La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
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La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Préface de Kant - Se réfère pour le moment à Ce lien
Bulle, ne le prends pas mal, après tes efforts dévoués pour me fournir la version de la BNF (s'il vous plaît !), mais cette dernière ne contient pas de préface.
Plus tard, je posterai sur l'Introduction, encore du même lien que j'ai mis en évidence, car elle y est de Kant, au contraire de l'édition BNF.
Si quelqu'un est déjà plus avancé, ou l'a déjà lu en entier, il doit pouvoir avoir le droit d'évoquer un passage explicatif au-delà de ce chapitre. Je me concentre néanmoins sur la Préface de Kant pour le moment avant d'avoir déjà lu l'introduction, à cause du risque de perdre le fil.
Merci pour vos commentaires.
Les passages que j'ai trouvés centraux (les chiffres se référeront aux chapitres - 1 pour la préface, les lettres - aux points que j'ai trouvé centraux, dans l'ordre) - les n° de page [les phrases débordant souvent de l'une à l'autre] sont à titre indicatif:
Alors, Bulle, quand tu oppose la métaphysique à la science, ...comment peux-tu soutenir cela ?
Bulle, ne le prends pas mal, après tes efforts dévoués pour me fournir la version de la BNF (s'il vous plaît !), mais cette dernière ne contient pas de préface.
Plus tard, je posterai sur l'Introduction, encore du même lien que j'ai mis en évidence, car elle y est de Kant, au contraire de l'édition BNF.
Si quelqu'un est déjà plus avancé, ou l'a déjà lu en entier, il doit pouvoir avoir le droit d'évoquer un passage explicatif au-delà de ce chapitre. Je me concentre néanmoins sur la Préface de Kant pour le moment avant d'avoir déjà lu l'introduction, à cause du risque de perdre le fil.
Merci pour vos commentaires.
Les passages que j'ai trouvés centraux (les chiffres se référeront aux chapitres - 1 pour la préface, les lettres - aux points que j'ai trouvé centraux, dans l'ordre) - les n° de page [les phrases débordant souvent de l'une à l'autre] sont à titre indicatif:
- En logique, par conséquent, l’entendement n’a affaire qu’à lui-même et à sa forme. (Page 2)
- La connaissance qui constitue les sciences peut se rapporter de deux manières à son objet : ou pour le déterminer, lui et son concept (qui doit être donné d’ailleurs), ou même pour réaliser cet objet.
- Mais il ne faut pas croire qu’il ait été aussi facile de trouver, ou plutôt de se frayer le chemin sûr de la science dans les mathématiques que dans la logique, la raison n’ayant à s’occuper ici que d’elle-même. (Page 3)
- ...alors la lumière apparu à tous les physiciens. Ils comprirent que la raison n’aperçoit que ce qu’elle produit elle-même avec dessein. (Page 5)
- La physique doit donc l’heureux changement de sa méthode à l’idée de rechercher (et non d’imaginer) dans la nature, conséquemment à ce que la raison y a mis, ce qu’elle doit en apprendre, et dont elle ne peut rien savoir d’elle-même. (Page 7)
- La Métaphysique, qui consiste exclusivement dans la connaissance rationnelle spéculative, et qui s’élève au dessus de l’expérience par les concepts seuls (et non pas à la manière des mathématiques, par l’application des concepts à l’intuition), où par conséquent la raison elle-même est son propre disciple ; la métaphysique, dis-je, n’a point encore été assez heureuse jusqu’ici pour pouvoir prendre le caractère d’une science, quoiqu’elle soit la plus ancienne de toutes, et qu’elle dût survivre quand même toutes les autres viendraient à être englouties. (Page 8)
- [Sur l'expérience en métaphysique jusqu'à Kant (non compris)]Il faut recommencer sans cesse le chemin de la métaphysique parce qu’on trouve qu’elle ne conduit pas où l’on veut.
- Nul doute donc que la méthode suivie jusqu’ici par les métaphysiciens n’a été qu’un pur tâtonnement, et , ce qui est pis encore, un tâtonnement entre de simples concepts.
- C’est que nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y avons mis nous-même.Cette méthode, empruntée au physicien, consiste à rechercher les éléments de la raison pure dans ce qui se confirme ou se détruit par l’expérimentation ; mais on ne peut soumettre à aucune expérimentation (comme en physique) les objets des principes de la raison pure pour examiner ces principes eux-mêmes, surtout quand ces principes sortent des bornes de l’expérience possible. La méthode ne sera donc praticable qu’avec les concepts et les principes que nous posons a priori. (Page 10)
- Or, si l’on trouve que, quand les choses sont considérées sous ce double point de vue, l’accord avec le principe de la raison pure a lieu, mais que, considérée sous un seul point de vue, il y a nécessairement combat de la raison avec elle-même, alors l’expérimentation décide pour la légitimité de cette distinction.] (Page 11)
- Cette tentative réussit à souhait, et promet à la métaphysique, dans sa première partie, où elle ne s’occupe que des concepts a priori, dont les objets correspondants et conformes à ces concepts peuvent être donnés dans l’expérience, le caractère certain d’une science. Car on peut très bien expliquer, après ce changement dans la manière de voir, la possibilité d’une connaissance a priori, et, ce qui est plus encore, prouver suffisamment les lois qui servent de fondement a priori de la nature, comme ensemble des objets de l’expérience ; deux choses impossibles par la méthode suivie jusqu’ici. Mais cette déduction de la faculté de connaître a priori donne un résultat étonnant pour la première partie de la métaphysique, et qui est en même temps , suivant toute apparence, très désavantageux au but de la seconde partie de cette science : ce résultat n’est pas moins que la démonstration que nous ne pouvons jamais dépasser par la connaissance les bornes de l’expérience possible, ce qui est cependant l’affaire essentielle de la métaphysique. Mais c’est là précisément ce qui sert de contre-preuve à la vérité du résultat de notre critique de ce mérite de la faculté de connaître a priori, de n’atteindre que les phénomènes sans pouvoir s’étendre aux choses en elles-mêmes, quoique du reste elle les affirme. (Page 12)
- C’est un traité de la méthode, non un système de la science même. (Page 15)
- Il suffit de remarquer que les principes dont se prévaut la raison spéculative pour tenter de franchir ces bornes ont en effet pour conséquence inévitable, non l’extension, mais la restriction de l’usage de notre raison. En effet, ces principes menacent de faire tout dominer par l’usage de notre sensibilité, à laquelle ils appartiennent proprement, et d’abolir l’usage pratique pur de la raison. (Page 16)
- Cette même exposition de l’utilité positive des principes critiques de la raison pure peut être démontrée par rapport au concept de Dieu, et à celui de la simplicité de notre âme, mais je ne le ferai pas pour plus de brièveté.
Je ne puis donc pas même admettre Dieu, ni la liberté, ni l’immoralité, en faveur de l’usage pratique nécessaire à ma raison, si j’enlève en même temps à la raison spéculative ses prétentions aux aperçus transcendentaux : parce que, pour les obetnir, elle a besoin de principes qui, par cela même qu’ils se rapportent aux seuls objets de l’expérience possibles, dès qu’ils viennent à être appliqués à des objets qui ne sont pas susceptibles d’expérience, les transforment toujours en phénomènes, et déclarent ainsi toute extension pratique de la raison pure impossible. Je devais donc abolir la science, pour faire place à la foi. (Page 22) - La Critique est donc le seul moyen de couper les racines mêmes du matérialisme, du fatalisme, de l’athéisme, de l’incrédulité religieuse, du fanatisme et de la superstition, qui peuvent être généralement nuisibles ; enfin aussi celles de l’idéalisme, et du scepticisme, qui sont la perte des écoles, mais qui ne pénètrent que difficilement dans le public.
- Dans l’exécution du plan tracé par la métaphysique, nous devrons donc suivre à l’avenir la méthode sévère du célèbre Wolf, de tous les philosophes dogmatiques le plus distingué, et qui donna le premier l’exemple (et par cet exemple, il créa cet esprit de profondeur que l’Allemagne n’a point encore perdu) de la manière dont, par la position légitime des principes, par la claire détermination des idées, par la sévérité dans les démonstrations ; l’on peut, en évitant dans les conséquences les sauts téméraires, entrer dans la voie sûre de la science. (Page 28)
Alors, Bulle, quand tu oppose la métaphysique à la science, ...comment peux-tu soutenir cela ?
AC*- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
J'ajouterais une citation que j'aime bien du mathématicien Poincaré (en aparté):
« Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »
Henri Poincaré (1854-1912)
Il est au moins une certitude, c'est que Kant ne pouvait se situer sur l'une ou l'autre de ces deux limites extrêmes puisqu'il restera en permanence dans la réflexion et le raisonnement.
