Le roi Josias
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Re: Le roi Josias
Votre "mouais" en dit plus long que le reste de votre discours, Spin. Vous dédaignez ce qui ne va pas dans votre sens. L'oralité est pourtant une donnée importante. Les histoires se transmettent de génération en génération. Vous pourriez vous pencher sur l'Afrique ou le Kalavela. Penseriez-vous qu'un peuple sémitique n'ait pas les mêmes possibilités?Le Talmud (oralité) n'a été fixé par écrit que tardivement, lorsque les porteurs du message risquaient d'être tous balayés.
Votre exemple de Staline n'est pas judicieux. Vous parlez d'une civilisation de l'écrit, de l'image et qui plus est d'un système totalitaire où la pratique consistait à éliminer les témoins génants.
Agammenon...oui mais Homère a-t'il existé?
Votre exemple de Staline n'est pas judicieux. Vous parlez d'une civilisation de l'écrit, de l'image et qui plus est d'un système totalitaire où la pratique consistait à éliminer les témoins génants.
Agammenon...oui mais Homère a-t'il existé?
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
Je ne connais pas bien le Kalevala finlandais, mais je doute fort qu'il représente la vérité prosaïque pure, qu'il n'ait jamais été arrangé pour l'adapter à des sensibilités, des besoins, des politiques, des croyances, ultérieurs. Côté Islam, c'est très amusant de comparer Tabari première manière et Tabari revu par des chi'ites.Stirica a écrit:Votre "mouais" en dit plus long que le reste de votre discours, Spin. Vous dédaignez ce qui ne va pas dans votre sens. L'oralité est pourtant une donnée importante. Les histoires se transmettent de génération en génération. Vous pourriez vous pencher sur l'Afrique ou le Kalavela.
Donc si on me dit, par exemple, que l'histoire du Veau d'or a pu être inventée pour discréditer Aaron et les prêtres affirmant descendre de lui et en tirer une prééminence, et peut-être bien aussi pour discréditer Salomon et les statues de bovins qui soutiennent la Mer d'airain (sous l'influence de prêtres aaroniens...), je n'y étais pas mais je trouve ça beaucoup plus plausible et intéressant qu'une lecture au premier degré sans recul critique. Et surtout l'aberration selon laquelle cela stigmatiserait la rapacité des juifs. Car je tiens la Bible, lue au premier degré, comme la source la plus profonde de l'antisémitisme.
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_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
Spin a écrit:Je ne connais pas bien le Kalevala finlandais, mais je doute fort qu'il représente la vérité prosaïque pure, qu'il n'ait jamais été arrangé pour l'adapter à des sensibilités, des besoins, des politiques, des croyances, ultérieurs. Côté Islam, c'est très amusant de comparer Tabari première manière et Tabari revu par des chi'ites. ,
Je parle de message. Le message est conservé. Certaines données peuvent se distordre.
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
Je ne sais pas en quelle langue était écrit ce texte à l'époque (hiéroglyphes égyptiens ou déjà en hébreu?) mais un texte chinois ancien de plus de 4000 ans peut se lire tel quel par un chinois contemporain, les sinogrammes ayant très peu évolués.Spin a écrit:On voudrait faire croire que ce texte venait directement de Moïse, mais il est totalement invraisemblable qu'on ait pu seulement le déchiffrer sept siècles après. Essayez donc de lire Villon ou même Ronsard dans la graphie d'époque... on ne reconnait même plus les lettres...
Concernant le français, c'est différent, en effet.
Bean- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 16/04/2012
Re: Le roi Josias
Si vous parlez de langue, il probable qu'il s'agisse d'hébreu ou de proto-hébreu, une langue sémitique.
Si vous parlez d'écriture:
Protosinaïtique (alphabet linéaire) =
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alphabet_linéaire
Le cunéiforme qui était l'alphabet de la diplomatie
Les hieroglyphes, pourquoi pas? Mais pour utiliser une notation extérieure aux langues sémitiques alors qu'existaient des alphabets sémitiques que les locuteurs de langues sémitiques connaissaient?
Si vous parlez d'écriture:
Protosinaïtique (alphabet linéaire) =
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alphabet_linéaire
Le cunéiforme qui était l'alphabet de la diplomatie
Les hieroglyphes, pourquoi pas? Mais pour utiliser une notation extérieure aux langues sémitiques alors qu'existaient des alphabets sémitiques que les locuteurs de langues sémitiques connaissaient?
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
De nouveau on est au niveau de la foi. Je ne vois pour ma part aucun "message" plus essentiel que le reste dans tout ça.Stirica a écrit:Je parle de message. Le message est conservé. Certaines données peuvent se distordre.
à+
_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
Spin a écrit:De nouveau on est au niveau de la foi. Je ne vois pour ma part aucun "message" plus essentiel que le reste dans tout ça.Stirica a écrit:Je parle de message. Le message est conservé. Certaines données peuvent se distordre.
à+
Vous ne voyez, vous ne cherchez pas non plus. Vous vous raccrochez à la litteralité comme à une bouée de sauvetage.
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
De sauvetage de quoi ? Je veux bien admettre, par exemple, qu'il y a une grande sagesse dans l'idée que c'est le serpent, le tentateur, qui souffle : "Vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal" (Genèse 3:5). Mais là on est au niveau du mythe, quand on parle de Josias on est dans l'histoire, une histoire qu'on ne m'empêchera pas de trouver sordide à bien des égards. Il faut quand même savoir si on s'intéresse au mythe ou à l'histoire.Stirica a écrit:Vous ne voyez, vous ne cherchez pas non plus. Vous vous raccrochez à la litteralité comme à une bouée de sauvetage.
à+
_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
Toute l'Histoire est sordide, non? Les deux : mythes et Histoire s'interpénètrent toujours. Tout n'est pas aussi simple.
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
Je ne dis pas qu'ils ne s'interpénètrent pas (quoique, trouver de l'histoire dans la Genèse...) mais ce n'est pas une raison pour mélanger et ne pas savoir de quoi on parle.Stirica a écrit:Toute l'Histoire est sordide, non? Les deux : mythes et Histoire s'interpénètrent toujours. Tout n'est pas aussi simple.
à+
_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
Spin a écrit:Je ne dis pas qu'ils ne s'interpénètrent pas (quoique, trouver de l'histoire dans la Genèse...) mais ce n'est pas une raison pour mélanger et ne pas savoir de quoi on parle.Stirica a écrit:Toute l'Histoire est sordide, non? Les deux : mythes et Histoire s'interpénètrent toujours. Tout n'est pas aussi simple.
