Sagesse du pluvian
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Jules Verne est un marin
Le beau marin séduit des filles, à foison ;
Chaque fois qu'il séjourne une semaine à terre,
Il trouve une servante en une humble maison,
Il entre dans sa chambre, il éteint la lumière
Et raconte sa vie, sans rime ni raison,
Mais sûr d'être entendu, et assuré de plaire.
Et la fille, oubliant les leçons de sa mère,
Accueille l'arrivant des lointains horizons.
Un marin dans le lit, ça soulage la peine ;
Sa présence n'est point importune, ni vaine,
Il a l'immensité des sept mers dans ses yeux.
Le soleil tropical sur son visage brille ;
Son regard est plus vif que l'orage des cieux,
Et puis, après l'amour, lui, c'est un joyeux drille !
Dernière édition par Cochonfucius le Sam 22 Juin 2013 - 11:10, édité 1 fois
Déclin de Newton
Newton est allongé à l’ombre d’un pommier,
Il ne dort point, il pense, il y passe des heures.
Sous ce pommier, il fit l’observation majeure
Par laquelle il devint, en sciences, le premier.
Mais ça, c’est du passé. Newton est déjà vieux ;
L’inspiration fait place aux jeux de la mémoire.
S’il regarde tomber une pomme, une poire,
Une feuille qui vole, il en est moins curieux.
Un merle s’égosille, un grand coq l’interrompt,
De ses griffes, le chat égratigne le tronc,
Le vent fait murmurer dans les airs le feuillage ;
Newton ne cherchera pas de loi pour ces sons,
Il se contentera d’en faire une chanson :
Il devient moins sérieux, ces temps-ci, avec l’âge.
Pour Jacques Grévin
Que demander au Ciel, mes amis ? Pas grand-chose :
Qu'il nous laisse exprimer un peu nos qualités,
Qu'il nous laisse entrevoir un éclat de beauté
Dans les nombreux objets dont le Tout se compose.
Pas besoin de miracle ou de métamorphose,
Le réel nous suffit, dans sa diversité ;
Un merveilleux parcours où notre liberté
D'innombrables façons en un jour se dispose.
La poésie a fait sortir de sa prison
La fille de l'esprit, la timide Raison.
Elle qui se croyait recluse en forteresse
Se plonge maintenant en Mer de Volupté.
L'effroi, en peu de temps par elle surmonté,
N'est plus qu'un souvenir en son coeur de déesse.
Pour Jules Breton
Voici de l'aube la pâleur
Où le paysage se brouille.
Au loin s'envole une grenouille,
Je ne sais de quelle couleur.
Au vert pâturage, une fleur
A ses pétales qui se mouillent.
Un arrosoir au jardin rouille,
On dirait qu'il verse des pleurs.
Mon âme est à peine éveillée.
Le potager sent la feuillée ;
C'est un temps de léger repos.
Grenouille survolant la terre,
Tu es prise par les crapauds
Pour un archange solitaire.
Desnos sans muse
Robert appelle à lui la muse du village,
La muse ne répond jamais à son appel.
Mais, n'entendant jamais qu'un silence mortel,
Robert, qui est vaillant, point ne se décourage.
Robert cherche sa muse en marchant sous l'orage,
Il a toujours aimé mettre au défi le ciel.
Il avance à grands pas sous le flot torrentiel,
Ayant, au fond de lui, de la muse l'image.
Il est seul sur la route arrosée par les trombes,
Car depuis tout un jour cette lourde pluie tombe
Et chasse des chemins même les animaux.
Or, peut-être n'est-il au monde aucune muse ;
En mentionnant ce nom, du langage on abuse
Et pourtant... un poète aime employer ce mot.
Petits grondements
Le Créateur du monde
À certains moments gronde
Ainsi qu'un fier dragon
Un peu bougon.
Les diables lui répondent
Sur cette longueur d'onde,
Tapant sur leurs wagons
Et leurs fourgons.
Le Ciel produit des flammes.
Plus d'un nuage crame
Dans les éclairs ;
Quelques grands volcans bavent
Mille torrents de lave
Jusqu'aux enfers.
Arthur et le déluge
Le déluge s'assoit et le lièvre s'arrête.
