Sagesse du pluvian
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Licorne en reine déguisée
Puis la licorne, en reine déguisée,
Attend le roi dans son grand lit carré.
Son coeur qui bat d’amour démesuré
Conçoit en lui les plus hautes visées.
Sur l’oreiller sa crinière est posée,
Guettant l’entrée du monarque honoré ;
La chambre baigne en ces reflets dorés
Et en fragrance hardiment composée.
Aux quatre coins du lit, des pommes d’or,
Un élément naïf dans le décor
Auquel, lecteur, tu peux bien condescendre.
Le roi, pourtant, n’est point là. Quel tourment,
La longue nuit qu’elle passe à l’attendre ;
Chez la marquise, il soupe, ce gourmand.
Le chou et le lien
Un Chou mijotait dans un pot,
Il avait chaud (que Dieu le garde) ;
Lui, des légumes le plus beau,
Vit un lacet qui, par mégarde,
Avait été dans le potage mis.
« Allons, dit le légume, allons donc, mon ami,
Vous aurait-on tiré d'un bocal de vinaigre ?
Que faites-vous ici, vous êtes bien trop maigre. »
« Aussi, répond le lien, en sortirai-je libre .
Ce qui n’est point le cas d’un gars de ton calibre. »
Si tu veux à ma fable une moralité :
Mieux vaut, parfois, être un inadapté.
Presque une chantefable
Robert tire un alligator
Par les cheveux ; il a donc tort,
Car les alligators sont chauves.
Aussi l'alligator se sauve...
Il va manger l'aligot tard
Dans un troquet du Saint-Gothard.
C'est noté dans le Cahier Mauve,
Contresigné par l'aigle fauve,
Et publié dans ce recueil.
Robert, ne perds pas ton orgueil,
Nous aimons bien tes Chantefables ;
Alligator, chauve-souris,
Sardine, tortue et fourmi,
Tant d'animaux impérissables !
Coccinelles
La coccinelle rouge annonçait une fête,
Mais elle n'a point dit en quel temps, en quel lieu ;
La coccinelle jaune, un astre dans les cieux
Que trouveront nouveau le barde et le prophète ;
La compagnie en fut quelque peu stupéfaite :
La coccinelle orange, un insecte fort pieux,
A prédit du bonheur pour tous, jeunes et vieux,
Ou bien, au minimum, une journée parfaite.
La coccinelle rose a dit : « L'automne arrive
Et nous allons bientôt passer sur l'autre rive
Afin de profiter des beautés de l'hiver » .
La coccinelle mauve a dit : « Dans nos étreintes,
Nous ne nous sentons point tenues par la contrainte
De commenter la chose en composant des vers » .
Transmigration
Trois âmes ont volé par-dessus la colline :
L’une, vêtue de rouge, avec de grands yeux d’or,
L’autre, de jaune avec du sombre sur les bords,
La troisième d’orange aux nuances divines.
La première est partie dans la brise marine,
Vers l’ombre des grands bois. La deuxième est au bord
D’un canal où s’ébat la carpe aux reflets d’or.
La troisième fréquente une friche anodine.
Les grands bois, en novembre, ont encore des fleurs ;
L’âme rouge se mêle à leurs vives couleurs,
Sous le timide aspect d’un insecte ordinaire.
L’âme jaune et l’orange ont dansé dans le vent,
Ainsi commémorant leurs deux grands corps vivants ;
Mais le vent fait danser, aussi bien, la poussière.
Piaf-Tonnerre un matin rêvait
Piaf-Tonnerre un matin rêvait,
Un jour de brume ;
Au ciel, un corbeau dérivait,
Aux noires plumes.
Le corbeau se laissait flotter
Comme un nuage,
Voyant les humains barboter
Aux marécages.
Corbeau, corbeau, où sont les tiens,
Où sont tes frères ?
Es-tu donc un corbeau sans liens,
Un solitaire ?
Le corbeau n’a rien répondu,
Car c’était un corbeau tordu.
Ballus à la campagne
Voici le vieux Ballus marchant au pâturage
Où, le soir, ont dansé (peut-être) des lutins.
