Redéfinition de l'individualisme et du collectif

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Message par Régis Sam 24 Oct 2009 - 12:42

Je n'ai pas lu beaucoup de philosophes, mais je suppose que les idées qui suivent ont déjà été exprimées par plusieurs d'entre eux.

Ce sujet tâche de redéfinir les termes d'individualisme et de collectivisme ou collectif, parce que je pense que la manière dont ils sont traditionnellement (= la plupart du temps par les auteurs et par le peuple) définis, est erronée, c'est-à-dire qu'elle ne rend pas compte avec pertinence de ce qu'est réellement un système social comprimant l'individu et un système encourageant l'individualité.

Il est traditionnellement admis, par exemple, que le moyen-âge est collectiviste, caractérisé par l'existence d'une hiérarchie organique, qui se manifestait par l'attache des uns aux autres par leurs inégalités de nature, et la dépendance d'inférieur à supérieur qui en résultait à tous les niveaux.

La hiérarchie organique supposait l'appartenance, c'est-à-dire l'union des êtres dans une communauté, dans la prévalence de celle-ci : je suis quelque chose à travers mon appartenance à la communauté. D'où l'idée que le moyen-âge était collectiviste, alors qu'à partir de la révolution française, le libéralisme, le mode d'existence politique est plus individuel.

Je pense que cette manière de voir les choses, majoritaire dans les cercles académiques comme pour l'homme de la rue (par l'inconscient collectif), est trompeuse, pour la raison suivante : elle fait penser qu'au moyen-âge, dans les sociétés organiques on va dire, ou tribales, l'individu est nié quand dans la société moderne il est valorisé.

Or je pense que c'est le contraire et je dispose, je crois, d'un certain nombre d'arguments pour le faire valoir : au moyen-âge les conditions de vie étaient difficiles, les sociétés étaient assez proches de la nature, guerrière parfois, etc. Le "nationalisme" pouvait être de mise, certaines personnes devant se sacrifier à la guerre pour un bien supérieur, le pays, Dieu, etc. D'où l'idée prévalante que individualité avait peu sa place.

Mais sur un champ de bataille, par exemple, même si le dessein est collectif (défendre son pays), les conditions de guerre obligent nécessairement au moins un peu, chaque individu à se connaître, en se surpassant. Se transcender dans des conditions difficiles appelle forcément chaque personne à se mettre en rapport avec lui-même, voir de quoi il est capable, voir ce qu'il a dans les tripes, mesurer sa vraie valeur, se voir, beaucoup plus que dans les sociétés modernes, caractérisée par la passivité.

Dans ces dernières, on parle souvent d'individualisme en raison de la parcellisation de la société, atomistique diront certains. Mais chaque individu, à l'abri relatif du risque et des difficultés de la vie naturelle, ne peuvent plus se mettre en relation avec leur être, parce qu'ils y sont forcément éloignés par la sécurité collective. Bref, ils n'ont plus à se connaître, parce qu'ils n'en ont plus ou peu besoin. C'est une sorte de marasme collectif.

Pour résumer, je pense qu'il faut différencier individualisme et collectivisme extérieurs, et intérieurs. Les sociétés de forme tribale sont collectives extérieurement mais intérieurement, laisse plus de place à l'individualité de chacun à pouvoir prendre goût de lui-même. Les sociétés modernes sont individualistes extérieurement, mais gouvernés par le collectif intérieurement, car chaque personne

Je crois que, sans partager cependant ma thèse exposée ici, Marcel Gauchet différencie ces deux niveaux, en parlant d'individualisation des sociétés modernes mais de désindividuation.

Je crois aussi que Heidegger en parle, quand il dit que la société est gouverné par le "on" collectif.

Régis
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Message par Invité Sam 24 Oct 2009 - 21:21

Je pense que cette manière de voir les choses, majoritaire dans les cercles académiques comme pour l'homme de la rue (par l'inconscient collectif), est trompeuse, pour la raison suivante : elle fait penser qu'au moyen-âge, dans les sociétés organiques on va dire, ou tribales, l'individu est nié quand dans la société moderne il est valorisé.
Or je pense que c'est le contraire
Sur ce point précis, je suis entièrement d'accord!
On juge beaucoup trop vite le Moyen-Âge! En ce temps là, même la plus humble servante, le plus humble paysan était "reconnu" par son Seigneur. Misérable peut-être, mais vivant parce qu'il participait à la vie du château.
Aujourd'hui, sous prétexte d'individualisation, on vit dans l'indifférence d'autrui, "on" ne regarde plus les laissés-pour-compte, "on" est considérés soit comme un contribuable, soit comme un parasite, un riche ou un pauvre, un blanc ou un noir, un laïc ou un religieux, mais rarement (à part par nos proches) comme un individu libre de vivre la vie qu'il veut.

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Message par JO Dim 25 Oct 2009 - 8:40

il n'est pas libre de vivre la vie qu'il veut !
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Message par Invité Dim 25 Oct 2009 - 22:54

C'est exactement ce que je dis!
(je n'ai pas dit non plus que c'était le cas pour les serfs du moyen-Âge, ni d'ailleurs pour leurs Seigneurs!)

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Message par Régis Ven 4 Déc 2009 - 11:54

Hiérarchie et individualisme, contradictoire ? Pas forcément.

Je relance ce sujet car je suis frappé par le fait que notre époque, en parlant d’individualisme, ne donne pas de place à un sentiment qui tend à inverser les sens des termes que le peuple généralement, utilise.

On peut avoir l’impression à l’heure actuelle, que ce qu’ils appellent individualisme, conduit à des phénomènes d’aliénation et de désindividuation. Et inversement, on peut penser que ce que notre époque appelle société hiérarchique à l'ancienne, procurait aux individus, par des phénomènes d’inclusion et de rattachement à une tradition, une sorte de force qui leur apportait une individualité.