Cachés sont les trésors, et visibles les fleurs.
L'avenue se remplit d'innombrables vendeurs,
La mer est en gradins, vagues crête sur crête.
Coulent le sang vermeil, le lait que le veau tète ;
Fume le mazagran du castor bâtisseur,
Coule l'eau sur la vitre auprès d'enfants rêveurs ;
L'un d'entre eux a montré le vent aux girouettes.
Une dame établit un piano sur les cimes.
Un hôtel est bâti dans les lointains ultimes.
Vers la lune a crié au désert un chacal ;
Si le printemps ici vient à trouver refuge,
Nous allons demander le retour du déluge :
Autrement se taira la Dame de Cristal.
Lamartine au crépuscule
Le soleil déclinant a rougi les nuages,
Il les a caressés de ses derniers rayons.
Je revois de ce jour les plus claires images,
Je les vois défiler au long de l'horizon.
Déjà le feu de camp montre une belle flamme,
Il grandit, cependant que décline le jour.
Sa lueur apaisante illumine mon âme,
Les villageois heureux s'y chauffent tour à tour.
L'homme prend ses plaisirs quand s'endort la nature ;
Avec l'âge, il apprend à garder la mesure,
Pour l'avoir, il est vrai, dépassée autrefois.
Les filles vont danser parmi les étincelles,
La nuit, on ne sait plus laquelle est la plus belle,
On entend seulement la douceur de leur voix.
Blue Eyes
La belle qui rêvait à son prince charmant
Se perd dans un monde où le galant se reflète,
Le monde d’un mirage aux éclats de paillettes,
Où mille chérubins volent languissamment ;
Le firmament du monde est fait de diamant
Taillé par Dieu sait qui en surfaces parfaites.
Sous ce large plafond, la princesse inquiète
Marche, l’oeil ébloui d’un blanc rayonnement.
Le prince observe ça dans un miroir de flammes,
Près de sa cheminée, il rêve, il s’est fait beau,
Ses valets près de lui, brandissant leurs flambeaux.
La princesse et le prince, en ce contact des âmes,
Semblent vider ensemble un calice idéal
Dont le vin s’illumine au travers du cristal.
Heredia voit des hannetons
Sur le soir, j'entends un concert de hannetons.
Se parlant l'un à l'autre, ils chantent avec fièvre
La légende longtemps transmise par leurs lèvres,
Qui prend dans leurs propos des airs de feuilleton.
Sur un petit cahier, le soir, nous la notons ;
Pendant que la pelouse est tondue par les chèvres,
Le plus gros hanneton, en la matière orfèvre,
Nous donne des détails, et nous les écoutons.
Lorsque la narration nous paraît ambiguë,
Nous partons consulter, dans la chambre exiguë,
Un dictionnaire écrit sur du papier nacré.
Le Dit des Hannetons, quatre-vingt-un chapitres
Comme le Lao-Tseu, cet autre écrit sacré,
Est sur mon étagère un des plus plaisants titres.
Quel genre de résine ?
Pour ce barde, le monde est une île déserte
Entourée d'une plage au sable toujours blanc,
Couverte d'une jungle aux feuilles toujours vertes,
Sommée d'une montagne aux infertiles flancs.
Le barde, enivré par l'odeur de la résine,
Versifie à propos de la création,
Insultant le destin d'une phrase assassine,
Ne sachant s'arrêter au bout de son sillon.
À la source coulant près de lui goutte à goutte,
Il préfère le vin, comme il dit, pour la route,
Et dit ses derniers vers d'une voix de stentor.
Comme une île déserte il a traité ce monde,
Il tient très fort à toi, solitude profonde,
Au point de t'appeler son unique trésor.
La Boétie en son Médoc
Ne sois, muse d'Étienne, oncques trop altérée ;
Le barde t'offrira de son meilleur vin frais,
Si tu vas le rejoindre en un endroit discret
Pour passer, en amis, une longue soirée.
N'aie nulle peur de lui, ne sois point égarée :
Étienne est un bon gars, bien que sans grands apprêts.
Il aime se tenir à l'ombre des forêts,
Ou dans une prairie bellement arborée.
