Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
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Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Bonjour,
Je tenais à ouvrir un thread histoire de traiter d'un sujet déterminé : la vacuité (sunyata) au regard du bouddhisme mahayana.
Avant d'écrire quoi que ce soit, je tiens à préciser que je ne suis ni une autorité, ni une référence. Ceci devrait vous aider à ne pas prendre ce que j'écris à coeur.
Lorsqu'on dit "cet objet est vide d'existence propre" ou "cet objet est vide d'identité propre", nous signifions la même chose. Nous signifions en général ceci :
Cet objet n'est pas égal en toutes circonstances.
C'est-à-dire : quand les circonstances changent, cet objet change (les propriétés qu'on lui prête changent).
Cet objet ne possède aucune qualité intrinsèque qui détermine ce qu'il est.
C'est-à-dire : il n'existe aucune propriété intrinsèque à l'objet, qui définisse un objet, grâce à laquelle on puisse identifier un objet.
Cherchons par exemple à déterminer ce qui fait, de la cire (de bougie), ce qu'elle est. Cherchons à identifier / déterminer les propriétés propres à la cire, sans quoi la cire ne serait pas de la cire. Quand nous approchons la cire d'une source de chaleur, la cire fond, sa texture change, sa résistance change, l'odeur qu'elle dégage change, sa couleur change. Pourtant, nous continuons d'appeler ceci "cire" (cire fondue, pour être plus précis).
Constat : ce qui fait que la cire est de la cire n'est donc pas sa couleur, ni sa texture, ni l'odeur qu'elle dégage, etc.
Existe-t-il une propriété propre à la cire (intrinsèque à la cire), qui fait que la cire est de la cire, sans quoi la cire ne serait pas cire, et grâce à quoi un objet est nécessairement cire, et qui reste inchangée, qui ne change pas selon les circonstances ? D'un point de vue bouddhiste, la réponse est non.
Il est impossible d'identifier un phénomène, car il n'est pas "identique à lui-même".
Je bois mon thé.
Grâce aux rayons du soleil, le thé que je bois a poussé,
Grâce à la terre et aux sels minéraux, le thé a poussé,
Grâce à la pluie (et indirectement aux nuages, et aux lacs, aux océans, à la chaleur) le thé a poussé,
Grâce au fermier, le thé a poussé,
Grâce à l'essence, le thé fut acheminé de Darjeeling à Dharamsala,
Grâce aux moyens de transport et au conducteur, le thé fut acheminé.
Si le chauffeur n'avait pas mangé tous les repas qu'il a mangé durant sa vie, il n'aurait pas été en vie pour conduire la voiture qui a acheminé le thé.
Grâce à tous les repas qui lui furent servi, j'ai ce thé dans ma tasse.
Il en va de même pour le fermier.
Et si le chauffeur et le fermier n'avaient pas étés engendrés par leurs parents, eux-mêmes nés de leurs parents, et ainsi de suite jusqu'au "commencement", je n'aurais pas ce thé dans ma tasse.
Tous ces éléments sont des causes ou des conditions qui en rendu ce thé (et ce moment) possible. Si on enlève un élément de la "chaîne", ce thé (et ce moment) n'est pas possible. Le thé "existe" grâce à des causes et conditions qu'on ne peut pas séparer de son existence.
De même, sans tes parents de qui tu es né, tu ne serais pas qui tu es,
Sans tes grands-parents de qui tes parents sont nés, tu ne serais pas qui tu es,
Sans tes arrières grands-parents, de qui tes grands-parents sont nés, de qui tes parents sont nés, de qui tu es né, tu ne serais pas qui tu es. (tu peux continuer comme ça indéfiniement) / Eux et toi êtes inséparables.
* * *
La prochaine perspective et connue sous le terme d'inter-dépendance.
Tous ces éléments sont des causes ou des conditions qui en rendu ce thé (et ce moment) possible. Si on enlève un élément de la "chaîne", ce thé (et ce moment) n'est pas possible. Le thé "existe" grâce à des causes et conditions qu'on ne peut pas séparer de son existence. Le thé est donc aussi ces éléments, puisqu'ils sont inséparables.
Le soleil est causé la croissance du thé,
Mais si on enlevait le soleil de la feuille de thé (ou si on enlevait le "passé") la feuille de thé ne serait plus.
Le soleil et le thé sont inséparables,
Non plus comme cause / effet, mais dans une perspective an-historique : le soleil est dans le thé, et le thé est dans le soleil.
On ne peut pas dire "c'est juste une feuille de thé". Cette feuille de thé "est aussi et en même temps le soleil, la pluie, la terre, etc." Bien sûr, on ne peut pas dire non plus "c'est juste (de) la pluie", la pluie est aussi le lac, la chaleur et le soleil, etc. Aucun n'a d'identité propre, donc on ne peut pas les identifier absolument.
Dans la même perspective, être & non-être sont inséparables. On ne peut pas dire "ceci est" ou "ceci n'est pas", "je suis", "je ne suis pas", "je n'existe pas", "le soi n'existe pas", "le soi existe".
Exister n'est pas plus exister que le thé est thé.
Exister n'est ni plus ni moins non-exister que le thé est soleil.
Il existe d'autres façon considérer la vacuité (sunyata), d'autres "niveaux", d'autres approches. Je ne les aborderai pas ici.
Le plus important n'est pas la compréhension intellectuelle.
Certes, la compréhension intellectuelle, la rationnalisation, la conceptualisation ont leur importance et leur place (et leurs effets !) mais il faut faire attention à ne pas accorder trop d'importance aux concepts.
La question "Où est le trop ?" est une grande question. Je ne connais pas la réponse :)
Dans la pratique, on utilise ces concepts pour transformer notre esprit/conscience.
Par exemple : tu peux méditer sur le fait que sans tes parents, tu ne serais pas né, et remonter la "chaîne". Si tu apprécie le fait d'être né (ce qui te donne l'opportunité de pratiquer, soit dit en passant) alors tu peux apprécier tes parents davantage que tu ne le faisais. Tu peux construire une qualité : gratitude. Tu te sens mieux, ton entourage se sent mieux, et ça aura un effet boule de neige (en mode "positif").
Il existe d'autres méditations spécifiques (en "mind training" et en vipashyana) qui aident le pratiquant à développer : stabilité, fortitude, patience, gratitude, sourire, compassion, retenue, tempérence, concentration, etc. Je vous invite à lire un ou deux bouquins concernant "vipashyana" (vipassana) et "mind training". Thich Nhat Hanh est profitable en ce qui concerne vipassana, et Lama Zopa Rinpoche (par exemple) en "mind training".
L'aspect conceptuel ne nous donne pas le goût des choses (pas d'expérience directe, de transformation, d'insight). Je peux vous décrire le goût d'une orange, mais quand vous goûter une orange, vous verrez que c'est très différent. Vous pouvez lire toutes les histoires d'amour et regarder Titanic & "Romeo & Juliet", mais quand vous tombez amoureux, c'est très différent. Il en va (malheureusement ?) de même vis-à-vis de tout ce qu'on pourra vous dire sur la vacuité. Et ce, même si c'est HH le Dalaï-Lama ou Shakyamuni qui vous en parle.
Les concepts sont des moyens. Si ils ne vous aident pas à transformer votre façon de voir, de dire, de faire, de sentir, ils sont inutiles. S'ils ne vous rendent pas plus aimables (avec vous mêmes et avec les autres) ils sont bons pour la poubelle (pour le moment).
Cela dit, un jour, vous deviendrez peut-être jardinnier, et vous saurez faire pousser les plus belles fleurs en utilisant de vos anciennes poubelles :)
Je tenais à ouvrir un thread histoire de traiter d'un sujet déterminé : la vacuité (sunyata) au regard du bouddhisme mahayana.
Avant d'écrire quoi que ce soit, je tiens à préciser que je ne suis ni une autorité, ni une référence. Ceci devrait vous aider à ne pas prendre ce que j'écris à coeur.
* * *
Il existe de nombreuses approches de la vacuité. En voici une :Lorsqu'on dit "cet objet est vide d'existence propre" ou "cet objet est vide d'identité propre", nous signifions la même chose. Nous signifions en général ceci :
Cet objet n'est pas égal en toutes circonstances.
C'est-à-dire : quand les circonstances changent, cet objet change (les propriétés qu'on lui prête changent).
Cet objet ne possède aucune qualité intrinsèque qui détermine ce qu'il est.
C'est-à-dire : il n'existe aucune propriété intrinsèque à l'objet, qui définisse un objet, grâce à laquelle on puisse identifier un objet.
Cherchons par exemple à déterminer ce qui fait, de la cire (de bougie), ce qu'elle est. Cherchons à identifier / déterminer les propriétés propres à la cire, sans quoi la cire ne serait pas de la cire. Quand nous approchons la cire d'une source de chaleur, la cire fond, sa texture change, sa résistance change, l'odeur qu'elle dégage change, sa couleur change. Pourtant, nous continuons d'appeler ceci "cire" (cire fondue, pour être plus précis).
Constat : ce qui fait que la cire est de la cire n'est donc pas sa couleur, ni sa texture, ni l'odeur qu'elle dégage, etc.
Existe-t-il une propriété propre à la cire (intrinsèque à la cire), qui fait que la cire est de la cire, sans quoi la cire ne serait pas cire, et grâce à quoi un objet est nécessairement cire, et qui reste inchangée, qui ne change pas selon les circonstances ? D'un point de vue bouddhiste, la réponse est non.
Il est impossible d'identifier un phénomène, car il n'est pas "identique à lui-même".
* * *
Une autre approche est le rapport cause / effet. C'est une approche historique.Je bois mon thé.
Grâce aux rayons du soleil, le thé que je bois a poussé,
Grâce à la terre et aux sels minéraux, le thé a poussé,
Grâce à la pluie (et indirectement aux nuages, et aux lacs, aux océans, à la chaleur) le thé a poussé,
Grâce au fermier, le thé a poussé,
Grâce à l'essence, le thé fut acheminé de Darjeeling à Dharamsala,
Grâce aux moyens de transport et au conducteur, le thé fut acheminé.
Si le chauffeur n'avait pas mangé tous les repas qu'il a mangé durant sa vie, il n'aurait pas été en vie pour conduire la voiture qui a acheminé le thé.
Grâce à tous les repas qui lui furent servi, j'ai ce thé dans ma tasse.
Il en va de même pour le fermier.
Et si le chauffeur et le fermier n'avaient pas étés engendrés par leurs parents, eux-mêmes nés de leurs parents, et ainsi de suite jusqu'au "commencement", je n'aurais pas ce thé dans ma tasse.
Tous ces éléments sont des causes ou des conditions qui en rendu ce thé (et ce moment) possible. Si on enlève un élément de la "chaîne", ce thé (et ce moment) n'est pas possible. Le thé "existe" grâce à des causes et conditions qu'on ne peut pas séparer de son existence.
De même, sans tes parents de qui tu es né, tu ne serais pas qui tu es,
Sans tes grands-parents de qui tes parents sont nés, tu ne serais pas qui tu es,
Sans tes arrières grands-parents, de qui tes grands-parents sont nés, de qui tes parents sont nés, de qui tu es né, tu ne serais pas qui tu es. (tu peux continuer comme ça indéfiniement) / Eux et toi êtes inséparables.
* * *
La prochaine perspective et connue sous le terme d'inter-dépendance.
Tous ces éléments sont des causes ou des conditions qui en rendu ce thé (et ce moment) possible. Si on enlève un élément de la "chaîne", ce thé (et ce moment) n'est pas possible. Le thé "existe" grâce à des causes et conditions qu'on ne peut pas séparer de son existence. Le thé est donc aussi ces éléments, puisqu'ils sont inséparables.