(J'espère ne pas être hors sujet)
« Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »
Henri Poincaré (1854-1912)
Il est au moins une certitude, c'est que Kant ne pouvait se situer sur l'une ou l'autre de ces deux limites extrêmes puisqu'il restera en permanence dans la réflexion et le raisonnement.
(J'espère ne pas être hors sujet)
zizanie- Seigneur de la Métaphysique
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Humeur : Taquine
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AC*- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
ExcellentACourvoisier a écrit:Le crois-tu ?
ps: je ne doute pas que Bulle de raison te fournira une explication logique, rigoureuse et des plus élogieuse...
cana- Seigneur de la Métaphysique
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Humeur : Folle
Date d'inscription : 06/12/2011
Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Bonjour!
Excusez-moi, j'ai mis un moment pour "résumer" l'introduction. Si d'aventure, je devais mettre autant pour chaque chapitre, je demanderai un délai de 2 semaines au moins avant de revenir sur ce topic d'une fois à l'autre. (D'autant que je me suis découvert une passion pour la comptabilité entre temps.)
Introduction de Kant
Avec Kant, je reprends les pieds sur terre.
Dans la globalité, je ne fais que ré-écrire la version francophone de Kant. Il arrive que je résume complètement des propos fort explicités, j'écris alors "Kant dit". Quand c'est moi qui explicite, je mets "ndr".
Je renonce à numéroter par chapitre; en effet, des subdivisions me mènent à utiliser tous les types de listes disponibles.
Introduction
Section III: La philosophie a besoin d’une science qui détermine la possibilité, les principes et la sphère de toutes les connaissances a priori.
Une chose plus importante encore que tout ce qui précède, c’est que certaines connaissances sortent complètement de toute expérience possible, et semblent étendre l’enceinte de nos jugements au-delà des limites, par le moyen de concepts qui n’ont nulle part un objet correspondant dans l’expérience.
Kant dit que c’est précisément dans ces connaissances, qui s’élèvent au-dessus du monde sensible, que se font les investigations de notre raison.
Et il dit que ces inévitables questions de la raison pure, sont : Dieu, la liberté, et l’immortalité. Mais la science dont le but et tous les procédés tendent uniquement à la solution de ces questions s’appelle Métaphysique.
Quand une fois les barrières de l’expérience sont franchies, on est bien sûr de n’être plus désormais contredit par elle. Le besoin d’étendre ses connaissances est si impérieux que l’on ne peut être arrêté dans sa marche que par une évidente contradiction sur laquelle on s’achoppe ; mais cette contradiction peut être évitée si l’on met de l’habileté dans ses (sic.) « fictions » [ndr. : le terme de virtuel n’existait apparemment pas encore], sans cependant qu’elles perdent rien de leur caractère.
Kant dit que les mathématiques donnent un exemple éloquent de ce procédé d’évoluer dans la connaissance a priori, puisqu’elles ne s’occupent que des objets et de leur connaissance qu’autant que ces objets peuvent être représentés par l’intuition.
Mais cette circonstance est facilement négligée, parce que cette intuition peut être donnée même a priori, et peut par conséquent se distinguer à peine d’un concept parfaitement pur. Dans la passion d’étendre ses connaissances, la raison, aveuglée par cette preuve de sa puissance, croit voir le champs de l’infini s’ouvrir devant elle. C’est ainsi que la colombe légère pourrait croire, lorsqu’elle fend d’un vol rapide et libre l’air dont elle sent la résistance, qu’elle volerait plus rapidement dans le vide. C’est ainsi que Platon, dédaignant le monde sensible, qui tient la raison dans des bornes si étroites, se hasarde au-delà du monde, sur les ailes des idées, dans l’espace vide de l’entendement pur. Il ne voit pas qu’il n’avance point malgré ses efforts, car il manque du point d’appuis nécessaire pour pouvoir se soutenir, et d’où il puisse en quelque sorte déplacer l’entendement.
Mais telle est la démarche ordinaire de la raison humaine, qu’elle achève son édifice le plus promptement possible, et recherche ensuite si le fondement en est solide.
Kant dit ensuite que ce qui nous dispense de tout soin, c’est peut-être en plus grande partie un travail de notre raison qui consiste dans l’analyse des idées que nous avons déjà des objets ; ce qui nous donne une foule de connaissances qui ne sont autre chose que des éclaircissement et des explications de ce qui a déjà été pensé dans nos concepts (quoique d’une manière confuse), sont cependant réputées d’aperçus nouveau, du moins quant à leur forme, quoiqu’elles n’ajoutent matériellement rien aux idées que nous avons, mais seulement les disposent et le rendent plus claires. Or comme cette manière de procéder donne une connaissance réelle a priori qui comporte un progrès sûr et utile, la raison abandonnée, sans qu’elle s’en doute, à cette illusion, se livre à des assertions de natures très diverses, ajoutant à des idées données d’autres idées, à la vérité a priori, mais qui leur sont complètement étrangères, sans savoir comment elle les a acquises et sans même que cette question se présente à elle. Je [Kant] traiterai donc aussi, en commençant, de la différence de ces deux espèces de connaissances.
Section IV: De la différence entre les jugements analytiques et les jugements synthétiques:
Dans tous les jugements, le rapport du sujet au prédicat (en considérant seulement les jugements affirmatifs, car l’application sera facile à faire ensuite aux jugements négatifs) peut être de deux sortes :
Ou l’attribut B appartient au sujet A comme quelque chose d’y contenu (d’une manière cachée) ;
Ou bien B est complètement étranger à l’idée A, quoique, à la vérité, en liaison avec cette idée.
Dans le premier cas, le jugement est analytique, dans le second, synthétique.
Les jugements analytiques (affirmatifs) sont donc ceux dans lesquels l’union de l’attribut avec le sujet est conçue par identité ; ceux au contraire dans lesquels cette liaison est conçue sans identité doivent être appelés jugements synthétiques.
On pourrait encore appeler les premiers, jugements explicatifs, et les seconds, extensifs ; parce que les premiers n’ajoutent rien au sujet par l’attribut, mais seulement décomposent ce sujet en idées partielles, qui déjà y ont été conçues, quoique obscurément, tandis que, au contraire, tandis que les derniers ajoutent à l’idée du sujet un attribut qui n’y était pas encore conçu, et qui en aurait pu en être dérivé par aucune décomposition.
Les jugements d’expérience, comme tels, sont toujours synthétiques.
Section V: Dans toutes les sciences théorétiques de la raison sont contenus, comme principes, des jugements synthétiques a priori:
1° [Ndr: les mathématiques]Les jugements mathématiques sont toujours synthétiques.
Cette vérité, quoique certainement incontestable et très importante par ses suites, semble avoir échappé jusqu’ici à la sagacité des analystes de la raison humaine, et semble même être très contraire à leur attente. Car, comme on trouvait que les raisonnements des mathématiciens procèdent suivant le principe de contradiction (ce qu’exige naturellement toute certitude apodictique), on se persuadait aussi que les principes étaient également reconnus en vertu du principe de contradiction : en quoi l’on se trompait indubitablement ; car, si une proposition synthétique peut être considérée selon le principe de contradiction, ce n’est qu’autant qu’on présuppose une autre proposition synthétique d’où la contradiction puisse résulter, mais jamais en elle-même.
(page 50)
Après, pour résumer, Kant dit, que la somme 7+5=12 n’est pas analytique ; que bien que 12 puisse être un concept en soi, sa décomposition « =7+5 » fait intervenir deux nombres qui – faisant intervenir l’addition – est un tout qui ne peut qu’être synthétique, mais Kant développe ce propos sur une bonne page.
Un principe quelconque de la géométrie pure n’est pas plus analytique qu’un principe arithmétique. La proposition : entre deux points la ligne droite est la plus courte possible, est une proposition synthétique. Car mon concept de droit ne renferme rien de relatif à la quantité, mais seulement une qualité. Le concept plus court est complètement ajouté, et ne peut être dérivé par aucune analyse du concept de ligne droite.
Quelques principes supposés par les géomètres sont, à la vérité, analytiques, et reposent sur le principe de contradiction ; mais aussi ils ne servent, comme propositions identiques, qu’à l’enchainement de la méthode, et n’ont aucune valeur comme principes.
(page 52)
Tels sont par exemple, les axiomes a=a, un tout égal à lui-même ; (a+b)>a, où le tout est plus grand que la partie. Ce qui nous fait généralement croire que l’attribut, dans ces sortes de jugements apodictiques, se trouve déjà faire partie de notre concept et que le jugement est par conséquent analytique, c’est tout simplement l’ambiguïté de l’expression ; savoir, lorsque nous sommes obligés d’ajouter un certain attribut à un concept donné, et quand cette nécessité tient déjà au concept lui-même.
Mais la question n’est pas « que devons-nous ajouter par la pensée à un concept donné », mais que pensons-nous réellement par ce concept, quoiqu’obscurément ? Alors on voit que l’attribut adhère nécessairement à ce concept, non pas comme pensée dans le concept même, mais au moyen d’une intuition qui doit ajouter au concept.
