Sagesse du pluvian
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Parmi les sépulcres
Mes compagnons défunts, qu'en est-il de vos ombres ?
Dorment-elles vraiment au fond de vos tombeaux,
Pendant qu'au ciel, portant des costumes plus beaux,
Vous mangez du pain frais en buvant du vin sombre ?
Est-il vrai que nos morts, que ce peuple sans nombre,
Vers un monde meilleur, inépuisable flot,
S'éloigne à tout instant, sans cris, sans un sanglot,
Quittant avec plaisir ce pays de décombres ?
Ou bien, faut-il penser que tout se décompose,
Qu'au cercueil ne survient nulle métamorphose,
Qu'en ces lieux, rien ne vit, sinon deux ou trois fleurs ?
Que ces fleurs soient témoins : nous vous sommes fidèles ;
Et si, compagnons morts, vous ne voyez rien d'elles,
C'est sur nous, non sur vous, que s'écoulent nos pleurs.
Une vision locale
Mes yeux ne savent voir plus loin que l'horizon.
Mon labeur quotidien, mes simples habitudes,
Tout en moi, comme aux temps lointains de solitude,
Par coutume est réglé, plutôt que par raison.
La routine en ce monde a bâti sa maison
Sur la bonne surface, à la bonne altitude,
Appliquant à cela des lois de finitude,
Comme, devenant vieux, souvent, nous les prisons.
Même pendant le temps dévolu au transport,
Franchissant, sans montrer le moindre passeport,
Maintes démarcations, limites ou frontières,
Je n'ai pas l'impression de quitter le couloir
Où se trouve rangé ce que je peux vouloir :
Une horloge régit mon existence entière.
Le chant de la création (palimpseste)
Dieu créa Terre et Ciel et la masse des ondes,
Car son immense esprit, magique et vagabond,
Etait rempli d'idées fécondes.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela cela «le monde» .
Dieu sentit le besoin d'une vision plus claire
Sur ce cosmos tremblant de bonds et de rebonds :
Ayant construit un lampadaire,
Dieu vit que cela était bon,
Il appela cela «lumière» .
Dieu comprit que la nuit est parfois importune :
Il construisit alors un miroir à photons
Qui fut un lampion de fortune.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela cela «la lune».
Dieu fit des animaux marins, terriens, célestes,
Gigantesques, petits, très sobres, fort gloutons,
Faisant des choses un peu lestes.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «gentes bestes».
Dieu fit des aliments, tous selon leur nature,
Qu'on pouvait préparer de diverses façons,
Et par exemple, en confiture.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «la verdure».
Puis Dieu se révéla, un soir, à tous ces êtres,
Demandant à chacun «Voudras-tu croire, ou non ?»
Tout un chacun l'envoya paître.
Dieu ne trouva pas cela bon,
Il nomma ça «Ni Dieu ni maître».
Il dut anéantir cette création vile,
Qui n'avait pas l'idée de glorifier son nom.
Il la recouvrit donc d'argile.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «des fossiles».
Les fossiles baignaient dans une chose molle
Qui avait la texture et l'odeur du goudron.
Y voyant un futur pactole,
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «du pétrole».
Un arbre dans la plaine
Disciples, ne soyez pris dans les apparences :
Ne distinguez pas trop le bon du mauvais sort,
Et sachez que le faible use toujours le fort.
N'ayez peur du bâton, n'exigez récompense.
La chose et son contraire ont peu de différence;
L'installation plus dure est source de confort,
S'occuper de sa vie est aller vers la mort,
Trop de douceur égale un surcroît de violence.
Un sage sous son toit, un arbre dans la plaine,
Aucun des deux ne va parler à perdre haleine,
Tous deux se satisfont de la clarté du jour.
Or, quand, le soir venu, cette clarté décline,
Quand, sous le vent d'hiver, le vieil arbre s'incline,
Il dit: "La vie n'est pas avec moi pour toujours".
Sur la méduse d'un sureau
Méduse d'un sureau, toi qui es introuvable,
Reste dans ton corpus de chants périgourdins,
Et moi, je resterai assis dans mon jardin
À contempler en moi ton sourire ineffable.
Un nuage-méduse, esquif ingouvernable,
Traversera le ciel, obscurcissant soudain
Ce petit terrain vague aux entours citadins.
J'enfilerai un pull pour être raisonnable.
Puis, le sureau viendra me chanter, de mémoire,
Au moins les trois premiers vers de sa belle histoire,
Ne sachant, lui non plus, d'où cela fut extrait.
Je ferai, quant à moi, mon travail de copiste,
Sans, pour trouver la source, avoir la moindre piste.
C'est écrit, c'est fini, je tire juste un trait.