Le soleil est causé la croissance du thé,
Mais si on enlevait le soleil de la feuille de thé (ou si on enlevait le "passé") la feuille de thé ne serait plus.
Le soleil et le thé sont inséparables,
Non plus comme cause / effet, mais dans une perspective an-historique : le soleil est dans le thé, et le thé est dans le soleil.
On ne peut pas dire "c'est juste une feuille de thé". Cette feuille de thé "est aussi et en même temps le soleil, la pluie, la terre, etc." Bien sûr, on ne peut pas dire non plus "c'est juste (de) la pluie", la pluie est aussi le lac, la chaleur et le soleil, etc. Aucun n'a d'identité propre, donc on ne peut pas les identifier absolument.
Dans la même perspective, être & non-être sont inséparables. On ne peut pas dire "ceci est" ou "ceci n'est pas", "je suis", "je ne suis pas", "je n'existe pas", "le soi n'existe pas", "le soi existe".
Exister n'est pas plus exister que le thé est thé.
Exister n'est ni plus ni moins non-exister que le thé est soleil.
* * *
Il existe d'autres façon considérer la vacuité (sunyata), d'autres "niveaux", d'autres approches. Je ne les aborderai pas ici.
Le plus important n'est pas la compréhension intellectuelle.
Certes, la compréhension intellectuelle, la rationnalisation, la conceptualisation ont leur importance et leur place (et leurs effets !) mais il faut faire attention à ne pas accorder trop d'importance aux concepts.
La question "Où est le trop ?" est une grande question. Je ne connais pas la réponse :)
Dans la pratique, on utilise ces concepts pour transformer notre esprit/conscience.
Par exemple : tu peux méditer sur le fait que sans tes parents, tu ne serais pas né, et remonter la "chaîne". Si tu apprécie le fait d'être né (ce qui te donne l'opportunité de pratiquer, soit dit en passant) alors tu peux apprécier tes parents davantage que tu ne le faisais. Tu peux construire une qualité : gratitude. Tu te sens mieux, ton entourage se sent mieux, et ça aura un effet boule de neige (en mode "positif").
Il existe d'autres méditations spécifiques (en "mind training" et en vipashyana) qui aident le pratiquant à développer : stabilité, fortitude, patience, gratitude, sourire, compassion, retenue, tempérence, concentration, etc. Je vous invite à lire un ou deux bouquins concernant "vipashyana" (vipassana) et "mind training". Thich Nhat Hanh est profitable en ce qui concerne vipassana, et Lama Zopa Rinpoche (par exemple) en "mind training".
L'aspect conceptuel ne nous donne pas le goût des choses (pas d'expérience directe, de transformation, d'insight). Je peux vous décrire le goût d'une orange, mais quand vous goûter une orange, vous verrez que c'est très différent. Vous pouvez lire toutes les histoires d'amour et regarder Titanic & "Romeo & Juliet", mais quand vous tombez amoureux, c'est très différent. Il en va (malheureusement ?) de même vis-à-vis de tout ce qu'on pourra vous dire sur la vacuité. Et ce, même si c'est HH le Dalaï-Lama ou Shakyamuni qui vous en parle.
Les concepts sont des moyens. Si ils ne vous aident pas à transformer votre façon de voir, de dire, de faire, de sentir, ils sont inutiles. S'ils ne vous rendent pas plus aimables (avec vous mêmes et avec les autres) ils sont bons pour la poubelle (pour le moment).
Cela dit, un jour, vous deviendrez peut-être jardinnier, et vous saurez faire pousser les plus belles fleurs en utilisant de vos anciennes poubelles :)
Tenzin Dorje- Affranchi des Paradoxes
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Identité métaphysique : Mahayana (Tibetan) Buddhism
Humeur : At sea level
Date d'inscription : 08/05/2011
Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Merci pour cette riche et lumineuse introduction à un sujet important.
Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Contente de te voir de retour, Tenzin Dorje
La Vacuité, sujet vaste.
Tu as bien expliqué la signification du terme vide des phénomènes, vides de nature propre, d'un "soi" distincts et indépendants des éléments qui les constituent, qui les rendent sensibles, actifs, efficients...
Tout ce qui est composé est constitué par la réunion d'éléments, n'est qu'un assemblage, un groupe et non point un "moi" véritable. Ainsi l'individu est vide, toutes choses sont vides, parce qu'on n'y trouve rien en dehors des parties qui les constituent.
Dans le Mahayana, vide a le sens de "relatif".
Tout ce qui existe, existe en relation avec quelque chose d'autre et n'existe qu'en raison de cette relation.
A cause de cette relation, qui est le support indispensable de leur existence, les individus et toutes choses sont vides d'essence propre. Ils sont les produits dus à la rencontre et à la coexistence de causes...ils sont donc des noms couvrant un vide de réalité intrinsèque.
Une autre explication, plus difficile, se trouve dans les enseignements philosophiques du Mahayana. Ka Dag en tibétain c'est à dire :pur dès l'origine ou pureté fondamentale.Au sens propre le vide est appelé Tong pa gnid
L'adjectif "pur" n'est pas pris dans le sens français de morale, il signifie "non mélangé"...
Mais ces enseignements concernent "l'origine des choses" dans l'univers...et sont donnés directement de Maitre à disciple..
Il existe 18 modes de Vide..interne, externe; vide du Vide....jusqu'à l'inconcevable...ils illustrent ce que je viens d'écrire avant, soit que L'Absolu, la Réalité, sont vides de tous nos concepts.
Vipassana est une méditation qui aide à assimiler peu à peu tout cela....pratique après pratique..
La Vacuité, sujet vaste.
Tu as bien expliqué la signification du terme vide des phénomènes, vides de nature propre, d'un "soi" distincts et indépendants des éléments qui les constituent, qui les rendent sensibles, actifs, efficients...
Tout ce qui est composé est constitué par la réunion d'éléments, n'est qu'un assemblage, un groupe et non point un "moi" véritable. Ainsi l'individu est vide, toutes choses sont vides, parce qu'on n'y trouve rien en dehors des parties qui les constituent.
Dans le Mahayana, vide a le sens de "relatif".
Tout ce qui existe, existe en relation avec quelque chose d'autre et n'existe qu'en raison de cette relation.
A cause de cette relation, qui est le support indispensable de leur existence, les individus et toutes choses sont vides d'essence propre. Ils sont les produits dus à la rencontre et à la coexistence de causes...ils sont donc des noms couvrant un vide de réalité intrinsèque.
Une autre explication, plus difficile, se trouve dans les enseignements philosophiques du Mahayana. Ka Dag en tibétain c'est à dire :pur dès l'origine ou pureté fondamentale.Au sens propre le vide est appelé Tong pa gnid
L'adjectif "pur" n'est pas pris dans le sens français de morale, il signifie "non mélangé"...
Mais ces enseignements concernent "l'origine des choses" dans l'univers...et sont donnés directement de Maitre à disciple..
Il existe 18 modes de Vide..interne, externe; vide du Vide....jusqu'à l'inconcevable...ils illustrent ce que je viens d'écrire avant, soit que L'Absolu, la Réalité, sont vides de tous nos concepts.
Vipassana est une méditation qui aide à assimiler peu à peu tout cela....pratique après pratique..
maya- Seigneur de la Métaphysique
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Identité métaphysique : bouddhiste et yogas
Humeur : sereine
Date d'inscription : 21/04/2011
Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Content de te revoir aussi, ça fait une paye.
Tu fais bien de préciser que vide a le sens de "relatif", ça me semble assez important.
Fut un temps, quand je lisais Montesquieu & commentaires dans un cadre scolaire, j'étais tombé sur la phrase suivante, de Starobinsky : "La relativité ne dit pas que rien n'est absolu, mais que tout est en relation". C'est parlant dans le cadre du Mahayana, il me semble.
Il y a une pratique méditative simple que j'aimerais introduire, en relation avec la vacuité. Elle peut accompagner à la fois shamata et vipashyana (c'est une chose impressionnante). Il s'agit de s'entraîner à devenir inclusif (non-exclusif).
En shamata, il s'agit d'observer et de sourire à ce qui se présente. Dit d'une autre manière, il s'agit d'accepter, voir de se réconcilier avec ce qui se présente (pensées, sensations, émotions, etc). Par exemple, lorsqu'on médite en marchant, à chaque pas "I'm home, I've arrived" (je suis chez moi, je suis arrivé) comme l'indique TNH. C'est-à-dire "je suis arrivé, je ne cours plus après quoi que ce soit, je suis satisfait du pas présent".
Après avoir noté la présence des formations mentales, après les avoir "identifiées", nous pouvons faire pareil : accepter. "je suis triste, j'ai le droit d'être triste, c'est un moment merveilleux".
En vipashyana, ce genre de pratique est aussi possible, mais plus profonde. Il s'agit par exemple de comprendre "je suis triste, mais la tristesse n'est pas la tristesse, il y a tout l'univers dans la tristesse". Quand on regarde profondément dans la "tristesse" et le "je" qui est prétendument "triste", on devient capable d'embrasser la "tristesse" et d'y voir la non-tristesse.
Ce principe d'inclusivité me semble important. La vacuité n'exclu rien.
Il serait dommage que nous dénigrions notre corps, nos émotions, nos pensées, etc. sous prétexte qu'ils sont relatifs/conventionnels/nominatifs, sans existence propre. Car après tout, le samsara, le nirvana, l'éveil sont vides. C'est-à-dire qu'ils n'ont ni qualités intrinsèque, ni différences essentielles, ni points communs essentiels. C'est valable aussi pour le relatif & l'ultime. Ils ne sont pas en opposition. Un Bouddha n'est pas un bonhomme sans corps, tout brillant, avec un halo lumineux au-dessus de la tête, ou une aure blanche brillante autour de lui, qui n'a besoin ni de manger, ni de dormir, ni de boire, qui ne marche pas sur la terre, etc. Bouddha est partiellement nirmānakāya (comme nous tous). Nirmānakāya et Dharmakaya sont inseparables, ils "inter-sont".
Tu fais bien de préciser que vide a le sens de "relatif", ça me semble assez important.
Fut un temps, quand je lisais Montesquieu & commentaires dans un cadre scolaire, j'étais tombé sur la phrase suivante, de Starobinsky : "La relativité ne dit pas que rien n'est absolu, mais que tout est en relation". C'est parlant dans le cadre du Mahayana, il me semble.
Il y a une pratique méditative simple que j'aimerais introduire, en relation avec la vacuité. Elle peut accompagner à la fois shamata et vipashyana (c'est une chose impressionnante). Il s'agit de s'entraîner à devenir inclusif (non-exclusif).
En shamata, il s'agit d'observer et de sourire à ce qui se présente. Dit d'une autre manière, il s'agit d'accepter, voir de se réconcilier avec ce qui se présente (pensées, sensations, émotions, etc). Par exemple, lorsqu'on médite en marchant, à chaque pas "I'm home, I've arrived" (je suis chez moi, je suis arrivé) comme l'indique TNH. C'est-à-dire "je suis arrivé, je ne cours plus après quoi que ce soit, je suis satisfait du pas présent".
Après avoir noté la présence des formations mentales, après les avoir "identifiées", nous pouvons faire pareil : accepter. "je suis triste, j'ai le droit d'être triste, c'est un moment merveilleux".
En vipashyana, ce genre de pratique est aussi possible, mais plus profonde. Il s'agit par exemple de comprendre "je suis triste, mais la tristesse n'est pas la tristesse, il y a tout l'univers dans la tristesse". Quand on regarde profondément dans la "tristesse" et le "je" qui est prétendument "triste", on devient capable d'embrasser la "tristesse" et d'y voir la non-tristesse.
