Luc 18 : portraits et ...

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Message par Imala Sam 19 Mai 2012 - 15:50

... commentaires

18.1 Jésus leur adressa une parabole, pour montrer qu'il faut toujours prier, et ne point se relâcher.
18.2 Il dit: Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu et qui n'avait d'égard pour personne.
18.3 Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait lui dire: Fais-moi justice de ma partie adverse.
18.4 Pendant longtemps il refusa. Mais ensuite il dit en lui-même: Quoique je ne craigne point Dieu et que je n'aie d'égard pour personne,
18.5 néanmoins, parce que cette veuve m'importune, je lui ferai justice, afin qu'elle ne vienne pas sans cesse me rompre la tête.
18.6 Le Seigneur ajouta: Entendez ce que dit le juge inique.


Le juge.

Un homme qui ne craint pas Dieu : qui ne L’aime pas, ne Le prie pas, ne Le sert pas.
Un homme que Dieu ne fascine, ni n’effraie.
Un homme qui, dans l’absolu, ne reconnaît d’autre autorité que la sienne.
Un homme sans foi, pas même en celle que sa fonction lui adjoint de servir, — ni loi, si ce n’est celle de servir son seul intérêt, bien qu’il soit juge.
Un homme qui ne reconnaît d’autre justice que celle qu’il puisse appliquer sans dommage pour lui-même.

Dès lors que le seul "horizon" qu’il reconnaisse soit lui-même et son seul bien-être, quelle justice peut-il bien rendre ?

Précisément dans le texte, son intérêt est de satisfaire la veuve. Ce n’est donc pas la justice pour la justice qu’il rendra, mais dans un geste de justice commutative : le renvoi définitif de la veuve importune.

Un homme que Jésus qualifie d’inique.

Notez que c’est moi qui traduis : je parle d’un homme.
Jésus, quand à lui dans le texte, parle d’un juge.

(...) Il y avait dans cette ville un juge...
(...) Entendez ce que dit le juge...

Contrairement à moi qui suis prompte à juger sur l’apparence, Jésus semble rester sur la réserve : le juge est inique, plutôt que l'homme.

Ce qui laisse penser que l’homme sous la fonction, peut à tout moment se départir de son iniquité.

D’autant qu’un homme qui n’a d’égard pour personne est d’abord, et avant, tout un homme qui parce qu'il en a tellement pour lui seul, que cela revient à ne pas en avoir du tout.

On n'exclut jamais si bien les autres et le bonheur dont ils sont potentiellement porteurs de sa vie, que lorsque l'on s'exclut soi-même de ce dont est fait le bonheur : la relation.

Donc, un homme qui souffre d’un manque d’égard. Au propre comme au figuré.

Mais un homme qui souffre dans le champ relationnel, est peut-être plus que quiconque appelé un jour à faire un détour par l’en deçà, et l’au-delà de lui-même.

Etant entendu que si, selon Xavier Thévenot, chaque personne est en définitive "insaisissable", si chaque personne est, cette réalité libre et mystérieuse, qui existe à la fois en deçà et au-delà d’elle-même, cela vaut pour le juge inique.

En deçà, ne cessant de ressentir intérieurement une sorte d’impérieux appel à devenir toujours plus humain. Au-delà, car doublement capable d’opérer un retour réflexif sur lui-même, et de s’engager en la totalité de son être, dans une sorte d’option fondamentale, en faveur d’autrui et de Dieu. Xavier Thevenot

Manière pour moi, de réfléchir sur la nécessité de ne pas désespérer de l’homme, ou, dans la ligne du dernier livre lu cette semaine : La Route Ici: de ne pas renoncer à l’humain... Dès lors, croire en la bonté de Dieu quoi qu'il arrive.

(A suivre : La veuve )

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Message par Magnus Sam 19 Mai 2012 - 16:00

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Dernière édition par Magnus le Sam 19 Mai 2012 - 16:16, édité 1 fois

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Message par Imala Sam 19 Mai 2012 - 16:08

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Message par Magnus Sam 19 Mai 2012 - 16:14

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Message par Imala Sam 19 Mai 2012 - 16:30

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Message par JO Dim 20 Mai 2012 - 8:36

c'est fini le marivaudage ? lechebotte lol!
Bon : ce juge inique est simplement dur d'oreille: quand on veut en tirer quelque chose, il faut insister jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on veut .
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Message par Imala Dim 20 Mai 2012 - 9:41

JO a écrit:c'est fini le marivaudage ? lechebotte lol!
Bon : ce juge inique est simplement dur d'oreille: quand on veut en tirer quelque chose, il faut insister jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on veut .

Salut JO,

c'est fini le marivaudage ? lechebotte lol!

Comme quoi on est tous et définitivement... condamnés à interpréter mdr

Bon : ce juge inique est simplement dur d'oreille: quand on veut en tirer quelque chose, il faut insister jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on veut .

Aaahhh ! Ben voilà !!!!

Et hop !!! Un appareil auditif et tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! CQFD !!! merci JO

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Message par JO Dim 20 Mai 2012 - 11:17

ce n'est pas que Dieu soit sourd, pour Luc . C'est qu'Il teste les volontés, en triant les velléités .
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Message par Imala Dim 20 Mai 2012 - 12:02

La veuve.

