La chanson du mauvais poète
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La chanson du mauvais poète
Il pleuvait ce soir là, depuis l'horizon noir,
Sans un bruit je pleurais sur le bord de la tombe,
Écoutant tinter ce requiem dérisoire.
Loin, au-dessus des nues, volait une colombe
Qui ne connaissait pas l'ombre et le désespoir.
Je me souviens des jours innocents et joyeux,
Des rires dans les champs, courses vers la rivière,
Nous pensions, enfants fous, ne jamais être vieux,
Et garder pour toujours la fugace lumière
Inondant de clarté l'herbe des jours heureux.
Nous imaginions tout - plaines, déserts, cités -
Nous avions une histoire inventée par seconde.
L'ignorance était une aimable cécité
Dans laquelle alimenter la pensée féconde,
Et tant pis pour la ruse, et la sagacité.
Mais l'orage éclata, l'adolescence fut :
Efflorescence amère aux milliers de narcisses
Faisant un diabolique et prodigieux raffut.
Enfance fallait-il qu'un beau jour tu périsses
Pour laisser place à ce sous-bois sombre et touffu ?
La rime déréglée, le regard qui se voile,
Et la nuit qui n'est plus accordée à la lune.
Le cœur abandonné ne bat plus pour l'étoile.
L'esprit ne sait plus lire au mystère des runes.
Le rouge et le noir ont couvert toute la toile.
Dans les années passant, vainement j'ai voulu
Retrouver le secret des lignes harmoniques.
Mais le bateau prend l'eau, le bois est vermoulu,
Je me sens arraché des vérités cosmiques,
Dans le néant, broyé - éradiqué, moulu...
Et depuis chaque soir dans l'ombre familière,
Je cherche, sans trouver, la clef du labyrinthe.
J'arpente en titubant la vaste fourmilière,
Toujours paralysé de désir et de crainte :
Maladroit maltraitant la langue de Molière.
J'aurais tout bradé - tout, l'or et le paradis -
Pour un souffle d'azur aux échappées marines.
J'aurais vécu tout seul - dehors, sans un radis -
Enduré la douleur, l'opprobre, la famine,
Pour un instant de grâce avant d'être maudit.
J'aurais décrit pour toi les splendeurs des neuf mondes,
Forgé les instruments par les éclairs durcis
Au battement cuivré du tonnerre qui gronde.
J'aurais fait résonner sous les cieux obscurcis
Le merveilleux qui dans l'écume encor abonde.
Amplitude océane aux courants froids qui montent
Des palais engloutis jusqu'aux rives d'exil.
Atlantide émergeant des flots bleus qui s'affrontent
Dans le bouillonnement d'où naquit l'Yggdrasil.
Cosmogonies sacrées que les scaldes racontent.
Brisants semés de sel, trouée dans les nuages,
Évasion rythmée au silence des sirènes,
Sous tes cheveux bouclés, papillons, fleurs sauvages,
Que j'aurais dessinés au sable des arènes
Tes yeux bleus - lacs profonds - ainsi que des mirages.
Mais l'extase est passée - cette ivresse est finie,
Fragments pointus du jour qui sonnent le réveil -
Je ne sais plus chanter que la monotonie
D'une existence âpre sans lune et sans soleil,
Je ne sais plus chanter, désolante avanie.
Peu me chaut le vent tiède, ô mièvre nostalgie,
Qui murmure au cerveau des mensonges infâmes.
Je cherche encor l'éclair dans cette névralgie
Qui ferait à nouveau s'illuminer mon âme
Tel un serpent tordu par une hyperalgie.
Il pleut ce soir, ailleurs, ici et en tous lieux,
Nulle part et partout, et jusqu'à dans ma chambre.
Il pleut sans arrêt depuis le départ des dieux
Et le poison du doute enflamme tous mes membres,
Je n'ai plus à narrer que des couplets odieux.
Il pleut ce soir, je pleure, ô poésie défunte !
Tremblement que mon corps ne sait plus ajuster
A la beauté, fureur que cette absence éreinte.
Je ne sais plus des cieux l'offrande déguster,
Le temps me brûle comme une mauvaise absinthe.
Tant pis ! Plus de lueur éclairant la chanson.
Tant pis ! Plus d'oriflamme et d'honneur, de bravoure.
Fracas silencieux, vide où je suis l'échanson
D'un chevalier perdu, sans quête et sans retour :
D'un sarcasme imprudent ce vide est la rançon.
Il pleut ce soir au bord du gouffre où vont mes pas.
Je pense à la chanson qui est loin de ma plume.
Pleurant le poète que je ne serai pas,
Une petite tombe au-milieu de la brume :
Il voulut la lumière - et ce fut son trépas.
Sans un bruit je pleurais sur le bord de la tombe,
Écoutant tinter ce requiem dérisoire.
Loin, au-dessus des nues, volait une colombe
Qui ne connaissait pas l'ombre et le désespoir.
Je me souviens des jours innocents et joyeux,
Des rires dans les champs, courses vers la rivière,
Nous pensions, enfants fous, ne jamais être vieux,
Et garder pour toujours la fugace lumière
Inondant de clarté l'herbe des jours heureux.