______________________________________________
Dame de brume
J'ai rêvé que j'errais sur une mer d'azur
Qui s'étendait auprès d'un lumineux rivage.
La douceur du feuillage et la blancheur des murs
Donnaient un charme immense aux paisibles villages.
Je ne me lassais pas de ce vagabondage,
Car mon esprit, autant que le ciel, était pur ;
Le monde me semblait une charmante image
Où ne se montrait rien de sombre, ni de dur.
Mais je n'eus pas le temps de flotter à loisir
Dans la douceur du bleu, du bienveillant zéphyr :
Au bout de peu d'instants, mon rêve se termine.
Il est là cependant, grâce à ces quelques vers.
Dame de Brume, ayant terni mon univers,
Tu n'as pas obscurci ce dont il s'illumine.
Re: Sagesse du pluvian
C'est très beau, Cochonfucius : tu veux que je te dises ? Au fur et à mesure que je te lis au fil des mois et des ans, je trouve que ton art poétique s'affine, se cisèle, se peaufine... Je pourrais presque être jalouse !
Chanson du sans-voix
Ah, j'aimerais chanter des chansons dans le vent,
Des phrases de folie, à mi-voix déclamées,
Que porterait au loin une note enflammée
Par la rouge clarté du grand soleil levant.
Ah, j'aimerais danser comme le survivant
D'une horde perdue, égarée, affamée.
De gestes délirants cette danse tramée
S'épuiserait soudain dans les sables mouvants.
Mais j'écris calmement, dans la tiédeur du jour.
Les mots, loin de danser, traînent et se font lourds,
Tels de tristes oiseaux à la vigueur défunte.
Nul ne sait si demain ils reprendront leur vol.
Il leur plaît de languir, et d'arpenter le sol
Où je vois se former leurs légères empreintes.
Dernière édition par Cochonfucius le Ven 18 Nov 2011 - 11:36, édité 3 fois
Re: Sagesse du pluvian
Alors faites donc, vous l'homme qui peint avec des mots!
Chantez nous en dansant votre portrait chinois en l'année du cochon de feu.
Chantez nous en dansant votre portrait chinois en l'année du cochon de feu.
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Sagesse du pluvian
Voici pour donner du courage à un maître de la peinture avec des mots:
Les zannées-nées du cochon de feu
groin-groin gouf-niouf groin-rhho-rhho? *
*Nous attendons votre chinois portrait en une année qui vous...correspond?
PS: mais je ne parle pas de votre année de naissance hein!
Les zannées-nées du cochon de feu
groin-groin gouf-niouf groin-rhho-rhho? *
*Nous attendons votre chinois portrait en une année qui vous...correspond?
PS: mais je ne parle pas de votre année de naissance hein!
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Sagesse du pluvian
RhoooooooooCochonfucius a écrit:Merci, je me reconnais bien là.
Vous, vous êtes tout feu tout flamme et dessinez/peignez avec vos mots les univers les plus invraisemblables.
Non seul vous pouvez créer votre portrait
Voici pour vous y aider: chinois portrait
Tout comme Jean-Baptiste à interviewé le grand Albert, je m'essaie à l'exercice par le biais de chinoiseries.
Évidement si tout cela n'est qu'agacement alors tirez moi seulement la langue amicalement.
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Sagesse du pluvian
Quel talent ! Pour moi, la plus émotive et la plus chargée de sens,
" Parmi les sépulcres " du 2 Novembre . Bravo et merci.
" Parmi les sépulcres " du 2 Novembre . Bravo et merci.
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Sagesse du pluvian
gaston21 a écrit:... «Parmi les sépulcres» du 2 novembre.
Je me suis vraiment attardé, ce 2 novembre, dans un de "mes" cimetières.
Re: Sagesse du pluvian
La mère la chaise ou bien le père tabouret?
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Nunc dimittis
Un vieux maître se tient au bord d'un grand cours d'eau,
Disant : «Ecoutez voir, j'en ai une bien bonne :
Toute chose qui passe est pareille à ce flot.»
Cette dure leçon que le vieux maître donne
N'est pas inattendue, et ne surprend personne.
Il n'est refuge aucun, dans le ciel, pour l'oiseau,
Et l'univers n'est pas une horloge qui sonne.
Mais pour un arrivant, comme il paraît nouveau !
Un enfant découvrant son premier champ de neige,
Puis, tout ce qui effraie, et tout ce qui protège,
Et le vent qui s'amuse à coiffer ses cheveux...
De ces cent mille instants que l'on ne sait décrire,
Tenter l'évocation, vous la donner à lire :
C'est, comme humble vieillard, tout le bien que je veux.
Si Dieu n'existe pas, semble-t-il, c'est pareil
Si Dieu n'existe pas, semble-t-il, c'est pareil.