Que sait-on d’elle ?

Explicitement dans le texte : qu’elle est veuve, donc en position de grande vulnérabilité, et en proie aux difficultés d’une partie adverse.

En creux dans le texte : qu’étant veuve elle semble être également sans père, et sans fils (?), puisque c’est elle qui se présente devant le juge et réclame justice pour elle-même.

Néanmoins, sans mari, sans père et sans fils, on peut supposer, sans risque de se tromper beaucoup, qu’elle n’est pas sans ressource, tant financière (dans le cas contraire, elle n’aurait pas de partie adverse, ou tout du moins, les choses auraient évolué plus vite) —que morale.

C’est une femme lucide sur sa situation: elle se sait impuissante à s’en sortir seule, et quand bien même le juge de la ville est un juge inique, elle semble n’avoir guère d’autre choix que de faire appel à lui.

Il s'agit que soient reconnu ses droits juridiques, que soit appliquée la justice des hommes, mais elle n’a aucun moyen de les faire valoir. Sinon celui de faire face à la situation sans tricher avec elle-même. Et d’obliger, par son insistance, par sa volonté à ne pas renoncer à se faire entendre du juge, et ce malgré le mépris dont il fait preuve non seulement à son égard, et envers sa situation précaire, mais vis-à-vis de la justice en tant que telle.

A ses yeux, c’est d’abord et avant tout un juge. Et c’est au juge qu’elle s’adresse. Un juge doit rendre la justice, et c’est sur cela qu’elle compte. Par sa persistance à la lui réclamer, elle le forcera à la lui donner.

Mon sentiment, est que c’est une femme qui fait preuve d’une grande force de caractère : elle sait vivre dans une dépendance manifeste, sans que cela n’entame jamais sa force morale et son courage. Elle saura faire l’impasse sur le dédain dont elle est l’objet, pendant longtemps dit le texte, en faisant preuve d’une estime de soi peu courante eu égard à son veuvage : elle ne se laissera pas chasser.

Elle maintient donc sa présence importune aux yeux et aux oreilles du juge, et poursuit ses demandes, quoi qu’il arrive, quoi qu’elle ressente, et revient à la charge sans se lasser, sans cesse dit encore le texte… au point que c’est le juge qui se lasse.

Et Jésus de commenter :

18.7 Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard?
18.8 Je vous le dis, il leur fera promptement justice.


Ce qui m’amène à cette question : qu’est-ce donc, que signifie ce "promptement" quand il arrive que l’on doive crier jour et nuit pour obtenir justice, et or que l’on connaît l’exemple servant à illustrer cette conclusion : une veuve qui réclame cette justice pendant longtemps ?…

Je ne sais pas vraiment. Mais c’est une question intéressante, et si vous aviez quelques pistes de réflexions à proposer, je suis preneuse.

JO a écrit:ce n'est pas que Dieu soit sourd, pour Luc . C'est qu'Il teste les volontés, en triant les velléités .

Une première piste de réflexion avant la question. Décidément JO t'es trop forte.
Il n'empêche... promptement et longtemps sont deux termes antinomiques


(A suivre : Le pharisien)

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Message par Imala Lun 21 Mai 2012 - 16:52

Spoiler:

Le pharisien

Il ne l’avoue, ni même ne se l’avoue, néanmoins son sentiment de faute est à la mesure de sa propre justice, et lorsqu’il monte au Temple pour y prier, il ne prie pas face à Dieu, mais face à lui-même, en lui-même... ce qui me fait penser, et dire : il prie à la recherche d’un sentiment d’existence, et la teneur de sa prière semble le révèler, elle qui tente de prouver que lui seul est juste. Contre le reste des hommes.

Cette prière qu’il fait, et qui n’en est plus une, mais monologue dénigrant le reste des hommes, pour exister, lui. Pour posséder une réalité qui lui soit propre. Pour mieux sortir de.

Mais s’il a su se convaincre de sa pureté morale et spirituelle à coup de "je ne suis pas", il ne sait pas ce qu’il est quand il n’est pas "comme le reste des hommes".

Enfin, s’il confond faire et être, et réduit son être à ses actes, même la liste de ses actes reste pauvre : je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus… et ça s'arrête déjà, on attend la suite mais rien ne vient.

Il sait ce qu’il fait pour être ce qu’il n’est pas, mais même là, il ne le sait que pauvrement.

Il ne se trouve, ni ne se rencontre.

L’observation minutieuse de la loi néanmoins lui permet de se cacher de cette incapacité foncière dans laquelle est prise toute personne cherchant à correspondre par elle-même à l’exigence infinie d’intégrité qui se tapit au fond d’elle-même.

Cette incapacité foncière à "par-faire", par soi seul, son être profond. Ce désir d'être qui sous-tend tout idéalisme, et perfectionnisme. Cette aspiration à la joie parfaite. (cf.Jn 17:13)

...Sans nul besoin d’avoir confiance en un Dieu suffisamment vivant pour donner à tout être humain de quoi se sentir exister, et tenir debout tout seul, sans se comparer à autrui
… Quand bien même il s'étranglerait devant pareille analyse, lui qui monte au Temple pour prier Dieu, en qui il dit avoir foi, et qu'il honore, croit-il...

