Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Personnellement, je pense aussi qu'il n'y a pas de vrais ou de faux artistes... mais pour des raisons différentes. ^^Lila a écrit : Je changerai peut-être d'opinion en cours de discussion, mais au stade actuel, je trouve erroné de parler de "vrais artistes": c'est trop relatif, fluctuant, impermanent, donc je préfère voir plus large et englober tous ceux qui ont une démarche comme celle que tu décris plus haut.
Le faux artiste n'étant, par la force des choses, pas un artiste, je ne vois même pas pourquoi on lui ferait l'honneur de laisser le mot « artiste » sonner dans la définition de ce qu'il est. Certains d'entre nous sont des artistes, d'autres pas, mais tous ceux qui en sont, sont de vrais artistes. Après, je pense qu'il ne faut pas trop généralisé la définition de l'artiste, au risque de la diluer dans une espèce d’éther général qui plane en silence au-dessus de tout ce qui pourrait être beau, harmonieux ou sage, et réduit par là même à néant la possibilité de désigner un artiste à part entière. Pour reprendre ton exemple de la mère de famille, je ne pense pas qu'elle soit une artiste au sens où j'entends ce terme (acceptation personnelle donc), et je la rangerais plutôt dans la catégorie des très bonnes artisanes, suivant la vague définition que j'ai essayé de donner à ce terme quelques posts plus haut. Pour moi, l'artiste est vraiment, avant tout – et en dernier lieu – un créateur à part entière qui « produit » (je n'aime pas ce terme mais faute de mieux...) des œuvres singulières qui sont comme autant d'étoiles du sens brillant dans le sombre firmament de l'apparente absurdité de l'existence.
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
tout à fait OK avec ce que tu dis là.
Et si on reprenait sur ces questions:
- la beauté fait-elle partie du "Sacré" ?
- Et puis: qu'est-ce que la beauté ?
Et si on reprenait sur ces questions:
- la beauté fait-elle partie du "Sacré" ?
- Et puis: qu'est-ce que la beauté ?
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
J'ajoute la remarque très judicieuse de Tibouc :
L'art est-il circonscrit dans le champ du Beau ?
Et je reprend l'une ou l'autre dès que j'ai été ripailler.
L'art est-il circonscrit dans le champ du Beau ?
Et je reprend l'une ou l'autre dès que j'ai été ripailler.
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
je pense que la réponse à la question de Tibouc découlera automatiquement des deux autres, surtout si on reste dans le cadre de l'art avec cette dimension "sacrée".
Bon ap' !
(sorry pour le smiley, mais tu pourrais être mon petit fils )
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Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Commençons donc par le début : qu'est-ce que la beauté ?
Pour Hegel, par exemple, le beau peut être scindé en deux : le beau naturel et le beau artistique. Le premier étant très inférieur au second parce que le second est œuvre d'esprit et a donc pour but la « présentation de la vérité » sous sa forme sensible. Comme chez Heidegger, d'ailleurs, où l'art a pour but ultime de dévoiler la vérité de l'essence des étants qui nous entourent. Ce qui est intéressant dans ces deux points de vue, et c'est pour cela que je les expose en premier, c'est que la beauté déborde le champ de la simple esthétique pour venir se déployer au cœur de l'ontologie. La beauté n'est pas simplement ce qui plait au regard (forcément subjectif), mais c'est un rayonnement de vérité (forcément objectif). Et il est tout-à-fait fascinant de constater que cette conception de la beauté comme auréole de la vérité du monde balaie d'un revers de concept toutes les élucubrations plus ou moins vaseuses qui se développent de nos jours à propos de la prétendue relativité de l'art, au point de considérer qu'une toile blanche est une œuvre d'art parce que l'artiste a voulu qu'elle le soit...
(Attention, quand je dis que le beau est vérité, je ne l'entend pas au sens "naturaliste" où tout ce que l'art représente devrait être vrai en soi. Je dis simplement que l’œuvre entière, comme un tout, doit dévoiler une vérité, mais cela peut évidemment se faire par un détour abstrait, symbolique, etc. ^^)
Pour Hegel, par exemple, le beau peut être scindé en deux : le beau naturel et le beau artistique. Le premier étant très inférieur au second parce que le second est œuvre d'esprit et a donc pour but la « présentation de la vérité » sous sa forme sensible. Comme chez Heidegger, d'ailleurs, où l'art a pour but ultime de dévoiler la vérité de l'essence des étants qui nous entourent. Ce qui est intéressant dans ces deux points de vue, et c'est pour cela que je les expose en premier, c'est que la beauté déborde le champ de la simple esthétique pour venir se déployer au cœur de l'ontologie. La beauté n'est pas simplement ce qui plait au regard (forcément subjectif), mais c'est un rayonnement de vérité (forcément objectif). Et il est tout-à-fait fascinant de constater que cette conception de la beauté comme auréole de la vérité du monde balaie d'un revers de concept toutes les élucubrations plus ou moins vaseuses qui se développent de nos jours à propos de la prétendue relativité de l'art, au point de considérer qu'une toile blanche est une œuvre d'art parce que l'artiste a voulu qu'elle le soit...
(Attention, quand je dis que le beau est vérité, je ne l'entend pas au sens "naturaliste" où tout ce que l'art représente devrait être vrai en soi. Je dis simplement que l’œuvre entière, comme un tout, doit dévoiler une vérité, mais cela peut évidemment se faire par un détour abstrait, symbolique, etc. ^^)
Dernière édition par MrSonge le Dim 9 Oct 2011 - 20:32, édité 1 fois
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
waw, je vais devoir relire ton texte avec le dico à côté de moi.