Ce principe d'inclusivité me semble important. La vacuité n'exclu rien.
Il serait dommage que nous dénigrions notre corps, nos émotions, nos pensées, etc. sous prétexte qu'ils sont relatifs/conventionnels/nominatifs, sans existence propre. Car après tout, le samsara, le nirvana, l'éveil sont vides. C'est-à-dire qu'ils n'ont ni qualités intrinsèque, ni différences essentielles, ni points communs essentiels. C'est valable aussi pour le relatif & l'ultime. Ils ne sont pas en opposition. Un Bouddha n'est pas un bonhomme sans corps, tout brillant, avec un halo lumineux au-dessus de la tête, ou une aure blanche brillante autour de lui, qui n'a besoin ni de manger, ni de dormir, ni de boire, qui ne marche pas sur la terre, etc. Bouddha est partiellement nirmānakāya (comme nous tous). Nirmānakāya et Dharmakaya sont inseparables, ils "inter-sont".
Tenzin Dorje- Affranchi des Paradoxes
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Très bonne explication de la non-opposition de Nirmanakaya et Dharmakaya...nous sommes tous des Bouddhas, hélas nous l'oublions
maya- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Tenzin Dorje a écrit:
Il serait dommage que nous dénigrions notre corps, nos émotions, nos pensées, etc. sous prétexte qu'ils sont relatifs/conventionnels/nominatifs, sans existence propre. Car après tout, le samsara, le nirvana, l'éveil sont vides.
Oui, il faut très être prudent car ce sont les voies extrêmes, et tes mises en
garde sont sages et judicieuses.
Il n'y a plus de Karma ni de Loi de Causalité, donc tout est permis car tout
est vide.
Je ne crois pas que ça marche exactement comme ça.
Le bodhisattva qui tombe dans ces stades intermédiaires, doit être très prudent et faire
dix fois plus preuve d'humilité au risque de se perdre en se prenant pour Bouddha.
Rio sur Seine- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
La cause à effet ?...
On peut dire aussi que le thé est là dans ta tasse, et que pour qu'il soit là il a influencé le passé et donc influencé ses causes.
Je reste persuadé que tout soit inextricablement lié et que passé/présent/futur ne soient qu'un support pour que l' existence se manifeste.
La seule réalité est l'instant présent qui malgré tout se déplace.
En fait, le mieux est de déguster son thé sans se soucier du pourquoi il est là.
Les petits lapins ne se posent pas de questions pour aller joyeusement faire pipi dans les prés
On peut dire aussi que le thé est là dans ta tasse, et que pour qu'il soit là il a influencé le passé et donc influencé ses causes.
Je reste persuadé que tout soit inextricablement lié et que passé/présent/futur ne soient qu'un support pour que l' existence se manifeste.
La seule réalité est l'instant présent qui malgré tout se déplace.
En fait, le mieux est de déguster son thé sans se soucier du pourquoi il est là.
Les petits lapins ne se posent pas de questions pour aller joyeusement faire pipi dans les prés
tango- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Et ils ont peut être raison..tango a écrit:
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cana- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Oui, ils ont raison de ne pas raisonner.cana a écrit:Et ils ont peut être raison..tango a écrit:
Les petits lapins ne se posent pas de questions pour aller joyeusement faire pipi dans les prés
à quoi servirait-il de raisonner, une fois qu'on sait que la raison a ses limites ?
En quoi servirait-il de persister à enfoncer un clou avec une bulle de savon ?
tango- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Personnellement, j'agrée partiellement.
Raisonner (conventionnellement) a ses limites (conventionnelles). Mais raisonner permet aussi d'arroser certaines graines en nous. Dans une dimension historique, raisonner peut avoir ses effets. Raisonner peut rendre triste, déprimé, joyeux, etc. En ce sens, c'est significatif, et ce peut être utile.
Il serait dommage de nourrir de l'aversion à l'égard des concepts ou des raisonnements. Simplement parce que l'aversion est l'un des trois poisons. Au lieu d'anéantir les concepts, je pense que nous avons seulement à les remettre à leur place (cette place varie selon les écoles même dans la tradition Mahayana). Anéantir le raisonnement serait comme s'amputer. De même, vouloir se débarasser de sa colère reviendrait à s'amputer. Mais à un certain "stade", nous pouvons devenir capables de voir le non-raisonnement dans le raisonnement, et la non-colère dans la colère.
Le raisonnement et les concepts peuvent nous aider à transformer notre conscience et notre état d'esprit. Si notre état d'esprit est déjà transformé, nous n'en n'avons plus besoin ("la barque n'est pas la rive"). Dans le cas de la vacuité en tant que notion, par exemple, elle peut nous aider à boire notre thé avec sourire et gratitude. Il serait dommage de boire son thé avec anxiété. L'anxiété gâche le goût du thé.
Et dans une autre mesure, "dans le vide" (pour ainsi dire) raisonner ne serait ni commun ni différent de non-raisonner, ils sont inter-dépendants. Sans l'un (qui n'est pas l'un), l'autre n'est pas (qui n'est pas l'autre) n'est pas. Personne n'a jamais pensé à enlever le noir du symbole Yin & Yang.
Sans nos messages qui touchent à la vacuité (en tant que concept), vous n'auriez pas été en mesure de publier vos messages. Et sans vos messages, je ne publierais pas celui-ci. Si vous appréciez ne serait-ce qu'un seul des messages de ce topic, ou même du forum complet, comment pourriez-vous renier les autres ?
Raisonner (conventionnellement) a ses limites (conventionnelles). Mais raisonner permet aussi d'arroser certaines graines en nous. Dans une dimension historique, raisonner peut avoir ses effets. Raisonner peut rendre triste, déprimé, joyeux, etc. En ce sens, c'est significatif, et ce peut être utile.
Il serait dommage de nourrir de l'aversion à l'égard des concepts ou des raisonnements. Simplement parce que l'aversion est l'un des trois poisons. Au lieu d'anéantir les concepts, je pense que nous avons seulement à les remettre à leur place (cette place varie selon les écoles même dans la tradition Mahayana). Anéantir le raisonnement serait comme s'amputer. De même, vouloir se débarasser de sa colère reviendrait à s'amputer. Mais à un certain "stade", nous pouvons devenir capables de voir le non-raisonnement dans le raisonnement, et la non-colère dans la colère.
Le raisonnement et les concepts peuvent nous aider à transformer notre conscience et notre état d'esprit. Si notre état d'esprit est déjà transformé, nous n'en n'avons plus besoin ("la barque n'est pas la rive"). Dans le cas de la vacuité en tant que notion, par exemple, elle peut nous aider à boire notre thé avec sourire et gratitude. Il serait dommage de boire son thé avec anxiété. L'anxiété gâche le goût du thé.
Et dans une autre mesure, "dans le vide" (pour ainsi dire) raisonner ne serait ni commun ni différent de non-raisonner, ils sont inter-dépendants. Sans l'un (qui n'est pas l'un), l'autre n'est pas (qui n'est pas l'autre) n'est pas. Personne n'a jamais pensé à enlever le noir du symbole Yin & Yang.
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Tenzin Dorje- Affranchi des Paradoxes
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Bonsoir Tenzin Dorje
ton message me rassure tant qu'au potentiel qui puisse émerger de la jeunesse dont souvent les manifestations peuvent donner certaines craintes.
Effectivement tu me verras souvent dénigrer la raison face à l'intuition, mais mon militantisme à le faire est alimenté par l' ambiance locale qui dénigre tout ce qui ne serait pas le fruit de la raison.
Si tu me vois dénigrer la raison, ce n'est pas que j'en sois dépourvu, bien au contraire, mes résultats scolaires en témoignent. Par souci de précision, je dirais qu'une introspection m'a permis d'en trouver les limites.
Quant à nos frictions, il est certain que sans ces frictions il n'y aurait pas d'étincelles.
Je vois dans la fugacité de ces étincelles, comme des tentatives de désigner la lumière éternelle.
Gassho
ton message me rassure tant qu'au potentiel qui puisse émerger de la jeunesse dont souvent les manifestations peuvent donner certaines craintes.
Effectivement tu me verras souvent dénigrer la raison face à l'intuition, mais mon militantisme à le faire est alimenté par l' ambiance locale qui dénigre tout ce qui ne serait pas le fruit de la raison.
Si tu me vois dénigrer la raison, ce n'est pas que j'en sois dépourvu, bien au contraire, mes résultats scolaires en témoignent. Par souci de précision, je dirais qu'une introspection m'a permis d'en trouver les limites.
Quant à nos frictions, il est certain que sans ces frictions il n'y aurait pas d'étincelles.
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Gassho
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Sans nos messages qui touchent à la vacuité (en tant que concept), vous n'auriez pas été en mesure de publier vos messages. Et sans vos messages, je ne publierais pas celui-ci. Si vous appréciez ne serait-ce qu'un seul des messages de ce topic, ou même du forum complet, comment pourriez-vous renier les autres ?
Dangereux exemple à mon sens, il suffit d'ouvrir le moindre livre d'histoire pour le constater.
Je suis un faux bouddhiste lool, mais de ce que j'ai pu lire, je n'ai pas vu que la prise de conscience de la vacuité entraînait une posture qui déresponsabiliserait, mais à l'inverse une plus grande justesse d'état d'esprit fasse aux expériences. Le détachement dans ce sens ne doit pas consister à se bander les yeux
Dangereux exemple à mon sens, il suffit d'ouvrir le moindre livre d'histoire pour le constater.
Je suis un faux bouddhiste lool, mais de ce que j'ai pu lire, je n'ai pas vu que la prise de conscience de la vacuité entraînait une posture qui déresponsabiliserait, mais à l'inverse une plus grande justesse d'état d'esprit fasse aux expériences. Le détachement dans ce sens ne doit pas consister à se bander les yeux
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
A mon sens vouloir trop intellectualiser la thèse de la vacuité est une fausse piste, il s'agit plus d'une attitude intérieure avec laquelle on aborde les différents phénomènes que l'on peut rencontrer dans la vie.
Pour l'exemple des différents commentaires sur le forum, qu'ils nous plaisent ou pas, fondamentalement ils ne sont ni bon ni mauvais, il n'y a que notre façon d'y réagir en fonction de ce qu'on ressent intérieurement.
Si a leur lecture ils doivent nous plonger dans un profond désarroi que l'on ne sait pas gérer ou mal, et qu'ils tirent notre vie vers le bas, ce n'est que l'expression de notre moi qui n'est pas clair vis à vis de leur nature profonde, et l'on est ainsi influençable.
C'est cette parité qui entre les deux fait la différence entre bonheur et malheur.
Pour l'exemple des différents commentaires sur le forum, qu'ils nous plaisent ou pas, fondamentalement ils ne sont ni bon ni mauvais, il n'y a que notre façon d'y réagir en fonction de ce qu'on ressent intérieurement.
Si a leur lecture ils doivent nous plonger dans un profond désarroi que l'on ne sait pas gérer ou mal, et qu'ils tirent notre vie vers le bas, ce n'est que l'expression de notre moi qui n'est pas clair vis à vis de leur nature profonde, et l'on est ainsi influençable.
C'est cette parité qui entre les deux fait la différence entre bonheur et malheur.
Rio sur Seine- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
résumé sur la vacuité et la production conditionnée dans le zen
La coproduction conditionnée ou les Douze Causes Interdépendantes.