à+
Qui vous parle d'Histoire dans Génèse?
Pour Josias, je n'ai aucune raison objective de ne pas le considérer comme historique. L'Histoire a servi de support pour faire passer un message ou le Message s'est servi de l'Histoire.
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
Mais moi aussi, je considère Josias comme probablement à peu près historique (de même Esdras). Seulement c'est plus totalitaire qu'autre chose... d'autant qu'il semble bien que ce soit sous son règne qu'on ait fixé les récits encore bien plus totalitaires de Josué, Juges, 1 Samuel. Car ce qu'on appelle "Histoire deutéronomique", de Deutéronome à 2 Rois (sauf la fin, complétée plus tard) a été manifestement conçu pour présenter son règne comme le "grand soir", la "fin de l'histoire".Stirica a écrit:Pour Josias, je n'ai aucune raison objective de ne pas le considérer comme historique. L'Histoire a servi de support pour faire passer un message ou le Message s'est servi de l'Histoire.
à+
_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
Est-il possible que des Hébreux aient cohabité avec des Égyptiens au Sinaï à l'age de bronze (-4000)?Stirica a écrit:Si vous parlez de langue, il probable qu'il s'agisse d'hébreu ou de proto-hébreu, une langue sémitique.
Si vous parlez d'écriture:
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Le cunéiforme qui était l'alphabet de la diplomatie
Les hieroglyphes, pourquoi pas? Mais pour utiliser une notation extérieure aux langues sémitiques alors qu'existaient des alphabets sémitiques que les locuteurs de langues sémitiques connaissaient?
A quelle époque historique l'exode est-il daté?
Bean- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 16/04/2012
Re: Le roi Josias
Ca tourne autour de Ramsès II et de son successeur Meneptah, donc vers -1200-1300, non ? Cela posé, il ne doit pas y avoir grand-chose d'historique dans le récit de l'Exode...Bean a écrit:Est-il possible que des Hébreux aient cohabité avec des Égyptiens au Sinaï à l'age de bronze (-4000)?
A quelle époque historique l'exode est-il daté?
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_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
La vieile hypothèse Hyksos peut aussi être envisagée. Le reste est du domaine de la foi, dirai je pour vous complaire...
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 09/07/2011
Re: Le roi Josias
Il y a au moins une dizaine de pharaons "candidats" à l'époque ou a eu lieu l'exode.
Bon, admettons que l'exode soit un récit métaphorique de la sédentarisation des Hébreux en pays de Canaan, pays Phénicien dont l'alphabet est proche également de celui des Hébreux. Y a-t-il eu influence mutuelle ou fusion des deux peuples?
De toute évidence, au moins une longue cohabitation.
Bon, admettons que l'exode soit un récit métaphorique de la sédentarisation des Hébreux en pays de Canaan, pays Phénicien dont l'alphabet est proche également de celui des Hébreux. Y a-t-il eu influence mutuelle ou fusion des deux peuples?
De toute évidence, au moins une longue cohabitation.
Bean- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 16/04/2012
Re: Le roi Josias
Moïse (Moshé) et un certain nombre d'acteurs juifs de l'Exode, portent des noms plutôt égyptiens.Bean a écrit:Il y a au moins une dizaine de pharaons "candidats" à l'époque ou a eu lieu l'exode.
Bon, admettons que l'exode soit un récit métaphorique de la sédentarisation des Hébreux en pays de Canaan, pays Phénicien dont l'alphabet est proche également de celui des Hébreux. Y a-t-il eu influence mutuelle ou fusion des deux peuples?
De toute évidence, au moins une longue cohabitation.
L'Arche d'Alliance, telle qu'elle est décrite, correspond à un standard égyptien. On a trouvé un objet très semblable dans le trésor de Toutankhamon.
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_Spin- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
Bean a écrit:Il y a au moins une dizaine de pharaons "candidats" à l'époque ou a eu lieu l'exode.
Bon, admettons que l'exode soit un récit métaphorique de la sédentarisation des Hébreux en pays de Canaan, pays Phénicien dont l'alphabet est proche également de celui des Hébreux. Y a-t-il eu influence mutuelle ou fusion des deux peuples?
De toute évidence, au moins une longue cohabitation.
Il n'existe pas de peuple isolé. Influence mutuelle? Bien sûr. Tous les peuples du croissant fertile se sont influencés. Je ne réussis pas à savoir si vous parlez des Egyptiens ou des Cananéens?
Fusion avec les Egyptiens, je ne pense pas, influence sans aucun doute.
Fusion avec les Cananéens: c'est l'évidence. Toutefois les Cananéens n'étaient pas des Phéniciens et ils n'étaient pas un bloc homogène. Il y avait différentes populations, d'origines diverses. S'il y a fusion, il y a nécessairement influence. La proximité avec l'alphabet phénicien vient du fait que celui-ci est tiré de l'alphabet cananéen.
Ce petit bout de terre est une terre de passage entre Asie et Afrique, entre les Empires (Assur, Ninive, Babylone, Egypte, etc.), zone de passage donc pour les invasions, le commerce. Tout cela génère des influences.
Ling- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Le roi Josias
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Re: Le roi Josias
Replaçons Josias dans le contexte international (très très) agité de son époque, le VIIe siècle avant notre ère.
La grande personnalité du temps est Assurbanipal. Il est monté sur le trône d’Assyrie en 669. En principe, la royauté aurait dû échoir à son frère aîné Shamash-shumukin mais feu Assarhaddon (681-669), leur père, en a décidé autrement de son vivant et sa volonté à été respectée. Shamash-shumukin est un être sans réelle envergure alors qu'Assurbanipal a déjà l’étoffe d’un grand roi. C’est un lettré, sans être pour autant un tendre. Fin stratège, pragmatique, impitoyable, il est capable de faire lui-même ce qu’il demande à ses troupes : monter à cheval, tirer à l’arc et conduire un char de combat. (La terreur qu’inspirait l’Assyrie a été fortement exagérée par la Bible, les auteurs anciens et, plus tard, la littérature non spécialisée. Certes, la magnanimité était rare, ou intéressée, en ces temps où tout l’Orient baignait dans cette férocité raffinée voulant que l’on écorchât vifs les meneurs de rébellions et qu'on tapissât les remparts de leur gracieux épiderme, qu’on les empalât par l’anus, qu’on sciât en deux leurs fils ligotés à un poteau ou qu’on exhibât leurs reines dénudées attachées par la lèvre supérieure à un croc de boucher, avec pour tout ornement la tête sanguinolente de leur époux accrochée à leur cou… Mais si les rois d’alors, en ce compris les pharaons, ne plaisantaient pas avec leurs ennemis, ils savaient tout autant se montrer généreux envers leurs fidèles.