2° [Ndr: la physique]La physique contient, comme principes, des jugements synthétiques a priori.
Je [Kant] prendrai seulement pour exemples ces deux propositions : dans tous les changements du monde corporel, la quantité de matière reste invariablement la même [ndr : on voit que Lavoisier a passé par là], et dans toute communication du mouvement, l’action et la réaction doivent toujours être égales l’une à l’autre. Il est clair que ces deux propositions sont non seulement nécessaires, par conséquent qu’elles sont d’origine a priori, mais qu’elles sont synthétiques. Car dans le concept de matière je conçois, non sa permanence, mais uniquement sa présence, dans l’espace qu’elle remplit. Par conséquent, j’outrepasse réellement le concept de matière pour y ajouter quelque chose a priori qui n’était pas pensé dans ce concept. Il en est de même pour les autres parties pures de la physique.
3° [Ndr: la métaphysique]
Il doit aussi y avoir des connaissances synthétiques a priori dans la métaphysique, quand même l’on considérerait cette science seulement comme cherchée jusqu’ici, et non comme faite, mais indispensable pourtant, par la nature de la raison humaine. La métaphysique ne s’occupe pas seulement de la décomposition des concepts que nous faisons a priori des choses, mais vous voulons étendre notre connaissance a priori, et les jugements qui ajoutent aux concepts donnés quelque chose qui n’y était pas contenu servent à cet effet. Ce n’est qu’au moyen de jugements synthétiques a priori que nous allons si loin que l’expérience ne peut pas nous suivre. Par exemple, dans la proposition : le monde doit avoir un premier principe, etc. La métaphysique se compose donc, du moins quant à son but, de propositions purement synthétiques a priori.
Section VI: Problème général de la raison pure.
C’est avoir déjà beaucoup gagné que d’avoir pu réduire une foule de questions à un problème unique ; car par là, non seulement on facilite son propre travail, mais on en rend encore l’examen plus facile pour quiconque veut le contrôler, et voir si nous avons ou non rempli notre dessein. Or le problème de la raison pure est ainsi conçu :
Comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ?
Si la métaphysique est restée jusqu’ici dans un état équivoque de doute et de contradiction, c’est uniquement parce que ce problème, et peut-être même la distinction des jugements analytiques et des jugements synthétiques, ne s’est pas présentée plus tôt à l’esprit des philosophes. L’existence ou la ruine de la métaphysique tient donc à la solution ou à l’impossibilité démontrée de la solution de ce problème fondamental. David Hume est, de tous les philosophes, celui qui a touché de plus près cette question ; mais il ne se l’est pas assez précisée ; il ne l’a pas envisagée sous un point de vue assez général : il s’est arrêté au seul principe synthétique de la liaison de l’effet avec la cause (principium causalitatis), et a crû pouvoir conclure qu’un tel principe est absolument impossible a priori. Si bien que d’après son raisonnement, tout ce que nous appelons métaphysique ne reposerait que sur un prétendu aperçu de la raison, qui aurait dans le fait pour objet ce qu’elle emprunte de l’expérience, et à quoi l’habitude donnerait l’apparence de la nécessité.
Cette assertion subversive de toute philosophie pure n’aurait jamais été admise par son auteur s’il n’avait eu sous les yeux notre problème dans sa généralité. Car alors il aurait vu que, d’après ses arguments, il ne pourrait non plus y avoir de mathématiques pures, puisqu’elles renferment certainement des principes purs a priori, et son excellente raison aurait reculé devant pareille conséquence.(page 55)
À la solution de la précédente se rattache en même temps la possibilité de l’usage de la raison pure dans la fondation et la construction de toutes les sciences qui contiennent une science théorétique a priori des objets, et par conséquent la réponse à ces deux questions :
Comment les mathématiques pures sont-elles possibles ?
Comment la physique pure est-elle possible ?
Nous pouvons bien nous demander à l’égard de ces sciences, puisqu’elles existent, comment elles sont possibles ; car il est démontré par leur existence qu’elles peuvent être. Quant à ce qui concerne la métaphysique, ses progrès ont été si lents jusqu’ici, elle a si peu atteint le but qu’elle s’était proposé, qu’on ne peut contester à personne le droit de douter de sa possibilité. (Page 57)
Mais cependant, cette espèce de connaissance doit, dans un certain sens, être considérée comme une science donnée ; et la métaphysique est, sinon une science faite, du moins une science dont les matériaux existent réellement (metaphysica naturalis) : car la raison humaine, sans être aiguillonnée par la vanité de la science universelle, mais étant simplement stimulée par le besoin de connaître, marche à pas précipités jusqu’à ces questions qui ne peuvent être résolues par aucun usage empirique de la raison, ni par conséquent par aucun principe qui en émane. Une métaphysique a donc toujours été et sera toujours dans l’humanité, puisqu’elle est inhérente aux investigations de la raison humaine dans le champ de la spéculation.
Telle est maintenant la question qui se présente :
Comment la métaphysique est-elle possible en tant que disposition naturelle, c’est-à-dire comment naissent de l’intelligence humaine en général ces question que s’adresse la raison pure, et auxquelles elle se sent si fortement portée à répondre de son mieux ?
Mais comme toutes les tentatives faites jusqu’ici pour donner une solution aux question, très naturelles cependant, que la raison spéculative soulève, par exemple, de savoir si le monde a eu un commencement, ou s’il est éternel, etc., ne présentent que contradictions sans fin, on ne peut s’en tenir à la simple disposition naturelle pour la métaphysique, c’est-à-dire à la faculté rationnelle pure elle-même, d’où cependant procède toujours, à la vérité, quelque métaphysique, quelle qu’elle soit ; mais il doit être possible d’arriver avec elle à la certitude de la science ou à celle de l’ignorance des choses, c’est à dire de pouvoir prononcer sur les objets de ces questions, ou sur la puissance ou l’impuissance de la raison, d’en affirmer ou d’en nier quoi que ce soit, et par conséquent d’étendre avec certitude notre raison pure, ou de lui poser des bornes déterminées et sures.(p. 58)
Cette dernière question, qui découle de la question générale précédente, se traduira dont très bien en celle-ci :
Comment la métaphysique est-elle possible comme science ?
La critique de la raison conduit donc enfin nécessairement à la science. L’usage dogmatique de la raison sans critique ne peut conduire, au contraire, qu’à des assertions sans fondement, auxquelles on peut toujours en opposer d’aussi vraisemblables, et par conséquent au scepticisme.
Cette science ne peut pas être non plus d’un longueur décourageante, puisqu’elle n’a rien affaire aux objets de la raison dont le nombre est infini, mais seulement à la raison elle-même, aux problèmes qui sortent exclusivement de son sein, et qui lui sont proposés, non par la nature des choses qui sont différentes d’elle, mais à la sienne propre. Mais quand une fois elle apprend à connaître parfaitement sa propre faculté par rapport aux objets qu’elle peut rencontrer dans l’expérience, il doit lui être facile de déterminer pleinement et sûrement l’étendue et les limites de son usage quand elle cherche à dépasser toutes les bornes de l’expérience. (p. 59)
On peut donc, et même l’on doit considérer comme non avenues les tentatives faites jusqu’ici pour constituer une métaphysique dogmatique, car ce qu’il y a d’analytique dans toutes ces tentatives, savoir la décomposition des concepts qui résident a priori dans notre raison, n’est point du tout le but, mais seulement un moyen préliminaire à la métaphysique proprement dite, qui a pour objet d’étendre nos connaissances synthétiques a priori.
Or l’analyse est impropre à cela, puisqu’elle montre seulement ce qui est contenu dans ces concepts, mais non comment nous parvenons a priori à ces concepts, pour pouvoir ensuite déterminer leur légitime emploi par rapport aux objets de nos connaissances en général.
Il ne faut pas beaucoup d’abnégation de soi-même pour renoncer à toutes ces prétentions, puisque (et cela ne peut pas plus être nié qu’évité dans la méthode dogmatique) les contradictions de la raison avec elle-même ont depuis longtemps discrédité la métaphysique employée jusqu’à ce jour.
Il faudra plutôt de la fermeté pour ne pas se laisser détourner par la difficulté intrinsèque, ni par une opposition étrangère, et pour cultiver, faire grandir et féconder, par une méthode entièrement opposée à celle qui a été suivie jusqu’à présent, une science indispensable à la raison humaine, une science dont on peut couper tous les rejetons qui ont poussé, mais dont on n’extirpera jamais les racines.
Section VII: Idée et division d’une science particulière sous le nom de Critique de la raison pure.
De tout ce qui précède résulte l’idée d’une science particulière qu’on peut appeler Critique de la raison pure ; car la raison est la faculté qui fournit les principes de la connaissance a priori. La raison pure est donc la faculté qui donne les principes à l’aide desquels on connaît quelque chose absolument a priori.