Il y a plein de mots que je ne connais pas.
Laisse moi un peu de temps.
Pour ma part, la réponse à cette question est vieille de 20 ans, je n'y ai plus réfléchi depuis. C'était l'époque des grandes conversations entre amis artistes. Ma position était que la beauté est subjective et culturelle. Un ami soutenait qu'elle était universelle, et citait notamment le nombre d'or.
Quand je pense "c'est beau", l'harmonie me vient immédiatement en tête, comme un accord parfait en musique. Le mode mineur étant aussi beau que le mode majeur.
Je me rends compte qu'il est grand temps de revoir ma copie, et d'aller un peu plus loin
Il y a plein de mots que je ne connais pas.
Laisse moi un peu de temps.
Pour ma part, la réponse à cette question est vieille de 20 ans, je n'y ai plus réfléchi depuis. C'était l'époque des grandes conversations entre amis artistes. Ma position était que la beauté est subjective et culturelle. Un ami soutenait qu'elle était universelle, et citait notamment le nombre d'or.
Quand je pense "c'est beau", l'harmonie me vient immédiatement en tête, comme un accord parfait en musique. Le mode mineur étant aussi beau que le mode majeur.
Je me rends compte qu'il est grand temps de revoir ma copie, et d'aller un peu plus loin
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 26/06/2010
Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
(Si j'utilise un jargon que tu n'as pas l'habitude d'entendre, il ne faut pas hésiter soit à me demander des précisions sémantiques, soit carrément que j'essaye d'être plus clair ! ^^)
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
OK, merci mais je vais d'abord essayer de me débrouiller (un peu plus tard, maintenant je fais plusieurs choses à la fois )
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
pfouit... je ne sais plus suivre.
En attendant de reprendre le fil où il était, je poste ici une réponse à une réflexion de Jipé, qui est très intéressante (la réflexion de Jipé: je ne me permettrais de dire cela de moi )
Dans l'art Sacré, l'intention est purement "sacrée", un iconographe me disait "il faut créer en état de prière", ce qui ne dépend pas d'une religion (il sait que je suis incroyante). L'intention, c'est justement de se laisser "emporter" par cela, d'avoir son "intention" en dehors de soi, au-delà de l'ego, et non pas de vouloir passer un message personnel ou exprimer un sentiment.
Je ne dis pas que c'est une forme supérieure ou inférieure d'art, c'est simplement une autre forme. A mon avis, elles sont toutes utiles.
Pour un artiste créateur, la différence de démarche est radicale, et c'est ce dont on veut discuter ici. Il n'est pas du tout dans le même état d'esprit. Dans l'art "inspiré" (pour ne pas dire "sacré"), on est dans un état modifié de conscience. Dans l'art "intellectuel", on est dans un état de conscience "normal", avec l'intellect qui fonctionne à plein pour déterminer les sujet, comment le réaliser... Mais il est impossible de dire en regardant une oeuvre dans quel état d'esprit était l'artiste, c'est une erreur de vouloir déterminer cela: il peut être passé de l'un à l'autre, consciemment ou inconsciemment. Il n'y a pas de barrières, ou de boîtes fermées, dans ce domaine. Il n'y a que des tendances, des tentatives...
Ce que j'appelle création en "art sacré" débranche l'intellect, on ne raisonne plus, on est hors du temps, on en oublie l'heure, les repas, les douleurs physique, on peut continuer pendant des heures, des nuits entières sans voir le temps passer, et ce qu'on fait semble venir d'ailleurs, on est "emporté", on ne dirige rien. Il n'est pas possible d'en parler si on ne l'a pas vécu...
De même le spectateur peut percevoir dans une oeuvre tout autre chose que ce que l'artiste a voulu exprimer (ou n'a pas voulu...).
Et en fin de compte, c'est cela qui est important, et pas l'intention de l'artiste. C'est l'impression que l'oeuvre donnera au spectateur/auditeur, qui sera strictement personnelle... Tout le reste, c'est du bla bla...
Zoltan Zabo (un aquerelliste) disait: "si vous avez besoin d'expliquer ce que vous peignez alors écrivez, ne peignez pas".
L'art se vit.
En attendant de reprendre le fil où il était, je poste ici une réponse à une réflexion de Jipé, qui est très intéressante (la réflexion de Jipé: je ne me permettrais de dire cela de moi )
je pense que c'est justement une grande erreur de d'épiloguer sur les intentions de l'artiste. Ce qui importe, c'est son oeuvre, et l'impression qu'elle donne.Jipé a écrit:Il ne faut pas oublier que Serrano se dit profondément croyant, et n'a jamais voulu faire de son oeuvre un blasphème, bien au contraire.
Dans l'art Sacré, l'intention est purement "sacrée", un iconographe me disait "il faut créer en état de prière", ce qui ne dépend pas d'une religion (il sait que je suis incroyante). L'intention, c'est justement de se laisser "emporter" par cela, d'avoir son "intention" en dehors de soi, au-delà de l'ego, et non pas de vouloir passer un message personnel ou exprimer un sentiment.
Je ne dis pas que c'est une forme supérieure ou inférieure d'art, c'est simplement une autre forme. A mon avis, elles sont toutes utiles.
Pour un artiste créateur, la différence de démarche est radicale, et c'est ce dont on veut discuter ici. Il n'est pas du tout dans le même état d'esprit. Dans l'art "inspiré" (pour ne pas dire "sacré"), on est dans un état modifié de conscience. Dans l'art "intellectuel", on est dans un état de conscience "normal", avec l'intellect qui fonctionne à plein pour déterminer les sujet, comment le réaliser... Mais il est impossible de dire en regardant une oeuvre dans quel état d'esprit était l'artiste, c'est une erreur de vouloir déterminer cela: il peut être passé de l'un à l'autre, consciemment ou inconsciemment. Il n'y a pas de barrières, ou de boîtes fermées, dans ce domaine. Il n'y a que des tendances, des tentatives...