Peut-être Assurbanipal aurait-il préféré consacrer davantage de temps à des occupations plus pacifiques, comme la constitution de sa gigantesque bibliothèque, mais les événements en décideront autrement. Il va, comme avant lui ses aïeux, passer son règne à faire la guerre. Il faut dire que les territoires dont il vient d’hériter sont en constante effervescence. Amadouant par ci, frappant par là, concluant ou renversant des alliances au gré des vicissitudes politiques du moment, ses combats vont l’amener à repousser encore ses frontières. Il finira par régner sur le plus vaste empire jamais constitué jusqu’alors. Celui-ci englobe l’Égypte (déjà prise en partie par son père, mais dont il a achevé la conquête en 663), une partie de l’Arabie, Dilmûn, l’Élam, la Babylonie, l’Assyrie, une partie de la Cappadoce et la totalité de Levant. Un empire que l’on aurait pu croire établi pour des siècles et qui, pourtant, va se déliter comme un château de sable dans les quinze années qui suivront sa mort (627), pour finir par tomber dans l’oubli total. Deux cent ans plus tard, les Dix Mille, passant à Ninive, s’ébahiront du gigantisme de ses murailles mais ne la reconnaîtront même pas (XÉNOPHON, Anabase III, 4, 10-11).
Pendant ce temps, en Palestine, Manassé règne sur le minuscule royaume de Jérusalem. Monté sur le trône en 687, il a d’abord fait allégeance, comme son père avant lui, à Assarhaddon. (Pour rappel, le royaume de Samarie, rival de Jérusalem, avait disparu depuis 722, anéanti par l’empereur Sargon II, arrière-grand-père d’Assourbanipal.) Manassé est donné à tort par la Bible pour un roi renégat et impie simplement parce que sous son long règne de 45 ans, les cultes syncrétistes auraient fleuri dans le Temple, y compris celui d’Assur, divinité de l’occupant. Il aurait fait couler le sang des prophètes de Yahvé, notamment celui d’Isaïe, qu’il aurait fait scier en deux, attaché à un arbre. Cet acte barbare, pour peu qu’il s’avère historiquement fondé, s’explique par la volonté du roi de se susciter la bienveillance de l’Assyrie : les prophètes n’étaient en général que de dangereux exaltés totalement déconnectés de la réalité politique du moment. Leur laisser le loisir d’entraîner le peuple à la révolte se serait avéré néfaste et aurait fait perdre au royaume le peu de liberté de mouvement dont il jouissait encore. En réalité, Manassé est un grand roi. Fidèle (sans doute contre son gré) à Assourbanipal, il a été récompensé, voyant Jérusalem devenir peu à peu une ville importante dont la population a crû considérablement.
En 642, Manassé meurt à Jérusalem. On l’enterre en grande pompe et son fils Amon lui succède. Il poursuivra en tous points la politique de son père mais n’occupera le trône que deux ans, assassiné en 640 dans le cadre d’une conjuration de palais. Son fils, Josias, un enfant de 8 ans, est alors installé sur le trône, sous la tutelle de puritains anti-assyriens qui vont profondément conditionner son esprit et sa politique future. Assurbanipal n’en a cure tant la puissance de Jérusalem est dérisoire. Il pourrait renverser le petit roi d’une chiquenaude mais a d’autres chats à fouetter car son empire commence à craquer de toutes parts tant les révoltes y sont nombreuses.
En 627, coup de tonnerre : l’empereur d’Assyrie et le roi de Babylone Kandalanu meurent à peu près en même temps. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre dans tout le Proche-Orient, lequel, comme bien l’on pense, s’embrase aussitôt de joie (et de révoltes). Josias a alors 21 ans. Il règne désormais seul et proclame aussitôt l’indépendance de Juda. Les fils d’Assurbanipal, trop occupés à se battre entre eux pour le trône, ne réagissent. Quand au roi d’Égypte, Psammétique Ier, qui vient d'expulser les Assyriens, il demeure dans un prudent attentisme supputant qu’il tirera bientôt les marrons du feu. Il faut savoir qu’à Assur, le trône était revenu à l’héritier légitime Assuretililâni (627-625), fils aîné d’Assurbanipal, que celui-ci, malade et retiré à Harrân, avait associé au pouvoir trois ans auparavant. L’héritage, pourtant parfaitement conforme aux usages, avait très fortement déplu au frère cadet d’Assuretililâni, Sînsharishkun, qui n’avait reçu que le royaume vassal de Babylone. Il fomente aussitôt une révolte. Celle-ci tourne court, ce dont profite le gouverneur de Babylonie, Nabopolassar, pour se proclamer roi à la place de Sînsharishkun. Assuretililâni veut intervenir mais il est vaincu et tué en 625. Dans la pagaille qui s’ensuit, un « général » du nom de Sînshumuliser, s’autoproclame empereur. Il ne règnera que quelques mois avant d’être renversé par l’héritier désormais légitime Sînsharishkun (625-612). Personnage ambigu, plus intéressé par le luxe de la cour, la bonne chère et les femmes que par l’état de son empire qu’il croit encore invincible, Sînsharishkun semble avoir été erronément identifié par les Grecs à Assurbanipal sous le nom du débauché Sardanapale.
Mais voici que les Mèdes s’en mêlent. En 625, l’année de l’intronisation Sînsharishkun, le roi de Médie Cyaxare pénètre en Assyrie et, chose inimaginable dix ans auparavant, met le siège devant Assur. La ville ne sera sauvée que par un mouvement des Scythes qui obligera Cyaxare à rebrousser chemin pour retourner défendre la Médie menacée d’invasion. Il réussit à repousser les Scythes vers le nord au terme de plusieurs années de combats. Vers 616/615, il fait alliance avec le nouveau roi de Babylone Nabopolassar et est à nouveau prêt à intervenir en Assyrie. De son côté, Psammétique, qui a flairé le danger, envoie une armée au secours des Assyriens. En vain. En 614, Assur est ré-attaquée, prise et détruite. En 612, c'est au tour de Ninive d'être soumise au siège. Les Égyptiens, qui ne font pas le poids face à une telle puissance, n’interviendront plus. Ninive ne tiendra que deux mois. Pillée et détruite de fond en comble, elle ne sera jamais relevée.
