Sagesse du pluvian
+2
Ladysan
Cochonfucius
6 participants
Page 34 sur 40
Page 34 sur 40 • 1 ... 18 ... 33, 34, 35 ... 40
Griffons médusés
image de l'auteur
Tu surviens, les griffons en perdent leur latin :
Ils trouvent que ton souffle est froid comme la bise.
Ces pauvres animaux, qui n’ont pas de chemise,
Se mettent à trembler, dans le petit matin.
Aussi, leur désarroi fait rire les lutins
Dont l’âme, par tes yeux, fut ravie et conquise ;
Tu méduses les gens, c’est une chose acquise,
Mais en tireras-tu le plus léger butin?
Gorgone, sans répondre, au logis retournée,
Pense qu’elle a bientôt terminé sa journée ;
De butin, pas une ombre, elle en est bien d’accord.
Puis quand, le soir venu, sont ses paupières closes,
Elle croit voir, aux murs de sa chambrette rose,
Les griffons médusés, improbable décor.
Hexapode au chef de sinople
image de l'auteur
Cet hexapode est un peu fou,
Il dit que sa chandelle est morte,
Mais il en a deux, qui sont fortes,
Ornant sa fourrure de loup,
Or, qu'il soit fou, que nous importe?
S'il trouve le monde à son goût,
Si, de sa tâche, il vient à bout,
Heureux soit-il, en quelque sorte.
Cinq morues volantes
image de l'auteur
C’est la morue d’azur qui voyage sans trêve,
Espérant, grâce à ça, rompre son célibat ;
De gueules, la morue vers le ciel d’or s’élève,
Qui veut, avec un ange, engager un combat.
C’est la morue de pourpre, aimant trop les débats,
Qui ne connaît point l’art de la sentence brève ;
Mais la morue de sable, approchant de la grève,
À l’ombre d’une roche abrite ses ébats.
La morue de sinople émigre en Angleterre
Afin d’y méditer dans un lieu solitaire,
Trouvant que les morues, ses soeurs, font trop de bruit.
Leur mère était, dit-on, la morue de montagne
Qui baronne fut faite, au temps de Charlemagne,
Pour lui avoir offert un grand panier de fruits.
Marchands de poisson
image de l'auteur
À nos jolis poissons, accordez un regard,
Proclament les marchands, dans la foire champêtre.
Ils attendent longtemps la faveur du hasard,
Pris, parfois, d’une envie de tout envoyer paître.
Achetez des poissons, choisissez des filets,
Ils sont frais d’aujourd’hui, voyez, ma bonne dame !
Les deux marchands frileux referment leur gilet,
S’approchant du chauffoir et de sa maigre flamme.
Ah, misère de nous, a dit le plus bavard,
Quel pénible métier ont choisi nos ancêtres !
Au lieu de tout ce temps passé sur le trimard,
Comme il serait plus doux d’être bourgeois ou prêtres !
Goupil-Argus
image de l'auteur
Il a dans un jardin son aimable séjour,
Ce grand Goupil-Argus dont le plumage ondoie ;
Il y traîne sa queue sur de petites voies,
Sous le ciel que la lune orne au début du jour.
L’été, dans ce domaine, est bientôt de retour,
La flore est prolifique, et l’herbage verdoie,
Les insectes sont gais, les oiseaux sont en joie,
Sur la plus belle branche, ils chantent tour à tour.
Or, le Goupil-Argus n’a qu’un langage morne :
Non point l’appel puissant du boeuf aux belles cornes,
Mais un soupir grinçant, un bien étrange bruit.
Certains jours, il se dit qu’avec lui, la nature
A pu, sous ce rapport, se montrer un peu dure ;
Mais il n’y pense plus, lorsque revient la nuit.
Précepteur du goupil
image de l'auteur
Je t’emmène à l’école, une ou deux fois par jour,
Le maître me dira si tu suis bien les cours,
Ou si, de temps en temps, ton esprit vagabonde
Ainsi qu’un carpillon se divertit dans l’onde.
Car tu es un goupil, non un enfant de porc,
Un goupil qui jamais ne doit perdre le nord ;
Tu ne deviendras pas un pêcheur de sirènes,
Peut-être, encore moins, le bouffon d’une reine.
Le goupil ne dit rien, admirant la couleur
Du firmament bien lourd des premières chaleurs,
Et rêvant qu’il se change en errante licorne
Qui traverse les airs, arborant un bicorne.