Un Organe de la raison pure serait l’ensemble des principes au moyen desquels toutes les connaissances pures a priori pourraient être acquises et réellement constituées. L’application étendue d’un tel organe donnerait un système de la raison pure. Mais ce serait beaucoup de demander un pareil système, et qu’il reste encore à savoir si l’extension de notre connaissance est possible ; nous pouvons considérer la science du simple jugement critique de la raison pure, de ses sources et de ses bornes, comme la Propédeutique ou science préliminaire du système de la raison pure. Son utilité sous le rapport de la spéculation serait purement négative, et ne servirait pas à l’extension, mais à l’épuration de notre raison, qu’elle garantirait de l’erreur ; ce qui serait déjà un grand avantage. (p. 60)
J’appelle connaissance transcendantale celle qui, en général, s’occupe moins des objets que de la manière de les connaître, en tant que la manière doit être possible a priori.
Un système de ces concepts s’appelle Philosophie transcendantale. Mais ce serait encore trop pour commencer : car, comme cette science devrait contenir toute la connaissance, tant analytique que synthétique a priori, elle s’étendrait beaucoup plus loin que ne le demande notre plan, puisque nous ne devons pousser l’analyse qu’autant qu’elle est nécessaire pour apercevoir les principes de la synthèse a priori dans toute leur étendue, synthèse qui est notre unique objet.
Cette investigation que nous ne pouvons pas proprement appeler science, mais seulement critique transcendantale, puisqu’elle n’a pas pour but l’augmentation des connaissances mêmes, mais seulement leur réforme définitive, et doit fournir la pierre de touche pour apprécier la valeur ou la non-valeur de toutes les connaissances a priori, est le seul objet de notre travail actuel. (p. 61)
Cette critique est donc, autant que possible, une préparation pour un nouvel Organum ; et, si ce nouvel Organum ne devait pas avoir lieu, elle en serait au moins un canon d’après lequel, en tout cas, le système complet de la philosophie de la raison pure, qu’il doivent consister à étendre ou simplement à limiter la connaissance rationnelle, pourrait quelque jour être exposé tant analytiquement que synthétiquement. Car que ce système soit possible et qu’il ne soit pas même si vaste qu’on ne puisse espérer de l’achever, c’est qu’on peut déjà préjuger, si l’on considère qu’il n’a pas pour objet la nature des choses, qui est infinie, mais l’entendement (qui juge de la nature des choses), et même cet entendement considéré seulement sous le rapport de ses connaissances a priori. Or cet objet, qui ne peut être caché, puisque nous n’avons point à le cherché, puisque nous n’avons point à le chercher hors de nous, ne paraît pas être d’une étendue telle qu’on ne puisse l’embrasser complètement pour en juger la valeur ou la non-valeur, et l’estimer ainsi à son juste prix. Il ne s’agit pas non plus ici d’une critique des livres ou des systèmes qui traitent de la raison pure, mais d’une critique de la faculté de la raison pure en elle-même. C’est seulement en prenant cette critique pour point de départ que l’on se trouve muni d’une pierre de touche infaillible pour apprécier la valeur des ouvrages anciens et modernes ; car sans elle l’historien et le juge, tous deux incompétents, déclarent vaines les assertions des autres au nom des leurs propres qui n’ont plus de fondement. (p. 62)
La philosophie transcendantale est l’idée d’une science dont la critique de la raison pure doit esquisser architectoniquement tout la plan, c’est-à-dire par principes et avec la pleine assurance de la perfection et de la solidité de toutes les parties qui composent cet édifice. Elle est le système de tous les principes de la raison pure. Si cette critique ne prend déjà pas elle-même le titre de philosophie transcendantale, c’est qu’elle devrait, pour former un système complet, comprendre également une analyse détaillée de toutes les connaissances humaines a priori. Notre critique doit sans doute mettre sous les yeux le dénombrement complet de tous les concepts fondamentaux qui constituent cette connaissance pure ; mais elle s’abstient avec raison de l’analyse intégrale de ces concepts mêmes, ainsi que de la revue complète de ceux qui en émanent ; parce que, d’une part, elle se détournerait de son but en s’occupant de cette analyse qui, d’ailleurs, ne présente pas la difficulté qu’on rencontre dans la synthèse, à laquelle est proprement consacrée cette critique, et que, d’autre part, il serait contraire à l’unité du plan de justifier de l’intégralité de cette analyse et de cette dérivation, dont on peut du reste très bien se dispenser par rapport à l’objet qu’on se propose ici. Cette double intégralité de l’analyse et de la dérivation des concepts a priori qui en découlent ensuite est facile à suppléer, quand toutefois l’on a tous les principes de la synthèse, et que rien ne manque par rapport à ce but essentiel.
D’après cela, tout ce qui constitue la philosophie transcendantale appartient à la critique de la raison pure, qui est elle-même l’idée complète de cette philosophie, mais non cette philosophie elle-même, parce qu’elle n’entre dans l’analyse qu’autant qu’il le faut pour juger parfaitement la connaissance synthétique a priori.
La principale attention qu’il faille avoir dans la détermination des parties de cette science, c’est de n’y faire entrer aucun concept qui contiendrait quelque chose d’empirique, c’est-à-dire de faire en sorte que la connaissance a priori soit parfaitement pure. Par conséquent, quoique les premiers principes de la morale et ses concepts fondamentaux soient des connaissances a priori, ils n’appartiennent cependant pas à la philosophie transcendantale ; parce que, bien que les concepts de plaisir et de peine, de désirs, de penchants, etc., qui tous sont originairement empirique, ne servent pas de fondement aux prescrits moraux, ils doivent néanmoins faire nécessairement partie d’un système de morale a priori, comme obstacles à vaincre, ou comme mobiles qui, dans l’idée du devoir, ne peuvent point être des principes de détermination. Il suit de là que la philosophie transcendantale est la philosophie de la raison pure simplement spéculative ; car tout ce qui concerne la pratique, en tant qu’elle renferme des mobiles, se rapporte aux sentiments qui sont sources empiriques de connaissance. (p. 64)
Maintenant, si l’on veut diviser cette science de la raison pure d’après le point de vue général d’un système, elle doit comprendre :
1° Une science élémentaire de la raison pure [ndr. La philosophie transcendantale];
2° Une science de la méthode de la même raison. [Ndr. La critique].
Chacune des parties principales aura ses subdivisions, dont les raisons ne pourraient pas être ici facilement exposées.
Ce qui semble seulement convenir à une introduction ou préface, c’est que la connaissance humaine a deux souches, toutes deux peut-être sorties d’une racine commune, mais qui nous est inconnue ; ces deux souches sont la sensibilité et l’entendement. Les objets nous sont donnés par la sensibilité, et pensés ou conçus par l’entendement. Or, la sensibilité appartient à la philosophie transcendantale, en tant qu’elle doit contenir des représentations a priori, qui sont les lois, les conditions sous lesquelles les objets nous sont donnés. La théorie transcendantale de la sensibilité doit appartenir à la première partie de la science élémentaire, parce que les conditions sous lesquelles seuls les objets sont donnés à la connaissance humaine précèdent celles sous lesquelles ces mêmes objets sont conçus.
Voilà, je ne pense pas ré-écrire tous les chapitres. C'était utile pour la préface et l'introduction toutes deux de Kant, et qui exposaient la structure et la cohérence du livre. Il n'est pas exclu que je continue un résumé à des fins personnelles.
L'introduction de Kant: Un pas de plus vers une métaphysique comme science !
Bulle, Toi, je Te sollicite: pourquoi dis-tu que la philosophie répond à la question du pourquoi, alors que Kant ne fait que poser des questions de comment, comme questions fondamentales (et cette question-là est un pourquoi, elle est donc dans ton champ) ?
-Et quand je dis "La combustion du pétrole a libéré une énergie exothermique, je réponds bien à la question "Pourquoi l'eau a chauffé ?", alors que c'est un réponse scientifique.
-Des explications ?
Excusez-moi, j'ai mis un moment pour "résumer" l'introduction. Si d'aventure, je devais mettre autant pour chaque chapitre, je demanderai un délai de 2 semaines au moins avant de revenir sur ce topic d'une fois à l'autre. (D'autant que je me suis découvert une passion pour la comptabilité entre temps.)
Introduction de Kant
Avec Kant, je reprends les pieds sur terre.
Dans la globalité, je ne fais que ré-écrire la version francophone de Kant. Il arrive que je résume complètement des propos fort explicités, j'écris alors "Kant dit". Quand c'est moi qui explicite, je mets "ndr".
Je renonce à numéroter par chapitre; en effet, des subdivisions me mènent à utiliser tous les types de listes disponibles.
Introduction
- Section I:
Nulle connaissance en nous ne précède donc l’expérience et toutes commencent avec elle.