Si tu vis avec lui, tu vivras sans souci,
Tu auras de la viande et du dessert aussi,
Ainsi que la primeur de sonnets bien sauvages.
Que le poète, donc, trouve grâce à tes yeux ;
Comme franc compagnon, c'est ce qu'on fait de mieux,
Lui qui est à présent dans la fleur de son âge.
Aloysius de la nuit
La lune en haut du ciel peigne sa chevelure :
L'espace est inondé de cent reflets d'argent.
Le gnome sur le toit vanne l'or trébuchant
Et la fausse monnaie tombe comme épluchures.
« Foin de la lune » a dit le fou dans un murmure,
Puis il a récolté les jetons affligeants
(On est moins délicat lorsqu'on est indigent),
Espérant acquérir remède à la froidure.
La lune en se couchant évoque un froid soleil ;
Le gnome trie l'argent dans un demi-sommeil,
Sa balance de cuivre aux bougies s'illumine.
L'on peut même observer, sur un vitrail qui luit,
Un être vagabond égaré par la nuit :
Au coeur du labyrinthe, un escargot chemine.
Les grenouilles qui demandent un Dieu
Les grenouilles en eurent marre
D'habiter un monde sans Dieu.
Elles firent du tintamarre
Au voisinage d'un saint lieu ;
Le prêtre dit : Je vous baptise,
Mais ce sera par immersion.
Voyez le beau feu qu'il attise !
Ainsi eut lieu la conversion
Des batraciens en friandise
Pour régaler l'homme d’Église ;
Car nul ne prie impunément
Un Dieu dont le prêtre est gourmand.
Un bel été
Piaf-Tonnerre aime l’été ;
Il aime observer la grappe
Qu'un rayon de soleil frappe,
Lui portant la volupté.
Il aime, sous un feuillage,
Jouir de l'éclairage vert ;
Dans ce charmant univers,
Il ne ressent plus son âge.
Quand survient le crépuscule
Et que la chaleur recule,
Le cosmos est plein d' amour,
Les cieux sont pleins de mystère,
Un chant plane sur la Terre
Disant « ce fut un beau jour ».
Piaf-Tonnerre à Saint-Denis
1
Le héros Piaf-Tonnerre,
Vaillant sexagénaire
Vit dans un grand logis
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Ah ! quelle chance !
2
Le barde Piaf-Tonnerre,
Sur un ton débonnaire,
Rédige cet écrit
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Ah ! quelle aisance !
3
S'il drague, Piaf-Tonnerre,
C'est toujours des grand-mères
Dont les cheveux sont gris
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Ah ! quelle romance !
4
Du fils à Piaf-Tonnerre,
La flûte traversière
Au matin retentit
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Ah ! quelle brillance !
5
La nièce à Piaf-Tonnerre
Est à présent la mère
De deux bébés jolis
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Ah ! quelle engeance !
6
Piaf-Tonnerre au jardin
Médite le matin
Parmi les pissenlits
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Ah ! quel silence !
7
Piaf-Tonnerre au tombeau
Deviendra-t-il corbeau
Ou petit lapin gris
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Quelle importance ?
8
Piaf-Tonnerre en un livre
Pourra-t-il se survivre
À Bordeaux à Paris
À Saint-Denis
À Saint-Denis en France
Bonjour l'ambiance !
À ta santé, Mallarmé !
César buvait un coup avec Panoramix ;
Le vin était versé de sa meilleure amphore.
Ils parlaient de potion, de serpes, de folklore,
Du pas de la licorne et du vol du phénix.
Sous le velum orné d'un archéoptéryx,
L'entretien se poursuit, s'affine, s'élabore,
Aidé par le bon vin que leur propose encore
La servante que vêt le tissu des bombyx.
César, admiratif devant un athanor,
Voudrait le reproduire en motif de décor ;
Il goûte une potion que le vieux druide mixe.
Voyez ça, mes amis, ce magicien est fort !
A dit le chef romain, soudain rendu prolixe ;
Regardez ! Mes cheveux ont la couleur de l'or.
Du Bellay à Roncevaux
Le neveu trépassant élève un cor d'ivoire,
Un ange prend son âme en cet instant fatal.
Il abandonne aux monts ses armes de métal
Et de plusieurs chevaux la sereine mémoire.
