Sagesse du pluvian
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Ladysan
Cochonfucius
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Nelligan de lune
Le coeur traversé de flammèches,
Nelligan souffre en un salon ;
Et d'une, il trouve le temps long,
De deux, la bière n'est pas fraîche.
Alors, il prend des pierres sèches
Et quelques planches de bois blond ;
Voici, volant mieux qu'un ballon,
La nef qui bat l'ennui en brèche.
Oui ! Nelligan s'est envolé
Sur son bel engin bricolé :
C'est épatant, c'est du tonnerre.
Il n'a plus soif, il n'a plus faim ;
Il goûte, meilleurs que le vin,
Les merveilleux parfums lunaires.
Sous l'oeil des dauphins volants
Au grand arbre à fraises
Viennent les renards d'azur,
Quand le ciel est d'or.
De gueules au lion perplexe
Le fauve a regagné son antre,
N'ayant presque rien dans le ventre :
Rien pris pour apaiser ses flancs,
Non, pas même un café brûlant.
Clignant des yeux dans la lumière,
Il attend son heure dernière ;
Il brandit ses griffes de fer
Mais n'atteint nulle tendre chair.
Sois sage, roi des animaux,
Amuse-toi de quelques mots :
Demain, pour ta proie pantelante,
Tu les rediras à voix lente.
Nef boréale
La nef reconnaissante au grand vent qui la prend
S’abandonne au printemps, quand les vagues la bercent ;
Si le soleil la voit, c’est entre deux averses
Que, très loin vers le nord, son rayon la surprend.
La brise dit des mots qu’un marin ne comprend
Que s’il est abreuvé d’une liqueur perverse ;
Celle que, sur le soir, le capitaine verse
À l’heure où le déclin va Phébus empourprant.
Boréale, la nef ignore les marées
Se reflétant la nuit dans sa coque dorée ;
Comme elle ignore aussi l’appel des tourbillons.
Au-devant de la nef, à peine décelée,
L’observateur perçoit une présence ailée :
Celle de son pilote, un fringant papillon.
D'argent, d'azur et d'or
Dans le vrai ciel d'argent brille la neige fraîche,
De réchauffer les gens le soleil se dépêche ;
Le roi des animaux sort de son antre, et dit
Que ce climat vaut bien celui du paradis.
Dans le pays d'azur, le renard d'or s'attarde
En dévorant des yeux la lune qu'il regarde ;
La lune devient pâle et disparaît soudain,
Cessant d'illuminer les modestes jardins.
Dans l'inframonde d'or, monstres et dieux se pressent ;
Le soleil le traverse en sa nuit de paresse,
Écoutant du Bouddha les mots miraculeux
Et du monstre de sable, un récit graveleux.
Propos printaniers
-- Quel trait veux-tu, licorne vénérable ?
Quelle grosseur ? Quel bois ? Quelle couleur ?
Choisis la flèche, animal de valeur,
Par où viendra ton amour incurable.
-- Quel trait, dis-tu ? Nul ne m’est convenable !
Je sais qu’amour est source de douleur,
Je sais qu’on peut échapper au malheur
En n’ayant point de compagnon d’étable.
-- C’est une erreur, licorne, assurément,
Contre l’amour de porter jugement :
Il appartient aux lois de la Nature.
-- Si j’existais, sans doute ce désir
S’imposerait, ne me laissant choisir ;
Il n’en est rien ! Je suis illusion pure.
Roses, serpent et monstre
Au sommet du ciel d'or, de gueules sont trois roses ;
Ces trois jeunes beautés tout le jour s'y reposent,
Tu dois aller les voir, tant que c'est le printemps,
Cette douce saison ne durera plus tant.
La douceur prendra fin, viendra la canicule,
Le météorologue aisément la calcule ;
Au pays de sinople est un serpent d'argent,
Il est inoffensif, soyons-lui indulgents.
D'or aussi l'inframonde, où vit un monstre hybride,
Il a trois cent mille ans et pas même une ride ;
Et, d'année en année, son coeur devient plus pur,
Je l'entends palpiter dans son grand corps d'azur.
Isard bizarre
Voici l’isard bizarre, il faut s’en abriter,
Car il a vite fait de franchir la clairière ;
On le trouve souvent dans une humeur guerrière,
Et son goût des combats ne l’a jamais quitté.
Voici ses commensaux, monstres de qualité.
Chacun d’eux est muni de vertus singulières ;
Plusieurs furent bénis par Saint Paul et Saint Pierre,
Monstres d’or et d’argent, nobles célébrités.
Après quelques instants, leur bruit se fait lointain,
Vers le fond du décor, leur image s’éteint,
Et plus rien ne paraît de leur foule attroupée.
L’isard est de retour, c’est sûr, le jour suivant ;
Mieux que ça, certains soirs, il chante dans le vent
Du Leconte de Lisle, et du François Coppée.