Ange de combat
image de l'auteur
Ni le regard de Lilith enragée,
Ni des Enfers le redoutable dieu,
Ni le cloporte en son humide lieu
(Petit seigneur des forêts ombragées),
Ni la sirène en princesse changée,
Ni la Gorgone aux dommageables yeux,
Ni le Titan qui menaçait les cieux,
Ni, par Achille, une amitié vengée,
Ni, de Calvin, les bûchers vertueux,
Ni, du vizir, les complots tortueux,
Ni le requin chassant au fond des ondes,
Ne sont sujets que je veux délaisser ;
Ensemble j’ai leurs jolis noms tressés
En un sonnet, pour amuser le monde.
Connus comme deux loups blancs
image de l'auteur
Je vous ai vus ! Je vous ai vus !
Votre fourrure est toute blanche,
Vous marchez sans casser les branches,
Loups blancs ! Je vous ai reconnus.
Souvent, vous dressez les oreilles,
Vous êtes deux, et non pas trois,
La faim vous fait saillir du bois,
Mais vous ne mangez pas d’oseille.
Un grand corbeau est survenu,
Combien blanche était sa défroque !
Ses cris aux vôtres s’entrechoquent,
L’écho les rend par le menu.
Illumination triple
image de l'auteur
Dedans le temple, existe une triade
Dont le regard voit le fruit dans la fleur ;
Captant l’obscur dans la vive couleur,
Comme un saumon, remontant la cascade.
Si tu as peur, si tu te sens malade,
Si, sans raison, ton visage est en pleurs,
Au sanctuaire apporte ta douleur,
Le bas clergé t’accueille en camarade.
Si la souffrance est dans ton coeur blessé,
Si, vers le sol, tes yeux sont abaissés,
Si ton esprit est affaibli par l’âge,
Vois : ton souci parvient à s’envoler !
Tout en douceur, ton temps va s’écouler
Sans te navrer d’irréparable outrage.
Astre-Pantoufle
image de l'auteur
Je connais lunes potagères,
Aussi l’étoille messagère;
Je connais lampions florentins ;
Je sais la comète d’écoufle,
Mais, je ne le dis en latin,
Il n’est soleil qu’une pantoufle.
Car de sinople est sa lumière,
Qui point ne nous est familière,
Cela fait de bien beaux matins,
Quand brise sur les jardins souffle ;
Or, c’est un chausson de satin,
Il n’est soleil qu’une pantoufle.
Soleils ne sont casques de guerre,
Du moins, nous ne les aimons guère ;
Soleils ne sont point les patins,
Non plus les bottes, ni les moufles :
Ceux-là sont bons pour les pantins,
Il n’est soleil qu’une pantoufle.
Prince, je ne le vous camoufle
(Car poèmes ne sont potins) :
Voici ce dont je suis certain,
Il n’est soleil qu’une pantoufle.
Apothicaire de sable
image de l'auteur
De sa gentille main pesant les friandises,
Ou l’herbe pour aider les gens en mal d’amour,
L’apothicaire noir se démène toujours
Pour offrir à chacun des solutions exquises;
Mais, direz-vous, a-t-il l’aptitude requise ?
Qu’importe, à son conseil, nous avons tous recours ;
Même s’il a envie de nous donner un cours,
Point ne l’interrompons, car ce serait sottise.
Apothicaire heureux, toujours, s’il est de garde,
Proprement s’occupant de ce qui le regarde,
Pour la douleur du monde envahi de pitié,
Car, s’il n’en a merci, il en a sympathie;
Par son érudition, si longuement bâtie,
De l’oeuvre de guérir, il porte la moitié.
Éléphant d’azur
image de l'auteur
Éléphant prend pluvian pour maître de science ;
Un bon disciple il est, vu qu’il a patience.
Pluvian, de son côté, a fort bien mérité
La charge d’enseignant, dont il vient d’hériter.
Le premier élément de la sage doctrine.
Est d’épargner ce coeur qui bat dans la poitrine,
Sans lui faire livrer d’inutiles combats,
Sans en user la fibre en d’épuisants débats,
Éviter les discours éléphantocentriques,
Ne jamais abuser d’entretiens psychiatriques,
Aimer ce qu’on aimait, lorsqu’on était enfant.
Je m’y efforcerai, répondit l’éléphant.
Miroitement
image de l'auteur
Le lion et ses reflets dansent dans la prairie,
Je n’ai jamais vu ça, je n’en crois pas mes yeux.
Un mouton, d’ordinaire, est présent en ce lieu,
Mais il reste, aujourd’hui, près de la bergerie.
Des oiseaux de sinople, où le vent les charrie,
Traversent le pays, criant à qui mieux mieux.
Vers ce beau pâturage, ils descendent des cieux,
On dirait que leur chair est grassement nourrie.