L’Empire assyrien est désormais rayé de l’histoire. Les débris de son armée se replient à Harrân, en Syrie euphratéenne. Un tartanu (« généralissime ») s’y autoproclame empereur sous le nom d’Assuruballit II et résiste avec l’énergie du désespoir face à la coalition médo-babylonienne, et avec dans son dos les Scythes tout aussi dangereux car imprévisibles.
En Égypte, Psammétique Ier meurt trois ans après la chute de Ninive, laissant le trône d’Égypte à son fils Nékao II.
Pendant tout ce temps, au Levant, la disparition des Assyriens, aussitôt remplacés par les Égyptiens, n’a pas changé grand-chose à la situation des roitelets locaux. Ceux-ci restent soumis au tribut, à la différence qu’ils le versent maintenant à Saïs et non plus à Ninive.
Il a été longtemps admis qu’au cours des dix-huit années séparant la mort d’Assurbanipal de cette « bataille de Megiddo » au cours de laquelle Nékao II et Josias se seraient affrontés, le petit roi judéen aurait grignoté patiemment et dans l’indifférence générale une partie des territoires de l’ancien royaume de Samarie, rêvant de rétablir ce qu’il croyait avoir été le glorieux empire de David et de Salomon. La réalité du temps s’oppose à semblable supposition. Il semble en effet peu plausible que Jérusalem ait pu disposer de suffisamment de troupes pour mener la politique expansionniste que la Bible (et elle seule) impute à Josias. Les réseaux de renseignement assyriens étaient d’une redoutable efficacité et même du temps de Manassé, pourtant « ami » d’Assurbanipal, toute tentative de réarmement, de conscription, d’embauche de mercenaires ou simplement de fortification de la capitale aurait été interprétée comme un acte d’insubordination. À cet égard, rien ne changea après le passage des possessions levantines d’Assurbanipal sous tutelle égyptienne. Le pharaon Psammétique Ier n’avait pas manqué de s’assurer d’abord des points stratégiques constitués par les villes côtières de Canaan et par le verrou de Megiddo, et l’on voit mal l’Égypte tolérant sans réagir qu’un roitelet velléitaire vienne affirmer une quelconque suzeraineté à la frange de ses colonies. 2 Ch 34, 6 a beau prétendre que l’influence de Josias s’étendait jusque dans « les villes de Manassé, d'Éphraïm, de Siméon, et même de Nephtali », aucune trace archéologique de cette prétendue reconquête n’a été retrouvée (FINKELSTEIN Israël et SILBERMAN Neil Asher, La Bible dévoilée, Bayard, Paris, 2002, p. 327).
La version officielle est qu’en 609, lorsque les coalisés se sont lancés à la curée sur Harrân, Nékao aurait envoyé la garnison de Karkémish au secours d’Assuruballit, de même qu’une armée, partie du delta, qu’il aurait commandée en personne. Josias aurait alors décidé de s’opposer au passage des troupes pharaoniques en Canaan, conduite que lui auraient dictée à la fois ses sentiments anti-assyriens et la volonté de protéger les territoires récupérés
Un point d’importance cruciale doit ici être soulevé : on ignore totalement ce qui s’est passé à Megiddo. Aucune source contemporaine n’a survécu de cet événement. Seuls en parleront, bien plus tard, certains auteurs grecs et la Bible. Mais ces relations sont-elles dignes de foi ?
1) L'inoxydable Hérodote, 150 ans après les faits, y fait une vague allusion dans ses Histoires (II, 159) : « Nékos livra aussi sur terre une bataille contre les Syriens en Magdolo (Megiddo) ; et, après avoir remporté la victoire, il prit Kadytis (Gaza), ville considérable de Syrie. » C’est tout ce qu’il en dit. On notera qu’il n’est pas question de Josias et des Judéens mais des Syriens (Σύροισι), terme plutôt vague. On ignore à quelle source puise ici le "père de l’Histoire". Il est toutefois peu vraisemblable que Nékao, après avoir remporté une victoire à Megiddo, soit redescendu assiéger Gaza alors qu’il avait à se hâter vers le nord. (D’autant que Gaza et Megiddo, faisaient déjà partie des possessions de don père). Mais on ne peut cependant exclure une révolte ait eu lieu en ces deux villes lors du changement de règne de 610/609, révoltes que Nékao aurait eu à mâter lors de son départ vers le nord, ce qui pourrait expliquer sa perte de temps…)
2) Dans la Bible, la relation des faits est différente selon qu’elle est restituée par 2 R ou 2 Ch.