Ce que j'appelle création en "art sacré" débranche l'intellect, on ne raisonne plus, on est hors du temps, on en oublie l'heure, les repas, les douleurs physique, on peut continuer pendant des heures, des nuits entières sans voir le temps passer, et ce qu'on fait semble venir d'ailleurs, on est "emporté", on ne dirige rien. Il n'est pas possible d'en parler si on ne l'a pas vécu...
De même le spectateur peut percevoir dans une oeuvre tout autre chose que ce que l'artiste a voulu exprimer (ou n'a pas voulu...).
Et en fin de compte, c'est cela qui est important, et pas l'intention de l'artiste. C'est l'impression que l'oeuvre donnera au spectateur/auditeur, qui sera strictement personnelle... Tout le reste, c'est du bla bla...
Zoltan Zabo (un aquerelliste) disait: "si vous avez besoin d'expliquer ce que vous peignez alors écrivez, ne peignez pas".
L'art se vit.
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Je dirais même plus, ce qui importe, au sein de l’œuvre, c'est qu'il y ait en effet, donation. Donation de quoi ? D'une vérité, à mon avis, on en revient toujours au Sens, car il s'agit d'une vérité qui n'est pas mouvante, fluente, mais qui est la vérité de l'être des choses et du monde.Lila a écrit : Ce qui importe, c'est son œuvre, et l'impression qu'elle donne.
Je pense que l'art est fondamentalement un dévoilement de la vérité, de la seule vérité qui soit, celle de l'être en tant que division ontologique fondamentale. Dans une œuvre d'art, l'être apparaît en tant qu'objet qui est, en tant qu'étant : l'être est dans l'œuvre. Ce n'est donc que par cette dernière que tous les étants ou non-étants qui se trouvent déjà là (déjà là autour de nous, dans le monde) sont confirmés et compréhensibles en tant que tel. Une œuvre fait advenir la vérité de l'être des étants car elle révèle la vérité du produit, de l'objet, qui n'apparaît habituellement pas car elle est voilée sous son usage quotidien qui l'ancre dans la réalité du tissu historique dont nous sommes tous faits, et du fond duquel l'art seul peut l'extirper. Mais il ne faut surtout pas croire que l'art imite le réel, car l'art n'est pas que représentatif, et souvent même, ce n'est pas dans la représentation que se trouve l'essentiel d'une œuvre, même (surtout ?) représentative. Il n'est pas un discours qui dirait une réalité. Il révèle l'être des choses. L'œuvre d'art est ce par quoi la vérité comme dévoilement de l'être, se manifeste, comme dirait Heidegger. Elle dépasse la subjectivité ainsi que toute compréhension conceptuelle pour se situer aux origines de la révélation d'une présence.
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
En résumé, peut-on dire que l'oeuvre d'art (dans l'art "sacré") est une interaction entre
- la source d'inspiration
- et le spectateur/auditeur
sans qu'une "interprétation verbale" soit nécessaire.
L'artiste "physique" n'ayant été rien d'autre qu'une plume ou un pinceau, un outil, un intermédiaire.
- la source d'inspiration
- et le spectateur/auditeur
sans qu'une "interprétation verbale" soit nécessaire.
L'artiste "physique" n'ayant été rien d'autre qu'une plume ou un pinceau, un outil, un intermédiaire.
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Interaction entre la source d'inspiration et le récepteur, certes, mais sans oublier ce qui me semble tout de même être le plus important (et sans doute est-il, à mes yeux, un peu abusif de dire qu'il n'est «que» un intermédiaire), sans qui cette interaction n'aurait tout simplement pas lieu, le créateur, médium entre ce qui se donne dans une œuvre, et qui ne pourrait pas l'être sans l’œuvre, et celui qui reçoit cette donation. Impossible de penser, comme Jean-Luc Marion a tendance à le faire, malheureusement, le don hors de toute dialectique entre donateur et récepteur.
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
ok !
j'ai quand même dit qu'il était un "pinceau", donc un outil, c'était dans le sens qu'il pouvait être un bon ou un mauvais outil. Ce serait selon son degré de réceptivité et sa compétence technique.
J'ai tenté de faire des catégories des différentes sortes d'art, avec comme but principal de distinguer ce que j'entends par "art sacré". Il est bien entendu que ces catégories ne sont pas exclusives: elles peuvent se superposer ou se rejoindre.
Mieux définir permettra d'avancer dans la discussion.
L’art décoratif a pour but le beau, donc plaire. Il a une forte composante culturelle. Il peut simplement vouloir embellir la vie, ou à l'extrême opposé, flatter l'orgueil des gens.
L’art religieux est didactique : il s’approche plus de la BD (vitraux narratifs d’église)
L’art sacré a pour but d’élever l’âme : icônes, tankas, calligraphies dans la culture arabe ou chinoise (pas chez nous) : il est éminemment symbolique, et se rapproche plus de l’art abstrait ou de la musique. Bien sûr il répond à l’esthétique de la culture locale et essaie aussi d’être beau, mais ce n’est pas son but premier, le symbolisme passe avant l’esthétique. Il répond à des codes très stricts, et nouveaux codes ne sont pas facilement admis. Il se crée et se réalise en état de prière. Une icône sainte ne peut être copiée qu’après plusieurs jours de jeûnes et de prière, et une nouvelle image ne peut être « créée » que par un « saint ».