Mais, quoique toutes nos connaissances commencent avec l’expérience, ce n’est point à dire qu’elles en procèdent toutes. [Kant se met à distinguer une composition entre le produit des sens, et ce que la faculté de connaître produit d’elle-même.] (page 35)
Kant dit qu’une question demande d’être examinée de près, qui est de savoir s’il y a une connaissance indépendante de l’expérience, et même de toute impression des sens – soit une connaissance a priori.(page 36)
Nous entendrons par connaissances a priori, non celles ne dépendant point de telle ou telle expérience, mais celles qui ne dépendent absolument d’aucune.
Parmi les connaissances a priori, celles-là s’appellent pures, qui ne contiennent rien d’empirique. Ainsi par exemple ce principe : tout changement a une cause, est un principe a priori, mais non pas pur, parce que l’idée de changement ne peut être fournie que par l’expérience. (page 37) - Nous sommes en possession de connaissances a priori, et le sens commun lui-même n'en est jamais dépourvu:
L’expérience nous apprend, à la vérité, que quelque chose est de telle ou telle manière, mais ne nous apprend pas qu’il puisse en être autrement. - Premièrement
Toute proposition qui ne puisse être conçue qu’avec la conception de la nécessité qu’il en soit ainsi, est un jugement a priori. Si de plus cette proposition n’est pas dérivée d’une autre proposition qui ait elle-même une valeur nécessaire, elle est alors absolument a priori. - Secondement
L’expérience ne donne jamais à ses jugements pour essentiellement et strictement universels, mais ils sont seulement d’une généralité supposée et comparative (au moyen de l’induction) ; ce qui veut dire proprement qu’on n’a pas remarqué jusqu’ici d’exception à telle ou telle loi de la nature. Ainsi, un jugement pensé dans une rigoureuse universalité, c’est à dire de telle sorte qu’aucune exception n’est possible, ne dérive point de l’expérience, mais est absolument valable a priori. - Donc
La nécessité et la généralité absolue sont donc les caractères certains d’une connaissance a priori, et se tiennent indissolublement l’une et l’autre.
Kant dit que comme, dans la pratique, il est parfois plus facile de faire valoir l’une ou l’autre, il est utile de pouvoir employer séparément ces deux critères dont chacun est, à lui seul, infaillible. […]
Une chose plus importante encore que tout ce qui précède, c’est que certaines connaissances sortent complètement de toute expérience possible, et semblent étendre l’enceinte de nos jugements au-delà des limites, par le moyen de concepts qui n’ont nulle part un objet correspondant dans l’expérience.
Kant dit que c’est précisément dans ces connaissances, qui s’élèvent au-dessus du monde sensible, que se font les investigations de notre raison.
Et il dit que ces inévitables questions de la raison pure, sont : Dieu, la liberté, et l’immortalité. Mais la science dont le but et tous les procédés tendent uniquement à la solution de ces questions s’appelle Métaphysique.
Quand une fois les barrières de l’expérience sont franchies, on est bien sûr de n’être plus désormais contredit par elle. Le besoin d’étendre ses connaissances est si impérieux que l’on ne peut être arrêté dans sa marche que par une évidente contradiction sur laquelle on s’achoppe ; mais cette contradiction peut être évitée si l’on met de l’habileté dans ses (sic.) « fictions » [ndr. : le terme de virtuel n’existait apparemment pas encore], sans cependant qu’elles perdent rien de leur caractère.
Kant dit que les mathématiques donnent un exemple éloquent de ce procédé d’évoluer dans la connaissance a priori, puisqu’elles ne s’occupent que des objets et de leur connaissance qu’autant que ces objets peuvent être représentés par l’intuition.
Mais cette circonstance est facilement négligée, parce que cette intuition peut être donnée même a priori, et peut par conséquent se distinguer à peine d’un concept parfaitement pur. Dans la passion d’étendre ses connaissances, la raison, aveuglée par cette preuve de sa puissance, croit voir le champs de l’infini s’ouvrir devant elle. C’est ainsi que la colombe légère pourrait croire, lorsqu’elle fend d’un vol rapide et libre l’air dont elle sent la résistance, qu’elle volerait plus rapidement dans le vide. C’est ainsi que Platon, dédaignant le monde sensible, qui tient la raison dans des bornes si étroites, se hasarde au-delà du monde, sur les ailes des idées, dans l’espace vide de l’entendement pur. Il ne voit pas qu’il n’avance point malgré ses efforts, car il manque du point d’appuis nécessaire pour pouvoir se soutenir, et d’où il puisse en quelque sorte déplacer l’entendement.
Mais telle est la démarche ordinaire de la raison humaine, qu’elle achève son édifice le plus promptement possible, et recherche ensuite si le fondement en est solide.
Kant dit ensuite que ce qui nous dispense de tout soin, c’est peut-être en plus grande partie un travail de notre raison qui consiste dans l’analyse des idées que nous avons déjà des objets ; ce qui nous donne une foule de connaissances qui ne sont autre chose que des éclaircissement et des explications de ce qui a déjà été pensé dans nos concepts (quoique d’une manière confuse), sont cependant réputées d’aperçus nouveau, du moins quant à leur forme, quoiqu’elles n’ajoutent matériellement rien aux idées que nous avons, mais seulement les disposent et le rendent plus claires. Or comme cette manière de procéder donne une connaissance réelle a priori qui comporte un progrès sûr et utile, la raison abandonnée, sans qu’elle s’en doute, à cette illusion, se livre à des assertions de natures très diverses, ajoutant à des idées données d’autres idées, à la vérité a priori, mais qui leur sont complètement étrangères, sans savoir comment elle les a acquises et sans même que cette question se présente à elle. Je [Kant] traiterai donc aussi, en commençant, de la différence de ces deux espèces de connaissances.
Dans tous les jugements, le rapport du sujet au prédicat (en considérant seulement les jugements affirmatifs, car l’application sera facile à faire ensuite aux jugements négatifs) peut être de deux sortes :
Ou l’attribut B appartient au sujet A comme quelque chose d’y contenu (d’une manière cachée) ;
Ou bien B est complètement étranger à l’idée A, quoique, à la vérité, en liaison avec cette idée.
Dans le premier cas, le jugement est analytique, dans le second, synthétique.
Les jugements analytiques (affirmatifs) sont donc ceux dans lesquels l’union de l’attribut avec le sujet est conçue par identité ; ceux au contraire dans lesquels cette liaison est conçue sans identité doivent être appelés jugements synthétiques.
On pourrait encore appeler les premiers, jugements explicatifs, et les seconds, extensifs ; parce que les premiers n’ajoutent rien au sujet par l’attribut, mais seulement décomposent ce sujet en idées partielles, qui déjà y ont été conçues, quoique obscurément, tandis que, au contraire, tandis que les derniers ajoutent à l’idée du sujet un attribut qui n’y était pas encore conçu, et qui en aurait pu en être dérivé par aucune décomposition.
Les jugements d’expérience, comme tels, sont toujours synthétiques.
Cette vérité, quoique certainement incontestable et très importante par ses suites, semble avoir échappé jusqu’ici à la sagacité des analystes de la raison humaine, et semble même être très contraire à leur attente. Car, comme on trouvait que les raisonnements des mathématiciens procèdent suivant le principe de contradiction (ce qu’exige naturellement toute certitude apodictique), on se persuadait aussi que les principes étaient également reconnus en vertu du principe de contradiction : en quoi l’on se trompait indubitablement ; car, si une proposition synthétique peut être considérée selon le principe de contradiction, ce n’est qu’autant qu’on présuppose une autre proposition synthétique d’où la contradiction puisse résulter, mais jamais en elle-même.
(page 50)
Après, pour résumer, Kant dit, que la somme 7+5=12 n’est pas analytique ; que bien que 12 puisse être un concept en soi, sa décomposition « =7+5 » fait intervenir deux nombres qui – faisant intervenir l’addition – est un tout qui ne peut qu’être synthétique, mais Kant développe ce propos sur une bonne page.
Un principe quelconque de la géométrie pure n’est pas plus analytique qu’un principe arithmétique. La proposition : entre deux points la ligne droite est la plus courte possible, est une proposition synthétique. Car mon concept de droit ne renferme rien de relatif à la quantité, mais seulement une qualité. Le concept plus court est complètement ajouté, et ne peut être dérivé par aucune analyse du concept de ligne droite.
Quelques principes supposés par les géomètres sont, à la vérité, analytiques, et reposent sur le principe de contradiction ; mais aussi ils ne servent, comme propositions identiques, qu’à l’enchainement de la méthode, et n’ont aucune valeur comme principes.