Démon forestier
Un démon s'établit dans la forêt sonore,
Il en parcourt la route avec ses pieds légers ;
Lorsque la nuit s'achève, il fait peur aux bergers
Blottis sur la lisière en attendant l'aurore.
Il voudrait, dans ces bois, trouver une amoureuse,
Une douce compagne, une biche peureuse,
Il charmerait ses jours par de vieilles chansons
Et se ferait, le soir, son donneur de leçons.
Dans le ciel de sinople est la truite sorcière,
Au monstre forestier songeant, des nuits entières ;
Et alors, ces deux-là, se rencontreront-ils ?
Tu voudrais le savoir. Le destin est subtil.
Bélier-triton
Au milieu du jardin serpente un fleuve bleu
Vers lequel vient parfois une bête assoiffée,
Et dans lequel s’ébat, toison ébouriffée,
Le grand Bélier-triton, fort comme trois cents boeufs.
Le fleuve est traversé d’un pont vertigineux
Dont chaque grande pile est de marbre coiffée ;
Il a surgi un jour, c’est l’ouvrage des fées,
Ainsi, pour la commune, il ne fut pas ruineux.
L’âme des béliers morts, tous les soirs, l’illumine
Sous des rayons d’argent qui vivement cheminent
Vers le monstre fluvial, serein contemplatif.
Lui, dans ces moments-là, voudrait faire un poème,
Mais son coeur angoissé ne trouve pas de thème ;
Il contemple les cieux, d’un oeil dubitatif.
Jour de sable et nuit d'or
Au jour de sable, un astre se déchaîne
Sur le tournoi des chevaliers d'argent ;
Bien maintenue est la lance de frêne,
Car l'un pour l'autre ils ne sont indulgents.
Dans la nuit d'or rit la lune d'azur,
Celle qui porte un excellent présage :
Les arbres bleus, dont le bois est si dur,
En ce printemps vont changeant leur feuillage.
Bons chevaliers, n'en soyez point surpris :
Qui en tournoi sur tous aura victoire
Ne recevra qu'une feuille pour prix,
Mais qui provient d'un bel arbre de gloire.
Jardin d’argent et cour de gueules
C’est un jardin d’argent où la rose est maîtresse ;
Quelques ours forgerons vont leur oeuvre admirant,
Un heaume de tournoi d’un genre peu courant
Qui de la rouge rose a toute la finesse.
De gueules rit la cour où les jongleurs se pressent,
Les balles projetant, les foules attirant,
Tenant à l’occasion quelques propos marrants,
Des jongleurs pleins d’esprit, sans la moindre rudesse.
Aux humbles forgerons est donné le pouvoir
D’armer les plus vaillants chevaliers qu’on peut voir
Montrer dans les combats une vaillance extrême ;
Jongleurs, c’est notre esprit que vous savez armer,
Pour fréquenter ce monde et pour mieux l’assumer :
En se faisant jongleur, il se connaît soi-même.
Escargots de la friche
Rêvant sous la lune voilée,
Ils attendent le matin clair,
Les escargots du jardin vert
Contemplant la voûte étoilée.
Non désireux du soleil d’or,
Ils désirent des jours humides
Pour promener leurs corps timides ;
Et qu’il pleuve, mais pas trop fort.
Les escargots, quand il a plu,
Dans tout ce jardin vont et viennent.
Leur allure est comme la mienne :
Sans aucun effort superflu.
Rêve de lion
Le roi des animaux n'en croyait pas ses yeux :
D'invisibles goupils rôdaient dans les parages,
La nuit dissimulant l'azur de leur pelage,
À l'heure où les démons investissent les cieux.
Le monarque est tenté de fuir vers d'autres lieux,
Mais les chemins ouverts lui semblent des mirages ;
Il s'avance pourtant, rassemblant son courage,
Puis il trace sa route, à la grâce de Dieu.
Ce qu'il voit, cependant, ne le rassure guère,
-- Il semble que le monde ait perdu ses repères,
Lui dit une banane, en riant franchement.
-- Je ne suis qu'un rêveur au jugement fragile,
Tel un fol naviguant sur une nef d'argile,
Tel un roi qui voudrait gouverner en dormant.
Ours magicien
L'ours d'argent dans l'azur s'avance
En plein jour comme en pleine nuit ;
Son doux regard de sable luit
Dans ce pays sans espérance.
De sinople un serpent savant
Connaît par coeur quelques volumes
Tracés par d'érudites plumes ;
Le mal, il le guérit souvent.
De serpent et d'ours, les arcanes
Surchargent les vieux parchemins
Qui, le soir, tremblent dans nos mains :
C'est l'inspiration des chamanes.
De sable au coursier d’argent
Cheval sans cavalier ne cherche point la gloire,
Mais le repos, comme ont les nefs dedans le port ;
Sur nul champ de bataille il ne risque son sort,
Nulle goutte de sang sur sa robe d’ivoire.