Je fais entrer dans cette catégorie toute oeuvre inspirée comme décrit plus haut, même si elle ne répond à aucun "code".
L’art « expression» fait passer des messages politiques, sociaux, philosophiques, psychologiques (ex : « piss christ », les dessins politiques). Il peut volontairement choquer, créer la polémique, faire rire. L’esthétique est un « plus », mais elle n’est pas nécessaire. Il n’y a pas de convention.
L’art « égotique» exprime la personnalité de celui qui le crée : il s’exprime lui : ses émotions... Il se rapproche plus de la psychothérapie. Il sera apprécié par des personnes qui vivent la même chose, peut servir de révélateur, mais aussi faire du tord en alimentant les tendances négatives (dépression...). Il n’y a aucune règle, au contraire, chacun s’applique à se distinguer des autres.
Je ne parle pas de l’art-provocation, l’art pédant, l’art commercial, ce n’est pas de l’art, même si les règles d’esthétique sont respectées. Le but est l’argent ou la notoriété.
Je ne dirais pas qu'un art est supérieure à un autre, ça c'est une question d'appréciation personnelle, ils sont simplement différents.
Mon goût m'attire vers l'art sacré, mais je ne suis pas du tout fermée aux autres formes.
j'ai quand même dit qu'il était un "pinceau", donc un outil, c'était dans le sens qu'il pouvait être un bon ou un mauvais outil. Ce serait selon son degré de réceptivité et sa compétence technique.
J'ai tenté de faire des catégories des différentes sortes d'art, avec comme but principal de distinguer ce que j'entends par "art sacré". Il est bien entendu que ces catégories ne sont pas exclusives: elles peuvent se superposer ou se rejoindre.
Mieux définir permettra d'avancer dans la discussion.
L’art décoratif a pour but le beau, donc plaire. Il a une forte composante culturelle. Il peut simplement vouloir embellir la vie, ou à l'extrême opposé, flatter l'orgueil des gens.
L’art religieux est didactique : il s’approche plus de la BD (vitraux narratifs d’église)
L’art sacré a pour but d’élever l’âme : icônes, tankas, calligraphies dans la culture arabe ou chinoise (pas chez nous) : il est éminemment symbolique, et se rapproche plus de l’art abstrait ou de la musique. Bien sûr il répond à l’esthétique de la culture locale et essaie aussi d’être beau, mais ce n’est pas son but premier, le symbolisme passe avant l’esthétique. Il répond à des codes très stricts, et nouveaux codes ne sont pas facilement admis. Il se crée et se réalise en état de prière. Une icône sainte ne peut être copiée qu’après plusieurs jours de jeûnes et de prière, et une nouvelle image ne peut être « créée » que par un « saint ».
Je fais entrer dans cette catégorie toute oeuvre inspirée comme décrit plus haut, même si elle ne répond à aucun "code".
L’art « expression» fait passer des messages politiques, sociaux, philosophiques, psychologiques (ex : « piss christ », les dessins politiques). Il peut volontairement choquer, créer la polémique, faire rire. L’esthétique est un « plus », mais elle n’est pas nécessaire. Il n’y a pas de convention.
L’art « égotique» exprime la personnalité de celui qui le crée : il s’exprime lui : ses émotions... Il se rapproche plus de la psychothérapie. Il sera apprécié par des personnes qui vivent la même chose, peut servir de révélateur, mais aussi faire du tord en alimentant les tendances négatives (dépression...). Il n’y a aucune règle, au contraire, chacun s’applique à se distinguer des autres.
Je ne parle pas de l’art-provocation, l’art pédant, l’art commercial, ce n’est pas de l’art, même si les règles d’esthétique sont respectées. Le but est l’argent ou la notoriété.
Je ne dirais pas qu'un art est supérieure à un autre, ça c'est une question d'appréciation personnelle, ils sont simplement différents.
Mon goût m'attire vers l'art sacré, mais je ne suis pas du tout fermée aux autres formes.
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Je suis entièrement d'accord avec ces définitions... sauf un détail de nominalisation.
Pour moi, il n'y a guère que ce que tu nommes « art sacré » qui en soit véritablement. Le décoratif appartient au domaine de l'agréable (qu'après Kant, je me garde bien de confondre avec le Beau), le religieux est une catégorie sans doute plus mouvante car je n'exclus pas qu'une œuvre d'art « religieuse » puisse entrer dans la catégorie de l'art sacré, l'art « expression » aussi peut être sacré s'il contient cette part de vérité qui le dilaterait au-delà de la simple utilité polémique, et l'art égotique, ma foi, soit il ne vaut pas plus que le simple épanchement de l'autofiction contemporaine, soit il peut également s'élever ver l'art sacré s'il parvient à se décentrer pour ne considérer la personne de l'auteur que comme un tremplin vers le général, par exemple.
Pour moi, l'important est qu'il y ait dévoilement de vérité, de Sens. Et cela peut très bien se faire au sein d'une œuvre par ailleurs destinée à un contexte religieux, polémique ou autre. Admettons que dans le cas de l'art que tu nommes « expression », c'est de plus en plus rare, mais au cours de l'histoire, il me semble que cela s'est vu. Par exemple avec le Gulliver, de Swift, qui est à la fois porteur d'un message polémique et philosophique et... tout simplement une œuvre littéraire notoire. ^^
Pour moi, il n'y a guère que ce que tu nommes « art sacré » qui en soit véritablement. Le décoratif appartient au domaine de l'agréable (qu'après Kant, je me garde bien de confondre avec le Beau), le religieux est une catégorie sans doute plus mouvante car je n'exclus pas qu'une œuvre d'art « religieuse » puisse entrer dans la catégorie de l'art sacré, l'art « expression » aussi peut être sacré s'il contient cette part de vérité qui le dilaterait au-delà de la simple utilité polémique, et l'art égotique, ma foi, soit il ne vaut pas plus que le simple épanchement de l'autofiction contemporaine, soit il peut également s'élever ver l'art sacré s'il parvient à se décentrer pour ne considérer la personne de l'auteur que comme un tremplin vers le général, par exemple.