Cette exigence infinie d’intégrité… Il n’y arrive pas, mais il ne l’avoue pas, et son observance stricte et rigide de la loi, le protège du sentiment constant de faute qui signe cet échec, par un redoublement de perfectionnisme : je ne suis pas comme le reste des hommesni même comme ce publicain. Or, qui était à ce moment précis le publicain, si ce n’est un homme vrai ?

Il ne le voit pas. Et ça ne l’intéresse pas. Lui ce qu’il cherche, ce n’est pas à être un homme vrai, mais un homme parfait. Saint : séparé.
Et si ce publicain, qui fait la démonstration d’un repentir sincère est objet d’un si grand mépris de sa part, c’est qu’il incarne à ce moment précis, ce qu’il fuit à son extrême : l’expérience d’une différence sans cesse renaissante entre ce que fait réellement la causalité du moi, et ce dont elle devrait être capable pour égaler le moi à son être véritable. J. Nabert

Ce sentiment de culpabilité induite uniquement par la finitude de l’être, et qu’il confond avec la vraie.

A fortiori, lorsqu’on oublie que le reste des hommes, publicain confondu, est fait de la même "pâte" que soi, on ne peut, bien entendu, se souvenir encore ...que l’on est capable des mêmes fautes qu’eux.

(A suivre : le publicain)

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Message par Imala Ven 25 Mai 2012 - 19:50

Le publicain.


Les publicains (ou collecteurs d’impôt) étaient méprisés en Israël. Ils volaient le peuple, et aucune loi ne protégeait les contribuables de leurs exactions, mais contrairement à la veuve, le mépris de ses contemporains, ne le met pas, concrètement s’entend, —en danger.

S’il est méprisé, il est surtout craint, et apparemment, contrairement au juge inique cela le laisse pas indifférent.
Cette crainte, ce mépris, ce rejet dont il est l’objet lui donne à penser qu’il pourrait bien aussi en souffrir de la part de Dieu.
Alourdit par un sentiment de faute prégnant : je suis un pécheur, ces pensées et ces craintes que son langage non-verbal trahisse lors de sa courte prière, il a des difficultés à faire la différence entre la colère du peuple à l’égard de sa fonction, et peut-être de la manière dont il gère cette fonction, et Dieu... : Ô Dieu, sois apaisé… dit-il, comme s’il était certain de la colère de Dieu envers lui.

L’autre, le prochain, le semblable/autre est, peu ou prou, consciemment ou non, toujours reflet de "Dieu" à nos yeux. Il faut une grande liberté intérieure, une réelle assise dans l’être, ou à contrario, un grand dédain/arrogance/indifférence pour que ce reflet ne soit pas totalisant.

Le publicain se reconnaissant pécheur, reconnaissait-il implicitement qu’il était lui aussi un voleur ? On ne le sait pas. Ce qui me fait dire que ce n’est pas tant ce qu’il a fait qui importe, mais le fait qu’il ne cherche pas à se voiler la face sur ce qu’il ressent le concernant : il se dit pécheur, et non simplement "capable de pécher".

Quoi qu’il en soit, c’est un homme en demande qui ne se laisse pas arrêter par le regard des autres : il se rend au temple et y entre alors que le pharisien, symbole vivant du mépris y entre aussi, et même si il n’ose s’avancer, ni lever les yeux, il ose parler, et ce qu’il dit démontre qu’il ne s’est pas endurci sous le jugement, et le rejet de la société dans laquelle il vit, ni sous les prérogatives de sa fonction.

Quoi qu’il en pense, et en dise, il a néanmoins tout d’un homme intègre. Il n’est donc pas étonnant, qu’après avoir fait face à la réalité telle qu’elle est, telle qu’elle lui apparaît, et l’ayant confessée/verbalisée dans l’intégrité de sa personne, il puisse descendre dans sa maison justifié, dit Jésus.

Ne se sent jamais si bien "justifié/apaisé" que celui qui fait vraiment face à ce qui se meut en lui-même, et qui ensuite peut dire et rester sur : "je suis qui je suis, je suis tel que je suis". Sans comparaison aucune. Sans arrogance. Sans mépris de soi.

Etant monté au Temple pour faire physiquement face à la réalité, pour l’accepter telle qu’elle est, pour accepter comment son identité s’articule dans cette réalité : je suis tel que je dis être, et s’étant apaisé sur cette constatation/acceptation, il crée assez d’espace en lui-même pour pouvoir alors descendre dans sa maison, conclut Jésus.
Or, descendre dans sa maison, rentrer chez soi, c’est métaphoriquement réintégrer le lieu de sa paix.

Justifié précise Jésus, comme un aboutissement logique.

Il avait commencé sa prière dans l’agitation, et un trouble profond en disant : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, et cette paix qu’il veut pour Dieu envers lui, c’est tout à coup lui qui la vit envers Dieu.

Il descend dans sa maison justifié : s’étant accepté, il peut accueillir l’accueil de ce Plus Grand que lui auquel il se réfère, et vis-à-vis Duquel il se positionne pour vivre sa vie d’homme.

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(A suivre, verset charnière : les enfants)


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Message par Imala Mer 6 Juin 2012 - 21:58

Les enfants (verset charnière dans Luc 18)

"Et Jésus les appela, et dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n'y entrera point."

Le petit enfant, comment le définir ?

La perception qu’on en a, varie fortement selon les cultures et les époques.

Il n’est pas un adulte en miniature, ni un animal à domestiquer.

Les petits enfants sont des êtres humains à part entière, et c’est ce que Jésus semble dire. Mais au temps du Christ, et à bien des égards à celui d’aujourd’hui, ils sont considérés comme des choses dont la vie dépend entièrement de nos choix et de nos décisions d’adultes.

Quoi qu’il en soit, ce qui les caractérise fortement, c’est cette confiance, cette crédulité naïve et paisible dont ils font preuve premièrement.

Les petits enfants dont le Christ parle sont nus comme au temps d’Adam avant que l’interdit n’ait été bravé. Ils sont vulnérables et sans puissance, mais ils ne le savent pas et par conséquent, ils ne se cachent pas.
Ils viennent vers l’adulte en étant vrai, et avec innocence. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils pourraient être rejetés.
Ils demandent. Ils ne répugnent jamais à demander quoi que ce soit dont ils auraient besoin ou envie, ils le font tout naturellement.
Ils reçoivent avec simplicité. Il ne cherche pas à mériter ce qu’ils reçoivent, et ne "tirent pas des plans sur la comète" pour savoir comment ils vont pouvoir rendre l’équivalent de ce qu’ils ont reçu.
Ils ne trichent pas avec leurs émotions : ils pleurent ou rient sans calcul, et sans se cacher. Ils ne raisonnent pas en termes de bien ou de mal, ils sont tout entiers dans ce qui fait leur vie, tout entier au présent de leur présent.

Ce verset mettant en scène de petits enfants est un verset charnière dans le sens où il semble souligner, en vertu de ce que sont les petits enfants, ce qui est nécessaire à l’être : dépendance et humilité.

*** *** ***

Le juge inique méprisait Dieu et ses semblables, sans se rendre compte que mépriser ses semblables et Dieu c’est surtout se mépriser soi-même.
Si l’autre même que moi, l’autre, le "qui" de la question, ne vaut pas pour moi, ce n’est pas un "qu’est-ce qui", qui pourra donner de la valeur à moi.
Ma valeur se trouve dans la résonnance de mon être, et seul l’autre est capable "d’appeler" à cette résonnance.

La veuve était méprisée parce qu’elle était sans autre statut que celui d’être veuve, mais elle, elle ressemble aux enfants en tant qu’elle ne se décourage pas de demander. Sa dépendance ne la plonge pas dans le mépris de soi, et son humilité ne la conduit pas à s’humilier. Au contraire. Elle fait front.

Le pharisien méprisait tous ceux qui n’étaient pas comme lui. Il ne voyait dépendance et humilité que sous l’égide de la loi, et assujetties à celle-ci. La loi est tout ce qu’il connaît. La loi lui est armure. Le pharisien, tronc plutôt que jonc, ne plie pas. La loi est l’être du pharisien. Le pharisien est au plus loin de l’homme nu dépendant sachant faire preuve d’humilité.

Le publicain était méprisé en raison de sa fonction, et bien qu’il oscille entre humilité et humiliation, comme la veuve il ne plonge pas dans le mépris de soi, et se rend dépendant de Dieu pour rentrer chez lui apaisé, justifié = pour regagner son statut d’Homme Debout plutôt qu’en rester à celui que lui assignent les dires et jugements de ses semblables vis-à-vis de sa fonction.
Dires et jugements qu’il semblait avoir intériorisé dans un premier temps.

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(A suivre : le jeune homme riche)
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Message par Imala Ven 8 Juin 2012 - 19:47

Spoiler:

Le jeune homme riche.

Toutes les traductions consultées le définissent comme étant un chef, ou un dignitaire. C’est donc un homme écouté et respecté et qui, ici-bas, semble ne plus rien avoir à désirer en terme d’avoir, ou de biens.

C’est un homme qui n’a besoin ni de la justice des hommes, ni de la justice divine, non par prétention orgueilleuse, mais parce que de fait, c'est un homme intègre. Et vraisemblablement riche d’une excellente éducation tant sociale que religieuse, il porte sur ses épaules le poids de ses responsabilités envers elles !

C’est donc un homme "vêtu", et parce qu’il est juste, c’est aussi un homme tourmenté. Ce qui le porte à ne se contenter ni de ses richesses, ni de ce que ces richesses lui assure en terme de position sociale.

Ce qui le tourmente n’a à voir ni avec la culpabilité, (vraie ou fausse) ni avec un sentiment d’indignité.

Face à Dieu et face aux hommes, c’est un homme qui peut se targuer d’être droit.

Il respecte et honore les commandements qui fondent la loi relationnelle par excellence, et que Jésus met en exergue. Ne commettre :
- ni adultère
- ni meurtre
- ni vol
- ni mensonge
- honorer père et mère

- aimer son prochain comme lui-même (Matthieu)

Paradoxalement c’est, pour une bonne part, ce qui fait son tourment :
- "toutes ces choses je les observe dès ma jeunesse", dit-il.
Et pourtant cela ne suffit pas à le rassurer.

Ce qui le tourmente apparaît là comme uniquement d’ordre existentiel : il a beaucoup, mais il n’a pas tout, et ce qu’il a, il le sait, n’achète pas ce qui lui manque.

D’ailleurs, il le formule très bien :
- "que dois-je faire pour hériter de la Vie éternelle", demande-t-il.
Même si pour lui il s'agit de faire pour hériter, il sait qu’avant tout, la Vie Eternelle s’hérite plutôt que ne s'achète.

Sa grande difficulté se révèle ici, il ne sait pas ce que "dépendre de" veut dire, et si cela ne l’a pas rendu orgueilleux, il n’en est pas humble pour autant : quoi qu’il faille faire pour, il s'en croit capable.

Parce qu’il n’a jamais rien eu besoin de demander, il lui est impossible d’avoir une attitude d’enfant face à la vie, face à lui-même, et face à Dieu.

L’Evangile de Marc apporte deux précisions importantes :

1. Marc 10 :17c " … se jetant à genoux devant lui, Bon maître lui demanda-t-il… "

Cet homme a beau être "vêtu" de toutes sortes de dignités, il reste quelqu’un qui sait reconnaître en l’autre un plus digne, ou plus grand que lui, et cette manière de s’adresser à Jésus : " Bon maître…" renforce encore ce sentiment. Pourtant ce qui, ici, s'apparente à l'humilité est surtout mû par son besoin de maîtriser un faire pour avoir...


Observez la suite : Jésus, interpellé semble être, dans un premier temps, limite agacé :
- "Pourquoi m’appelles-tu bon ?" répond-IL, puis un dialogue s’instaure... et quelque chose se passe…

2. Marc 10 :21 "Jésus l’ayant regardé l’aima… "

Comme si, jusqu’ici, Jésus s’était limité à un dialogue "distrait", se bornant au plus court, et que quelque chose l’alerte soudain : aux réponses que Jésus lui adresse le jeune homme riche oppose un dire qui résonne comme une plainte :
- "J’ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse… " , et qui renvoie à la question qui le tourmente : "que faut-il faire pour…"

On attendrait le encore. J’ai observé toutes ces choses… que faut-il faire encore pour…

L’évangile de Matthieu (19 :17) quant à lui, donne une autre précision : à la recommandation de Jésus : "Observe les commandements…", le jeune homme riche demande : "Lesquels ?"

Ce qui démontre deux choses : cet homme a tout, mais il ne sait pas tout. Il sait le reconnaître, mais il ne sait pas s’en tenir là.

Cet homme qui ne dépend pour vivre ni des hommes, ni de Dieu, n’imagine même pas que "tout" est impossible à atteindre.
Que ce manque qui lui manque, personne n’est à même de le lui assurer.
Il y a bien quelque chose à faire, croit-il. Et Jésus semble répondre par l’affirmative :…

- Il te manque encore une chose: vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis, viens, et suis-moi.

… mais aux mots : "Vie Eternelle", Jésus oppose les mots "trésor dans le ciel" = ce sur quoi aucun homme, aucun bien, aucun statut, aucun nom ne peut mettre la main.

Ce manque qui manque pour être parfait/complet, cette Vie Eternelle qui n’est pas tant un lieu qu’un état, et que Dieu seul donne/comble…

"Il te manque encore une chose"… comme si vendre tout ce qu’il a, et donner le produit de sa vente aux pauvres n’allait pas le conduire dans un manque objectif, mais au contraire, comme si ce trésor dans les cieux allait s’ajouter aux richesses que pourtant il n’aurait plus…

Ce qui me fait dire : pauvre de biens, mais riche de lui... puisqu’il ne lui manquerait plus rien pour être parfait/complet (Mat.19 :21a)

[color:53f1=indigo"Jésus l’ayant regardé l’aima… " Cette phrase est bouleversante.

"Jésus l’ayant regardé…" à ce moment précis, le jeune homme riche perd de son anonymat pour LUI, et lui apparaît tel qu’il est : un homme désemparé, un homme "nu" qui ne sait pas qu’il l’est, ou qui, s’il le sait, ne comprend pas pourquoi !

… "L’aima"… Pas besoin de savoir composer avec soi-même, avec la vie ou avec Dieu pour être aimé de LUI, pas besoin d’être riche non plus… juste être un homme…

Pour l’homme qui le sait, ou qui l’apprend, ou qui le devine, ou qui en a l’intuition : quelle richesse !

Les enfants, la veuve, le publicain sont en position de besoin, le reconnaissent et osent demander en dépit même des diverses oppositions qu’ils rencontrent.