Un reflet s’agrandit, se déforme et se tord,
Un oiseau vert sursaute et pousse un cri de mort
Qu’un vieil arbre perçoit au profond de sa sève.
Tais-toi donc, dit le lion, nous aurions des ennuis ;
L’oiseau, perdant sa voix face au reflet qui luit,
Prend son cap sur le nord, et dans les airs s’enlève.
Poterne du dragon
image de l'auteur
Ces gardiens n'ont jamais connu l'astre du jour ;
Ils se sont réchauffés aux feux de l'inframonde,
Ignorant les jardins où la douceur abonde
Ainsi que les palais aux orgueilleuses tours.
Sombre est cet univers, froides en sont les ondes,
Ceux qui viennent ici, c'est souvent sans retour ;
Le sinistre oreillard y fait parfois sa ronde,
Hadès prend sa pitance en cet obscur séjour.
Certes, les visiteurs ne s'y bousculent guère,
À peine plus nombreux à l'issue d'une guerre,
Même de s'approcher, on dirait qu'ils ont peur.
Pour y faire excursion, le druide parfois use
D'une forte potion, et, grâce à cette ruse,
Chaque gardien savoure une chaude torpeur.
Porte armoricaine
image de l'auteur
Sous l’oeil d’un monstre serpentin
Est un portail, dans la bruyère ;
Pèlerin venu des lointains,
Malheur, si tu l’avais atteint !
Les portes n’en sont pas entières,
Fendues sous leur émail déteint,
Porteuses d’un texte indistinct,
Oeuvre d’un barde solitaire.
Allons, ne sois pas incertain :
Pour un voyageur clandestin,
Il est du malheur sur la terre.
Laisse à ce portail son mystère !
Double manoir
image de l'auteur
Ce double manoir a deux portes,
La basse est pour les âmes mortes ;
Rien de ce qu'elles ont souffert
Ne franchit ces battants de fer.
Mais ceux d'en haut sont languissants,
Car leur délire, surgissant
Du profond du manoir de flammes,
Tourmente leur coeur et leur âme.
De ce lieu, l'ange tutélaire
Épargne au pécheur sa colère,
Qui, depuis si longtemps vivant,
Ne s'en soucie, dorénavant.
Ambibouc
image de l'auteur
Notre ambibouc, que nous avions perdu
(Et de cela, nous sentions de la gêne),
De nos tracas ne s’est pas mis en peine ;
Dans le décor, il s’est vite fondu.
Que le berger en fût tout éperdu,
Pour l’animal, ce n’est qu’une idée vaine,
Car ces bestiaux ont une âme inhumaine,
Sans souvenir d’un service rendu.
Qui sait pourquoi j’écris cette complainte ?
En son esprit, mon image est éteinte,
Et je ne peux lui donner vraiment tort.
Nos destinées ne sont pas ennemies,
J’ai ma maison, il a sa libre vie,
Marchons ainsi, en attendant la mort
Chèvre-Feuille
image de l'auteur
Les sentiers cavaliers lui sont des boulevards ;
Son corps est fort léger, le vent l’emporte vite.
Le loup végétarien la couve du regard,
Il veut la dévorer, sa panse l’y invite.
La feuille, par magie, disparaît tout à coup
(Faut-il ici parler d’intervention divine?),
Le loup en est surpris, ça l’afflige beaucoup,
Il poursuit son errance en faisant grise mine.
Il poursuit son chemin, la malchance le suit,
Il ne sait si la feuille est cachée sous la mousse ;
Cela fait plusieurs fois que son repas le fuit,
Le désespoir se lit sur sa sombre frimousse.
Mangeur d’aigles
image de l'auteur
Il traverse les cieux dans les étés vibrants,
Chasseur fort exigeant, ses proies ne sont pas foule :
Au-dessus du nuage où les orages roulent,
Il traque l’aigle d’or au regard transparent.
De l’aigle, on peut entendre un appel déchirant,
Puis, de gueules, son sang brutalement s’écoule :
Comme par le goupil est emportée la poule,
Ainsi par le dragon le rapace mourant.
Mais le mange-dragons dit, avec ironie :
Pour toi, reptile, aussi, surviendra l’agonie !
Et le dragon sursaute, en entendant sa voix.
Mange-dragons, dis-moi, tu n’as pas de quoi rire,
Un pêcheur te prendra, puis il te fera frire
Afin de te servir avec des petits pois.
