtes,
Je les aimerais moins si tu me les offrais ;
Tu n’as sans doute pas un tel projet en tête.
Ermite sentencieux
Mon rêve de grandeur, une bulle crevée,
Je n’ai plus de désir, je n’ai plus d’idéal ;
Je vais bientôt cesser d’être un scribe féal,
Ma retraite sera de silence abreuvée.
Peu m’importe à présent d’habiter dans un trou,
C’est tout ce qui convient à ma modeste bourse ;
Solitaire je suis, comme l’enfant d’une ourse
Ou comme, sous la lune, un sombre loup-garou.
Étais-je plus heureux quand je taillais la route ?
Quand je bravais la pluie, passant entre les gouttes ?
Je n’ai jamais été du côté des vainqueurs.
Ici, que du banal et rien de fantastique.
Un refuge discret, cellule monastique,
Le vide en mon cerveau, le sourire en mon coeur.
Oiseau dégustateur
J’aime plonger mon bec dans le jus de la treille,
Mais rares sont les gens qui m’ouvrent leur cellier ;
Rien ne sert que je sois parmi leurs familiers,
Ni que de mon oeil rond je lorgne une bouteille.
J’aime mieux du bon vin que le miel des abeilles,
Ou que les aliments des moines réguliers ;
Je ne dédaigne pas les fruits sur l’espalier,
Ni les morceaux de pain tombés de la corbeille.
Je ne bois pas souvent, que veut-on que j’y fasse ?
J’accepte le réel sans faire la grimace ;
Ce qu’on ne peut avoir, ça ne me manque pas.
Je ne fais pas d’efforts pour qu’un poème en sorte,
Si le scribe s’y met, je marche dans ses pas ;
Surtout quand il me verse un peu de boisson forte.
Bouc oenologue
J’observe le raisin, méticuleusement,
Je suis fort satisfait de ses nuances mauves ;
On en tire le sang de celui qui nous sauve
Par le Verbe qui fut, dès le commencement.
La vigne a profité d’un temps qui fut clément,
Le vent n’a point agi comme une bête fauve ;
Ce lieu fut protégé comme par une alcôve,
Le vigneron sourit dans son contentement.
L’hiver, pas trop de vent et pas trop de flocons,
Sans qu’on parle pourtant d’un Noël au balcon ;
Très indulgente fut l’humeur de la nature.
Si de goûter mon vin vous êtes désireux,
Faites-le-moi savoir par un mot d’écriture,
Car j’aime partager ce nectar savoureux.
Re: Sagesse du pluvian
Cochonfucius a écrit:Si de goûter mon vin vous êtes désireux,
Faites-le-moi savoir par un mot d’écriture,
Car j’aime partager ce nectar savoureux.
Verse-moi donc un verre de ton vin,
Poète et disciple de Bacchus.
Sur son utilité, je te rejoins,
Car c’est un puissant stimulus.
loofrg- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 11683
Localisation : Lot
Identité métaphysique : Abeille
Humeur : Emeraude
Date d'inscription : 04/07/2018
Re: Sagesse du pluvian
Voir à ce propos
https://paysdepoesie.wordpress.com/category/la-salle-et-le-comptoir/
qui parle aussi de la bière (et de la tavernière).
https://paysdepoesie.wordpress.com/category/la-salle-et-le-comptoir/
qui parle aussi de la bière (et de la tavernière).
Ambiquark polychrome
Moi, je suis plus subtil qu’un photon de soleil,
Et si tu me voyais, tu battrais des paupières ;
Mais, pauvre moucheron attiré par la bière,
Tu ne vois que ton verre éclairant ton sommeil.
Je n’envie nullement le neutrino vermeil.
Peu digne de séduire un chercheur de lumière ;
Je n’ai rien à cirer de la sombre matière,
Absurdement pesante, incapable d’éveil.
Je transcende l’espace et je nargue le temps,
Entouré du fracas d’électrons crépitants ;
Je ris d’un physicien qui se croit un génie.
Des plumitifs sur moi bâtiront des romans,
Mais qui ne se vendront pas trop abondamment ;
Nul ne peut imiter ma sagesse infinie.
Poisson de banlieue
Sages sont tes propos, poisson de Palaiseau,
Ton modeste silence est une panacée ;
Tu ne t’attardes point aux fables des roseaux,
Eux dont Blaise Pascal célébrait la pensée.
Tu es indifférent aux pannes de réseau,
Elles n’affectent point ta vie bien agencée ;
Tu poursuis vivement ta compagne élancée,
Tu sais la bécoter comme un petit oiseau.
Tu ris du vieux pêcheur dont la ligne s’emmêle,
Tu fais des compliments aux anguilles rebelles .
J’imagine parfois que l’on t’entend chanter.
Tu ne verras jamais le monde océanique,
Tu finiras tes jours comme un doux retraité,
Ou comme un fier ancêtre aux pouvoirs chamaniques.
Improbable idylle
Parsifal a séduit la reine des marmottes,
Je peux vous assurer que cela n’est pas rien ;
Mais ce grand chevalier, c’est un homme de bien,
Car devant toute épreuve, il est droit dans ses bottes.
Sa Majesté l’estime et d’un duché le dote,
Ainsi que d’un anneau venu des temps anciens ;
Elle place en ses mains tout l’or qu’elle détient,
Mais aussi les vaisseaux les plus grands de sa flotte.
Le bouffon dit alors qu’elle en fait un peu trop,
Car ce duc est issu d’un banal hobereau ;
Elle ordonne à ce clown de bien vouloir se taire.
Un jongleur en plaisante au moment du repas,
Mais il est rembarré par un vieux dignitaire
Qui dit « C’est notre Reine, alors, n’y touchons pas. »
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http://sonnets-de-cochonfucius.lescigales.org/lady-of-shalott.html
Forteresse de Tachkent
La ville est défendue par quatorze barrières
Où quatorze guetteurs scrutent les horizons ;
L’ennemi ne se montre en aucune saison,
L’officier trouve ça mauvais pour sa carrière.
Le sultan dans sa tour garde une prisonnière,
Je ne sais depuis quand, ni pour quelle raison ;
Il devrait bien plutôt l’avoir en sa maison,
Cette dame y serait un rayon de lumière.
Qui pourra délivrer cette sombre beauté ?
Comment briser ce piège à quatorze côtés ?
Personne ne s’y risque, et moi,je le déplore.
Sultan, comment fais-tu pour trouver le sommeil ?
Comment digères-tu les plats que tu dévores ?
La prisonnière attend de revoir le soleil.
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