12innen1
La coproduction conditionnée est une autre manière de comprendre la souffrance, les causes de la souffrance, la façon d’y remédier et le nirvana, c'est-à-dire ce qu’il en est de la cessation de la souffrance. Dans le Mahayana, on insiste beaucoup sur ce dernier point. Généralement, dans le bouddhisme des origines, les moines se concentraient sur l’étude des Quatre Nobles Vérités et sur l’Octuple Sentier. Avec le développement du Grand Véhicule, cinq siècles plus tard, la présentation de la réalité de la vie, à travers l’enseignement de la coproduction conditionnée, a été davantage utilisée. À la fois en tant que vérité relative, expliquant le processus du karma et de la transmigration dans les six mondes, les six chemins de souffrance mais également la libération possible.
Avec le Mahayana et surtout avec Nagarjuna, la coproduction conditionnée devient la base d’une conception plus profonde de la réalité, qu’on appelle « réalité profonde » ou « absolue », ce dernier mot n’ayant pas vraiment de sens. Cela devient en tout cas le fondement d’une nouvelle compréhension de la vacuité, et donc de la libération.
Je voudrais insister sur le fait suivant : si, avec l’évolution de la compréhension du Dharma, certains de ses aspects ont été selon l’époque mis davantage en valeur, cela ne signifie pas qu’il aurait existé des enseignements cachés du Bouddha, que sa manière d’enseigner aurait d’abord été superficielle, pour des disciples peu profonds, puis que les enseignements profonds du Grand Véhicule auraient été redécouverts cinq siècles plus tard. Shakyamuni a dit avant de mourir : « Je n’ai rien gardé caché. » Le Dharma a été entièrement transmis dès l’origine. C’est ce que nous allons voir avec l’enseignement de ces Douze Causes Interdépendantes.
Les Quatre Nobles Vérités présentent la vie de transmigration d’une manière un peu statique : la souffrance, qui est décrite dans tous ses détails, les causes de la souffrance, c’est-à-dire essentiellement l’ignorance, la haine et le désir (les Trois Poisons), la possibilité de s’en libérer qu’on appelle nirvana et la voie aux huit sentiers. Mais dès l’origine, dans la nuit même de son éveil, le Bouddha a eu une autre vision de ce qu’il a appelé la voie du milieu, entre l’ascèse extrême et la complaisance pour les désirs des sens. Cette voie du milieu s’exprimait à travers l’Octuple Sentier. Mais c’est aussi la voie du milieu entre deux extrêmes, l’existence et la non-existence. La coproduction conditionnée permet de comprendre cette voie du milieu.
Dans cette nuit de l’Eveil, le Bouddha s’est demandé : d’où proviennent la vieillesse et la mort ? D’où provient le fait de devoir mourir ? Quelle en est la cause ? Il est donc remonté au fait de la naissance. La cause de la mort est la naissance. Pas de naissance, pas de mort. On dit que réaliser l’éveil, c’est réaliser le non né, la non-naissance et évidemment la non-mort. Ensuite, il s’est demandé ce qui provoque la naissance. La naissance provient d’une volonté de devenir, de continuer à exister. Et il est remonté ainsi jusqu’à l’ignorance. Pour des raisons pédagogiques, il l’a exposé en sens inverse.
Pour montrer que ceci était dès l’origine au cœur de son enseignement, sans attendre le Mahayana et Nagarjuna, référons-nous à l’Acela Sutra, dans lequel un ascète nommé Kashyapa, le questionne pendant qu’il fait sa tournée d’aumônes.
La question de Kashyapa, qui est aussi la notre, est la suivante : « La souffrance de l’individu est-elle créée par lui-même ? Sommes nous la cause de nos souffrances ? » Nous croyons parfois que la loi du karma voudrait dire que nous sommes responsables de nos souffrances. Ce n’est pas la voie du milieu. Le Bouddha répond : « Non, l’individu n’est pas la cause de sa souffrance. »
L’ascète demande : « Souffrons-nous à cause de quelqu’un d’autre ? » Shakyamuni répond : « Non, ce n’est pas quelqu’un d’autre qui est la cause de la souffrance. »
« La souffrance apparaîtrait-elle par hasard ? », demande l’ascète. Le Bouddha répond : « Non, ce n’est pas par hasard. »
L’ascète demande : « Si elle n’apparaît ni à cause de soi, ni à cause d’un autre, ni par hasard, voulez-vous dire que la souffrance est inexistante ? » Et Shakyamuni répond : « Ce n’est pas ce que je veux dire. »
L’ascète, pris de doute, demande alors : « Peut-être ignorez-vous ce qu’est la souffrance ? » Le Bouddha répond : « Non, ce n’est pas que je ne connaisse pas la souffrance. »
L’ascète insiste, pendant cette tournée d’aumônes, le Bouddha décide donc de lui donner des explications, en lui disant : « Si vous pensez que la souffrance de l’individu est créée par lui-même, vous commettez l’erreur de croire que l’individu est éternel, puisque c’est le même individu qui crée un karma et qui en reçoit le fruit. Ceci n’est pas la voie que j’enseigne, car c’est un extrême de croire à l’éternité d’un individu. Si vous croyez que la souffrance est causée par quelqu’un d’autre, vous sombrez dans le nihilisme. »
Pour Shakyamuni, la thèse du péché originel serait une théorie nihiliste. Adam et Eve ayant commis une faute dans un lointain passé, nous en subissons les conséquences maintenant. Cela signifierait qu’un individu peut commettre quelque chose, puis disparaître sans jamais recevoir les résultats de son action. Pour Bouddha, c’est une thèse nihiliste, qui aboutit à la négation de la responsabilité et de la causalité karmique. Ce n’est donc ni l’individu ni un autre qui est cause de la souffrance, ce qui conduit Shakyamuni à enseigner que la cause de la souffrance est la coproduction conditionnée : conditionnées par l’ignorance se produisent les formations mentales, etc.
C’est la roue des Douze Causes Interdépendantes.
En français on l’appelle ‘coproduction conditionnée’, en sanscrit ‘pratitya-samutpada’. En japonais, comme en parlait Maître Deshimaru dans ses commentaires de l’Hannya Shingyo, ‘les 12 innen’ ou ‘junieng’i.
Le point de départ traditionnel, l’origine de la transmigration ou samsara, est l’ignorance.
En fait, on n’est pas « dans » le samsara, notre existence conditionnée « est » le samsara. Le fait d’exister, en étant soumis à ces causes et conditions que je vais décrire, est le samsara. Dans cette existence, nous traversons les six états : souffrance infernale ; souffrance d’affamé, en proie à l’avidité ; état animal, dominé par l’ignorance et les instincts ; état humain ; état d’asura, ces divinités combattantes (ou titans), représentant notre esprit de compétition, d’obtention de pouvoir et positions ; état de deva, état de bonheur, de béatitude, qui peut nous faire penser que nous avons obtenu le satori, alors qu’il s’agit d’un état conditionné, impermanent et cause de souffrance quand il cessera. Nous tournons dans ces six états, que ce soit dans l’espace d’un zazen, d’une vie, ou d’un cycle infini de vies et de morts s’enchaînant les unes aux autres en fonction de la loi du karma.
Commençons par l’ignorance, dont Maître Deshimaru disait que c’était ne pas se connaître soi-même profondément. Pour Shakyamuni, c’était ne pas avoir compris les Quatre Nobles Vérités, le Dharma, ni le processus que je vous explique ici. Ne pas le comprendre pousse à agir, ce sont les samskara, impulsions et motivations à l’action, volontés et impulsions non éclairées par la sagesse et conditionnées par les productions de l’ignorance, c'est-à-dire l’avidité et la haine. Nos actions vont produire un karma douloureux dans l’immédiat, et surtout nous projeter dans la dynamique de continuer à exister en samsara.
Cela conditionne la conscience. Situons-nous dans un cycle de renaissance : dans une vie donnée, la conscience, influencée par le karma, produit une conscience de renaissance, dernière conscience avant la mort, qui conditionne le désir de renaître et produit une énergie, une dynamique poussant à renaître avec corps et esprit. Dans la tradition indienne, la naissance n’est pas seulement conditionnée par la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule, mais aussi par la conscience de renaissance. Il y a donc trois « personnes » au moment de la naissance. La conscience de renaissance permet la conception d’un nouveau corps et esprit, appelé namarupa, qui sont les cinq skandha formant « l’individu ». Le corps, c’est rupa (ou shiki en japonais), qui est le premier skandha. Nama est ce qui est de l’ordre du mental : sensations, perceptions, impulsions à agir (samskara), les fabrications mentales et la conscience.
A partir de ce moment naît un nouvel individu. En contact avec le monde extérieur se développent les six domaines des sens, dépendant pour leur fonctionnement des six organes des sens, yeux, nez, oreilles, bouche, toucher, et la conscience, considérée comme un des organes des sens. Leur fonctionnement nécessite la présence des objets, visuels, auditifs etc., mais aussi de la conscience liée à ces organes des sens. C’est la genèse d’un individu, à partir du bébé en contact avec le monde extérieur par ses organes des sens, et dont la conscience se développe.
Les sensations sont produites.
Elles sont de deux types, dont l’un correspond aux perceptions ou sensations cognitives nous permettant de reconnaître les objets, sans intervention de l’émotion. Puis viennent les sensations affectives nous permettant d’apprécier les qualités des objets : bon, mauvais, j’aime ou je n’aime pas, ou bien neutre.
Les sensations provoquent le désir. Si la sensation est agréable, on veut la perpétuer ou la renouveler. Un verre de vin, c’est bon, encore un, puis la bouteille, de l’argent pour continuer ! La vie est souvent basée là-dessus : goûter avec plaisir, puis se procurer l’objet qui le procure, puis se lancer dans les entreprises qui assureront sa possession, ce qui conditionne l’avidité, l’attachement, etc. Inversement, le désir peut être un désir de rejet de ce qui nous est désagréable : rejeter, éliminer l’autre qui nous gêne. Le désir provoque donc l’attachement et les angoisses, la peur de perdre l’objet, un partenaire par exemple, ce qui provoque anxiété et jalousie.
Désir et attachement produisent le souhait de continuer à exister dans ce monde pour jouir de ce qui nous fait plaisir. La vie étant courte, on se projette avec une forte énergie vers une existence future : continuer à renaître, devenir encore.
Il est difficile dans le bouddhisme d’expliquer la renaissance sans l’existence d’un soi permanent qui transmigre. Disons que c’est l’énergie de cette conscience, qui, sans être quelque chose de fixe, est dans un processus de vouloir redevenir, provoquant une nouvelle naissance, vieillesse et mort. Cette nouvelle existence, impermanente, sujette aux frustrations et maladies, aboutit en effet à la vieillesse et à la mort.
On voit bien, à partir de là, que l’existence humaine est hautement impermanente ; qu’un individu n’est que la combinaison de cinq agrégats, namarupa, conditionnés par l’ignorance, etc. En même temps, si on comprend ce processus, on peut voir la possibilité d’y mettre fin. Pour y mettre fin, l’enseignement du Bouddha indique deux points sensibles pour commencer : l’ignorance et le désir, impliquant la haine.
Si on considère les anneaux de cette chaîne, nous enchaînant en un cycle, la meilleure façon de nous en échapper est de briser un de ces anneaux, soit en nous éveillant de notre ignorance (la meilleure manière) soit, comme les ascètes, de tenter de vaincre les désirs. Mais on ne peut être réellement sans désirs que si on en a compris la vacuité, que si on a réalisé la non-dualité avec tous les objets, et finalement résolu l’ignorance. C’est à ce niveau que travaille le Dharma du Bouddha, pour aider les hommes à se libérer de leur souffrance.
Tout ceci est la dimension relative. C’est ainsi que cela fonctionne dans le monde des phénomènes. On pourrait imaginer une autre approche, par exemple une approche scientifique – neurophysiologique – qui explique comment se fait le devenir d’un être humain. Il est remarquable que soit née, cinq siècles avant J-C., cette tentative d’une compréhension, d’une loi qui explique ce devenir. Non pas un mythe, une croyance, mais vraiment une loi qui peut se décomposer et fonctionner comme une causalité. La vision de Shakyamuni, qui conçut et enseigna cela, était une vision extrêmement moderne de notre propre fonctionnement.