Pour moi, l'important est qu'il y ait dévoilement de vérité, de Sens. Et cela peut très bien se faire au sein d'une œuvre par ailleurs destinée à un contexte religieux, polémique ou autre. Admettons que dans le cas de l'art que tu nommes « expression », c'est de plus en plus rare, mais au cours de l'histoire, il me semble que cela s'est vu. Par exemple avec le Gulliver, de Swift, qui est à la fois porteur d'un message polémique et philosophique et... tout simplement une œuvre littéraire notoire. ^^
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Tout à fait d'accord, d'ailleurs j'ai bien précisé que les catégories n'étaient pas "séparées".
Il y a du pain sur la planche !
Le fil parallèle est plein d'idées, mais ça part dans tous les sens.
Essayons de garder un fil, maintenant que nous sommes d'accord sur les notions de base.
Que penses tu de discuter d'abord de la démarche de l'artiste qui "veut" faire de l'art "sacré" Je ne parle pas de celui qui y arrive inconsciemment, mais de celui qui fait la démarche volontairement.
Mon plus jeune frère est iconographe. On en a beaucoup discuté. C'est un style très codifié, les visages sont déformés pour exprimer une vie intérieure, chaque couleur est lourde de sens, même les matériaux utilisés, la planche de base, la façon dont elle est préparée. Tout cela est fait en état de prière. L'artiste est isolé du monde, et jeûne (cela exacerbe la sensibilité et la réceptivité, aide à "déconnecter" du physique). A ce moment, chacun de ses gestes s'imprègne de cette dimension, qui transparaît dans l'oeuvre finale, et c'est cette "émotion" qui sera communiquée au spectateur, plus ou moins selon son degré de réceptivité et son humeur du moment.
J'ai raconté ICI l'histoire d'une calligraphie représentant "le coeur de Bouddha". L'auteur a fait la même démarche: méditation pendant des heures, jusqu'à "devenir" l'objet de sa méditation, et l'oeuvre respire, transpire, émane ce "coeur" tellement fort qu'il est possible de le "sentir" sans savoir la signification de l'idéogramme, comme j'en ai fait l'expérience.
Idem avec une icône de mon frère, que je lui ai commandée quand il était dans sa période idéaliste, parce que je me doutais qu'il n'y resterait pas. Il peint maintenant sur commande, et même si on peut admirer sa technique, ses oeuvres ne sont plus "vivantes".
Peux tu faire un parallèle avec la musique, avec ton expérience ?
Il y a du pain sur la planche !
Le fil parallèle est plein d'idées, mais ça part dans tous les sens.
Essayons de garder un fil, maintenant que nous sommes d'accord sur les notions de base.
Que penses tu de discuter d'abord de la démarche de l'artiste qui "veut" faire de l'art "sacré" Je ne parle pas de celui qui y arrive inconsciemment, mais de celui qui fait la démarche volontairement.
Mon plus jeune frère est iconographe. On en a beaucoup discuté. C'est un style très codifié, les visages sont déformés pour exprimer une vie intérieure, chaque couleur est lourde de sens, même les matériaux utilisés, la planche de base, la façon dont elle est préparée. Tout cela est fait en état de prière. L'artiste est isolé du monde, et jeûne (cela exacerbe la sensibilité et la réceptivité, aide à "déconnecter" du physique). A ce moment, chacun de ses gestes s'imprègne de cette dimension, qui transparaît dans l'oeuvre finale, et c'est cette "émotion" qui sera communiquée au spectateur, plus ou moins selon son degré de réceptivité et son humeur du moment.
J'ai raconté ICI l'histoire d'une calligraphie représentant "le coeur de Bouddha". L'auteur a fait la même démarche: méditation pendant des heures, jusqu'à "devenir" l'objet de sa méditation, et l'oeuvre respire, transpire, émane ce "coeur" tellement fort qu'il est possible de le "sentir" sans savoir la signification de l'idéogramme, comme j'en ai fait l'expérience.
Idem avec une icône de mon frère, que je lui ai commandée quand il était dans sa période idéaliste, parce que je me doutais qu'il n'y resterait pas. Il peint maintenant sur commande, et même si on peut admirer sa technique, ses oeuvres ne sont plus "vivantes".
Peux tu faire un parallèle avec la musique, avec ton expérience ?
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
La calligraphie de Ms Yu, le "coeur de bouddha"
Hauteur: 180 cm.
Essayez, à 70 ans, de dessiner des lignes pareilles, avec un pinceau souple, sans trembler !
(téléchargez la pour la voir en entier)
Au point de vue technique, admirez la perfection des traits, leur "vie" puissante, le début et la fin de chacun (il y a 8 façons de commencer et terminer un trait), et le "caractère" unique qui transparaît dans chaque trait, qui correspond à sa signification: le contraste entre la ligne brisée, la droite (supeeeeeerbe!) et les courbes.
