Une lecture juive des évangiles
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Alice
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Une lecture juive des évangiles
Je propose de continuer ici une discussion entamée avec Athéna sur le fil
Présidentielle: Marine Le Pen en tête au 1er tour.....
Ndla : compte tenu de leur longueur,les posts concernés sont sous spoiler
Présidentielle: Marine Le Pen en tête au 1er tour.....
Ndla : compte tenu de leur longueur,les posts concernés sont sous spoiler
- Premier message:
- Bonjour Athéna,
Intéressant et fouillés, tes posts, j'ai cependant une remarque, par rapport au passage ci-dessous. Permets-moi donc de donner un regard "juif" sur ce petit bout d'histoire :
Tu écris :Par contre, il (Jésus) se montre intraitable vis-à-vis de ceux qui exercent le pouvoir religieux, il est d’ailleurs mort de s'être opposé aux religieux de son temps, c’est à dire à ceux qui incarnaient la tradition.
Ce sont donc les grands prêtres, dans l’espoir de pouvoir s’en débarrasser, qui lui posent la question : « Nous est-il permis oui ou non de payer l'impôt à César ? » On voit tout de suite le piège, si Jésus interdit de payer l'impôt, il peut être dénoncé aux Romains comme opposant ; s'il invite à payer l'impôt, il apparaît au peuple comme un traître à Israël et à son Dieu.
En répondant de leur rendre à chacun ce qui lui est dû, Il affirme que César n'est pas l'opposé de Dieu et qu'il y a place pour une certaine souveraineté de César. Par le fait même, il laisse supposer qu'il n'y a pas d'hostilité de principe entre César et Dieu, et qu'il existe entre l'Empire et la communauté juive une possibilité pratique de co-existence. Enseignement on ne peut plus nouveau dans cette société teintée de théocratie.
Jésus brise son unité totalisante, mieux, en ne contestant pas l’existence du pouvoir impérial, il ouvre un espace positif au politique.
Jésus, s'il est mort un jour, n'est pas mort "parce qu'il s'opposait à ceux qui incarnaient la tradition religieuse" : il est mort car il s'opposait aux représentants religieux fantoches mis en place par les procurateurs romains successifs et que ce faisant, il menaçait le système mis en place par l'occupant impérial.
Le grand prêtre Caïphe et les hauts dirigeants religieux juifs en place à l'époque de Jésus étaient à la solde du pouvoir romain qui les avaient placés à ce poste de manière tout à fait inacceptable au regard de la Loi juive (qui a un système d'élections bien précis à suivre sans lequel une élection n'a aucune validité).
Ce grand prêtre et ses sbires étaient honis et méprisés de tous les juifs et de tous les responsables religieux pharisiens de l'époque.
Jésus est mort car il dérangeait l'occupant romain : les responsables religieux juifs à la solde du procurateur romain ont vite compris que Jésus représentait un risque en tant qu'agitateur. Si l'agitation gagnait en ampleur, les Romains auraient demandé des comptes au grand prêtre qui risquait d'être rendu responsable par Rome de ne pas avoir su gérer la situation (et de perdre sa place donc).
Les "dirigeants religieux juifs" qui ont contribué à la mise à mort de Jésus n'incarnaient pas "La tradition" (ce sont les sages pharisiens, refusant de se laisser corrompre par le pouvoir romain et pour certains en rébellion ouverte contre lui, qui incarnaient la tradition), mais bien la compromission entre pouvoir spirituel et violence politique de l'occupant.
En répondant de leur rendre à chacun ce qui lui est dû, Jésus est très prudent, mais aussi très malin, sa réponse est à double sens selon moi : d'un côté, il semble conciliant, de l'autre, il envoie une pique aiguillisée au pouvoir romain : "rendre à César ce qui lui appartient et à Dieu de même", cela à une signification très provocatrice quand on sait que le culte impérial a été imposé dans la région depuis que l'Empereur Auguste l'a instauré pour mieux asseoir le pouvoir impériéal dans les régions conquises par les légions romaines.
Ce culte impérial est inconciliable avec la tradition juive.