a) 2 R 23, 29-30 : « De son temps, Pharaon Néco, roi d'Égypte, monta vers le roi d'Assyrie, vers le fleuve de l'Euphrate. Le roi Josias marcha à sa rencontre et Pharaon le tua à Megiddo, dès qu'il le vit. Ses serviteurs l'emportèrent mort sur un char. Ils l'amenèrent de Megiddo à Jérusalem et ils l'enterrèrent dans son sépulcre. »
b) 2 Ch 35, 20-24 donne davantage de détails, ce qui ne signifie pas qu’il soit plus crédible : « Néco, roi d'Égypte, monta pour combattre à Carkemisch sur l'Euphrate. Josias marcha à sa rencontre. Néco lui envoya des messagers pour dire : Qu'y a-t-il entre moi et toi, roi de Juda ? Ce n'est pas contre toi que je viens aujourd'hui, c'est contre une maison avec laquelle je suis en guerre. Et Élohim m'a dit de me hâter. Ne t'oppose pas à Élohim, qui est avec moi, de peur qu'il ne te détruise. Mais Josias ne se détourna point de lui, et il se déguisa pour l'attaquer, sans écouter les paroles de Néco qui venaient de la bouche d’Élohim. Il s'avança pour combattre dans la vallée de Megiddo. Les archers tirèrent sur le roi Josias et le roi dit à ses serviteurs : Emportez-moi, car je suis gravement blessé. Ses serviteurs l'emportèrent du char […] et l'amenèrent à Jérusalem. Il mourut et fut enterré dans le sépulcre de ses pères. »
Nous passerons sur le fait que l’on voit mal Nékao invoquer Elohim, divinité hébraïque… Selon 2 Ch, des pourparlers auraient été engagés (ce qui est conforme aux usages du temps) mais ceux-ci seraient restés sans suite. En fait, la réponse tient dans cette phrase ambiguë « il [Josias] se déguisa pour l'attaquer ». Le rédacteur y emploie le verbe hébreu chaphas, qui signifie « déguiser ou se déguiser » mais aussi « chercher ». On a donc pensé que, selon cette autre interprétation de chaphas, Josias aurait simplement cherché à attaquer Nékao. Puis on s’est aperçu que 2 Ch 35, 20-24 n’était en réalité que la copie d’un épisode relaté en 1 R 22, 30-37, lequel se déroule deux cent cinquante ans auparavant, à l’époque où Achab, roi d'Israël (ca 874-ca 853) et Josaphat, roi de Juda (ca 873-ca 850), s’allièrent pour aller combattre Ben-Hadad II, roi d’Aram-Damas, à Ramoth de Galaad. « [Achab] dit à Josaphat : Je veux me déguiser pour aller au combat ; mais toi, revêts-toi de tes habits [royaux]. Achab se déguisa [en simple combattant] et alla au combat. Le roi d’Aram avait donné cet ordre aux chefs de ses chars : Vous n'attaquerez ni petits ni grands, mais vous attaquerez seulement le roi d'Israël. Quand les chefs des chars aperçurent Josaphat [dans ses habits royaux], ils dirent : Certainement, c'est le roi d'Israël. Et ils s'approchèrent de lui pour l'attaquer. Mais Josaphat poussa le cri [de Juda]. Les chefs des chars, voyant que ce n'était pas le roi d'Israël, s'éloignèrent de lui. Alors un homme tira de son arc au hasard, et frappa [Achab] au défaut de la cuirasse. [Achab] dit à celui qui dirigeait son char : Tourne, et fais-moi sortir du champ de bataille, car je suis blessé. […] [Achab] mourut le soir. […] Ainsi mourut [Achab], qui fut ramené à Samarie. Et on l’enterra à Samarie. » Ce « plagiat » indiquerait-il que l’auteur de 2 Ch 35, 20-24, ignorant, lui aussi, ce qui s’était réellement passé à Megiddo, aurait tenté de masquer sa lacune en recopiant un texte antérieur ? Pas du tout. Nous nous trouvons bel et bien face à une volonté délibérée de jeter le flou sur le déroulement des événements. Il serait en effet étonnant que la mort d’un roi ceint d’une aura théologique telle que celle de Josias ait pu tomber dans l’oubli sans avoir été relatée de manière scrupuleuse par les Annales des rois de Juda, ouvrage hélas perdu mais qui servit de modèle au deux Livres des Rois et aux deux Livres des Chroniques. Cette tentative d’oblitération pourrait s’expliquer par la personnalité de Josias telle que rendue par ces écrits. Celui-ci, le seul roi de sa lignée à être comparé à David, y est présenté comme le roi-messie tant attendu qui va racheter l’impiété de Juda et replacer le royaume dans le giron de Yahvé suite à la prétendue découverte du Sefer ha Torah, ouvrage dans lequel on voit l’ébauche du Deutéronome. Or voici qu’en pleine gloire, alors que les cultes syncrétistes ou païens sont censés avoir été éradiqués et que le prestigieux royaume de David et de Salomon va enfin être reconstitué, l’oint de Yahvé, le protégé par excellence, passe brutalement de vie à trépas en plein milieu de l’histoire. C’est aussi bête que si dans Mort sur le Nil, Hercule Poirot s’était noyé en glissant de la passerelle du S.S. Karnak alors qu’il s’apprêtait à annoncer qu’il avait élucidé la mort de Linnet Ridgeway ! Comment le pieux rédacteur biblique aurait-il pu narrer théologiquement cet avortement des projets divins, sinon en tentant d’escamoter le revers par une vague allusion ? C’est ce qu’il fit.
Selon Nadav Naaman (The Kingdom of Judah under Josiah, in Tel Aviv 18, 1991, pp. 3-71), Nékao serait monté en Palestine afin de faire renouveler à ses vassaux le serment de fidélité qu’ils avaient conclu envers son père Psammétique. Cette hypothèse est, à mes yeux, la plus convaincante, encore que je pense qu’il s’agissait plutôt pour Nékao d'opérer un maximum de recrutements de mercenaires à l’occasion de sa remontée du couloir syro-palestinien. Josias aurait été « convoqué » à Megiddo et, devant son peu d’empressement ou son refus de joindre ses troupes à celles du pharaon, aurait été purement et simplement exécuté, sans qu’il y ait eu bataille. C’est d’ailleurs ce que semblerait indiquer la relation des faits livrée par le 2e Livre des Rois.
Exit Josias, auquel succède aussitôt son fils Joachaz. Mais Nékao a mieux à faire pour l’instant que de s’occuper de Jérusalem. D’autant qu’il a perdu du temps. De toute façon, il est trop tard : lorsqu’il arrive à Karkemish, les Assyriens ont été battus à Harrân et leurs survivants, poursuivis par les Mèdes jusqu’en Urartu, sont en passe d’être exterminés ou enrôlés de force.
Nékao, déçu, laisse en place la garnison de Karkémish et redescend en Égypte. Au passage il fait tout de même un crochet par Jérusalem, où il a un compte à régler. Il y entre, apparemment sans coup férir, et dépose Joachaz, qu’il emmène en otage en Égypte. Le malheureux y sera exécuté, lui aussi. À sa place, il intronise Elyaqim, un autre fils de Josias, dont il change le nom en Joaqim. La vassalité de Juda vis-à-vis de l’Égypte durera jusqu’en 605, date à laquelle Nabuchodonosor, héritier présomptif du trône de Babylone, battra les Égyptiens à Karkemish et les obligera à se retirer du Levant. Mais ceci est une autre histoire (et celle-ci a déjà été suffisamment longue…)
La grande personnalité du temps est Assurbanipal. Il est monté sur le trône d’Assyrie en 669. En principe, la royauté aurait dû échoir à son frère aîné Shamash-shumukin mais feu Assarhaddon (681-669), leur père, en a décidé autrement de son vivant et sa volonté à été respectée. Shamash-shumukin est un être sans réelle envergure alors qu'Assurbanipal a déjà l’étoffe d’un grand roi. C’est un lettré, sans être pour autant un tendre. Fin stratège, pragmatique, impitoyable, il est capable de faire lui-même ce qu’il demande à ses troupes : monter à cheval, tirer à l’arc et conduire un char de combat. (La terreur qu’inspirait l’Assyrie a été fortement exagérée par la Bible, les auteurs anciens et, plus tard, la littérature non spécialisée. Certes, la magnanimité était rare, ou intéressée, en ces temps où tout l’Orient baignait dans cette férocité raffinée voulant que l’on écorchât vifs les meneurs de rébellions et qu'on tapissât les remparts de leur gracieux épiderme, qu’on les empalât par l’anus, qu’on sciât en deux leurs fils ligotés à un poteau ou qu’on exhibât leurs reines dénudées attachées par la lèvre supérieure à un croc de boucher, avec pour tout ornement la tête sanguinolente de leur époux accrochée à leur cou… Mais si les rois d’alors, en ce compris les pharaons, ne plaisantaient pas avec leurs ennemis, ils savaient tout autant se montrer généreux envers leurs fidèles.
Peut-être Assurbanipal aurait-il préféré consacrer davantage de temps à des occupations plus pacifiques, comme la constitution de sa gigantesque bibliothèque, mais les événements en décideront autrement. Il va, comme avant lui ses aïeux, passer son règne à faire la guerre. Il faut dire que les territoires dont il vient d’hériter sont en constante effervescence. Amadouant par ci, frappant par là, concluant ou renversant des alliances au gré des vicissitudes politiques du moment, ses combats vont l’amener à repousser encore ses frontières. Il finira par régner sur le plus vaste empire jamais constitué jusqu’alors. Celui-ci englobe l’Égypte (déjà prise en partie par son père, mais dont il a achevé la conquête en 663), une partie de l’Arabie, Dilmûn, l’Élam, la Babylonie, l’Assyrie, une partie de la Cappadoce et la totalité de Levant. Un empire que l’on aurait pu croire établi pour des siècles et qui, pourtant, va se déliter comme un château de sable dans les quinze années qui suivront sa mort (627), pour finir par tomber dans l’oubli total. Deux cent ans plus tard, les Dix Mille, passant à Ninive, s’ébahiront du gigantisme de ses murailles mais ne la reconnaîtront même pas (XÉNOPHON, Anabase III, 4, 10-11).
Pendant ce temps, en Palestine, Manassé règne sur le minuscule royaume de Jérusalem. Monté sur le trône en 687, il a d’abord fait allégeance, comme son père avant lui, à Assarhaddon. (Pour rappel, le royaume de Samarie, rival de Jérusalem, avait disparu depuis 722, anéanti par l’empereur Sargon II, arrière-grand-père d’Assourbanipal.) Manassé est donné à tort par la Bible pour un roi renégat et impie simplement parce que sous son long règne de 45 ans, les cultes syncrétistes auraient fleuri dans le Temple, y compris celui d’Assur, divinité de l’occupant. Il aurait fait couler le sang des prophètes de Yahvé, notamment celui d’Isaïe, qu’il aurait fait scier en deux, attaché à un arbre. Cet acte barbare, pour peu qu’il s’avère historiquement fondé, s’explique par la volonté du roi de se susciter la bienveillance de l’Assyrie : les prophètes n’étaient en général que de dangereux exaltés totalement déconnectés de la réalité politique du moment. Leur laisser le loisir d’entraîner le peuple à la révolte se serait avéré néfaste et aurait fait perdre au royaume le peu de liberté de mouvement dont il jouissait encore. En réalité, Manassé est un grand roi. Fidèle (sans doute contre son gré) à Assourbanipal, il a été récompensé, voyant Jérusalem devenir peu à peu une ville importante dont la population a crû considérablement.
En 642, Manassé meurt à Jérusalem. On l’enterre en grande pompe et son fils Amon lui succède. Il poursuivra en tous points la politique de son père mais n’occupera le trône que deux ans, assassiné en 640 dans le cadre d’une conjuration de palais. Son fils, Josias, un enfant de 8 ans, est alors installé sur le trône, sous la tutelle de puritains anti-assyriens qui vont profondément conditionner son esprit et sa politique future. Assurbanipal n’en a cure tant la puissance de Jérusalem est dérisoire. Il pourrait renverser le petit roi d’une chiquenaude mais a d’autres chats à fouetter car son empire commence à craquer de toutes parts tant les révoltes y sont nombreuses.
En 627, coup de tonnerre : l’empereur d’Assyrie et le roi de Babylone Kandalanu meurent à peu près en même temps. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre dans tout le Proche-Orient, lequel, comme bien l’on pense, s’embrase aussitôt de joie (et de révoltes). Josias a alors 21 ans. Il règne désormais seul et proclame aussitôt l’indépendance de Juda. Les fils d’Assurbanipal, trop occupés à se battre entre eux pour le trône, ne réagissent. Quand au roi d’Égypte, Psammétique Ier, qui vient d'expulser les Assyriens, il demeure dans un prudent attentisme supputant qu’il tirera bientôt les marrons du feu. Il faut savoir qu’à Assur, le trône était revenu à l’héritier légitime Assuretililâni (627-625), fils aîné d’Assurbanipal, que celui-ci, malade et retiré à Harrân, avait associé au pouvoir trois ans auparavant. L’héritage, pourtant parfaitement conforme aux usages, avait très fortement déplu au frère cadet d’Assuretililâni, Sînsharishkun, qui n’avait reçu que le royaume vassal de Babylone. Il fomente aussitôt une révolte. Celle-ci tourne court, ce dont profite le gouverneur de Babylonie, Nabopolassar, pour se proclamer roi à la place de Sînsharishkun. Assuretililâni veut intervenir mais il est vaincu et tué en 625. Dans la pagaille qui s’ensuit, un « général » du nom de Sînshumuliser, s’autoproclame empereur. Il ne règnera que quelques mois avant d’être renversé par l’héritier désormais légitime Sînsharishkun (625-612). Personnage ambigu, plus intéressé par le luxe de la cour, la bonne chère et les femmes que par l’état de son empire qu’il croit encore invincible, Sînsharishkun semble avoir été erronément identifié par les Grecs à Assurbanipal sous le nom du débauché Sardanapale.