Ces explications technique sont à l'aimable attention de Bulle et Jipé
Mr Yu a maintenant près de 80 ans ( mais en paraît 50), il est diplomate (il représente la Chine notamment pour les manifestations artistiques internationales). De formation il est calligraphe, historien, danseur, homme de théâtre. Son père était calligraphe. Sa philosophie est le confucianisme. Il a échappé de peu aux massacres de la révolution culturelle, ce qui en fait un des rares calligraphes traditionnels qui l'ont traversée.
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Au point de vue technique, admirez la perfection des traits, leur "vie" puissante, le début et la fin de chacun (il y a 8 façons de commencer et terminer un trait), et le "caractère" unique qui transparaît dans chaque trait, qui correspond à sa signification: le contraste entre la ligne brisée, la droite (supeeeeeerbe!) et les courbes.
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Mr Yu a maintenant près de 80 ans ( mais en paraît 50), il est diplomate (il représente la Chine notamment pour les manifestations artistiques internationales). De formation il est calligraphe, historien, danseur, homme de théâtre. Son père était calligraphe. Sa philosophie est le confucianisme. Il a échappé de peu aux massacres de la révolution culturelle, ce qui en fait un des rares calligraphes traditionnels qui l'ont traversée.
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Encore une question, Ms Songe.
Que penses tu des signatures ? Les créateurs des vitraux romans et gothiques ne signaient jamais leur oeuvre.
Je fais de même (sauf demande expresse du client, en tout petit).
La raison est que l'oeuvre, une fois réalisée, ne m'appartient plus. Elle acquerra sa "valeur" pendant son voyage. Ce sont les spectateurs qui la lui donneront. Mon "intention" et son "histoire" n'ont plus aucune importance, seule l'oeuvre en a (ou n'en n'a pas).
Pour faire suite à la discussion sur l'autre fil, où on évoque l'art "pédant" ou "commercial", le seul fait d'apposer une signature d'un artiste reconnu suffit à lui donner une valeur folle, comme le raconte cette anecdote concernant Picasso. Il commandait un costume chez un tailleur et en avait fait un croquis. Il demande "combien vous dois-je" ? Le tailleur lui tend le croquis et lui demande simplement de le signer.
Même si elle n'est pas vraie, cette anecdote montre bien le ridicule dans lequel on peut tomber, confondant la valeur d'une oeuvre avec l'habileté d'un artiste.
C'est la signature qui a été vendue, pas l'oeuvre.
Cette échelle des valeurs n'a plus aucun sens, comme si la notoriété d'un artiste suffisait à faire de chacun de ses coups de crayons un chef-œuvre ! TOUS les artistes du monde ont fait des "crottes", parfois ils n'ont fait qu'une seule oeuvre valable.
------------------------------------------
A un moment donné, je ferai le point en relisant ce fil (et l'autre).
J'ai un objectif précis.
Je suis en train d'élaborer avec deux amies artistes une formation pour dessinateurs débutant, qui aurait comme but d'aborder l'art par cette optique "sacrée", mais en dehors de toute couleur religieuse. Cette "méthode", combinant technique et intuition, serait totalement différente des 3 "extrêmes, tout en leur empruntant certains éléments
- la formation académique classique de mon enfance (surtout technique: la perspective, l'anatomie...)
- la formation académique actuelle (la spontanéité, l'expression de ses émotions)
- l'art religieux codifié
Je dois donc affiner mes connaissances et mes idées dans cette matière. J'en ferai la synthèse qui m'aidera à rédiger le fascicule qui servira de support à cette formation.
Que penses tu des signatures ? Les créateurs des vitraux romans et gothiques ne signaient jamais leur oeuvre.
Je fais de même (sauf demande expresse du client, en tout petit).
La raison est que l'oeuvre, une fois réalisée, ne m'appartient plus. Elle acquerra sa "valeur" pendant son voyage. Ce sont les spectateurs qui la lui donneront. Mon "intention" et son "histoire" n'ont plus aucune importance, seule l'oeuvre en a (ou n'en n'a pas).
Pour faire suite à la discussion sur l'autre fil, où on évoque l'art "pédant" ou "commercial", le seul fait d'apposer une signature d'un artiste reconnu suffit à lui donner une valeur folle, comme le raconte cette anecdote concernant Picasso. Il commandait un costume chez un tailleur et en avait fait un croquis. Il demande "combien vous dois-je" ? Le tailleur lui tend le croquis et lui demande simplement de le signer.
Même si elle n'est pas vraie, cette anecdote montre bien le ridicule dans lequel on peut tomber, confondant la valeur d'une oeuvre avec l'habileté d'un artiste.
C'est la signature qui a été vendue, pas l'oeuvre.
Cette échelle des valeurs n'a plus aucun sens, comme si la notoriété d'un artiste suffisait à faire de chacun de ses coups de crayons un chef-œuvre ! TOUS les artistes du monde ont fait des "crottes", parfois ils n'ont fait qu'une seule oeuvre valable.
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A un moment donné, je ferai le point en relisant ce fil (et l'autre).
J'ai un objectif précis.
Je suis en train d'élaborer avec deux amies artistes une formation pour dessinateurs débutant, qui aurait comme but d'aborder l'art par cette optique "sacrée", mais en dehors de toute couleur religieuse. Cette "méthode", combinant technique et intuition, serait totalement différente des 3 "extrêmes, tout en leur empruntant certains éléments
- la formation académique classique de mon enfance (surtout technique: la perspective, l'anatomie...)
- la formation académique actuelle (la spontanéité, l'expression de ses émotions)
- l'art religieux codifié
Je dois donc affiner mes connaissances et mes idées dans cette matière. J'en ferai la synthèse qui m'aidera à rédiger le fascicule qui servira de support à cette formation.