La prairie tout entière est ornée ce matin
De givre flamboyant aux couleurs de mirage.
Que vient chercher Ballus en ces humbles parages ?
Est-ce le souvenir d’un vieux Bénédictin
Qui lui avait appris sa prière en latin ?
Est-ce l’odeur qui monte après le labourage ?
La terre est en repos, car c’est bientôt l’hiver.
Très peu d’arbres au bois gardent un peu de vert,
Du ciel ont disparu les oiseaux de passage.
Si ce vieillard aime à folâtrer dans les champs,
C’est qu’à l’oisiveté son coeur a du penchant ;
Vous ne prendrez donc point ce Ballus pour un sage.
Homme de plume
Maître Gecko, trouvant un jour une lectrice,
L'installe dans son lit (car c'est bientôt l'hiver) ;
Le lendemain matin, ce barde, toujours vert,
Dédie un madrigal à son admiratrice.
Sa plume va tout droit, ne grince ni ne crisse,
Il nous dit l'essentiel au long de quelques vers :
L'amour, et les regrets qui en sont le revers,
Ce qu'il faut de douleur pour qu'une âme mûrisse.
Son amie par-dessus son épaule découvre
Les mots qu'il a tressés, les horizons qu'il ouvre ;
Ses battements de coeur aux rimes font écho.
Dans le petit matin, la frémissante muse
Médite, baignée par la lumière diffuse,
Ton séduisant pouvoir, ô plume du Gecko !
Quelques plaisirs
J’aime aller sur les blogs pour le plaisir de lire ;
J’aime narrer un conte, appris ou inventé ;
J’aime, en me promenant, découvrir la beauté ;
J’aime avoir des copains avec qui je peux rire.
J’aime féliciter, je n’aime pas médire ;
J’aime évoquer l’amour, la joie, la liberté ;
J’aime les vieux comptoirs et la fraternité ;
J’aime l’amusement, j’aime aussi le délire.
J’aime l’alexandrin, j’aime bien le sonnet,
J’aime ce que j’ignore et ce que je connais,
J’aime le vent qui passe, avec sa turbulence.
J’aime les beaux jardins, les librairies aussi ;
J’aime déambuler, j’aime rester assis,
J’aime entendre chanter, j’apprécie le silence.
Victor Hugo parle aux arbres
Victor Hugo explique aux arbres que son âme
(Dont il eut l’occasion de leur parler souvent)
N’est, pas plus que la source et pas plus que le vent,
Exposée au reproche, encore moins au blâme.
Dans la contemplation, son noble esprit se pâme,
Il observe une feuille au ruisseau dérivant,
Il se souvient d’avoir entendu, au couvent,
Le grégorien chanté par une voix de femme ;
Son coeur vers le cosmos à ces instants s’élance,
Il ne distingue plus la clameur du silence ;
Le sens de l’univers à ses yeux apparaît.
Il reste là, dans l’ombre et dans le noir mystère,
Tout debout dans le froid, puissant et solitaire,
Comme un arbre de plus dans la sombre forêt.
Robert voit une girafe
Robert, plaisantin, poète,
Fou du sud et fou de l'est,
Tu sais raconter les bêtes,
Fou du nord et fou de l'ouest.
Tu ne croyais pas au ciel,
Dieu du sud et dieu de l'est,
Mais à l'amour éternel,
Dieu du nord et dieu de l'ouest,
À la rose, à l'hirondelle,
Fleur du sud et fleur de l'est,
À la muse au coeur fidèle,
Fleur du nord et fleur de l'ouest,
À ton art de polygraphe,
Chant du sud et chant de l'est,
Applaudi par les girafes,
Chant du nord et chant de l'ouest.
Roi barbare
Un roi barbare a mis sa culotte à l’envers ;
Or, l’évêque qui fut son ministre et son pote
Ne craignit point de lui parler de sa culotte.
À l’endroit, dit le roi, je la remets, mon cher.
Le peuple qui fredonne à tort et à travers
A fait sienne, depuis, la chanson rigolote
Où l’on voit que ce roi n’avait rien d’un despote,
Même s’il possédait un grand sabre de fer.