Cette vision est reprise par la suite, par exemple par Nagarjuna et en général par tous les grands maîtres du Mahayana, pour signifier que tout ce qui existe, en tant qu’êtres sensibles, les êtres qui sont dans le samsara, résulte de causes et de conditions et n’existe pas par soi-même. Aucun d’entre eux n’a de substance propre. C’est une autre manière de démontrer l’erreur que constitue la croyance en un ego substantiel et permanent, en soi. Il ne peut y avoir qu’un flux d’enchaînements de causes et de conditions. Cette Voie du Milieu dont parlera abondamment Nagarjuna, est déjà exprimée par Bouddha. Il dit : cet enseignement signifie que l’individu n’est ni éternel, ni destiné à s’anéantir, mais il est un flux s’écoulant comme une rivière.
Nagarjuna
Quant à Nagarjuna, il a vécu entre le deuxième et le troisième siècle après J-C, sept ou huit siècles après Bouddha Shakyamuni. C’était à la fois un moine et un puissant penseur, qui a considéré, avec d’autres penseurs du Mahayana, que le pouvoir libérateur de l’enseignement de Shakyamuni était dangereusement compromis par les élaborations théoriques des penseurs de l’Abhidharma. Ces penseurs essayèrent, au fil des siècles, de systématiser l’enseignement du Bouddha, ses intuitions et ses enseignements, en donnant de la réalité une description tendant à faire croire, malgré l’enseignement fondamental de la vacuité, qu’il existait, à la base de la réalité que nous rencontrons, des éléments possédant une nature en soi. Les penseurs de l’Abhidharma les nommèrent : les dharma, sortes de briques constitutives de l’édifice de l’existence. Même s’ils voulaient bien admettre que ces dharma n’étaient pas permanents, ils leur conféraient une nature permanente. Par exemple, le feu possède la nature propre de brûler, son svabhava. Ou bien l’eau, dont la nature est d’être humide et de pouvoir arroser, etc. Ils ont dénombré soixante-quatorze dharma. A travers cette description, ils en venaient à nier l’interdépendance et la vacuité et à reconstituer des entités ayant une nature propre. Toute une élucubration théorique naissait qui, selon Nagarjuna, menaçait gravement la possibilité de se libérer et de s’éveiller en suivant l’enseignement du Bouddha.
Nagarjuna a écrit un poème en vers, le Madhyamika-karika, traduit en français par « Stances du Milieu » ou « Poèmes du Milieu ». Je ne vais pas détailler les vingt-sept chapitres des Stances, dans lesquels Nagarjuna aborde tous les grands thèmes du Dharma de Bouddha : l’ego, le temps, la marche, le nirvana, etc.
Voici le commencement, les stances dédiées à Shakyamuni Bouddha. Ces stances sont comme un coup de tonnerre. Il dit :
« Sans rien qui cesse ou se produise, sans rien qui soit anéanti ou qui soit éternel, sans unité ou diversité, sans arrivée ni départ, telle est la coproduction conditionnée. »
En vérité profonde, rien ne cesse, rien n’est jamais produit, il n’y a qu’un enchaînement de causes et de conditions, donc aucun des maillons de la chaîne n’a de substance propre, il est causé par le précédent, mais le précédent est également influencé par ce qui le suit. Par exemple, l’ignorance conditionne les tendances à agir, mais ces tendances accroissent l’ignorance, et il en est de même pour chacun des anneaux.
Nagarjuna ajoute : « C’est la coproduction conditionnée des mots et des choses. C’est l’apaisement béni. Celui qui nous l’a enseigné, l’Eveillé Parfait, est le meilleur instructeur, que je salue. » Pour Nagarjuna, c’est le cœur du Dharma de Bouddha, qu’il va s’efforcer, tout au long des stances suivantes, de détailler et développer. Mais pour comprendre les choses de cette manière, il faut admettre ce qu’il développe dans le chapitre 24, concernant les Quatre Nobles Vérités. Il y répond aux théoriciens de l’Abhidharma, dans un dialogue supposé, n’avançant jamais une thèse, mais déconstruisant et démontant leurs théories. Même la coproduction conditionnée finit par être complètement démontée.
Il dit au chapitre 1 : « Puisque dans ce domaine, tout est conditionné, rien n’existe en soi, donc rien ne peut conditionner quoi que ce soit. Parler de conditions n’a pas de sens. »
On dit parfois que cela ressemble à un sophisme, que c’est paradoxal. Mais il faut comprendre que ce à quoi s’attaque Nagarjuna, ce n’est pas à la vie phénoménale dans laquelle nous sommes, mais aux conceptions que l’on se fait de la vie, conceptions qui accroissent l’ignorance et nous empêchent de réaliser l’éveil.
Au chapitre 25, faisant parler des adversaires qui lui diraient :
« Avec votre théorie, et notamment l’affirmation de la vacuité universelle, il n’y a plus les Quatre Nobles Vérités. »
C’est ce qui a été développé dans l’Hannya Shingyo : dans ku, il n’y a pas les cinq agrégats, ni les Quatre Nobles Vérités, ni souffrance ni cessation de la souffrance, ni extinction, pas de nirvana, toutes les conceptions sont niées.
Ses adversaires lui diraient alors :
« Vous êtes un nihiliste, vous niez le Dharma du Bouddha, vous êtes quelqu’un de dangereux. »
Il répond :
« Non, c’est vous qui ne comprenez pas le sens de la vacuité. Pour comprendre la vacuité, au sens où je l’utilise, vous devez considérer qu’il y a deux vérités. Une vérité conventionnelle, sur laquelle tout le monde est d’accord dans la vie quotidienne, et une vérité ultime, qu’on découvre sous la surface des choses.»
Tous les dharma étant conditionnés, sans substance, cette pensée de ku, évoquée dans l’Hannya Shingyo, n’est pertinente que du point de vue profond. Par exemple, du point de vue du regard qu’on peut avoir sur les choses en zazen. Cela n’empêche pas que cette réalité de ku coexiste avec shiki, les phénomènes. Et Nagarjuna, comme l’Hannya Shingyo, ne nie pas l’existence des phénomènes, il en nie seulement la solidité, la substance, et les voit comme des flux d’interdépendance.
Nagarjuna renverse la critique de ses adversaires qui lui disaient qu’il détruisait le Dharma de Bouddha, et leur réplique :
« C’est vous les destructeurs du Dharma de Bouddha. Car si vous n’admettez pas la vacuité, les 12 innen, les causes interdépendantes – pour lui, c’était exactement la même chose, vacuité signifiant que tout ce qui existe est conditionné, donc sans substance, vide de substance – alors vous croyez que les êtres et les choses existent par eux-mêmes, de manière substantielle. Par exemple, vous croyez que la souffrance existe par elle-même, qu’elle n’a pas de cause. »
C’est le début de l’Acela Sutra, la souffrance ne serait causée par rien. N’étant causée par rien, elle est indestructible. Il n’y aurait donc jamais aucun moyen de s’en libérer. De même pour l’ego, pour tout. Aucun progrès spirituel ne serait à espérer dans un monde de substances, aucune libération à espérer dans un monde sans vacuité, un monde où tout serait comme figé, congelé dans des substances.
Cela correspond un peu à ce que Kodo Sawaki appelait « le monde de l’ego », qu’il comparait au monde en dessous de zéro degré, où l’eau gèle, où tout se prend dans la glace. Dans ce monde-là, rien ne pourrait se transformer, on y est complètement sclérosé, coincé. Je passe ici volontairement de la notion de vérité absolue, essentielle, à l’expérience concrète d’être coagulé, mais c’est le même phénomène. La souffrance qui existe par elle-même, l’ego qui existe par lui-même, qui n’est pas conditionné, ne pourront ni cesser, ni se transformer, et donc jamais aucune libération ne pourra être réalisée.
Voilà ce que dit Nagarjuna. Ce n’est pas pour détruire gratuitement des conceptions et en affirmer d’autres. Il n’affirme rien, mais essaye d’éliminer toutes les illusions intellectuelles de ses adversaires qui font perdre au Dharma sa puissance libératrice. Il ne fait que prêcher un retour aux origines. Comme lorsque Bouddha, avec son bol, répondait à cet ascète, qui courait derrière lui pour lui demander l’origine de la souffrance. En quelques mots, en quelques minutes, il lui a exposé les principes de base de la production conditionnée et de la possibilité de se libérer.
Je vais terminer en évoquant autre chose. Dans ses Stances, Nagarjuna dit : « La coproduction conditionnée des mots et des choses, l’apaisement béni. » Il évoque les mots et les choses. Il s’est en fait attaqué davantage aux mots qu’aux choses. Nagarjuna n’a jamais nié l’existence du corps, du nez, des phénomènes. Ce qu’il a nié sont les idées fausses qu’on s’en fait. Les gens passionnés par le Madhyamika, ont l’impression que Nagarjuna a découvert quelque chose de fantastique, qu’il est un révolutionnaire. En fait, il n’a fait que redécouvrir ce que Bouddha a dit en des termes très simples : quand ceci est, cela est.
Je vais évoquer maintenant le plus long des sutra du Majjima nikaya, le premier, le Mula-paryaya Sutra. Son titre en été traduit, de façon erronée, à mon sens, par Cause Originelle, car pour Bouddha, dans sa vision de la réalité, il n’y a pas de cause originelle. Croire qu’il existe une cause originelle, c’est faire fausse route dans l’enseignement du Bouddha. On pourrait plutôt traduire par « la racine de toutes les illusions », à condition d’envisager que la racine elle-même est conditionnée, qu’elle n’est pas une origine. Ce sermon a été prononcé devant cinq cents brahmanes qui venaient de se convertir au bouddhisme, et en tant qu’érudits, ils étaient très fiers de leurs connaissances et avaient l’impression d’avoir compris le Dharma du Bouddha d’une manière que le Bouddha considérait comme comprise à travers les mots, trop intellectuelle.
Il distingue dans ce sermon trois sortes de personnes. L’être humain ordinaire, qui est dans l’illusion, non instruit dans le Dharma, et qui, percevant la terre, nomme la terre, se met à penser à la terre. A partir de là, il s’identifie à la terre, éventuellement pense que cette terre est sienne, se réjouit de la terre. Autrement dit, à partir d’une perception, la terre, et de sa nomination, il en fait une notion qui devient le point de départ de tout un processus de désir, d’attachement. Pourquoi l’être humain ordinaire fait-il cela ? À cause de son ignorance, dit le Bouddha. Il énumère ensuite tous les éléments de la réalité, comme une litanie. Il pense à l’eau comme étant de l’eau, s’identifie à l’eau, désire l’eau, veut se l’approprier, etc. L’eau, le feu, tous les éléments, toutes les catégories d’êtres, de concepts, l’unité, la multiplicité, la totalité, toutes les constructions mentales, tout ce que conçoit l’esprit humain devient objet d’attachement, d’identification, de désir. Et enfin, il en vient au nirvana. C’est pour lui exactement le même processus. Cet individu errant dans l’illusion emploie le concept de nirvana, s’y attache, le désire, veut se l’approprier. Pourquoi ? A cause de son ignorance.
On n’a donc pas attendu le bouddhisme Mahayana pour dénoncer l’attachement au nirvana. Shakyamuni le dénonçait dés le début, comme étant un attachement lié à l’ignorance, ce qui évidemment empêchait la véritable libération.