Mais voici que les Mèdes s’en mêlent. En 625, l’année de l’intronisation Sînsharishkun, le roi de Médie Cyaxare pénètre en Assyrie et, chose inimaginable dix ans auparavant, met le siège devant Assur. La ville ne sera sauvée que par un mouvement des Scythes qui obligera Cyaxare à rebrousser chemin pour retourner défendre la Médie menacée d’invasion. Il réussit à repousser les Scythes vers le nord au terme de plusieurs années de combats. Vers 616/615, il fait alliance avec le nouveau roi de Babylone Nabopolassar et est à nouveau prêt à intervenir en Assyrie. De son côté, Psammétique, qui a flairé le danger, envoie une armée au secours des Assyriens. En vain. En 614, Assur est ré-attaquée, prise et détruite. En 612, c'est au tour de Ninive d'être soumise au siège. Les Égyptiens, qui ne font pas le poids face à une telle puissance, n’interviendront plus. Ninive ne tiendra que deux mois. Pillée et détruite de fond en comble, elle ne sera jamais relevée.
L’Empire assyrien est désormais rayé de l’histoire. Les débris de son armée se replient à Harrân, en Syrie euphratéenne. Un tartanu (« généralissime ») s’y autoproclame empereur sous le nom d’Assuruballit II et résiste avec l’énergie du désespoir face à la coalition médo-babylonienne, et avec dans son dos les Scythes tout aussi dangereux car imprévisibles.
En Égypte, Psammétique Ier meurt trois ans après la chute de Ninive, laissant le trône d’Égypte à son fils Nékao II.
Pendant tout ce temps, au Levant, la disparition des Assyriens, aussitôt remplacés par les Égyptiens, n’a pas changé grand-chose à la situation des roitelets locaux. Ceux-ci restent soumis au tribut, à la différence qu’ils le versent maintenant à Saïs et non plus à Ninive.
Il a été longtemps admis qu’au cours des dix-huit années séparant la mort d’Assurbanipal de cette « bataille de Megiddo » au cours de laquelle Nékao II et Josias se seraient affrontés, le petit roi judéen aurait grignoté patiemment et dans l’indifférence générale une partie des territoires de l’ancien royaume de Samarie, rêvant de rétablir ce qu’il croyait avoir été le glorieux empire de David et de Salomon. La réalité du temps s’oppose à semblable supposition. Il semble en effet peu plausible que Jérusalem ait pu disposer de suffisamment de troupes pour mener la politique expansionniste que la Bible (et elle seule) impute à Josias. Les réseaux de renseignement assyriens étaient d’une redoutable efficacité et même du temps de Manassé, pourtant « ami » d’Assurbanipal, toute tentative de réarmement, de conscription, d’embauche de mercenaires ou simplement de fortification de la capitale aurait été interprétée comme un acte d’insubordination. À cet égard, rien ne changea après le passage des possessions levantines d’Assurbanipal sous tutelle égyptienne. Le pharaon Psammétique Ier n’avait pas manqué de s’assurer d’abord des points stratégiques constitués par les villes côtières de Canaan et par le verrou de Megiddo, et l’on voit mal l’Égypte tolérant sans réagir qu’un roitelet velléitaire vienne affirmer une quelconque suzeraineté à la frange de ses colonies. 2 Ch 34, 6 a beau prétendre que l’influence de Josias s’étendait jusque dans « les villes de Manassé, d'Éphraïm, de Siméon, et même de Nephtali », aucune trace archéologique de cette prétendue reconquête n’a été retrouvée (FINKELSTEIN Israël et SILBERMAN Neil Asher, La Bible dévoilée, Bayard, Paris, 2002, p. 327).
La version officielle est qu’en 609, lorsque les coalisés se sont lancés à la curée sur Harrân, Nékao aurait envoyé la garnison de Karkémish au secours d’Assuruballit, de même qu’une armée, partie du delta, qu’il aurait commandée en personne. Josias aurait alors décidé de s’opposer au passage des troupes pharaoniques en Canaan, conduite que lui auraient dictée à la fois ses sentiments anti-assyriens et la volonté de protéger les territoires récupérés
Un point d’importance cruciale doit ici être soulevé : on ignore totalement ce qui s’est passé à Megiddo. Aucune source contemporaine n’a survécu de cet événement. Seuls en parleront, bien plus tard, certains auteurs grecs et la Bible. Mais ces relations sont-elles dignes de foi ?
1) L'inoxydable Hérodote, 150 ans après les faits, y fait une vague allusion dans ses Histoires (II, 159) : « Nékos livra aussi sur terre une bataille contre les Syriens en Magdolo (Megiddo) ; et, après avoir remporté la victoire, il prit Kadytis (Gaza), ville considérable de Syrie. » C’est tout ce qu’il en dit. On notera qu’il n’est pas question de Josias et des Judéens mais des Syriens (Σύροισι), terme plutôt vague. On ignore à quelle source puise ici le "père de l’Histoire". Il est toutefois peu vraisemblable que Nékao, après avoir remporté une victoire à Megiddo, soit redescendu assiéger Gaza alors qu’il avait à se hâter vers le nord. (D’autant que Gaza et Megiddo, faisaient déjà partie des possessions de don père). Mais on ne peut cependant exclure une révolte ait eu lieu en ces deux villes lors du changement de règne de 610/609, révoltes que Nékao aurait eu à mâter lors de son départ vers le nord, ce qui pourrait expliquer sa perte de temps…)
2) Dans la Bible, la relation des faits est différente selon qu’elle est restituée par 2 R ou 2 Ch.