Sa Majesté partait, pour chasser, dans la plaine,
Mais rentrait au palais, en sueur, hors d’haleine,
Ayant peur des lapins (et de bien d’autres choses).
Quand le diable lui dit « Tu mourras aujourd’hui »,
Il eût voulu qu’Eloi mourût au lieu de lui ;
L’histoire ne dit pas s’il obtint gain de cause.
Petit page
Son petit coeur battait très fort
(Le coeur d'un page de la reine) ;
Son petit coeur battait très fort
Quand, pour elle, il sonnait du cor.
Lorsqu'elle dormait comme un loir
(La plus paresseuse des reines),
Lorsqu'elle dormait comme un loir,
Il était gardien du boudoir.
Elle aimait dilapider l'or
(La plus dépensière des reines),
Elle aimait dilapider l'or,
Il regarnissait le trésor.
Or, Sainte Hélène aimait le roi
(Une rivale de la reine),
Oui, Sainte Hélène aimait le roi,
Mais la reine aimait Saint Eloi.
Reines et rois n'ont point de coeur,
Hélène, Eloi en ont à peine ;
Reines et rois n'ont point de coeur,
Car ce sont des êtres moqueurs.
Du page ils se riaient toujours,
Rire de roi, rire de reine,
Du page ils se riaient toujours ;
Car ses habits étaient trop courts.
Lune verte
Chaque homme à son prochain aimera faire un don,
Lorsque d'un astre vert les nuits seront hantées ;
La joie, la liberté seront partout chantées,
Les mauvais sentiments seront à l'abandon
Quand la lune sera verte.
Verte comme l'oiseau que l'on nomme verdier,
Verte comme le sont quelques forêts lointaines,
Ou comme une émeraude au collier de la reine,
Comme au front d'un grand homme un immortel laurier.
Quand la lune sera verte,
Verts seront les jardins de la fraternité,
Verts les tombeaux fleuris des villages de France,
Verts les petits lézards emplis de nonchalance ;
Nos jours seront tissés de plaisirs enchantés
Quand la lune sera verte.
Louise voit une flûte
Flûte de lune et de marraine,
Taureau de fer, fer et taureau,
Brume qui semble de la laine,
Rives de la Seine,
Moineaux.
Flûte aux humeurs trop passagères,
Secret que disent les roseaux,
Chansons qui parcourent la Terre,
Trame cellulaire,
Réseaux.
Flûte à la simple mise en scène,
Chanson que fredonne au boudoir,
Le page amoureux de la reine,
Trois paroles vaines,
Le soir.
Flûte aux mélodies chromatiques
Avec des saveurs de sorbet,
Flûte aux nostalgies folkloriques,
Beauté stylistique,
Sonnet.
Flûte alternant la nonchalance
Avec une extrême rigueur,
Flûte à la savante ordonnance,
Plateau de balance,
Danseur.
Triple résurrection
C'étaient trois écoliers qui glanaient sur la lande ;
Chez le maître boucher quand ils se sont logés,
Ce méchant artisan, les ayant égorgés,
En façon de terrine a préparé leur viande.
Jamais il n'a vendu de cette chair friande ;
Au bout de sept années, nul n'y avait touché.
Le grand saint Nicolas s'en vient voir le boucher :
Refusant le jambon, c'est ce plat qu'il demande.
Il verse sur la chair trois gouttes d'eau bénite
Et trois grains de sel pur. Trois coeurs alors palpitent,
Trois corps reprennent forme et sortent du saloir.
J'ai soif, dit le premier, donnez-nous de la bière ;
Le deuxième ajouta : Remplissez bien nos verres,
Le troisième observa : J'ai dormi comme un loir.
Arthur voit un prince
Un prince a recherché les triomphes barbares,
Mais il a constaté qu’il n’en résultait rien.
La rencontre, pourtant, d’un démon aérien
Le plongea, pour un temps, dans une extase rare.
Tels des oiseaux de mer se tuant sur un phare,
Le prince et le démon périrent, corps et biens.
Cette fable pour dire (et retenez-le bien)
Que le bonheur produit la mort, sans crier gare.