La deuxième catégorie d’individus est composée de personnes qui s’efforcent de ne pas penser ainsi. Dans le zen, nous parlerions des gens qui pratiquent de manière progressive. On peut évoquer les moqueries adressées à Jinshu, qui voulait nettoyer le miroir des impuretés de ses illusions, croyant encore à la réalité de ces illusions et s’efforçant de ne pas s’y attacher. Une telle personne passe en revue tous les aspects de la réalité, y compris le nirvana, s’efforçant de ne pas s’y attacher. Pourquoi ? A cause de son ignorance.
Le troisième personnage dans ce sutra est l’éveillé, l’arhat. Cet éveillé ne pense pas, il ne s’efforce pas de ne pas penser, il ne pense pas en termes de terre, eau, air, feu et de nirvana. Autrement dit, il ne crée pas de constructions mentales, de samskara qui font désirer, agir etc. Pourquoi ? Parce qu’il s’est libéré de l’avidité, de la haine et de l’ignorance. Surtout de l’ignorance. Il a compris le mécanisme de toutes ses fabrications mentales, donc n’a pas besoin de s’efforcer de ne pas penser en ces termes ; tout simplement, il ne pense pas ainsi. C’est ce que, par la suite, les maîtres zen ont conduit leurs disciples à réaliser, en développant une autre manière de penser : hishiryo dans le zen, la pensée au-delà de la pensée conceptuelle, au-delà de l’attachement aux fabrications mentales, au-delà de toute tentative d’enfermer la réalité dans quelque système que ce soit, y compris ce système-là, qui est encore relatif, une manière d’expliquer, elle aussi conditionnée.
http://www.abzen.eu/fr/enseignement/enseignement/21-les-12-innen
La coproduction conditionnée ou les Douze Causes Interdépendantes.
12innen1
La coproduction conditionnée est une autre manière de comprendre la souffrance, les causes de la souffrance, la façon d’y remédier et le nirvana, c'est-à-dire ce qu’il en est de la cessation de la souffrance. Dans le Mahayana, on insiste beaucoup sur ce dernier point. Généralement, dans le bouddhisme des origines, les moines se concentraient sur l’étude des Quatre Nobles Vérités et sur l’Octuple Sentier. Avec le développement du Grand Véhicule, cinq siècles plus tard, la présentation de la réalité de la vie, à travers l’enseignement de la coproduction conditionnée, a été davantage utilisée. À la fois en tant que vérité relative, expliquant le processus du karma et de la transmigration dans les six mondes, les six chemins de souffrance mais également la libération possible.
Avec le Mahayana et surtout avec Nagarjuna, la coproduction conditionnée devient la base d’une conception plus profonde de la réalité, qu’on appelle « réalité profonde » ou « absolue », ce dernier mot n’ayant pas vraiment de sens. Cela devient en tout cas le fondement d’une nouvelle compréhension de la vacuité, et donc de la libération.
Je voudrais insister sur le fait suivant : si, avec l’évolution de la compréhension du Dharma, certains de ses aspects ont été selon l’époque mis davantage en valeur, cela ne signifie pas qu’il aurait existé des enseignements cachés du Bouddha, que sa manière d’enseigner aurait d’abord été superficielle, pour des disciples peu profonds, puis que les enseignements profonds du Grand Véhicule auraient été redécouverts cinq siècles plus tard. Shakyamuni a dit avant de mourir : « Je n’ai rien gardé caché. » Le Dharma a été entièrement transmis dès l’origine. C’est ce que nous allons voir avec l’enseignement de ces Douze Causes Interdépendantes.
Les Quatre Nobles Vérités présentent la vie de transmigration d’une manière un peu statique : la souffrance, qui est décrite dans tous ses détails, les causes de la souffrance, c’est-à-dire essentiellement l’ignorance, la haine et le désir (les Trois Poisons), la possibilité de s’en libérer qu’on appelle nirvana et la voie aux huit sentiers. Mais dès l’origine, dans la nuit même de son éveil, le Bouddha a eu une autre vision de ce qu’il a appelé la voie du milieu, entre l’ascèse extrême et la complaisance pour les désirs des sens. Cette voie du milieu s’exprimait à travers l’Octuple Sentier. Mais c’est aussi la voie du milieu entre deux extrêmes, l’existence et la non-existence. La coproduction conditionnée permet de comprendre cette voie du milieu.
Dans cette nuit de l’Eveil, le Bouddha s’est demandé : d’où proviennent la vieillesse et la mort ? D’où provient le fait de devoir mourir ? Quelle en est la cause ? Il est donc remonté au fait de la naissance. La cause de la mort est la naissance. Pas de naissance, pas de mort. On dit que réaliser l’éveil, c’est réaliser le non né, la non-naissance et évidemment la non-mort. Ensuite, il s’est demandé ce qui provoque la naissance. La naissance provient d’une volonté de devenir, de continuer à exister. Et il est remonté ainsi jusqu’à l’ignorance. Pour des raisons pédagogiques, il l’a exposé en sens inverse.
Pour montrer que ceci était dès l’origine au cœur de son enseignement, sans attendre le Mahayana et Nagarjuna, référons-nous à l’Acela Sutra, dans lequel un ascète nommé Kashyapa, le questionne pendant qu’il fait sa tournée d’aumônes.
La question de Kashyapa, qui est aussi la notre, est la suivante : « La souffrance de l’individu est-elle créée par lui-même ? Sommes nous la cause de nos souffrances ? » Nous croyons parfois que la loi du karma voudrait dire que nous sommes responsables de nos souffrances. Ce n’est pas la voie du milieu. Le Bouddha répond : « Non, l’individu n’est pas la cause de sa souffrance. »
L’ascète demande : « Souffrons-nous à cause de quelqu’un d’autre ? » Shakyamuni répond : « Non, ce n’est pas quelqu’un d’autre qui est la cause de la souffrance. »
« La souffrance apparaîtrait-elle par hasard ? », demande l’ascète. Le Bouddha répond : « Non, ce n’est pas par hasard. »
L’ascète demande : « Si elle n’apparaît ni à cause de soi, ni à cause d’un autre, ni par hasard, voulez-vous dire que la souffrance est inexistante ? » Et Shakyamuni répond : « Ce n’est pas ce que je veux dire. »
L’ascète, pris de doute, demande alors : « Peut-être ignorez-vous ce qu’est la souffrance ? » Le Bouddha répond : « Non, ce n’est pas que je ne connaisse pas la souffrance. »
L’ascète insiste, pendant cette tournée d’aumônes, le Bouddha décide donc de lui donner des explications, en lui disant : « Si vous pensez que la souffrance de l’individu est créée par lui-même, vous commettez l’erreur de croire que l’individu est éternel, puisque c’est le même individu qui crée un karma et qui en reçoit le fruit. Ceci n’est pas la voie que j’enseigne, car c’est un extrême de croire à l’éternité d’un individu. Si vous croyez que la souffrance est causée par quelqu’un d’autre, vous sombrez dans le nihilisme. »
Pour Shakyamuni, la thèse du péché originel serait une théorie nihiliste. Adam et Eve ayant commis une faute dans un lointain passé, nous en subissons les conséquences maintenant. Cela signifierait qu’un individu peut commettre quelque chose, puis disparaître sans jamais recevoir les résultats de son action. Pour Bouddha, c’est une thèse nihiliste, qui aboutit à la négation de la responsabilité et de la causalité karmique. Ce n’est donc ni l’individu ni un autre qui est cause de la souffrance, ce qui conduit Shakyamuni à enseigner que la cause de la souffrance est la coproduction conditionnée : conditionnées par l’ignorance se produisent les formations mentales, etc.
C’est la roue des Douze Causes Interdépendantes.
En français on l’appelle ‘coproduction conditionnée’, en sanscrit ‘pratitya-samutpada’. En japonais, comme en parlait Maître Deshimaru dans ses commentaires de l’Hannya Shingyo, ‘les 12 innen’ ou ‘junieng’i.
Le point de départ traditionnel, l’origine de la transmigration ou samsara, est l’ignorance.
En fait, on n’est pas « dans » le samsara, notre existence conditionnée « est » le samsara. Le fait d’exister, en étant soumis à ces causes et conditions que je vais décrire, est le samsara. Dans cette existence, nous traversons les six états : souffrance infernale ; souffrance d’affamé, en proie à l’avidité ; état animal, dominé par l’ignorance et les instincts ; état humain ; état d’asura, ces divinités combattantes (ou titans), représentant notre esprit de compétition, d’obtention de pouvoir et positions ; état de deva, état de bonheur, de béatitude, qui peut nous faire penser que nous avons obtenu le satori, alors qu’il s’agit d’un état conditionné, impermanent et cause de souffrance quand il cessera. Nous tournons dans ces six états, que ce soit dans l’espace d’un zazen, d’une vie, ou d’un cycle infini de vies et de morts s’enchaînant les unes aux autres en fonction de la loi du karma.
Commençons par l’ignorance, dont Maître Deshimaru disait que c’était ne pas se connaître soi-même profondément. Pour Shakyamuni, c’était ne pas avoir compris les Quatre Nobles Vérités, le Dharma, ni le processus que je vous explique ici. Ne pas le comprendre pousse à agir, ce sont les samskara, impulsions et motivations à l’action, volontés et impulsions non éclairées par la sagesse et conditionnées par les productions de l’ignorance, c'est-à-dire l’avidité et la haine. Nos actions vont produire un karma douloureux dans l’immédiat, et surtout nous projeter dans la dynamique de continuer à exister en samsara.
Cela conditionne la conscience. Situons-nous dans un cycle de renaissance : dans une vie donnée, la conscience, influencée par le karma, produit une conscience de renaissance, dernière conscience avant la mort, qui conditionne le désir de renaître et produit une énergie, une dynamique poussant à renaître avec corps et esprit. Dans la tradition indienne, la naissance n’est pas seulement conditionnée par la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule, mais aussi par la conscience de renaissance. Il y a donc trois « personnes » au moment de la naissance. La conscience de renaissance permet la conception d’un nouveau corps et esprit, appelé namarupa, qui sont les cinq skandha formant « l’individu ». Le corps, c’est rupa (ou shiki en japonais), qui est le premier skandha. Nama est ce qui est de l’ordre du mental : sensations, perceptions, impulsions à agir (samskara), les fabrications mentales et la conscience.
A partir de ce moment naît un nouvel individu. En contact avec le monde extérieur se développent les six domaines des sens, dépendant pour leur fonctionnement des six organes des sens, yeux, nez, oreilles, bouche, toucher, et la conscience, considérée comme un des organes des sens. Leur fonctionnement nécessite la présence des objets, visuels, auditifs etc., mais aussi de la conscience liée à ces organes des sens. C’est la genèse d’un individu, à partir du bébé en contact avec le monde extérieur par ses organes des sens, et dont la conscience se développe.
Les sensations sont produites.
Elles sont de deux types, dont l’un correspond aux perceptions ou sensations cognitives nous permettant de reconnaître les objets, sans intervention de l’émotion. Puis viennent les sensations affectives nous permettant d’apprécier les qualités des objets : bon, mauvais, j’aime ou je n’aime pas, ou bien neutre.
Les sensations provoquent le désir. Si la sensation est agréable, on veut la perpétuer ou la renouveler. Un verre de vin, c’est bon, encore un, puis la bouteille, de l’argent pour continuer ! La vie est souvent basée là-dessus : goûter avec plaisir, puis se procurer l’objet qui le procure, puis se lancer dans les entreprises qui assureront sa possession, ce qui conditionne l’avidité, l’attachement, etc. Inversement, le désir peut être un désir de rejet de ce qui nous est désagréable : rejeter, éliminer l’autre qui nous gêne. Le désir provoque donc l’attachement et les angoisses, la peur de perdre l’objet, un partenaire par exemple, ce qui provoque anxiété et jalousie.