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Une histoire que je raconte souvent, notamment quand on me pose la question-bateau "combien de temps mettez vous pour réaliser un vitrail" ?
Cela se passe en Chine, il y a longtemps.
L'empereur fait venir le meilleur peintre de l'empire, et lui commande le plus beau cygne du monde. Le peintre accepte, et demande un délai de 10 ans.
Fulminant d'impatience, 10 ans après, l'empereur reçoit le peintre, qui arrive les mains vides.
L'empereur est consterné.
Le peintre demande qu'on lui apporte du papier, un pinceau, un bloc d'encre, et de l'eau et une pierre pour la préparer.
Il frotte le bâton sur la pierre pendant un long moment, puis peint le cygne en quelque secondes.
Il est incontestablement parfait. C'est le plus beau cygne du monde, mais l'empereur est furieux. Pourquoi avoir attendu 10 ans ?
Le peintre l'invite chez lui et lui fait visiter sa maison qui est remplie de dizaines de milliers de dessins de cygnes... des piles montant jusqu'aux plafonds...
Cela se passe en Chine, il y a longtemps.
L'empereur fait venir le meilleur peintre de l'empire, et lui commande le plus beau cygne du monde. Le peintre accepte, et demande un délai de 10 ans.
Fulminant d'impatience, 10 ans après, l'empereur reçoit le peintre, qui arrive les mains vides.
L'empereur est consterné.
Le peintre demande qu'on lui apporte du papier, un pinceau, un bloc d'encre, et de l'eau et une pierre pour la préparer.
Il frotte le bâton sur la pierre pendant un long moment, puis peint le cygne en quelque secondes.
Il est incontestablement parfait. C'est le plus beau cygne du monde, mais l'empereur est furieux. Pourquoi avoir attendu 10 ans ?
Le peintre l'invite chez lui et lui fait visiter sa maison qui est remplie de dizaines de milliers de dessins de cygnes... des piles montant jusqu'aux plafonds...
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Sur le plan de l'interprétation musicale, je veux bien essayer, mais je ne peux malheureusement rien dire de l'activité de compositeur, étant très exactement ce que l'on appelle un compositeur du dimanche et ne pouvant donc pas me targuer de composer quoique ce soit qui ressemble de près ou de loin à de véritables œuvres d'art.Lila a écrit : Peux tu faire un parallèle avec la musique, avec ton expérience ?
Comme je l'ai déjà dit plus haut, je crois, Toscanini affirmait très sérieusement « qu'une pareille musique ne devrait se jouer qu'à genoux. » Ce n'était évidemment pas une formule innocente jetée par un des plus grands chefs de l'histoire. Si on devrait tous jouer ce genre de musique à genoux, c'est bel et bien parce que ce genre de musique est une prière, tout simplement. Ou tout du moins une affirmation (qui me semble indiscutable...) de l'existence d'une Présence, c'est-à-dire de Dieu ou de ce que l'on voudra, suivant le nom qu'on lui donne. En conséquence de cela, le musicien se doit d'être capable de rendre la force de la musique, son évidence, dirais-je, de la manière la plus complète qui soit. Sans quoi l'émotion (au sens large) ne passera tout simplement pas, ou médiocrement. Il me parait évident qu'une mauvaise interprétation peut gâcher les plus grands chef d’œuvres. Le musicien doit donc être conscient de toutes les dimensions sur lesquelles travaille le compositeur, s'il est complet et vraiment génial. La tête, le cœur, les tripes et le ciel. C'est-à-dire l'intellect, le sentiment, la pulsion et la métaphysique. Je profite de l'occasion pour préciser que je ne pense pas que l'intelligence soit un obstacle à l'inspiration. Il faut une bonne dose d'intelligence, au contraire, pour être un grand artiste, cela me semble évident. Seulement, pour reprendre une formule de Houellebecq, avec lequel je suis pour une fois d'accord, il faut que « l'intelligence perde ». Il ne faut pas qu'elle soit absente, en aucun cas, mais il ne faut pas qu'elle réussisse à avoir le dernier mot. Ainsi, le musicien, au moment clef du concert, est également en état de prière, et de prière au sens de recentrement extrême sur son être le plus profond (et donc ce qui transcende son être, forcément) ; ce n'est pas par coquetterie que de nombreux musiciens ou chef ferment les yeux avant le début de la pièce, parfois même pendant. Et quand, dans la Grande Vadrouille, De Funès lance : « Je ne veux que Berlioz et moi ! », derrière le gag désopilant se cache, à mon avis, un ersatz de vérité. Chaque musicien, en profondeur, doit être seul avec le compositeur. Évidemment, il doit être en communion avec les autres musiciens, mais il doit se tenir avant tout face à la profondeur du Sens qui frémit sous les notes de Beethoven, par exemple, ou de Mozart, ou de Schubert, ou que sais-je ?
Maintenant, la question des signatures... j'avoue être partagé. Je pense que vis-à-vis de soi, il faut que la signature de l’œuvre soit un « plus », un petit luxe sans importance, mais je pense qu'elle est surtout importante vis-à-vis des autres. Dans certaines époques troubles, on peut même voir la signature comme un acte de courage. Les impressionnistes signant leurs toiles, par exemple, peut-être senti comme une forme de bravade à l'encontre des académies de peinture : « Nous osons assumer ces œuvres que vous conchiez, en temps qu'elles sont de notre main. »
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
je n'ai pas dit "l'intelligence" mais "l'intellect"Je profite de l'occasion pour préciser que je ne pense pas que l'intelligence soit un obstacle à l'inspiration.