Oppidum
image de l'auteur
Un jour que je suivais la route solitaire
Qui, si souvent, m’accueille avec fidélité,
Un jour que le grand vent, dans sa moblité
Poursuivait, devant moi, sa course involontaire,
Un jour que j’étais loin de l’humaine misère,
Un matin, oublieux de ma fragilité,
(Et la bise soufflait avec brutalité),
Je découvris un temple, un lieu sacramentaire,
Un oppidum ancien qu’emplissait le mystère.
Je me mis à genoux (quelle docilité),
Écoutant un prêcheur qui, sans débilité,
Fit résonner ce lieu, loin des grandes artères.
Cervoise
image de l'auteur
Il est une une taverne, au coeur de la cité,
Où j’aime retrouver l’aimable compagnie
Du patron goguenard, régnant, sans tyrannie,
Sur douze vrais buveurs, fleurons d’humanité.
C’est là qu’il faut vouloir du monde s’écarter ,
Afin de retrouver la douceur infinie
D'un antre primitif où s’écoule la vie
Dans le rire et le jeu, la joie et la clarté.
Cet antique comptoir est un petit théâtre
Où dansent les acteurs, sans se laisser abattre,
Que l’homme soit prospère, ou soit peu fortuné.
Mais vous pouvez entrer, ça n’a rien d’effroyable,
Le maître du troquet n’est pas un misérable,
Dont jamais un buveur ne fut abandonné.
Passager de la lune
image de l'auteur
La lune va son train, cet homme aime la suivre,
Vaisseau monumental qui plane sur les champs,
C’est ainsi qu’il s’amuse et qu’il se laisse vivre,
Et puis il disparaît, la lune se couchant.
Par la suite, il surgit, à l’est de la montagne,
Toujours, de l’astronome, il respecte les lois,
Jamais il ne ressent que la torpeur le gagne,
Et l’astre le promène au-dessus des grands bois.
Ce paisible vieillard, l’âme d’errance pleine,
Infatigablement parcourt la voie des cieux ;
Et quand, minuit sonnant, il survole la plaine,
Il se souvient qu’il eut du plaisir en ces lieux.
Piaf-loufiat
image de l'auteur
Je porte la cervoise avec beaucoup d’adresse,
Mon gigantesque bec est un bel instrument.
Je ne me permets pas un instant de paresse,
Car les clients du bar la boivent goulûment.
Ça semble du sirop, mais sa force est traîtresse,
Aussi leur estomac proteste (faiblement).
Si le buveur va voir, ensuite, sa maîtresse,
Il risque d’éprouver quelques désagréments.
Or, lorsque je n’ai plus ces soiffards sur le dos,
Je pousse le ballon, dans mes temps de repos,
Car le sport est pour moi la plus saine des drogues.
Je suis un bel oiseau, chacun le dit, c’est clair ;
Je suis plus fort qu’un merle, ou même qu’un pivert,
Je suis un oiseau rare, a dit l’ornithologue.
Distillateur de temps
image de l'auteur
Comment travailles-tu, distillateur de temps ?
Filtres-tu, tout d’abord, les eaux de nos étangs ?
Ah ! cette humble question peut bien te sembler vaine,
Mais j’aime les sujets qui sont de ce domaine.
Car, sais-tu que ma vie se va rétrécissant,
Et que j’ai pour soleil un astre finissant,
Que je n’ai nul pouvoir sur les instants qui passent,
Même si, d’espérer, mon âme n’est point lasse ?
Or, le distillateur travaille, sans broncher ;
Peu lui importe, à lui, ce qui le fait marcher,
Parmi les retraités qui, dès l’aube, jardinent
Aux échos du clocher d’où tombent les matines.
Une paire de griffons
image de l'auteur
Que feront les griffons pour nourrir leurs enfants ?
Du gibier des forêts, c’est rare qu’ils en prennent.
Vont-ils cueillir des fruits au jardin de la reine,
Ou vont-ils enlever le grand paon triomphant ?
Car jamais griffonneaux ne se vivent de vent,
Mais des parts de gibier de la friche prochaine,
À la rigueur, des glands que leur offre le chêne,
Des pendants de corail que l’on cueille en rêvant,
Ou des petits poissons que l’on pêche à la lampe,
Dont le peintre Keisai fit une belle estampe ;
Or, de repas, ce soir, devront-ils se passer ?
Mais non, car on tuait les cochons des villages,
Aussi, le maire offrit aux griffons de passage
Quelques morceaux choisis de ces chers trépassés.
Page 34 sur 40 • 1 ... 18 ... 33, 34, 35 ... 40
Sujets similaires
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» Sagesse du pluvian
» L'islam pyramidale : le groupe qadiriya boutchichiya
Page 34 sur 40
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum