Sagesse du pluvian
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Dans le vent
L’air est humide, le ciel pleure,
Le vent jamais ne s’assagit ;
Un timide rayon surgit
Qui guère longtemps ne demeure.
Sur le jardin passent les heures,
Le soir vient, le soleil rougit ;
Un charme vespéral agit
Sur l’herbe que le vent effleure.
Tout est dans un désordre immense
Sous ces rafales de démence ;
Les vivants ont perdu le nord.
Quant cesseras-tu, vent funèbre ?
Déjà surviennent les ténèbres ;
Vent maudit, veux-tu notre mort ?
Fantôme d’un dauphin
Le fleuve abrite ma paresse,
Un ondin danse sous mes yeux ;
La sirène arrange ses tresses,
J’aimais cela quand j’étais vieux.
Je suis mort, donc rien ne me presse,
Plus rien ne compte, et c’est tant mieux ;
Plus jamais de soif ni d’ivresse,
Juste la douceur de ce lieu.
Pauvre âme ni sage ni folle,
Tu ne ratiocineras plus ;
Dors bien tranquille, âme frivole.
Allons, foin des mots superflus,
Cessons de nous prendre la tête ;
Pose ta plume, vieux poète.
L’eau verte
La nef dérive au gré de l’onde,
Glissant vers le couchant vermeil ;
Les nautoniers dans leur sommeil
Rêvent des îles de la Sonde.
J’entends une sirène blonde
Qui bénit le rouge soleil ;
Ses mots sont aux nôtres pareils,
Qui s’adressent à tout le monde.
Un ondin trouve ça marrant,
Mais Poséidon le reprend ;
À se recueillir il l’appelle.
La nef va vers je ne sais où,
Elle avance droit devant elle ;
À bord, tout le monde s’en fout.
Doublechien
Bizarre est ce chien de poète,
Monstre qui n’a point son pareil ;
Le vent traverse ses deux têtes,
Il les réchauffe au grand soleil.
Au fond, c’est une brave bête,
Voyez son paisible sommeil ;
Voyez comme elle nous fait fête
Dès le moment de son éveil.
C’est presque une présence humaine ;
Quand avec lui je me promène,
C’est un agréable loisir.
Prends bien soin de toi, vieille branche,
Conduis-toi selon tes désirs ;
Que ce soit tous les jours dimanche.
Trompeur
Serpent flatteur de vos envies,
Toute ma ruse est dans ma voix ;
Par mes paroles qu’Ève boit,
Son innocence est asservie.
Ainsi votre Histoire dévie,
Car vous transgressez une loi ;
Cette faute contre le droit
Change le cours de votre vie.
Vous connaîtrez l’adversité ;
Quant à votre postérité,
Son sort sera fait de galères.
J’en ris avec mon cousin Dieu,
Maître de toute vie sur terre ;
Gloire à lui, au plus haut des cieux.
Lutin magicien
Par des formules inventées
Sont les obstacles abolis ;
Les démons se montrent polis,
La route est moins mal fréquentée.
Formules dites ou chantées,
Ce lutin les sort de l’oubli ;
Il forge sur son établi
Des machines à roues dentées.
Sous les racines d’un noyer
Il vit sans payer de loyer ;
À la dryade il est fidèle.
Quelques ondins sont ses amis,
Ainsi que le vieux Saint Rémi ;
Ce dernier lui sert de modèle.
Ancre lourde
Voyez cette masse pesante,
Ce bloc de métal rassurant !
Grâce à lui, dans les forts courants,
La nef n’est jamais une errante.
Pas de dérive, même lente,
Car l’ancrage en est le garant :
Et nos marins, rudes et francs,
Ne craindront ni vent ni tourmente.
Dieu l’a voulu, dans sa grandeur,
Qui du métal fut créateur
Et le disposa sous la terre.
Ancre que nous sûmes forger :
Le feu nous livra ses mystères
Et nous épargna ses dangers.
Chant d’oiseau
L’oiseau son propre chant compose,
Par sa propre muse animé ;
Il n’a que faire de rimer
Ni de produire de la prose.
Il est entendu par les roses
Dont est ce printemps embaumé ;
Il parle au soleil enflammé
D’amour et de mille autres choses.
Son âme, qui n’est pas vilaine,
Lui dicte cette cantilène,
Les sons noblement arrangeant.
Chante donc, oiseau peu farouche,
Jusqu’à ce que l’astre se couche ;
Cela fait bien plaisir aux gens.
La tour et le vent
L’orage est là, le ciel noircit,
Ceux de la tour sont dans la crainte ;
Cette peur n’est nullement feinte,
La tour tombera, c’est ainsi.
Les arbres tomberont aussi,
De rien ne serviront leurs plaintes ;
Au village une cloche tinte,
Les ruraux sont dans le souci.
Chacun recommande son âme
À la pitié de Notre Dame,
Sans nulle réponse des cieux.
L’orage est là, le monde tremble ;
Mille noirs démons se rassemblent,
Mille ennemis du Seigneur Dieu.
Re: Sagesse du pluvian
J’ai mis mon armure à l’envers,
Pour une fois que je la porte ;
L’envers ou l’endroit, que m’importe,
Chaque médaille a son revers.
Peu me chaut d’être ainsi couvert,
Ce sont métaux que vent emporte ;
Il peut venter devant ma porte,
Brise d’été, bise d’hiver.
La chanson de la dame Hélène
Dit que je l’appelle « vilaine » ;
Elle plaisante, je suppose.
Mon coeur, que le hasard conduit,
Jadis fut par elle séduit ;
Mais en parler ici, je n’ose.
Planète Bricabracandra
Monde parsemé de débris,
C’est une pagaille éternelle ;
Une nature irrationnelle
Ne laisse personne à l’abri.
Pas de mots dans l’air, mais des cris,
D’invraisemblables ritournelles ;
La nature est dysfonctionnelle
Et ça ne peut être décrit.
Un cyclope grogne en son antre ;
Il ne sait quoi mettre en son ventre,
Alors il maudit tous les dieux.
Trois démones plument des anges ;
Cela ne trouble point les cieux,
Ni rien d’autre ne les dérange.
Re: Sagesse du pluvian
Je suis créateur de mystères,
Que nul ne s’en montre déçu !
Vous avez le droit de vous taire,
Ou d’en médire à mon insu.
Je vous transmets des aperçus
D’une âme étrange et solitaire ;
Des images d’une autre Terre,
Du gouffre dont je suis issu.
La Toile est faite pour s’étendre,
Il va donc falloir s’y entendre ;
Et qu’importent quelques faux pas.
Sur moi tu peux prendre modèle,
J’aime les disciples fidèles ;
C’est inné, ça ne s’apprend pas.
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