Arthur, nous admirons ton talent de conteur
Et nous sommes bien loin d’atteindre tes hauteurs ;
Mais nous sommes moins durs, dans nos vers et nos proses.
Dans nos rimes, le prince a de plus doux plaisirs ;
S’il meurt, ce n’est que pour davantage s’offrir
À la contemplation de son unique rose.
Re: Sagesse du pluvian
J'aime beaucoup tes poèmes Cochonfucius, ils me font rêver et sont bien balancés.
Geveil- Akafer
- Nombre de messages : 8776
Localisation : Auvergne
Identité métaphysique : universelle
Humeur : changeante
Date d'inscription : 18/05/2008
Re: Sagesse du pluvian
La source d'inspiration pour le plus récent :
http://www.paradis-des-albatros.fr/?poeme=rimbaud/conte
http://www.paradis-des-albatros.fr/?poeme=rimbaud/conte
Vieux guide
Comment croire à ce vieux guide ?
On le sent bien indécis.
Ce n'est certes pas un druide ;
Homme, au statut imprécis,
Oracle dont le front luit,
Nous ne savons rien de lui.
Faisons-lui pourtant confiance :
Un poète est parfois fort
Capable de fulgurance.
Il peut trouver des trésors
Une fois qu'à son oreille
Sa muse dit des merveilles.
Sacrebleu
Sacre d’Ève au vieux jardin,
Sacrifice de Caïn ;
Sacré fils du charpentier,
Sacrement “Hoc est Porcus”,
Sacre des rois dans la crypte.
Bleu de la fumée lointaine,
Bleu de la lune songeuse ;
Bleu de l’infini des sphères,
Bleu d’acier des uniformes,
Bleu de l’encre d’une lettre.
Cornegidouille
Corne de licorne invisible,
Corne du pâtre au matin clair ;
Cornes de l'escargot des vignes,
Corne d'or et corne d'argent,
Corne des cieux qu'on nomme "lune" ;
Gidouille des rois de Pologne,
Gidouille tombant en quenouille ;
Sainte gidouille sans phlyctène,
Gidouillon du pot à moka,
Vies des saints du mois de gidouille.
Sirène
Tel fut le prix payé jadis par la sirène
À la noire sorcière, un matin de printemps :
D'abord son rouge coeur de corail palpitant
Fit place à de la chair, fragile chair humaine ;
De sa nageoire dont elle usait, souveraine,
Pour franchir sans danger les gouffres inquiétants,
Naissent jambes et pieds où la douleur s'étend,
À son rire fait place une expression de peine.
Pour l'amour d'un mortel a lieu ce sacrifice,
Pour un prince qui fut sauvé du précipice
Où s'était englouti son navire, autrefois ;
Elle a donné aussi, la fille de l'eau verte,
(Fatale à son amour sera pareille perte)
Elle a donné aussi sa ravissante voix.
Un érudit
Un érudit cherchait le lieu natal d’Homère ;
Un collègue lui dit que donc, il lui fallait
Rencontrer un chercheur sortant de l’ordinaire,
Le plus savant de tous, le maître Alphonse Allais.
Allaure, dit Alphonse, est le nom de ce lieu :
Il n’est plus temps que vous en doutassiez encore.
« Merci », dit l’érudit, « pour cet avis précieux ;
Mais comment... » « Vous savez : on dit "Homèr’d’Allaure". »
Écosystème
Un érudit rêva qu’il était un corbeau,
Et qu’il était, de plus, en présence d’un mage
Qui, changé en renard, réclamait du fromage.
« Que serait-ce, dit-il si j’étais un agneau ! »
En insecte, soudain, se transforme l’oiseau,
Posé sur des raisins que, devenu très sage,
Le renard, lui laissant ce goûteux apanage,
S’abstient de dévorer, ne les trouvant pas beaux.
Mais l’insecte devient un bouc bien encorné,
Ne voyant pas plus loin cependant que son nez,
Chose dont le goupil abuse sans vergogne.
Le rêve se poursuit, et le pauvre renard
Se retrouve, à la fin, pris dans un traquenard
Que lui tend le rêveur, transformé en cigogne.
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