(page 52)
Tels sont par exemple, les axiomes a=a, un tout égal à lui-même ; (a+b)>a, où le tout est plus grand que la partie. Ce qui nous fait généralement croire que l’attribut, dans ces sortes de jugements apodictiques, se trouve déjà faire partie de notre concept et que le jugement est par conséquent analytique, c’est tout simplement l’ambiguïté de l’expression ; savoir, lorsque nous sommes obligés d’ajouter un certain attribut à un concept donné, et quand cette nécessité tient déjà au concept lui-même.
Mais la question n’est pas « que devons-nous ajouter par la pensée à un concept donné », mais que pensons-nous réellement par ce concept, quoiqu’obscurément ? Alors on voit que l’attribut adhère nécessairement à ce concept, non pas comme pensée dans le concept même, mais au moyen d’une intuition qui doit ajouter au concept.
Je [Kant] prendrai seulement pour exemples ces deux propositions : dans tous les changements du monde corporel, la quantité de matière reste invariablement la même [ndr : on voit que Lavoisier a passé par là], et dans toute communication du mouvement, l’action et la réaction doivent toujours être égales l’une à l’autre. Il est clair que ces deux propositions sont non seulement nécessaires, par conséquent qu’elles sont d’origine a priori, mais qu’elles sont synthétiques. Car dans le concept de matière je conçois, non sa permanence, mais uniquement sa présence, dans l’espace qu’elle remplit. Par conséquent, j’outrepasse réellement le concept de matière pour y ajouter quelque chose a priori qui n’était pas pensé dans ce concept. Il en est de même pour les autres parties pures de la physique.
Il doit aussi y avoir des connaissances synthétiques a priori dans la métaphysique, quand même l’on considérerait cette science seulement comme cherchée jusqu’ici, et non comme faite, mais indispensable pourtant, par la nature de la raison humaine. La métaphysique ne s’occupe pas seulement de la décomposition des concepts que nous faisons a priori des choses, mais vous voulons étendre notre connaissance a priori, et les jugements qui ajoutent aux concepts donnés quelque chose qui n’y était pas contenu servent à cet effet. Ce n’est qu’au moyen de jugements synthétiques a priori que nous allons si loin que l’expérience ne peut pas nous suivre. Par exemple, dans la proposition : le monde doit avoir un premier principe, etc. La métaphysique se compose donc, du moins quant à son but, de propositions purement synthétiques a priori.
C’est avoir déjà beaucoup gagné que d’avoir pu réduire une foule de questions à un problème unique ; car par là, non seulement on facilite son propre travail, mais on en rend encore l’examen plus facile pour quiconque veut le contrôler, et voir si nous avons ou non rempli notre dessein. Or le problème de la raison pure est ainsi conçu :
Si la métaphysique est restée jusqu’ici dans un état équivoque de doute et de contradiction, c’est uniquement parce que ce problème, et peut-être même la distinction des jugements analytiques et des jugements synthétiques, ne s’est pas présentée plus tôt à l’esprit des philosophes. L’existence ou la ruine de la métaphysique tient donc à la solution ou à l’impossibilité démontrée de la solution de ce problème fondamental. David Hume est, de tous les philosophes, celui qui a touché de plus près cette question ; mais il ne se l’est pas assez précisée ; il ne l’a pas envisagée sous un point de vue assez général : il s’est arrêté au seul principe synthétique de la liaison de l’effet avec la cause (principium causalitatis), et a crû pouvoir conclure qu’un tel principe est absolument impossible a priori. Si bien que d’après son raisonnement, tout ce que nous appelons métaphysique ne reposerait que sur un prétendu aperçu de la raison, qui aurait dans le fait pour objet ce qu’elle emprunte de l’expérience, et à quoi l’habitude donnerait l’apparence de la nécessité.
Cette assertion subversive de toute philosophie pure n’aurait jamais été admise par son auteur s’il n’avait eu sous les yeux notre problème dans sa généralité. Car alors il aurait vu que, d’après ses arguments, il ne pourrait non plus y avoir de mathématiques pures, puisqu’elles renferment certainement des principes purs a priori, et son excellente raison aurait reculé devant pareille conséquence.(page 55)
À la solution de la précédente se rattache en même temps la possibilité de l’usage de la raison pure dans la fondation et la construction de toutes les sciences qui contiennent une science théorétique a priori des objets, et par conséquent la réponse à ces deux questions :
Nous pouvons bien nous demander à l’égard de ces sciences, puisqu’elles existent, comment elles sont possibles ; car il est démontré par leur existence qu’elles peuvent être. Quant à ce qui concerne la métaphysique, ses progrès ont été si lents jusqu’ici, elle a si peu atteint le but qu’elle s’était proposé, qu’on ne peut contester à personne le droit de douter de sa possibilité. (Page 57)
Mais cependant, cette espèce de connaissance doit, dans un certain sens, être considérée comme une science donnée ; et la métaphysique est, sinon une science faite, du moins une science dont les matériaux existent réellement (metaphysica naturalis) : car la raison humaine, sans être aiguillonnée par la vanité de la science universelle, mais étant simplement stimulée par le besoin de connaître, marche à pas précipités jusqu’à ces questions qui ne peuvent être résolues par aucun usage empirique de la raison, ni par conséquent par aucun principe qui en émane. Une métaphysique a donc toujours été et sera toujours dans l’humanité, puisqu’elle est inhérente aux investigations de la raison humaine dans le champ de la spéculation.
Telle est maintenant la question qui se présente :
Mais comme toutes les tentatives faites jusqu’ici pour donner une solution aux question, très naturelles cependant, que la raison spéculative soulève, par exemple, de savoir si le monde a eu un commencement, ou s’il est éternel, etc., ne présentent que contradictions sans fin, on ne peut s’en tenir à la simple disposition naturelle pour la métaphysique, c’est-à-dire à la faculté rationnelle pure elle-même, d’où cependant procède toujours, à la vérité, quelque métaphysique, quelle qu’elle soit ; mais il doit être possible d’arriver avec elle à la certitude de la science ou à celle de l’ignorance des choses, c’est à dire de pouvoir prononcer sur les objets de ces questions, ou sur la puissance ou l’impuissance de la raison, d’en affirmer ou d’en nier quoi que ce soit, et par conséquent d’étendre avec certitude notre raison pure, ou de lui poser des bornes déterminées et sures.(p. 58)
Cette dernière question, qui découle de la question générale précédente, se traduira dont très bien en celle-ci :
La critique de la raison conduit donc enfin nécessairement à la science. L’usage dogmatique de la raison sans critique ne peut conduire, au contraire, qu’à des assertions sans fondement, auxquelles on peut toujours en opposer d’aussi vraisemblables, et par conséquent au scepticisme.
Cette science ne peut pas être non plus d’un longueur décourageante, puisqu’elle n’a rien affaire aux objets de la raison dont le nombre est infini, mais seulement à la raison elle-même, aux problèmes qui sortent exclusivement de son sein, et qui lui sont proposés, non par la nature des choses qui sont différentes d’elle, mais à la sienne propre. Mais quand une fois elle apprend à connaître parfaitement sa propre faculté par rapport aux objets qu’elle peut rencontrer dans l’expérience, il doit lui être facile de déterminer pleinement et sûrement l’étendue et les limites de son usage quand elle cherche à dépasser toutes les bornes de l’expérience. (p. 59)
On peut donc, et même l’on doit considérer comme non avenues les tentatives faites jusqu’ici pour constituer une métaphysique dogmatique, car ce qu’il y a d’analytique dans toutes ces tentatives, savoir la décomposition des concepts qui résident a priori dans notre raison, n’est point du tout le but, mais seulement un moyen préliminaire à la métaphysique proprement dite, qui a pour objet d’étendre nos connaissances synthétiques a priori.
Or l’analyse est impropre à cela, puisqu’elle montre seulement ce qui est contenu dans ces concepts, mais non comment nous parvenons a priori à ces concepts, pour pouvoir ensuite déterminer leur légitime emploi par rapport aux objets de nos connaissances en général.
Il ne faut pas beaucoup d’abnégation de soi-même pour renoncer à toutes ces prétentions, puisque (et cela ne peut pas plus être nié qu’évité dans la méthode dogmatique) les contradictions de la raison avec elle-même ont depuis longtemps discrédité la métaphysique employée jusqu’à ce jour.
Il faudra plutôt de la fermeté pour ne pas se laisser détourner par la difficulté intrinsèque, ni par une opposition étrangère, et pour cultiver, faire grandir et féconder, par une méthode entièrement opposée à celle qui a été suivie jusqu’à présent, une science indispensable à la raison humaine, une science dont on peut couper tous les rejetons qui ont poussé, mais dont on n’extirpera jamais les racines.
De tout ce qui précède résulte l’idée d’une science particulière qu’on peut appeler Critique de la raison pure ; car la raison est la faculté qui fournit les principes de la connaissance a priori. La raison pure est donc la faculté qui donne les principes à l’aide desquels on connaît quelque chose absolument a priori.