Le jeune homme riche est un homme comblé qui n’a rien à demander, ni rien à confesser, mais qui aurait beaucoup à abandonner… Il ne peut… lâcher la proie pour l’ombre"il devint tout triste parce qu’il était très riche", dit le texte… et c’est comme si son devenir/avenir était entièrement, et déjà contenu dans cette tristesse qui s’impose maintenant, et le rend mutique.
Comme si cette grande richesse était assimilable à sa tristesse.

Il n’y a plus d’avoir concevable, il est déjà très riche, autant dire qu’il a tout. Et il n’y a plus de faire à faire…
Il reste à être… mais il s'en va. "Et il s'en alla"… précise Matthieu

"Qu’il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu", poursuit Jésus, alors que lui s’en va…

Et moi, de là où je suis, je regarde cette scène, et je suis comme le jeune homme riche : j’aimerais faire quelque chose, mais je dois me contenter du regard que Dieu pose sur le dos de l’homme qui s’en va, et tâcher de me souvenir qu’il était empli d’amour lorsque moi-même je m’en vais loin de tout ce qui m’appelle hors ce qui me cerne, me charge et m’alourdit.

*** *** ***

Le sens du parallèle entre un homme riche et un chameau : il fallait débâter les chameaux afin qu’ils puissent passer par une petite ouverture (aiguille) située à côté de la porte d’une ville, et qui demeurait ouverte après le coucher du soleil, et encore, il ne fallait pas que le chameau soit trop gros !!!

(A suivre : l’aveugle Bartimée)

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Dernière édition par Imala le Ven 8 Juin 2012 - 20:28, édité 1 fois
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Message par Imala Ven 8 Juin 2012 - 19:51

Sinon... les gens, vous n'avez rien à dire ?

Rien à ajouter ?
Rien à retrancher ?
Rien à objecter ?
Rien à... quoi ?

Vous aimez ?
Vous détestez ?
Vous vous en foutez, mais vous lisez parce que vous n'avez rien d'autre à faire ? sourire

Hou... hou... Vous êtes où ?

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Message par _dede 95 Ven 8 Juin 2012 - 20:02

Moi je suis là et même las de ces vérités!
Sans retirer, bien sur, la qualité de tes propres textes Imala!
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Message par Imala Ven 8 Juin 2012 - 20:21

Hello dede,

Je comprends ta lassitude, d'autant que c'est aussi ce que j'ai ressenti pendant de nombreuses années, et puis... tout doucement... "l'appétit" est revenu... Je dois juste faire attention à comment je "mange"... Pas trop à la fois, et sans insister sur ce que je n'aime pas...

Merci dede de t'être arrêté ici un petit moment.

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Message par Imala Jeu 14 Juin 2012 - 14:58

(Suite et fin)

L’aveugle

Spoiler:


Un aveugle était assis au bord du chemin

Pour ceux qui passent, celui qui est assis là, avant d’être un homme, est un aveugle… "assis au bord du chemin" qui plus est…

Assis… position d’une vie mise entre parenthèse. Assis… devant la vie qui va, et qui vient. Qui vient et qui va… sans lui.

Au bord … En marge. En marge de la société, et de la vie, et laissé… "au bord de".

...du chemin... Si chemin il y a, le possible : ce qui est possible, n'est pas loin.

Au bord du chemin ...et il suffit d'un pas pour être sur le chemin, puis d'un autre pour y marcher...

Ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Rome ? Sous-entendu : quelque part, et quelque part où il vaille la peine d'aller ?

A mendier… Dépendant du regard, de la bienveillance et de la charité des autres pour vivre non une vie d’homme (pas même !) - aux yeux de ceux qui passent, mais une vie d’aveugle assignée à cette cécité.

Néanmoins, l’aveugle sans nom de l’évangile de Luc, en a un dans l’évangile de Marc, ainsi qu’une filiation: il est Bartimée, fils de Timée, et la suite du texte va démontrer qu’il est bien plus Bartimée, fils de Timée, qu’aveugle et assis au bord du chemin, à mendier.

S’il est assis là, contraint et forcé par sa cécité, il n’est pas assis dans sa cécité.

Bien qu’aveugle, Bartimée n’est ni passif, ni complaisant, et il ne se contente pas de tendre la main : il a une voix capable de s’imposer. La preuve, c’est qu’on va lui répondre.

Lorsque Jésus et la foule arrivent, il questionne :
- Qu’est-ce que c’est ?

On lui dit :
- c’est Jésus de Nazareth qui passe…

…et lui se met à crier. Immédiatement, sans même attendre la fin de la phrase, dirait-on.
Il crie, et va crier de plus en plus fort.

Ceux qui marchaient devant, le reprenait pour le faire taire…

Il le sait, être Bartimée fils de Timée, ne suffit pas pour être avec, ne suffit pas pour faire partie. Pour être dans ce mouvement de la vie qui passe tel un fleuve lent, et bruyant.

Mais alors que ce fleuve passe de telle manière qu’on ne puisse ignorer le désir puissant en son sein faisant écho en tous ceux qui l’entendent et le voient passer, Bartimée crie afin que lui, l’homme aveugle et assis au bord de ce chemin puisse se lever, y entrer, et y asseoir sa place.

Bartimée a l’innocence insolente de l’enfance dans la force vive de l’homme.

Dans l’absolu : dépendant sans dépendre

L’Evangile de Marc (Ch.10), va révéler d’autres détails pointant dans ce sens.

v.50 …L’aveugle jeta son manteau, et, se levant d’un bond, vint vers Jésus…

Jeter son manteau : c’est à n’en pas douter, un geste fort. D’autant que dans le texte, c’est l’aveugle qui jette son manteau, comme si le manteau était assimilable à cette cécité.

Il jette ce sous quoi il est comme enseveli ! Il se débarrasse de ce qui l'encombre, se défait de cette impuissance à se faire connaître comme Bartimée fils de Timée plutôt qu’aveugle, et assis au bord du chemin, à mendier.

Il se dégage de tous ces regards qui l’effleure sans le voir, sans voir autre chose qu’un aveugle assis là, assis de tout temps au bord de ce chemin, semble-t-il ; ce mendiant aveugle qu’on a l’habitude de voir assis au bord de ce chemin, et qu’il nous est impossible de penser autrement qu’assis, aveugle et mendiant au bord de ce chemin, —il jette, dans une sorte de métaphore inconsciente, loin de lui, cette identité qu’il ne veut plus reconnaître, et qui le cloue à sa cécité, l’identifiant à elle aux yeux de ceux qui passent devant lui jour après jours !... et se lève d’un bond, dit le texte !

Se lever d’un bond lorsqu’on est aveugle, et de surcroit assis jour après jour, relève de l’exploit.

...et vint vers Jésus ! Comme si il y voyait déjà ! Comme s'il n'avait plus aucun besoin d'attendre que des mains secourables se tendent...

Bartimée fils de Timée ne fera pas mentir le nom de son père, et saura faire apprécier à sa juste valeur, le lieu de sa naissance.

Timée, signification : hautement apprécié (Dictionnaire Biblique)

Ceux qui marchaient devant, le reprenait…

*** *** *** ***

Confidence : j’ai longtemps cru aux mensonges suivants :

- Existent les gens bien... et puis les autres.
- Croire, reconnaître, prendre ceci pour vrai, et en dépendre, fait partie de l’humilité.

Les gens bien sont méritants.
Ils sont la norme à laquelle il te faut atteindre.
Et bien que jamais tu ne puisses leur arriver à la cheville, fais néanmoins tout ton possible pour sortir de ta condition inférieure face à eux, mais sache que tu ne pourras y parvenir.

Enfermement.

La foule des gens bien, ou plutôt la foule de ceux qui se considéraient comme tels, ceux qui au jour de mon acquiescement, ont croisé ma route, se sont, quant à eux, toujours gardés de me détromper…

*** *** *** ***

Ceux qui marchaient devant, le reprenait pour le faire taire…

Ceux qui ...: la foule des gens bien, ou qui se croient comme tels, non seulement ne réussira pas à faire taire Bartimée, mais ne réussira pas à l’enfermer dans sa condition d’aveugle au point qu’il ne puisse se lever d’un bond à l’appel du Christ, et de la Vie qui se cache en LUI.

Le juge inique était assis au milieu de son iniquité
La veuve avait été volontairement assignée à son veuvage
Le pharisien avait nié l’être profond du publicain sans trouver le sien
Le publicain était courbé devant un Dieu fantasmatiquement en colère
Le jeune homme riche était arrêté au lieu de ses différentes dignités
Les disciples avaient voulus empêcher les petits-enfants d’approcher Jésus.
La foule avait voulu faire taire l’aveugle…

… Il y aura toujours quelqu’un, ou quelque chose en lien avec quelqu’un, qui voudra nous faire taire.
Il y aura toujours quelqu’un pour nous interdire la sortie, ou pour nous assigner au seul rôle qu’ils nous reconnaissent.
Il y aura toujours quelqu’un qui pensera que notre insistance à demander (quoi que ce soit que nous demandions) est inconvenante.
Il y aura toujours, en nous (l’autorité qui gouverne en notre lieu et place), et/ou en dehors, à l’extérieur de nous : quelqu’un qui a honte de notre vulnérabilité par trop dérangeante, car déstabilisante concernant l’idée que nous nous faisons du contrôle que nous sommes tous supposés avoir sur nous-mêmes :

- "Voyons ! Tiens-toi ! Un peu de dignité que diable !!" est une de ces phrases qui définit le mieux l’instance que notre vulnérabilité dérange, pour tenter de faire taire ce qui crie pour être, en nous.

Bartimée l’insolent, quant à lui, ne se résignera pas à l’invisibilité, au silence et à la passivité, il ira à Jésus, et se tiendra devant Lui avec une joyeuse impatience : - Seigneur, que je recouvre la vue !

…Il suffit que l’on ferme les yeux pour entendre le sourire derrière la demande. Bartimée est non seulement sûr de Jésus : Seigneur dira-t-il, mais aussi sûr de lui-même, sûr de ce qu’il veut.