Poète sans souci au renom ne veut croire ;
Que vienne le vent d’est ou bien celui du nord,
Son esquif au chenal s’en va, tirant des bords,
Comme fait dans le ciel un oiseau sans mémoire.
C’est bien d’être cheval, lorsque l’on peut danser ;
Le chanteur trouve bon de ne pas trop penser,
La nature est farceuse et n’est pas trop méchante.
Un godet là-dessus de ce magique sang
Du fils du charpentier, un remède puissant,
Grâce auquel ce sonnet sort de ma plume, et chante.
Juge et lion
Règne le lion de sable, au ciel, comme un roi nu ;
Et ce ciel est trop haut pour recevoir la pluie.
-- Roi, quels sont tes sujets ? -- Ils me sont inconnus.
Dans l'inframonde bleu, le vieux juge s'ennuie.
C'est un monde stérile, où l'air est toujours sec,
Plus terne, en ce moment, qu'un nuage de suie.
Ah ! qu'un aigle survienne, avec la foudre au bec !
Ou bien un petit troll, une sirène folle,
Ou bien même un rhapsode à la vaine parole !
Ciel d’or et ciel d’azur
Au ciel d’or, vois danser la faune décalée,
Le rapace et le boeuf, issus d’un noble sang,
Et leur sauvage voix vers le ciel bleu descend,
Comme tombe la brume au fond d’une vallée.
Des gens du ciel d’azur, la plume inégalée
D’alexandrins subtils se va, le jour, berçant
Et goûte dans la nuit le froid noir et glaçant
Que ne peut arrêter leur fourrure étalée.
Ciel d’or et ciel d’azur sont des mondes sereins,
Car un art poétique y règne en souverain
Comme en un grand jardin, dessous la brise pure.
N’est-il, ce mois de mai, celui du tendre amour
Dont l’ours et le bélier s’enivrent tour à tour ?
Nul ne peut concevoir de plus belle aventure.
Foire aux béliers
Dans le ciel de sinople, on voit trois monstres fous,
Qui ne font que danser dans ce vert paysage :
Leur danse est l'ornement, dit-on, de cette page,
De si charmants danseurs sont invités partout.
Dans le ciel d'or, on voit un monstre plutôt grave ;
Il réfléchit la nuit, et tout au long du jour,
Une fois par semaine, il nous fait un discours
Qu'on entend poliment, l'animal est bien brave.
Nul d'entre eux ne sera client du chapelier,
Fiers qu'ils sont d'arborer leurs cornes de bélier.
Dernière édition par Cochonfucius le Mar 12 Mai 2015 - 15:05, édité 1 fois
Buisson magique
C’est un buisson magique, au bord de la prairie,
D’où les oiseaux du ciel nous donnent leur concert ;
Mille fruits sont cachés dans les feuillages verts,
Mûris par le soleil et les intempéries.
Ces arbres résonnant comme une oisellerie
Donnent un charme exquis à cet endroit désert ;
Musique et goût des fruits rendent suave l’air,
Et le travail fait place à mille songeries.
Chaque fruit, clair miroir qui reflète les cieux,
Semble apporté du ciel par un ange de Dieu
Ou par un Cupidon qui chevauche la brise ;
Ça semble peu de chose : un recoin du jardin,
Ce monde en paradis se transforme soudain,
Un peu de vert surgit dans notre banlieue grise.
D’or à un boeuf de gueules
Les deux faces du boeuf disent une prière
Qu’un vieux moine écrivit sur un petit papier ;
L’animal est paisible, et bien droit sur ses pieds,
Il sait bien qu’ici-bas, son corps n’est que poussière.
Les visages du boeuf ont contemplé la plaine,
Étendue de sinople à l’incertain passé ;
Le boeuf pardonne à ceux qui ont pu l’offenser,
Mais, de ce qu’ils ont fait, il s’en souvient à peine.
De ses deux voix, il chante une chanson française ;
Compère Guilleri ne se laisse mourir,
La chanson dit l’antan, l’aujourd’hui, l’avenir,
La pluie et le beau temps, le bonheur et l’ascèse.
Monstrecerf
Penchant sur l'océan ses deux crânes jumeaux,
Monstrecerf chantonnait un poème, à voix douce,
Adoucissant ainsi du monde les secousses,
Lui apportant la paix des bois et des hameaux.
Le ciel était d'azur, le plus frais des émaux,
Orné de soleils d'or, et non de lunes rousses ;
L'animal vigoureux, nourri de tendres pousses,
N'éprouvait en ce jour la crainte ni les maux.
Heureux qui, comme lui, sa nourriture glane
Sans même rechercher l'abri d'une cabane,
Insoucieux qu'il est de la bise du Nord !
Heureux qui, comme lui, se rafraîchit aux vagues,
Sur ce monde incertain portant son regard vague ;
Heureux, ce monstre-là, dont la conscience dort.
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