Ainsi individualisme et hiérarchie ne sont-ils pas forcément contradictoires mais peuvent aller main dans la main – à condition qu'il s'agisse d'une bonne hiérarchie. La hiérarchie dans le monde ancien – système de castes, etc. – est bel et bien faite de formes d’assujettissement extérieurs. Mais de cela il ne suit pas que ce système est anti-individuel, car il faut comprendre quels étaient les bénéfices individuels de cette structuration hiérarchique.

Les modernes font le plus souvent une caricature du monde ancien, en disant que c’est un monde d’automates, de robots, soumis… Mais il y a toutes les raisons de penser, en tous cas c’est ma conviction profonde, que l’humanité était plus individuée dans ces époques. Une hiérarchie saine est une hiérarchie où les plus conscients, intelligents, sont en haut, les moins conscients, intelligents, en bas.

Si la hiérarchie reflète cette conscience, intelligence, des individus, alors l’assujettissement peut procurer beaucoup plus de bénéfices aux gens pour leur propre individualité à leur propre niveaux, que notre organisation collective d'aujourd'hui – relativement individualiste extérieurement – qui au contraire anéantit les individualités.

On parle aujourd'hui d'individualisme, de déliaison, alors qu'en même temps nous sommes des sociétés incroyablement socialisées dans le sens où l'État redistribue (cinquante pour cent du revenu national), éduque, encadre… Le nouveau Leviathan est là, prêt à vous cueillir.

La caractéristique principale de l'Histoire au regard du présent sujet, me semble être une inversion : à savoir que l'ancienne hiérarchie vectrice d'individuation, a été détruite par la période moderne (libérale pour simplifier), ce qui était un préalable nécessaire avant la mise en place d'une nouvelle pyramide mais cette fois inversée, donc vectrice de désindividuation – les plus médiocres en haut : le socialisme/marxisme.

On pourra penser que ce n'est qu'une question de termes, mais cela appelle à mon sens une analyse en profondeur de ce que veut dire anthropologiquement – du point de vue des acteurs – individualisme et collectivisme.

Le peuple prend les mots le plus souvent dans une forme trompeuse, dans leur forme extérieure, mais il faut les regarder du point de vue des acteurs, et à ce moment-là selon moi, le point de vue change.

Régis
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Message par JO Sam 5 Déc 2009 - 7:57

on ne peut que constater que l'époque, en considérant la vie individuelle comme à la fois négligeable et sacrée ( avortement, droit de disposer de soi, protection juridique et sociale )nage en pleine schizophrénie . La multiplication actuelle des lois n'arrange rien , et complique encore le désrroi individuel et collectif . On ne saurait revenir au collectivisme : l'histoire tourne les pages, on n'y peut rien . Il faut avancer dans l'air du temps , qui est à la manipulation machiavélique , plus qu'à la brutalité hégémonique
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Message par Invité Lun 7 Déc 2009 - 5:47

Régis : au risque de te contredire mon premier sentiment serait de dire que tes arguments vont dans le sens contraire de ta démonstration, intéressante.

Si l'on remonte plus loin qu'au moyen age, ce qui a assuré la survie de l'homme c'est son "collectivisme".

Au moyen age c'est toujours prégnant : on nait dans une collectif (ou plusieurs enchassés) et l'on passe sa vie à le défendre sous peine d'en être durement exclu et donc condamné.
de plus le fait que l'espérance de vie soit courte diminue la valeur de l'existence individuelle, la notion de risque n'existe que peu vu que que les dangers mortels sont quotidiens.

aujourd'hui on est effectivement "passivement" assuré de vivre longtemps sans trop de problème, du moins dans nos sociétés occidentales et encore, tous les miséreux sont là pour nous rappeler q'il y a des exceptions. mais donc en majorité, "sans rien faire", on vit. mais donc du coup nous ne sommes pas tenus d'être prêts à donner notre vie à la société. les dangers étant moindre, nous faison beaucoup plus attention paradoxalement à notre peau, vu qu'elle semble nous appartenir entrièrement.
le temps libre augmentant, les convictions religieuses s'affaiblissant, les valeurs traditionnelles conservatrices de foyer et descendance se dévalorisant, les idéologies s'éteignant, chacun s'occupe de ses fesses. sauf si on est fanatique et/ou membre d'une secte (même les élans humanitaires sont plutot factices, sauf pour certains - comme leela ?- qui donnent au moins une partie de leur vie, étant plutot une nouvelle idélogie de substitution qui ne coute pas trop cher).

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Message par Invité Lun 7 Déc 2009 - 7:38

Intéressante discussion, je vous lis avec attention mais n'ai pas d'avis, juste des questions à propos du sentiment personnel de son individualité et appartenance à la collectivité.

Celui qui se bat pour que la société (sa famille, son clan, son pays) survive développe-t-il vraiment son individualité ? Ou faut-il une certaine sécurité pour qu'elle puisse se développer ? Quand on est dans la lutte pour la survie, plus rien d'autre ne compte. Par contre, quand on a un minimum de sécurité, on peut commencer à penser, développer les arts, des idéologies, ... ?
Quoique j'ai aussi remarqué qu'un trop grand confort entraîne une sorte de léthargie de l'esprit. Comme dit Caillou: se donner bonne conscience dans l'action humanitaire est aussi une forme de "luxe" accessibles aux seuls nantis (j'en suis bien consciente, et c'est pour cela que je déteste la charité paternaliste qui ne fait que renforcer les différences).

La difficulté, le chemin spirituel oserais-je dire, n'est il pas de devenir conscient de faire partie d'une collectivité tout en étant un individu, et qu'en enrichissant l'un, on enrichi l'autre (dans les deux sens) ?

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