Comment dire mieux combien est autre l’autre que l’on croise tous les jours, que ce soit dans les escaliers de son immeuble, au bureau, dans le bus, à l’épicerie du coin, ou encore assis au bord de la route ?
Caché… sous le manteau de notre propre cécité…

Ce que souligne l’Evangile de Matthieu, lui qui rapporte cet épisode en parlant de deux aveugles plutôt que d’un seul…

Comme si l’existence de Bartimée, fils de Timée en cet aveugle assis-là, n'avait été que pressentie, devinée, mais qu’il fallait pourtant relever…
Comme si le témoin rapportant cette guérison avait eu de la peine à assimiler cet aveugle à Bartimée, fils de Timée plutôt qu’à ce seul aveugle assis au bord du chemin qu’il croyait connaître, mais qui néanmoins se révèle autre.

… Il suffirait que Jésus passe pour qu’on en ait une preuve des plus évidentes…


Suis-moi ! dit souvent Jésus aux hommes qui l’approchent.

Voici, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi, dit Pierre à Jésus…

A l’instant il recouvra la vue, et suivit Jésus, dit Luc en parlant de Bartimée

Tout "quitter", ou tout "vendre", c’est aussi se débarrasser de ce qui nous retient assis au bord du chemin = au lieu de nos propres "aveuglements", et comme empêtrés dans le "manteau" de nos confortables parce que rassurantes, habitudes :...

- pourquoi ferais-je l’effort de me lever, et d’aller au-devant d’une vie riche et haute en couleurs ? N’ai-je pas toutes les raisons de rester "assis là "? Ne suis-je pas, pauvre de moi… "aveugle" ?

Ou encore :...

- pourquoi prendrais-je mon grabat : lieu de toutes mes "paralysies" ; ou ma croix : lieu de toutes "mes morts "? Ne suis-je pas… pauvre de moi… paralysé ? Ne suis-je pas… pauvre de moi… incapable de vivre ?

… Il suffirait que Jésus passe pour qu’on en ait une preuve des plus évidente… ai-je dit…

Luc 18.40 Jésus, s'étant arrêté, ordonna qu'on le lui amène

Cette parole est extrêmement encourageante pour ceux dont la vie est comme en suspension : c’est à ceux qui marchaient devant = à la foule bien-pensante, qui un instant plus tôt voulait faire taire l’aveugle, que cet ordre est donné !

Comme quoi, semble dire le texte, les "gens bien", (qui sont pris pour tels, ou qui se prennent pour tels), doivent revoir leur prétention, tant aux yeux des autres qu'à leurs propres yeux = marcher devant non pour faire taire ceux qui crient, mais pour frayer le chemin devant les pas de ceux qui ne sauraient, dans un premier temps, marcher tout seul au-devant de la vie…

La joie du royaume est aussi pour eux, tant il est vrai qu’on ne peut participer activement à la guérison de l’autre, sans que cette guérison ne vous revienne sous une forme ou une autre, puisque l’autre, bien qu’étant autre, est aussi semblable à vous.

Mais, si cette vérité ne rejoint pas ceux qui marchent devant, s’ils ne croient, ou ne veulent l’être humain que semblable à eux, ils n’auront qu’un but : faire taire ceux qui crient trop fort, et dans une autre langue qu’eux.

Mais les "bien-pensants" de notre texte en était revenus :

- Prends courage ! disent-ils à celui qu’ils n’avaient pas réussis à faire taire, à celui qui justement avait eu le courage non seulement de crier, mais de crier de plus en plus fort pour forcer le barrage qu’ils lui opposaient.
Prends courage, disent-ils… comme en réponse à leur propre courage qui reprend vie à l’instant même où Jésus ordonne : appelez-le !

- Lève-toi ! disent-ils encore, comme en écho à leur propre désir de ne pas rester courbés devant ce qu’ils ont élevé de manière idolâtre dans leur vie.

- Il t’appelle ! ajoutent-ils, comme si cet appel avait résonné pour eux-mêmes avant tout, et qu’ils s’en faisaient maintenant témoins pour celui qui a su crier avant eux…

Prends courage, lève-toi, Il t’appelle

… Tout un programme !... Programme de toute une vie.

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Message par JO Jeu 14 Juin 2012 - 15:13

Imala, une vie ne suffirait pas pour répondre à tous ces textes, dont chacun souligne des vérités dérangeantes quoique essentielles . Veux-tu isoler juste une phrase, ou un passage, qu'on puisse en parler , à fond ? Là, il y a trop de matière à examiner .
Tu commences par le juge inique et la veuve insistante. Ce passage m'a rappelé la ténacité de Job à subir sans faiblir les pires épreuves. Dieu ne faiblit qu'après la démission de Job, de seulement même chercher à comprendre, mais qui ne doute pas que l'épreuve vienne de Dieu .
Dans ces textes, il y a des résonances qui n'en finissent pas de renvoyer à d'autres paroles ...
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Message par Imala Jeu 14 Juin 2012 - 15:30

Veux-tu isoler juste une phrase, ou un passage, qu'on puisse en parler , à fond ? Là, il y a trop de matière à examiner .

Okay ! Je prends un peu de temps pour y réfléchir, et je reviens.

Merci JO.

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