Un Organe de la raison pure serait l’ensemble des principes au moyen desquels toutes les connaissances pures a priori pourraient être acquises et réellement constituées. L’application étendue d’un tel organe donnerait un système de la raison pure. Mais ce serait beaucoup de demander un pareil système, et qu’il reste encore à savoir si l’extension de notre connaissance est possible ; nous pouvons considérer la science du simple jugement critique de la raison pure, de ses sources et de ses bornes, comme la Propédeutique ou science préliminaire du système de la raison pure. Son utilité sous le rapport de la spéculation serait purement négative, et ne servirait pas à l’extension, mais à l’épuration de notre raison, qu’elle garantirait de l’erreur ; ce qui serait déjà un grand avantage. (p. 60)
J’appelle connaissance transcendantale celle qui, en général, s’occupe moins des objets que de la manière de les connaître, en tant que la manière doit être possible a priori.
Un système de ces concepts s’appelle Philosophie transcendantale. Mais ce serait encore trop pour commencer : car, comme cette science devrait contenir toute la connaissance, tant analytique que synthétique a priori, elle s’étendrait beaucoup plus loin que ne le demande notre plan, puisque nous ne devons pousser l’analyse qu’autant qu’elle est nécessaire pour apercevoir les principes de la synthèse a priori dans toute leur étendue, synthèse qui est notre unique objet.
Cette investigation que nous ne pouvons pas proprement appeler science, mais seulement critique transcendantale, puisqu’elle n’a pas pour but l’augmentation des connaissances mêmes, mais seulement leur réforme définitive, et doit fournir la pierre de touche pour apprécier la valeur ou la non-valeur de toutes les connaissances a priori, est le seul objet de notre travail actuel. (p. 61)
Cette critique est donc, autant que possible, une préparation pour un nouvel Organum ; et, si ce nouvel Organum ne devait pas avoir lieu, elle en serait au moins un canon d’après lequel, en tout cas, le système complet de la philosophie de la raison pure, qu’il doivent consister à étendre ou simplement à limiter la connaissance rationnelle, pourrait quelque jour être exposé tant analytiquement que synthétiquement. Car que ce système soit possible et qu’il ne soit pas même si vaste qu’on ne puisse espérer de l’achever, c’est qu’on peut déjà préjuger, si l’on considère qu’il n’a pas pour objet la nature des choses, qui est infinie, mais l’entendement (qui juge de la nature des choses), et même cet entendement considéré seulement sous le rapport de ses connaissances a priori. Or cet objet, qui ne peut être caché, puisque nous n’avons point à le cherché, puisque nous n’avons point à le chercher hors de nous, ne paraît pas être d’une étendue telle qu’on ne puisse l’embrasser complètement pour en juger la valeur ou la non-valeur, et l’estimer ainsi à son juste prix. Il ne s’agit pas non plus ici d’une critique des livres ou des systèmes qui traitent de la raison pure, mais d’une critique de la faculté de la raison pure en elle-même. C’est seulement en prenant cette critique pour point de départ que l’on se trouve muni d’une pierre de touche infaillible pour apprécier la valeur des ouvrages anciens et modernes ; car sans elle l’historien et le juge, tous deux incompétents, déclarent vaines les assertions des autres au nom des leurs propres qui n’ont plus de fondement. (p. 62)
La philosophie transcendantale est l’idée d’une science dont la critique de la raison pure doit esquisser architectoniquement tout la plan, c’est-à-dire par principes et avec la pleine assurance de la perfection et de la solidité de toutes les parties qui composent cet édifice. Elle est le système de tous les principes de la raison pure. Si cette critique ne prend déjà pas elle-même le titre de philosophie transcendantale, c’est qu’elle devrait, pour former un système complet, comprendre également une analyse détaillée de toutes les connaissances humaines a priori. Notre critique doit sans doute mettre sous les yeux le dénombrement complet de tous les concepts fondamentaux qui constituent cette connaissance pure ; mais elle s’abstient avec raison de l’analyse intégrale de ces concepts mêmes, ainsi que de la revue complète de ceux qui en émanent ; parce que, d’une part, elle se détournerait de son but en s’occupant de cette analyse qui, d’ailleurs, ne présente pas la difficulté qu’on rencontre dans la synthèse, à laquelle est proprement consacrée cette critique, et que, d’autre part, il serait contraire à l’unité du plan de justifier de l’intégralité de cette analyse et de cette dérivation, dont on peut du reste très bien se dispenser par rapport à l’objet qu’on se propose ici. Cette double intégralité de l’analyse et de la dérivation des concepts a priori qui en découlent ensuite est facile à suppléer, quand toutefois l’on a tous les principes de la synthèse, et que rien ne manque par rapport à ce but essentiel.
D’après cela, tout ce qui constitue la philosophie transcendantale appartient à la critique de la raison pure, qui est elle-même l’idée complète de cette philosophie, mais non cette philosophie elle-même, parce qu’elle n’entre dans l’analyse qu’autant qu’il le faut pour juger parfaitement la connaissance synthétique a priori.
La principale attention qu’il faille avoir dans la détermination des parties de cette science, c’est de n’y faire entrer aucun concept qui contiendrait quelque chose d’empirique, c’est-à-dire de faire en sorte que la connaissance a priori soit parfaitement pure. Par conséquent, quoique les premiers principes de la morale et ses concepts fondamentaux soient des connaissances a priori, ils n’appartiennent cependant pas à la philosophie transcendantale ; parce que, bien que les concepts de plaisir et de peine, de désirs, de penchants, etc., qui tous sont originairement empirique, ne servent pas de fondement aux prescrits moraux, ils doivent néanmoins faire nécessairement partie d’un système de morale a priori, comme obstacles à vaincre, ou comme mobiles qui, dans l’idée du devoir, ne peuvent point être des principes de détermination. Il suit de là que la philosophie transcendantale est la philosophie de la raison pure simplement spéculative ; car tout ce qui concerne la pratique, en tant qu’elle renferme des mobiles, se rapporte aux sentiments qui sont sources empiriques de connaissance. (p. 64)
Maintenant, si l’on veut diviser cette science de la raison pure d’après le point de vue général d’un système, elle doit comprendre :
Chacune des parties principales aura ses subdivisions, dont les raisons ne pourraient pas être ici facilement exposées.
Ce qui semble seulement convenir à une introduction ou préface, c’est que la connaissance humaine a deux souches, toutes deux peut-être sorties d’une racine commune, mais qui nous est inconnue ; ces deux souches sont la sensibilité et l’entendement. Les objets nous sont donnés par la sensibilité, et pensés ou conçus par l’entendement. Or, la sensibilité appartient à la philosophie transcendantale, en tant qu’elle doit contenir des représentations a priori, qui sont les lois, les conditions sous lesquelles les objets nous sont donnés. La théorie transcendantale de la sensibilité doit appartenir à la première partie de la science élémentaire, parce que les conditions sous lesquelles seuls les objets sont donnés à la connaissance humaine précèdent celles sous lesquelles ces mêmes objets sont conçus.
Voilà, je ne pense pas ré-écrire tous les chapitres. C'était utile pour la préface et l'introduction toutes deux de Kant, et qui exposaient la structure et la cohérence du livre. Il n'est pas exclu que je continue un résumé à des fins personnelles.
L'introduction de Kant: Un pas de plus vers une métaphysique comme science !
Bulle, Toi, je Te sollicite: pourquoi dis-tu que la philosophie répond à la question du pourquoi, alors que Kant ne fait que poser des questions de comment, comme questions fondamentales (et cette question-là est un pourquoi, elle est donc dans ton champ) ?
-Et quand je dis "La combustion du pétrole a libéré une énergie exothermique, je réponds bien à la question "Pourquoi l'eau a chauffé ?", alors que c'est un réponse scientifique.
-Des explications ?
AC*- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
et quel intérêt métaphysique de connaitre le comment sans savoir pourquoi ? J'ai beaucoup pratiqué cette méthode de lecture "réécrite" après digestion, mais ici, sur forum, il faudrait y passer 24 heures ... et mon chien trouve que je m'attarde beaucoup J'y reviendrai, mais je pense que le pourquoi ? qui nous taraude dès l'enfance, remonte à l'infini la question venue du comment . On sait comment on vit , mais le fait de connaitre le boson de Higgs n'écaire pas beaucoup la question du pourquoi ...
JO- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Merci pour ton intérêt et pour ta réponse, JO!
En effet, prétendre une dichotomie entre le pourquoi et le comment fait partie de ces grandes phrases... sans fondement.
Et je crois surtout que si les choses étaient si simples, peu entreraient dans la voie de la science, puisqu'il suffit de philosopher pour trouver de soi-disant vraies réponses !
Mais Bulle oublie peut-être que les Ph. D. ès Physics - que je ne suis pas - sont rien de moins que qualifiés de philosophiae doctors en science...