Il ne sait si, mourant, il obtint la victoire ;
Il songe aux pleurs de sa promise au corps nymphal
Et trouve que sa mort n'a rien de triomphal.
Mais bon, raisonne-t-il, j'ai fait ça pour la gloire.
L'empereur qui semblait au-dessus des humains
Voit s'écouler ses pleurs et trembloter ses mains ;
Il se sent comme un arbre abattu par la foudre.
Plus sombre est son regard que la face des cieux ;
La montagne se dit qu'un éclair de ses yeux
Frappant les grands rochers, les réduirait en poudre.
Encore une stèle
Le calligraphe inverse un flot de caractères,
Quiconque veut les lire a besoin d'un miroir.
Huit termes surgissant d'un inframonde noir,
Destinés à l'esprit de l'intérieur des pierres.
Segalen recopie ces mots pleins de mystère
Et tente un bel effort pour nous les faire voir.
Passant, rince la stèle avec un arrosoir :
Le texte brillera sous la couche d'eau claire,
Le ciel s'y mirera comme une steppe immense ;
Tu pourras écouter cette pierre qui pense
Comme si elle était soudain pourvue de voix,
Comme si elle avait accès à ton oreille
Pour y faire passer l'esprit d'une merveille ;
Bon. Mais, il y a un os. Ce truc, c'est du chinois.
Re: Sagesse du pluvian
Je me suis assise sur un gros rocher à Huelgoat vendredi dernier et je lisais Stèles de Victor Ségalen...
Merci pour le poème
Merci pour le poème
maya- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 3020
Localisation : à l'ouest
Identité métaphysique : bouddhiste et yogas
Humeur : sereine
Date d'inscription : 21/04/2011
Bardes qui suivent Baudelaire
Bardes à plume légère,
Encore loin du tombeau,
Nous ornons vos étagères,
Des ouvrages les plus beaux.
Ces pages sont les dernières,
Consumons donc les flambeaux,
N’épargnons point la lumière
D'Eros et Bacchus, jumeaux.
Je ne prends pas l'air mystique,
Car ce jour n'est pas unique,
Ce n'est pas un jour d'adieux.
Une lectrice à ma porte :
J’entends son rire joyeux,
La poésie n'est point morte.
Quatre stèles
http://lutecium.org/stp/cochonfucius/stele.html
http://lutecium.org/stp/cochonfucius/autre-stele.html
http://lutecium.org/stp/cochonfucius/encore-une-stele.html
https://www.forum-metaphysique.com/t4253p480-sagesse-du-pluvian#464505
(Quatre stèles, en hommage à Victor Segalen).
http://lutecium.org/stp/cochonfucius/autre-stele.html
http://lutecium.org/stp/cochonfucius/encore-une-stele.html
https://www.forum-metaphysique.com/t4253p480-sagesse-du-pluvian#464505
(Quatre stèles, en hommage à Victor Segalen).
Re: Sagesse du pluvian
Superbe...
Vous saviez, je pense, que Segalen est mort sur un rocher dans le bois de Huelgoat( en Bretagne) qui domine la rivière d'Argent. Il était dépressif et s'est sans doute suicidé.
Vous saviez, je pense, que Segalen est mort sur un rocher dans le bois de Huelgoat( en Bretagne) qui domine la rivière d'Argent. Il était dépressif et s'est sans doute suicidé.
maya- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 3020
Localisation : à l'ouest
Identité métaphysique : bouddhiste et yogas
Humeur : sereine
Date d'inscription : 21/04/2011
Grenier de Verhaeren
L'univers, régi par l'équation coutumière
Dont il ne sait point diverger,
Jongle avec ses photons légers
Qui forment pour nos yeux l'impalpable lumière.
Les poissons dans le flot des torrents sont heureux,
Les oiseaux gonflent leur poitrine ;
L'érudit trace sa doctrine,
Assis à son bureau dans son grenier poudreux.
La forêt s'illumine à des éclats d'un feu
Qui est le sceau des anciens dieux ;
Sur le paysage, il s'imprime.
Le poète est joyeux, il écrit comme un fou
Sur la nature et puis sur tout
Ce qui lui inspire des rimes.
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