Désir et attachement produisent le souhait de continuer à exister dans ce monde pour jouir de ce qui nous fait plaisir. La vie étant courte, on se projette avec une forte énergie vers une existence future : continuer à renaître, devenir encore.
Il est difficile dans le bouddhisme d’expliquer la renaissance sans l’existence d’un soi permanent qui transmigre. Disons que c’est l’énergie de cette conscience, qui, sans être quelque chose de fixe, est dans un processus de vouloir redevenir, provoquant une nouvelle naissance, vieillesse et mort. Cette nouvelle existence, impermanente, sujette aux frustrations et maladies, aboutit en effet à la vieillesse et à la mort.
On voit bien, à partir de là, que l’existence humaine est hautement impermanente ; qu’un individu n’est que la combinaison de cinq agrégats, namarupa, conditionnés par l’ignorance, etc. En même temps, si on comprend ce processus, on peut voir la possibilité d’y mettre fin. Pour y mettre fin, l’enseignement du Bouddha indique deux points sensibles pour commencer : l’ignorance et le désir, impliquant la haine.
Si on considère les anneaux de cette chaîne, nous enchaînant en un cycle, la meilleure façon de nous en échapper est de briser un de ces anneaux, soit en nous éveillant de notre ignorance (la meilleure manière) soit, comme les ascètes, de tenter de vaincre les désirs. Mais on ne peut être réellement sans désirs que si on en a compris la vacuité, que si on a réalisé la non-dualité avec tous les objets, et finalement résolu l’ignorance. C’est à ce niveau que travaille le Dharma du Bouddha, pour aider les hommes à se libérer de leur souffrance.
Tout ceci est la dimension relative. C’est ainsi que cela fonctionne dans le monde des phénomènes. On pourrait imaginer une autre approche, par exemple une approche scientifique – neurophysiologique – qui explique comment se fait le devenir d’un être humain. Il est remarquable que soit née, cinq siècles avant J-C., cette tentative d’une compréhension, d’une loi qui explique ce devenir. Non pas un mythe, une croyance, mais vraiment une loi qui peut se décomposer et fonctionner comme une causalité. La vision de Shakyamuni, qui conçut et enseigna cela, était une vision extrêmement moderne de notre propre fonctionnement.
Cette vision est reprise par la suite, par exemple par Nagarjuna et en général par tous les grands maîtres du Mahayana, pour signifier que tout ce qui existe, en tant qu’êtres sensibles, les êtres qui sont dans le samsara, résulte de causes et de conditions et n’existe pas par soi-même. Aucun d’entre eux n’a de substance propre. C’est une autre manière de démontrer l’erreur que constitue la croyance en un ego substantiel et permanent, en soi. Il ne peut y avoir qu’un flux d’enchaînements de causes et de conditions. Cette Voie du Milieu dont parlera abondamment Nagarjuna, est déjà exprimée par Bouddha. Il dit : cet enseignement signifie que l’individu n’est ni éternel, ni destiné à s’anéantir, mais il est un flux s’écoulant comme une rivière.
Nagarjuna
Quant à Nagarjuna, il a vécu entre le deuxième et le troisième siècle après J-C, sept ou huit siècles après Bouddha Shakyamuni. C’était à la fois un moine et un puissant penseur, qui a considéré, avec d’autres penseurs du Mahayana, que le pouvoir libérateur de l’enseignement de Shakyamuni était dangereusement compromis par les élaborations théoriques des penseurs de l’Abhidharma. Ces penseurs essayèrent, au fil des siècles, de systématiser l’enseignement du Bouddha, ses intuitions et ses enseignements, en donnant de la réalité une description tendant à faire croire, malgré l’enseignement fondamental de la vacuité, qu’il existait, à la base de la réalité que nous rencontrons, des éléments possédant une nature en soi. Les penseurs de l’Abhidharma les nommèrent : les dharma, sortes de briques constitutives de l’édifice de l’existence. Même s’ils voulaient bien admettre que ces dharma n’étaient pas permanents, ils leur conféraient une nature permanente. Par exemple, le feu possède la nature propre de brûler, son svabhava. Ou bien l’eau, dont la nature est d’être humide et de pouvoir arroser, etc. Ils ont dénombré soixante-quatorze dharma. A travers cette description, ils en venaient à nier l’interdépendance et la vacuité et à reconstituer des entités ayant une nature propre. Toute une élucubration théorique naissait qui, selon Nagarjuna, menaçait gravement la possibilité de se libérer et de s’éveiller en suivant l’enseignement du Bouddha.
Nagarjuna a écrit un poème en vers, le Madhyamika-karika, traduit en français par « Stances du Milieu » ou « Poèmes du Milieu ». Je ne vais pas détailler les vingt-sept chapitres des Stances, dans lesquels Nagarjuna aborde tous les grands thèmes du Dharma de Bouddha : l’ego, le temps, la marche, le nirvana, etc.
Voici le commencement, les stances dédiées à Shakyamuni Bouddha. Ces stances sont comme un coup de tonnerre. Il dit :
« Sans rien qui cesse ou se produise, sans rien qui soit anéanti ou qui soit éternel, sans unité ou diversité, sans arrivée ni départ, telle est la coproduction conditionnée. »
En vérité profonde, rien ne cesse, rien n’est jamais produit, il n’y a qu’un enchaînement de causes et de conditions, donc aucun des maillons de la chaîne n’a de substance propre, il est causé par le précédent, mais le précédent est également influencé par ce qui le suit. Par exemple, l’ignorance conditionne les tendances à agir, mais ces tendances accroissent l’ignorance, et il en est de même pour chacun des anneaux.
Nagarjuna ajoute : « C’est la coproduction conditionnée des mots et des choses. C’est l’apaisement béni. Celui qui nous l’a enseigné, l’Eveillé Parfait, est le meilleur instructeur, que je salue. » Pour Nagarjuna, c’est le cœur du Dharma de Bouddha, qu’il va s’efforcer, tout au long des stances suivantes, de détailler et développer. Mais pour comprendre les choses de cette manière, il faut admettre ce qu’il développe dans le chapitre 24, concernant les Quatre Nobles Vérités. Il y répond aux théoriciens de l’Abhidharma, dans un dialogue supposé, n’avançant jamais une thèse, mais déconstruisant et démontant leurs théories. Même la coproduction conditionnée finit par être complètement démontée.
Il dit au chapitre 1 : « Puisque dans ce domaine, tout est conditionné, rien n’existe en soi, donc rien ne peut conditionner quoi que ce soit. Parler de conditions n’a pas de sens. »
On dit parfois que cela ressemble à un sophisme, que c’est paradoxal. Mais il faut comprendre que ce à quoi s’attaque Nagarjuna, ce n’est pas à la vie phénoménale dans laquelle nous sommes, mais aux conceptions que l’on se fait de la vie, conceptions qui accroissent l’ignorance et nous empêchent de réaliser l’éveil.
Au chapitre 25, faisant parler des adversaires qui lui diraient :
« Avec votre théorie, et notamment l’affirmation de la vacuité universelle, il n’y a plus les Quatre Nobles Vérités. »
C’est ce qui a été développé dans l’Hannya Shingyo : dans ku, il n’y a pas les cinq agrégats, ni les Quatre Nobles Vérités, ni souffrance ni cessation de la souffrance, ni extinction, pas de nirvana, toutes les conceptions sont niées.
Ses adversaires lui diraient alors :
« Vous êtes un nihiliste, vous niez le Dharma du Bouddha, vous êtes quelqu’un de dangereux. »
Il répond :
« Non, c’est vous qui ne comprenez pas le sens de la vacuité. Pour comprendre la vacuité, au sens où je l’utilise, vous devez considérer qu’il y a deux vérités. Une vérité conventionnelle, sur laquelle tout le monde est d’accord dans la vie quotidienne, et une vérité ultime, qu’on découvre sous la surface des choses.»
Tous les dharma étant conditionnés, sans substance, cette pensée de ku, évoquée dans l’Hannya Shingyo, n’est pertinente que du point de vue profond. Par exemple, du point de vue du regard qu’on peut avoir sur les choses en zazen. Cela n’empêche pas que cette réalité de ku coexiste avec shiki, les phénomènes. Et Nagarjuna, comme l’Hannya Shingyo, ne nie pas l’existence des phénomènes, il en nie seulement la solidité, la substance, et les voit comme des flux d’interdépendance.
Nagarjuna renverse la critique de ses adversaires qui lui disaient qu’il détruisait le Dharma de Bouddha, et leur réplique :
« C’est vous les destructeurs du Dharma de Bouddha. Car si vous n’admettez pas la vacuité, les 12 innen, les causes interdépendantes – pour lui, c’était exactement la même chose, vacuité signifiant que tout ce qui existe est conditionné, donc sans substance, vide de substance – alors vous croyez que les êtres et les choses existent par eux-mêmes, de manière substantielle. Par exemple, vous croyez que la souffrance existe par elle-même, qu’elle n’a pas de cause. »
C’est le début de l’Acela Sutra, la souffrance ne serait causée par rien. N’étant causée par rien, elle est indestructible. Il n’y aurait donc jamais aucun moyen de s’en libérer. De même pour l’ego, pour tout. Aucun progrès spirituel ne serait à espérer dans un monde de substances, aucune libération à espérer dans un monde sans vacuité, un monde où tout serait comme figé, congelé dans des substances.
Cela correspond un peu à ce que Kodo Sawaki appelait « le monde de l’ego », qu’il comparait au monde en dessous de zéro degré, où l’eau gèle, où tout se prend dans la glace. Dans ce monde-là, rien ne pourrait se transformer, on y est complètement sclérosé, coincé. Je passe ici volontairement de la notion de vérité absolue, essentielle, à l’expérience concrète d’être coagulé, mais c’est le même phénomène. La souffrance qui existe par elle-même, l’ego qui existe par lui-même, qui n’est pas conditionné, ne pourront ni cesser, ni se transformer, et donc jamais aucune libération ne pourra être réalisée.
Voilà ce que dit Nagarjuna. Ce n’est pas pour détruire gratuitement des conceptions et en affirmer d’autres. Il n’affirme rien, mais essaye d’éliminer toutes les illusions intellectuelles de ses adversaires qui font perdre au Dharma sa puissance libératrice. Il ne fait que prêcher un retour aux origines. Comme lorsque Bouddha, avec son bol, répondait à cet ascète, qui courait derrière lui pour lui demander l’origine de la souffrance. En quelques mots, en quelques minutes, il lui a exposé les principes de base de la production conditionnée et de la possibilité de se libérer.
Je vais terminer en évoquant autre chose. Dans ses Stances, Nagarjuna dit : « La coproduction conditionnée des mots et des choses, l’apaisement béni. » Il évoque les mots et les choses. Il s’est en fait attaqué davantage aux mots qu’aux choses. Nagarjuna n’a jamais nié l’existence du corps, du nez, des phénomènes. Ce qu’il a nié sont les idées fausses qu’on s’en fait. Les gens passionnés par le Madhyamika, ont l’impression que Nagarjuna a découvert quelque chose de fantastique, qu’il est un révolutionnaire. En fait, il n’a fait que redécouvrir ce que Bouddha a dit en des termes très simples : quand ceci est, cela est.
Je vais évoquer maintenant le plus long des sutra du Majjima nikaya, le premier, le Mula-paryaya Sutra. Son titre en été traduit, de façon erronée, à mon sens, par Cause Originelle, car pour Bouddha, dans sa vision de la réalité, il n’y a pas de cause originelle. Croire qu’il existe une cause originelle, c’est faire fausse route dans l’enseignement du Bouddha. On pourrait plutôt traduire par « la racine de toutes les illusions », à condition d’envisager que la racine elle-même est conditionnée, qu’elle n’est pas une origine. Ce sermon a été prononcé devant cinq cents brahmanes qui venaient de se convertir au bouddhisme, et en tant qu’érudits, ils étaient très fiers de leurs connaissances et avaient l’impression d’avoir compris le Dharma du Bouddha d’une manière que le Bouddha considérait comme comprise à travers les mots, trop intellectuelle.