édit: ... en vérifiant la définition de "intellect", je comprends ta réaction. Faut que je trouve un autre. Je voulais dire "rester dans le raisonnement, décalé de la réalité et des émotions".
Peut-être "cérébralité" ? Comme dans cette phrase de Montherlant: Vous m'avez laissée macérer dans mon ignorance, mon inutilité, ma cérébralité, ma sécheresse, alors que la vraie intelligence doit élargir la vie, non la resserrer, féconder la vie, non la stériliser.
Pour les signatures, il y a un argument légal à en apposer une: si l'oeuvre n'est pas signée, n'importe qui peut la signer et ainsi en "devenir" le créateur...
Lila- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Ah oui, en effet, va pour cérébralité. Même s'il me semble qu'une part de cérébralité dans le processus créateur n'est pas non plus totalement à exclure, si cette cérébralité, bien sûr, est au service d'un principe plus haut. Bach me semble être le meilleur exemple d'une musique à la fois la plus intellectuelle qui soit... et la plus vivante.
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Tu connais sa vie alors dis moi: travaillait-il beaucoup ses compositions ? Etait-elles retouchées, ou alors pas du tout comme Mozart ? (si j'en crois "Amadeus").
Si "non", l'intellect ne participait pas.
Voici comment je vois les choses.
Quand on est inspiré par ce quelque chose d'universel que j'appelle le Sacré, alors on arrive d'office à créer quelque chose de parfait, avec les bonnes proportions, le symbolisme juste.
Ce sont ces oeuvres là qui créent les normes, qui auront été déduites après coup à partir de leurs oeuvres.
C'est la grande différence entre un créateur génial (ou inspiré) et quelqu'un qui essaie d'arriver laborieusement à quelque chose qui correspond à ces normes pour arriver à une harmonie.
Tu comprends ce que je veux dire ?
La suite du nombre d'or est un exemple: elle est déduite de l'observation de la nature, elle en est sans doute une des "lois" de base, et les architectes vont l'employer comme "norme" pour avoir un bâtiment harmonieux.
L'architecte génial n'aura pas besoin d'y penser, il élaborera spontanément un dessin harmonieux : par la suite, on retrouvera le nombre d'or, et il pourra même avoir dépassé les normes et en générer d'autres. Libéré des "normes", il pourra être plus libre,plus inventif.
Si "non", l'intellect ne participait pas.
Voici comment je vois les choses.
Quand on est inspiré par ce quelque chose d'universel que j'appelle le Sacré, alors on arrive d'office à créer quelque chose de parfait, avec les bonnes proportions, le symbolisme juste.
Ce sont ces oeuvres là qui créent les normes, qui auront été déduites après coup à partir de leurs oeuvres.
C'est la grande différence entre un créateur génial (ou inspiré) et quelqu'un qui essaie d'arriver laborieusement à quelque chose qui correspond à ces normes pour arriver à une harmonie.
Tu comprends ce que je veux dire ?
La suite du nombre d'or est un exemple: elle est déduite de l'observation de la nature, elle en est sans doute une des "lois" de base, et les architectes vont l'employer comme "norme" pour avoir un bâtiment harmonieux.
L'architecte génial n'aura pas besoin d'y penser, il élaborera spontanément un dessin harmonieux : par la suite, on retrouvera le nombre d'or, et il pourra même avoir dépassé les normes et en générer d'autres. Libéré des "normes", il pourra être plus libre,plus inventif.
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Re: Dialogue entre MrSonge et Lila: l'Art et le sacré
Je pense que Bach, contrairement à la légende, travaillait beaucoup ses compositions. Pas toutes, puisqu'il était capable d'improviser des fugues à 2, 3 et 4 voix, mais je pense que ses compositions les plus élaborées devaient être le résultat d'un travail minutieux et phénoménal.
Beethoven, plus sûrement – puisqu'on a conservé de nombreux cahiers d'esquisses et de travail – mûrissait ses thèmes pendant de longues semaines, les tournait, les retournait, les simplifiait, les modifiait, ajoutait des contrepoints par-ci par-là, etc. Donc chez lui, l'inspiration (et il s'en plaignait parfois) était tout sauf spontanée. Très laborieuse, au contraire, très lente à remonter à la surface, par petites touches et modification successives jusqu'à, par exemple, parvenir au génial premier motif de sa 5ème symphonie.
Tchaïkovski, en revanche, beaucoup moins génial à mon avis que Beethoven et Bach, se trouvait très souvent en présence immédiate de ses mélodies et de l'armature harmonique, qui s'offrait à lui dans un ensemble inextricable qui n'en était pas moins la plupart du temps très conventionnel. Comme quoi... ^^
Beethoven, plus sûrement – puisqu'on a conservé de nombreux cahiers d'esquisses et de travail – mûrissait ses thèmes pendant de longues semaines, les tournait, les retournait, les simplifiait, les modifiait, ajoutait des contrepoints par-ci par-là, etc. Donc chez lui, l'inspiration (et il s'en plaignait parfois) était tout sauf spontanée. Très laborieuse, au contraire, très lente à remonter à la surface, par petites touches et modification successives jusqu'à, par exemple, parvenir au génial premier motif de sa 5ème symphonie.
Tchaïkovski, en revanche, beaucoup moins génial à mon avis que Beethoven et Bach, se trouvait très souvent en présence immédiate de ses mélodies et de l'armature harmonique, qui s'offrait à lui dans un ensemble inextricable qui n'en était pas moins la plupart du temps très conventionnel. Comme quoi... ^^
MrSonge- Seigneur de la Métaphysique
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