Jésus est donc très malin : il ne tombe pas dans le piège tendu en répondant oui ou non, mais entre les lignes, c'est un véritable appel à la sédition contre l'occupant qu'il lance, rappelant ainsi l'un des fondements de la tradition juive qui ordonne une séparation stricte entre pouvoir temporel et pouvoir religieux.
Quant au fait que l'évangile affirme que ce sont des pharisiens qui lui posent la question, il est bien connu que les rédacteurs chrétiens ont tout fait pour rendre les "pharisiens" infâmes aux yeux du lecteur, simplement parce que ceux-ci professaient le même enseignement que Jésus et représentaient donc une concurrence dangereuse pour la nouvelle religion naissante. Sachant qu'en dehors du cercle du peuple juif, les païens ne connaissaient rien aux différents groupes religieux juifs se cotoyant au 1er siècle (pharisiens, saduccéens, hérodiens, zélotes, samaritains, etc) et à leurs caractéristiques et qu'ils n'y verraient que du feu, les rédacteurs firent usage de révisionnisme pour mieux asseoir leur nouveau culte.
Pour ce faire, il fallait absolument délégitimer "l'ancienne tradition", en faire une tradition corrompue, dépassée, hypocrite, même au prix du plus gros des mensonges.
Médisez, médisez, il en restera toujours quelque chose, disait l'autre... et il avait raison.
Il n'est pas de plus grand mensonge que de laisser croire que la tradition juive est "totalisante", elle qui structure justement sa société - aussi théocratique puisse-t-elle sembler être - dans une séparation claire et immuable des pouvoirs.
- Second message:
- Athéna a écrit:Alice a écrit:Permets-moi donc de donner un regard "juif" sur ce petit bout d'histoire
Ton « regard juif » est un peu trop angélique à mon goût, mais c’est plus un constat qu’une critique. Tous les croyants ont cette tendance à « prêcher pour leur crémerie » et je trouve ça plutôt normal.
Alors, je te réponds bof…oui et non.
D’abord, je ne noircirais pas autant le tableau du grand prêtre à la solde de l’empire, il est possible qu’il ait pris peur, si la foule croit que Jésus est le messie, elle le reconnaîtra comme roi, et ce sera le signal d’une révolte que Rome écrasera. (Malheureusement, l’histoire lui donnera raison un peu plus tard). Possible aussi que le Sanhédrin, qui se donne pour devoir de préserver l’existence du peuple juif dont il est responsable ne pense pas un instant que Jésus puisse triompher, il sait que ce qu’on appellerait aujourd’hui « la résistance » est téméraire, mais sans force réelle, si le peuple se soulève, il sera écrasé et s’en sera fait d’Israël. (Le Grand Prêtre condamne Jésus en l'accusant de « blasphème », (Marc 14, 62-64) et disant "il vaut mieux qu'un seul homme meurt pour le peuple et que la nation ne périsse tout entière" (Jean 11, 50).
Ce « grand prêtre et ses sbires » n’étaient pas non plus « honnis et méprisés de tous les juifs », ils avaient leurs partisans qui s’accommodaient bon gré mal gré de la tutelle romaine, sinon, à la révolte contre les romains dans les années 70, ne se serait pas ajoutée une guerre civile judéo-juive qui les a considérablement affaiblis.
Je pense aussi qu’à l’instar de Jésus, les pharisiens s'impliquaient peu dans la politique et étaient disposés à accepter une occupation étrangère pour autant que la liberté de culte leur soit garantie, et qu’ils ont rejoint la lutte armée quand cette liberté a été entravée.
Pour ce qui est de la tradition, je n’en démords pas, réécriture partisane ou non, il est clair que Jésus méprisait la religion formelle, la morale conventionnelle et hypocrite, incarnée ou non par les pharisiens, et que son non-conformisme dans ses relations sociales était un défi à l’égard de la société traditionnelle juive.
Jésus a condamné ceux qui étaient étroits, fanatiques, intolérants, et surtout les hypocrites, mais les Talmuds eux-mêmes les ont condamnés en nous disant :
Il y a sept espèces de Pharisiens :
1° le Pharisien accablé, qui s'avance le dos courbé sous le fardeau de la Loi, qu'il feint de porter sur les épaules.