Les pays anglophones auront toujours un temps d'avance sur les pays latins en branches mathématisées, tant que les pays latins feront un distinguo entre théorie et pratique, et entre philosophie et science.
Chez nous, on peut pousser la théorie en sur-mathématisation, on ne leur arrivera pas à la cheville tant qu'il y aura un univers de différence avec la pratique.
N.B.:
Mais peut-être regrettai-je d'avoir lu la réponse d'une philosophe sur ces questions. En effet, un théologien pourra servir exactement la même réponse à Bulle, en disant que sous philosophie, il ne s'agit que d'un semblant de "pourquoi".
En fait, c'est s'auto-déscerner le prix de la connaissance, et qui annihile toute possibilité de discussion interdisciplinaire, selon moi.
En effet, prétendre une dichotomie entre le pourquoi et le comment fait partie de ces grandes phrases... sans fondement.
Et je crois surtout que si les choses étaient si simples, peu entreraient dans la voie de la science, puisqu'il suffit de philosopher pour trouver de soi-disant vraies réponses !
Mais Bulle oublie peut-être que les Ph. D. ès Physics - que je ne suis pas - sont rien de moins que qualifiés de philosophiae doctors en science...
Les pays anglophones auront toujours un temps d'avance sur les pays latins en branches mathématisées, tant que les pays latins feront un distinguo entre théorie et pratique, et entre philosophie et science.
Chez nous, on peut pousser la théorie en sur-mathématisation, on ne leur arrivera pas à la cheville tant qu'il y aura un univers de différence avec la pratique.
N.B.:
Mais peut-être regrettai-je d'avoir lu la réponse d'une philosophe sur ces questions. En effet, un théologien pourra servir exactement la même réponse à Bulle, en disant que sous philosophie, il ne s'agit que d'un semblant de "pourquoi".
En fait, c'est s'auto-déscerner le prix de la connaissance, et qui annihile toute possibilité de discussion interdisciplinaire, selon moi.
AC*- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Heu, je ne vois vraiment pas pourquoi je ne continuerais pas à affirmer que science et métaphysique ne répondent pas aux même questionnementACourvoisier a écrit: Alors, Bulle, quand tu oppose la métaphysique à la science, ...comment peux-tu soutenir cela ?
Kant, sauf erreur ou ommission de ma part a développé sa théorie du criticisme et celle ci couvre la critique théorique Critique de la raison pure (1781/remanié en 1787), la critique pratique (Critique de la raison pratique 1788) et la critique du jugement (1790).
Le souci de Kant est en fait de comprendre comment la métaphysique est possible. En fait, il analyse tout simplement la raison et tend à montrer l'a priori (par exemple comment l'intuition permet les mathématiques, la physique et les idées).
Personne n'a jamais affirmer que les sciences ne pouvaient pas avoir pour point de départ une intuition (du moins je ne me souviens pas l'avoir lu)
Tout simplement parce que son objet est de démontrer comment la métaphysique est possible !!! Et c'est ce que Kant développe dans son criticisme théorique (appelé également apriorisme, phénoménalisme ou encore ... idéalisme). Pour lui, contrairement à ce que prétendent Bacon, Locke et Hume la métaphysique procède d'une méthode transcendentale (opposée à l'empirisme de Bacon Locke Hume etc...).Bulle, Toi, je Te sollicite: pourquoi dis-tu que la philosophie répond à la question du pourquoi, alors que Kant ne fait que poser des questions de comment, comme questions fondamentales (et cette question-là est un pourquoi, elle est donc dans ton champ) ?
Il faut bien comprendre sa recherche : comment il faudrait édifier la métaphysique pour qu'elle puisse devenir une science réelle.
Après il fait une sorte d'inventaire des activités a priori qui font partie de ce qu'il nomme la raison pure : à savoir : l'intuition, l'entendement (concepts, principes), la raison elle même...
Puis viennent sa déduction, et son usage limitatif...
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Oui, mais vaut mieux un usage limitatif, qu'un usage où l'on croit étendre la connaissance alors qu'on la dénature (ou la dilue).Bulle a écrit:
Tout simplement parce que son objet est de démontrer comment la métaphysique est possible !!! Et c'est ce que Kant développe dans son criticisme théorique (appelé également apriorisme, phénoménalisme ou encore ... idéalisme). Pour lui, contrairement à ce que prétendent Bacon, Locke et Hume la métaphysique procède d'une méthode transcendentale (opposée à l'empirisme de Bacon Locke Hume etc...).
Il faut bien comprendre sa recherche : comment il faudrait édifier la métaphysique pour qu'elle puisse devenir une science réelle.
Après il fait une sorte d'inventaire des activités a priori qui font partie de ce qu'il nomme la raison pure : à savoir : l'intuition, l'entendement (concepts, principes), la raison elle même...
Puis viennent sa déduction, et son usage limitatif...
Selon Kant, Hume était à deux doigts de trouver la voie... à ceci près que Hume n'avait pas réalisé que renier la connaissance synthétique a priori détruisait toute possibilité d'existence des mathématiques.
Et Kant ne peut pas être un idéaliste, puisqu'il limite, justement, la métaphysique par l'étude de la raison.
La Critique est donc le seul moyen de couper les racines mêmes du matérialisme, du fatalisme, de l’athéisme, de l’incrédulité religieuse, du fanatisme et de la superstition, qui peuvent être généralement nuisibles ; enfin aussi celles de l’idéalisme, et du scepticisme, qui sont la perte des écoles, mais qui ne pénètrent que difficilement dans le public.
Et que dis-tu des philosophiae doctors ès physics, attitrés dans les pays anglo-saxons... c'est une hérésie ?
J'aimerais également ta réponse sur ce sujet. Franchement, tu vois, Bulle, le bouquin que tu m'as recommandé, sur la logique informelle, étaie exactement ce que j'écris deux posts plus haut (mon précédent): les anglo-saxons seront toujours en avance tant qu'il ne verront pas le monde avec un vasistas, et ratisseront large. En effet, la logique informelle est venue depuis chez eux, où la logique formelle avait déjà été utilisée sous toutes ses coutures.
Repenses à tout ce problème; à méditer.
AC*- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Et en quoi cela l'empêcherait-il d'être considéré comme un idéaliste au bout du compte ? Et je maintiens que le criticisme de Kant fut également qualifié d'idéalisme ce qui est justifié par le sens "positif" qu'il attribue au noumène (au delà des limites donc) puisqu'il sert le postulat Dieu âme etc...ACourvoisier a écrit:Et Kant ne peut pas être un idéaliste, puisqu'il limite, justement, la métaphysique par l'étude de la raison.
Et bien qu'ils font un boulot de philosophes et que cela ne me pose absolument aucun problèmeEt que dis-tu des philosophiae doctors ès physics, attitrés dans les pays anglo-saxons... c'est une hérésie ?
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Mais alors la philosophie peut se mêler de science ?
AC*- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
je dirais le contraire : la science débouche sur la philosophie . Mais la philosophie ne peut ignorer la science, sans rester au niveau purement spéculatif .
JO- Seigneur de la Métaphysique
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
La philosophie des sciences existe bien sûr :ACourvoisier a écrit:Mais alors la philosophie peut se mêler de science ?
SourceSont abordées en philosophie des sciences, entre autres problématiques :
la nature de la pensée scientifique, de son discours et de ses concepts ;
les processus par lesquels la science devient une activité ;
le rapport entre science et nature ;
les manières de jauger la validité des théories en sciences ;
la méthode scientifique ;
les raisonnements scientifiques et leurs portées philosophiques ;
les implications réciproques entre méthode scientifique et société...
Et métaphysique et physique se croisent sans pour autant se mélanger...
Exemple de questionnement commun : l'instant zéro existe-t-il ?
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Re: La critique de la raison pure (de Kant) - commentaires sur -.
Merci Bulle.
En effet, je crois que j'avais écrit à un moment donnée dans le topic sur la rationalité:
"En supposant que le temps soit né avec l'Univers".
Il me semble que c'est là que tu avais sorti tes griffes concernant le "mélange" science/philosophie. Mais je n'avais pas bien compris pourquoi; il faut que je retrouve le post en question.
Edit:
Bon alors effectivement, le topic était en train de me monter à la tête. Je montais sur mes grands chevaux, en demandant pourquoi tu pouvais soutenir le matérialisme, "alors qu'en l'absence de cause avant zéro, il n'y a plus le seul moindre déterminisme".
Seulement le problème n'était pas un mélange de philosophie et de science, mais simplement que je n'avais pas assez réfléchi un propos. C'est à dire qu'on ne peut déterminer à l'instant zéro si l'Univers ne peut naître de la séparation de matières en conformité avec la conservation de la quantité de mouvement. Bref, c'est une inconnue, mais je concède que cela ne certifie pas que ce n'est pas une cause en soi.
AC*- Seigneur de la Métaphysique
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