Il distingue dans ce sermon trois sortes de personnes. L’être humain ordinaire, qui est dans l’illusion, non instruit dans le Dharma, et qui, percevant la terre, nomme la terre, se met à penser à la terre. A partir de là, il s’identifie à la terre, éventuellement pense que cette terre est sienne, se réjouit de la terre. Autrement dit, à partir d’une perception, la terre, et de sa nomination, il en fait une notion qui devient le point de départ de tout un processus de désir, d’attachement. Pourquoi l’être humain ordinaire fait-il cela ? À cause de son ignorance, dit le Bouddha. Il énumère ensuite tous les éléments de la réalité, comme une litanie. Il pense à l’eau comme étant de l’eau, s’identifie à l’eau, désire l’eau, veut se l’approprier, etc. L’eau, le feu, tous les éléments, toutes les catégories d’êtres, de concepts, l’unité, la multiplicité, la totalité, toutes les constructions mentales, tout ce que conçoit l’esprit humain devient objet d’attachement, d’identification, de désir. Et enfin, il en vient au nirvana. C’est pour lui exactement le même processus. Cet individu errant dans l’illusion emploie le concept de nirvana, s’y attache, le désire, veut se l’approprier. Pourquoi ? A cause de son ignorance.
On n’a donc pas attendu le bouddhisme Mahayana pour dénoncer l’attachement au nirvana. Shakyamuni le dénonçait dés le début, comme étant un attachement lié à l’ignorance, ce qui évidemment empêchait la véritable libération.
La deuxième catégorie d’individus est composée de personnes qui s’efforcent de ne pas penser ainsi. Dans le zen, nous parlerions des gens qui pratiquent de manière progressive. On peut évoquer les moqueries adressées à Jinshu, qui voulait nettoyer le miroir des impuretés de ses illusions, croyant encore à la réalité de ces illusions et s’efforçant de ne pas s’y attacher. Une telle personne passe en revue tous les aspects de la réalité, y compris le nirvana, s’efforçant de ne pas s’y attacher. Pourquoi ? A cause de son ignorance.
Le troisième personnage dans ce sutra est l’éveillé, l’arhat. Cet éveillé ne pense pas, il ne s’efforce pas de ne pas penser, il ne pense pas en termes de terre, eau, air, feu et de nirvana. Autrement dit, il ne crée pas de constructions mentales, de samskara qui font désirer, agir etc. Pourquoi ? Parce qu’il s’est libéré de l’avidité, de la haine et de l’ignorance. Surtout de l’ignorance. Il a compris le mécanisme de toutes ses fabrications mentales, donc n’a pas besoin de s’efforcer de ne pas penser en ces termes ; tout simplement, il ne pense pas ainsi. C’est ce que, par la suite, les maîtres zen ont conduit leurs disciples à réaliser, en développant une autre manière de penser : hishiryo dans le zen, la pensée au-delà de la pensée conceptuelle, au-delà de l’attachement aux fabrications mentales, au-delà de toute tentative d’enfermer la réalité dans quelque système que ce soit, y compris ce système-là, qui est encore relatif, une manière d’expliquer, elle aussi conditionnée.
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komyo- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
" La cause de la mort est la naissance. Pas de naissance, pas de mort."
Mr de Lapallice avait découvert ça , et il n'était pas bouddhiste...
J'ai beau essayer d'entrer dans les subtilités du Bouddhisme, je n'y arrive pas ! J'ai peut-être de trop gros sabots...
Mais enfin, les bouddhistes souffrent-ils moins que les autres ? Quand ils ont un mal de dent, comment ça se passe ? Je sais, il y a la méthode Coué, l'hypnose ( qui a attendu Mesmer...), mais le bouddhiste est-il plus heureux que le "pékin" normal ? A part le Dalaï-Lama, en voyez-vous beaucoup qui se marrent ? Ils ont tous des mines d'enterrement ou des visages couleur cire, sans expression...Et, sur le forum, ma foi, ceux qui s'affirment bouddhistes ne semblent pas pris d'une fureur de vivre exceptionnelle...Allez, avouez-le, vous n'avez vraiment pas l'air d'apprécier tellement les bonnes choses de la vie...Tir à vue...
Mr de Lapallice avait découvert ça , et il n'était pas bouddhiste...
J'ai beau essayer d'entrer dans les subtilités du Bouddhisme, je n'y arrive pas ! J'ai peut-être de trop gros sabots...
Mais enfin, les bouddhistes souffrent-ils moins que les autres ? Quand ils ont un mal de dent, comment ça se passe ? Je sais, il y a la méthode Coué, l'hypnose ( qui a attendu Mesmer...), mais le bouddhiste est-il plus heureux que le "pékin" normal ? A part le Dalaï-Lama, en voyez-vous beaucoup qui se marrent ? Ils ont tous des mines d'enterrement ou des visages couleur cire, sans expression...Et, sur le forum, ma foi, ceux qui s'affirment bouddhistes ne semblent pas pris d'une fureur de vivre exceptionnelle...Allez, avouez-le, vous n'avez vraiment pas l'air d'apprécier tellement les bonnes choses de la vie...Tir à vue...
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Oui Gaston c'est exactement ce que je me disais... que de lapalissade !
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
gaston21 a écrit:"
A part le Dalaï-Lama, en voyez-vous beaucoup qui se marrent ? Ils ont tous des mines d'enterrement ou des visages couleur cire, sans expression..
Je vous refais la réponse que je vous fis, il y a quelque semaines Gaston: Le monde ne se réduit pas à l'occident. Autres peuples, autres moeurs. Certaines choses peuvent s'exprimer publiquement, d'autres non...
.Et, sur le forum, ma foi, ceux qui s'affirment bouddhistes ne semblent pas pris d'une fureur de vivre exceptionnelle....
Semer son amertume à longueur de forum , Gaston, est-il un signe de fureur de vivre?
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Etant donné que se définir par opposition est souvent le fruit d'un certain vide, gaston est finalement assez proche de la notion qu'il a du bouddhisme
komyo- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Mon cher Gaston, puis-je vous rassurer sur ma joie de vivre en vous disant que j'aime un bon verre de Bordeaux , un Médoc si possible, avec un camembert au lait cru...et cela presque tous les jours. Je me damnerai pour un plateau de fruits de mer avec un Pouilly fuissé...
Les rigolades avec les amis sur des blagues très olé-olé concernant les moines et les nonnes me font très souvent sourire lorsque j'en rencontre ensuite et il m'arrive de leur raconter ce qui se dit sur leur vie dissolue..chez les "civils".
Le fait que tout soit impermanent, et de l'avoir intégré dans ma vie, fait que je suis devenue super cool sur beaucoup de choses et ne me prends plus la tète pour des bétises.
Les rigolades avec les amis sur des blagues très olé-olé concernant les moines et les nonnes me font très souvent sourire lorsque j'en rencontre ensuite et il m'arrive de leur raconter ce qui se dit sur leur vie dissolue..chez les "civils".
Le fait que tout soit impermanent, et de l'avoir intégré dans ma vie, fait que je suis devenue super cool sur beaucoup de choses et ne me prends plus la tète pour des bétises.
maya- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
maya, en écrivant ma diatribe, qui est d'ailleurs plutôt pour moi une façon de taquiner et d'épicer le débat, car je ne suis pas plus malin que le forumiste passe-partout, et bien j'ai failli te citer comme une exception !
En effet, tes apparitions sur le forum respirent la joie, le plaisir de vivre, la bonne humeur et la gentillesse ! Un gros sourire et un bisou !
En effet, tes apparitions sur le forum respirent la joie, le plaisir de vivre, la bonne humeur et la gentillesse ! Un gros sourire et un bisou !
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
gaston21 a écrit:mais le bouddhiste est-il plus heureux que le "pékin" normal ? A part le Dalaï-Lama, en voyez-vous beaucoup qui se marrent ? Ils ont tous des mines d'enterrement ou des visages couleur cire, sans expression...
Tu as raison, de toute façon le Bouddhisme est une religion élitiste.
J'ai du mal à te répondre parce que tes questionnement au delà du fait qu'ils sont pertinents
sont toujours très bons.
Il faut considérer qu'entre les occidentaux et les asiatiques en matière de religion il y a une dissonance
cognitive très importante et parfois difficile à combler, ainsi je crois que tout les Bouddhistes occidentaux
ont du affronter ce problème et se reconstruire intellectuellement.
Au sujet des moines, c'est une voie extrêmement dure, par exemple en matière de Bouddhisme Tibétain
il y a une grande différence entre être un moine postulant puis confirmé et puis jusque à arriver au statuts
de Lama. Auparavant c'est un cheminement extrêmement dur, tout le monde n'y parvient pas car il y a des différences notables de capacités et de sensibilités.
Il faut comprendre que le Bouddhisme est une religion et une philosophie individualiste, et même si malgré
une certaine image véhiculé en Occident comme faisant part de la contre culture de type collectiviste, ce n'est
pas vraiment le cas.
A partir le là, c'est quelque chose qui influence beaucoup les cultures, d'après un prisme occidental judéo-
chrétien ou arabo-musulmans qui se voit en forme de civilisation, alors que ce n'est absolument pas le cas
en matière de Bouddhisme qui n'a pas ce type de prétentions, car il y a une forme de pragmatisme
hyper réaliste au sujet de la condition humaine sans aucune illusions.
Un vrai bouddhiste ce n'est pas quelqu'un qui va venir te voir pour t'expliquer comment est-ce que tu
dois gérer ta vie, car ce n'est pas une religion morale. Par contre un vrai Bouddhiste c'est quelqu'un qui
est là pour toi au cas où tu as une véritable question existentielle à lui poser, et là il te répondra franchement.
Rio sur Seine- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Maya, méfies-toi de Gaston, c'est un coquin.
Pour lui, le fait d'être dans la forme d'une jolie femme désirable, efface tous les défauts que tu pourrais avoir dans le fond.
D'ailleurs quand il boit du vin, il laisse toujours le fond.
Pour lui, le fait d'être dans la forme d'une jolie femme désirable, efface tous les défauts que tu pourrais avoir dans le fond.
D'ailleurs quand il boit du vin, il laisse toujours le fond.
tango- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 18/07/2010
Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
tango, tu vois juste ! Normal pour un éveillé ! Je succombe toujours aux charmes de nos compagnes ...Je comprends pleinement Adam; il ne pouvait en aucune façon résister...Mais on le paye cher !
Par contre, je vide toujours mon verre, jusqu'à la dernière goutte...
Par contre, je vide toujours mon verre, jusqu'à la dernière goutte...
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 26/07/2011
Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Tu vois gaston, qui de la femme ou de l'homme regarde les choses à l'endroit ?
Mais bon pour déculpabiliser, tu peux te dire que la Terre est ronde, et que de l'autre coté ce qui est en bas est en haut.
tango- Seigneur de la Métaphysique
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Localisation : à vous de voir si nous sommes séparés
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Date d'inscription : 18/07/2010
Re: Vacuité (Sunyata) au regard du mahayana
Vous me faites rire...et je vous envoie des bises virtuelles. Cool et zen, bouddhistes ou pas nous sommes tous sur le mème bateau, l'éveil est là-bas ...juste là où le fleuve se jette dans la mer de la Connaissance
maya- Seigneur de la Métaphysique
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