Charles Darwin, jadis, ouvrit la controverse ;
Dans les fiers arguments qu'un forum y déverse,
Existe-t-il de quoi nous tenir en éveil ?
Constatant que rien n'est nouveau sous le soleil,
Certains, sans intérêt pour la partie adverse,
Figent leurs positions. Mais d'autres tergiversent,
Construisent des avis, prodiguent des conseils,
Des exemples, des mots, et tout un arsenal
Visant à surmonter ce problème infernal.
J'observe le débat, même quand il s'enlise,
Admirant au passage un développement...
Puis je rentre chez moi, j'y pense calmement ;
Je me dis : «Peu importe», en dernière analyse.
Trois disciples
Trois disciples, voulant à leur tour être Maîtres,
Cherchèrent la réponse à la même question,
Qui était : «En faisant par jour trois plantations,
Combien neuf jours voient-ils de jeunes plantes naître ?»
Le premier répondit «Un ruban de deux mètres» ;
Et le deuxième a dit «Un flacon de potion».
On les a recalés, malgré leur dévotion :
Une réponse fausse, on ne peut la permettre.
«Vingt-sept», dit le troisième, et Maître on l'intronise.
Je m'en vais demander (car la chose est permise)
Au Maître d'où lui vient ce résultat probant.
«Ma démarche, dit-il, était des plus logiques,
J'ai compté ce flacon plein de potion magique
Et j'ai compté, en plus, deux mètres de ruban.»
L'Unique
L'Être-là dans un bar a rencontré l'Unique.
C'était il y a longtemps, du côté de Fribourg.
Sur la soif d'être ils ont exposé, tour à tour,
Leur propre perception et leur problématique.
Ce bar ne résonnait que de métaphysique,
C'est pourquoi le climat en était un peu lourd,
Surtout quand prospérait un dialoque de sourds.
«Rien ne doit, dit l'Unique, être systématique,
Sinon tes propres mots pourraient se mettre à fondre».
«J'ai compris, répond l'Être, un point où tout s'effondre
N'aura ni haut ni bas, étant comme un trou noir.»
Quelle conversation ils auront pu conduire,
C'est ce que ce sonnet ne peut pas reproduire :
La fin est obscurcie par les vapeurs du soir.
Hommage à deux chats poètes
Félin songeur, quand tu écris à ta voisine,
Tu ne dois afficher d'excessive rigueur.
De ta plume chacun devine la vigueur,
Montre-la nous plutôt douce, et gentille, et fine.
Si tu bois l'apéro dans sa belle cuisine,
Affirme-toi poète, et même un peu blagueur.
Que tu ne sois point pris pour un vilain dragueur,
L'amour n'est ce qu'on dit, mais ce que l'on devine.
Conflit, plus que bouteille, est ce qu'on doit vider.
L'esprit en séduction ne faut dilapider :
Car sagesse, autrement, deviendrait vil tapage.
Ne tiens compte, jamais, de ce poème fol ;
Il vaut moins que le dièse, et moins que le bémol
Dont j'orne partitions qui nous sont en partage.
Saint Nicolas
Lorsque Saint Nicolas était dans son berceau,
Il était fort, déjà, comme sont les taureaux ;
Héroïque, vraiment, fut sa chère nourrice,
Subissant de l'enfant les incessants caprices.
Lorsque Saint Nicolas montait sur un bateau,
Grenouilles et poissons, qui le voyaient si beau,
Ainsi que les hérons et que les écrevisses,
Accompagnaient l'esquif en cortège complice.
Saint Nicolas, plutôt que les plaisirs mondains,
Aimait la compagnie des oiseaux du jardin,
Leur offrant un perchoir solide, en arc de cercle.
Le grand Saint Nicolas, couché dans son cercueil,
Conservait cependant la grâce d'un chevreuil,
Quel regret nous avions de fermer le couvercle.
La conscience d'une huître
Au long du jour, mon esprit se repose,
Rêvant qu'il dort, sur du sable vermeil,
Mais d'un sommeil qui dépasse l'éveil :
Je suis heureux de ma métamorphose.
Larve nageuse un beau matin se pose
Sur un rocher, assez loin du soleil,
Sans plus marcher, n'ayant pied ni orteil.
Cet animal devient comme une chose.
Or, j'aime avoir la sagesse d'une huître :
Car l'escargot, progressant sur la vitre
Et qui se croit explorateur du ciel
N'atteindra pas cette inertie divine.
Vivre immobile, au gré des eaux marines,
C'est préserver ce qui est essentiel.
Re: Sagesse du pluvian
excellente reprise!
ElBilqîs- Aka Peace & Love
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Identité métaphysique : qu'importe
Humeur : douce et calme
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