a) 2 R 23, 29-30 : « De son temps, Pharaon Néco, roi d'Égypte, monta vers le roi d'Assyrie, vers le fleuve de l'Euphrate. Le roi Josias marcha à sa rencontre et Pharaon le tua à Megiddo, dès qu'il le vit. Ses serviteurs l'emportèrent mort sur un char. Ils l'amenèrent de Megiddo à Jérusalem et ils l'enterrèrent dans son sépulcre. »
b) 2 Ch 35, 20-24 donne davantage de détails, ce qui ne signifie pas qu’il soit plus crédible : « Néco, roi d'Égypte, monta pour combattre à Carkemisch sur l'Euphrate. Josias marcha à sa rencontre. Néco lui envoya des messagers pour dire : Qu'y a-t-il entre moi et toi, roi de Juda ? Ce n'est pas contre toi que je viens aujourd'hui, c'est contre une maison avec laquelle je suis en guerre. Et Élohim m'a dit de me hâter. Ne t'oppose pas à Élohim, qui est avec moi, de peur qu'il ne te détruise. Mais Josias ne se détourna point de lui, et il se déguisa pour l'attaquer, sans écouter les paroles de Néco qui venaient de la bouche d’Élohim. Il s'avança pour combattre dans la vallée de Megiddo. Les archers tirèrent sur le roi Josias et le roi dit à ses serviteurs : Emportez-moi, car je suis gravement blessé. Ses serviteurs l'emportèrent du char […] et l'amenèrent à Jérusalem. Il mourut et fut enterré dans le sépulcre de ses pères. »
Nous passerons sur le fait que l’on voit mal Nékao invoquer Elohim, divinité hébraïque… Selon 2 Ch, des pourparlers auraient été engagés (ce qui est conforme aux usages du temps) mais ceux-ci seraient restés sans suite. En fait, la réponse tient dans cette phrase ambiguë « il [Josias] se déguisa pour l'attaquer ». Le rédacteur y emploie le verbe hébreu chaphas, qui signifie « déguiser ou se déguiser » mais aussi « chercher ». On a donc pensé que, selon cette autre interprétation de chaphas, Josias aurait simplement cherché à attaquer Nékao. Puis on s’est aperçu que 2 Ch 35, 20-24 n’était en réalité que la copie d’un épisode relaté en 1 R 22, 30-37, lequel se déroule deux cent cinquante ans auparavant, à l’époque où Achab, roi d'Israël (ca 874-ca 853) et Josaphat, roi de Juda (ca 873-ca 850), s’allièrent pour aller combattre Ben-Hadad II, roi d’Aram-Damas, à Ramoth de Galaad. « [Achab] dit à Josaphat : Je veux me déguiser pour aller au combat ; mais toi, revêts-toi de tes habits [royaux]. Achab se déguisa [en simple combattant] et alla au combat. Le roi d’Aram avait donné cet ordre aux chefs de ses chars : Vous n'attaquerez ni petits ni grands, mais vous attaquerez seulement le roi d'Israël. Quand les chefs des chars aperçurent Josaphat [dans ses habits royaux], ils dirent : Certainement, c'est le roi d'Israël. Et ils s'approchèrent de lui pour l'attaquer. Mais Josaphat poussa le cri [de Juda]. Les chefs des chars, voyant que ce n'était pas le roi d'Israël, s'éloignèrent de lui. Alors un homme tira de son arc au hasard, et frappa [Achab] au défaut de la cuirasse. [Achab] dit à celui qui dirigeait son char : Tourne, et fais-moi sortir du champ de bataille, car je suis blessé. […] [Achab] mourut le soir. […] Ainsi mourut [Achab], qui fut ramené à Samarie. Et on l’enterra à Samarie. » Ce « plagiat » indiquerait-il que l’auteur de 2 Ch 35, 20-24, ignorant, lui aussi, ce qui s’était réellement passé à Megiddo, aurait tenté de masquer sa lacune en recopiant un texte antérieur ? Pas du tout. Nous nous trouvons bel et bien face à une volonté délibérée de jeter le flou sur le déroulement des événements. Il serait en effet étonnant que la mort d’un roi ceint d’une aura théologique telle que celle de Josias ait pu tomber dans l’oubli sans avoir été relatée de manière scrupuleuse par les Annales des rois de Juda, ouvrage hélas perdu mais qui servit de modèle au deux Livres des Rois et aux deux Livres des Chroniques. Cette tentative d’oblitération pourrait s’expliquer par la personnalité de Josias telle que rendue par ces écrits. Celui-ci, le seul roi de sa lignée à être comparé à David, y est présenté comme le roi-messie tant attendu qui va racheter l’impiété de Juda et replacer le royaume dans le giron de Yahvé suite à la prétendue découverte du Sefer ha Torah, ouvrage dans lequel on voit l’ébauche du Deutéronome. Or voici qu’en pleine gloire, alors que les cultes syncrétistes ou païens sont censés avoir été éradiqués et que le prestigieux royaume de David et de Salomon va enfin être reconstitué, l’oint de Yahvé, le protégé par excellence, passe brutalement de vie à trépas en plein milieu de l’histoire. C’est aussi bête que si dans Mort sur le Nil, Hercule Poirot s’était noyé en glissant de la passerelle du S.S. Karnak alors qu’il s’apprêtait à annoncer qu’il avait élucidé la mort de Linnet Ridgeway ! Comment le pieux rédacteur biblique aurait-il pu narrer théologiquement cet avortement des projets divins, sinon en tentant d’escamoter le revers par une vague allusion ? C’est ce qu’il fit.
Selon Nadav Naaman (The Kingdom of Judah under Josiah, in Tel Aviv 18, 1991, pp. 3-71), Nékao serait monté en Palestine afin de faire renouveler à ses vassaux le serment de fidélité qu’ils avaient conclu envers son père Psammétique. Cette hypothèse est, à mes yeux, la plus convaincante, encore que je pense qu’il s’agissait plutôt pour Nékao d'opérer un maximum de recrutements de mercenaires à l’occasion de sa remontée du couloir syro-palestinien. Josias aurait été « convoqué » à Megiddo et, devant son peu d’empressement ou son refus de joindre ses troupes à celles du pharaon, aurait été purement et simplement exécuté, sans qu’il y ait eu bataille. C’est d’ailleurs ce que semblerait indiquer la relation des faits livrée par le 2e Livre des Rois.
Exit Josias, auquel succède aussitôt son fils Joachaz. Mais Nékao a mieux à faire pour l’instant que de s’occuper de Jérusalem. D’autant qu’il a perdu du temps. De toute façon, il est trop tard : lorsqu’il arrive à Karkemish, les Assyriens ont été battus à Harrân et leurs survivants, poursuivis par les Mèdes jusqu’en Urartu, sont en passe d’être exterminés ou enrôlés de force.
Nékao, déçu, laisse en place la garnison de Karkémish et redescend en Égypte. Au passage il fait tout de même un crochet par Jérusalem, où il a un compte à régler. Il y entre, apparemment sans coup férir, et dépose Joachaz, qu’il emmène en otage en Égypte. Le malheureux y sera exécuté, lui aussi. À sa place, il intronise Elyaqim, un autre fils de Josias, dont il change le nom en Joaqim. La vassalité de Juda vis-à-vis de l’Égypte durera jusqu’en 605, date à laquelle Nabuchodonosor, héritier présomptif du trône de Babylone, battra les Égyptiens à Karkemish et les obligera à se retirer du Levant. Mais ceci est une autre histoire (et celle-ci a déjà été suffisamment longue…)
Hercule- Affranchi des Paradoxes
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