Nous imaginions tout - plaines, déserts, cités -
Nous avions une histoire inventée par seconde.
L'ignorance était une aimable cécité
Dans laquelle alimenter la pensée féconde,
Et tant pis pour la ruse, et la sagacité.
Mais l'orage éclata, l'adolescence fut :
Efflorescence amère aux milliers de narcisses
Faisant un diabolique et prodigieux raffut.
Enfance fallait-il qu'un beau jour tu périsses
Pour laisser place à ce sous-bois sombre et touffu ?
La rime déréglée, le regard qui se voile,
Et la nuit qui n'est plus accordée à la lune.
Le cœur abandonné ne bat plus pour l'étoile.
L'esprit ne sait plus lire au mystère des runes.
Le rouge et le noir ont couvert toute la toile.
Dans les années passant, vainement j'ai voulu
Retrouver le secret des lignes harmoniques.
Mais le bateau prend l'eau, le bois est vermoulu,
Je me sens arraché des vérités cosmiques,
Dans le néant, broyé - éradiqué, moulu...
Et depuis chaque soir dans l'ombre familière,
Je cherche, sans trouver, la clef du labyrinthe.
J'arpente en titubant la vaste fourmilière,
Toujours paralysé de désir et de crainte :
Maladroit maltraitant la langue de Molière.
J'aurais tout bradé - tout, l'or et le paradis -
Pour un souffle d'azur aux échappées marines.
J'aurais vécu tout seul - dehors, sans un radis -
Enduré la douleur, l'opprobre, la famine,
Pour un instant de grâce avant d'être maudit.
J'aurais décrit pour toi les splendeurs des neuf mondes,
Forgé les instruments par les éclairs durcis
Au battement cuivré du tonnerre qui gronde.
J'aurais fait résonner sous les cieux obscurcis
Le merveilleux qui dans l'écume encor abonde.
Amplitude océane aux courants froids qui montent
Des palais engloutis jusqu'aux rives d'exil.
Atlantide émergeant des flots bleus qui s'affrontent
Dans le bouillonnement d'où naquit l'Yggdrasil.
Cosmogonies sacrées que les scaldes racontent.
Brisants semés de sel, trouée dans les nuages,
Évasion rythmée au silence des sirènes,
Sous tes cheveux bouclés, papillons, fleurs sauvages,
Que j'aurais dessinés au sable des arènes
Tes yeux bleus - lacs profonds - ainsi que des mirages.
Mais l'extase est passée - cette ivresse est finie,
Fragments pointus du jour qui sonnent le réveil -
Je ne sais plus chanter que la monotonie
D'une existence âpre sans lune et sans soleil,
Je ne sais plus chanter, désolante avanie.
Peu me chaut le vent tiède, ô mièvre nostalgie,
Qui murmure au cerveau des mensonges infâmes.
Je cherche encor l'éclair dans cette névralgie
Qui ferait à nouveau s'illuminer mon âme
Tel un serpent tordu par une hyperalgie.
Il pleut ce soir, ailleurs, ici et en tous lieux,
Nulle part et partout, et jusqu'à dans ma chambre.
Il pleut sans arrêt depuis le départ des dieux
Et le poison du doute enflamme tous mes membres,
Je n'ai plus à narrer que des couplets odieux.
Il pleut ce soir, je pleure, ô poésie défunte !
Tremblement que mon corps ne sait plus ajuster
A la beauté, fureur que cette absence éreinte.
Je ne sais plus des cieux l'offrande déguster,
Le temps me brûle comme une mauvaise absinthe.
Tant pis ! Plus de lueur éclairant la chanson.
Tant pis ! Plus d'oriflamme et d'honneur, de bravoure.
Fracas silencieux, vide où je suis l'échanson
D'un chevalier perdu, sans quête et sans retour :
D'un sarcasme imprudent ce vide est la rançon.
Il pleut ce soir au bord du gouffre où vont mes pas.
Je pense à la chanson qui est loin de ma plume.
Pleurant le poète que je ne serai pas,
Une petite tombe au-milieu de la brume :
Il voulut la lumière - et ce fut son trépas.
Dari- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 357
Localisation : ici et là...
Identité métaphysique : humain, trop humain
Humeur : la nuit sera calme
Date d'inscription : 13/04/2012
Re: La chanson du mauvais poète
(...)
Voici sa pauvre tombe auprès d’un peuplier,
Sans la moindre inscription. Son nom est oublié,
Nul rhapsode n’ira l’illustrer de sa lyre.
Fêtes et jours normaux, le temple reste ouvert,
Mentionné seulement dans ces quatorze vers
Qui trouvent rarement un regard pour les lire.
https://www.forum-metaphysique.com/t11213p220-sagesse-du-pluvian#531367
Re: La chanson du mauvais poète
si je vous lis ; à tous les deux; merci!
animou- Maître du Temps
- Nombre de messages : 750
Localisation : France
Identité métaphysique : malléable
Humeur : molle
Date d'inscription : 23/11/2014
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