2° le Pharisien intéressé, qui semble demander de l'argent
avant d'accomplir un précepte .
3° le Pharisien au front sanglant, il marche les yeux fermés et se heurte la tête contre les murailles pour ne pas voir les femmes.
4° le Pharisien prétentieux, qui porte une robe large et flottante pour se faire remarquer.
5° le Pharisien qui fait son salut, toujours en quête d'une bonne oeuvre à accomplir pour effacer ses péchés et semblant dire à tout le monde : qu'y a-t-il à faire? je le fais.
6° le Pharisien dont le mobile est la crainte, comme Job .
7° le Pharisien dont le mobile est l'amour. Ce dernier est le meilleur de tous; il ressemble à notre père Abraham, dont la foi a vaincu les mauvais penchants.
cf. Talmud de Babylone, Traité Sotah 22 b
Et c’est ce qui ressort clairement des Évangiles.
Dans Marc
7.6Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, ainsi qu'il est écrit: Ce peuple m'honore des lèvres, Mais son coeur est éloigné de moi.
7.7 C'est en vain qu'ils m'honorent, En donnant des préceptes qui sont des commandements d'hommes.
7.8 Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes.
7.9 Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition.
7.13 Annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie. Et vous faites beaucoup d'autres choses semblables.
Mais des Pharisiens (n° 7) sont aussi loués, comme le « scribe » de Marc
12: 34 Jésus, voyant qu'il avait fait une remarque pleine de sens, lui dit : " Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu.
Et ce sont aussi ces Pharisiens qui préviennent Jésus du danger qu’il court
Luc 13. 31
Ce même jour, quelques pharisiens vinrent lui dire: Va-t'en, pars d'ici, car Hérode veut te tuer.Ce culte impérial est inconciliable avec la tradition juive (…)qui ordonne une séparation stricte entre pouvoir temporel et pouvoir religieux.
Merci de le rappeler.
Il affirme que César n'est pas l'opposé de Dieu et qu'il y a place pour une certaine souveraineté de César et en même temps, en s’opposant à toute adoration de César, il ramène le politique à ce qu’il est. Il s'agit donc bien de faire la séparation entre pouvoir temporel et spirituel dans la phrase de Jésus, selon la bonne vieille tradition.
Ce qui ne va pas faire les affaires d’Ilibade pour qui, contre l’empire des empereurs divinisés luttent côte à côte la France et la Galilée des prêtres rois.Il n'est pas de plus grand mensonge que de laisser croire que la tradition juive est "totalisante", elle qui structure justement sa société - aussi théocratique puisse-t-elle sembler être - dans une séparation claire et immuable des pouvoirs.
J’ai dit « teintée » de théocratie parce que j’ai cru comprendre que les Sadducéens considéraient la vie politique et la vie religieuse comme hétérogènes, et que les Zélotes, eux, ne reconnaissaient que le Royaume de Dieu.
P.S.Je n'ai pas du tout l'intention de prendre la défense du christianisme, je n'ai pas de préférence. En tant que mécréante, je prends un certain recul et j'essaie d'être la plus objective possible.
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Date d'inscription : 21/09/2010
Re: Une lecture juive des évangiles
Bonjour Athéna,
Merci de ta réponse. J’ai effectivement un peu forci le trait en résumant un peu rapidement « Le Vilain grand prêtre à la solde de l’ennemi contre tous les autres juifs ».
Le 1er siècle de l’ère commune a été une période très mouvementée dans l’histoire du peuple juif, bien plus complexe que ce que les évangiles peuvent en laisser paraître. C’est ce que mon message voulait signaler avant tout.
Le problème en présence, c’est que les évangiles sont des textes « politiques », dans le sens où ils visent à défendre et à asseoir une nouvelle religion face à une religion qui lui préexistait.
Ajoutons encore à la complexité en disant que ces textes ont été écrits à la base – à mon avis – principalement par des juifs, pour convaincre d’autres juifs… mais qu’ils ont été lus, interprétés (et adaptés) depuis près de 2000 ans principalement par des non-juifs.
Les évangiles font référence à une société juive, mettent en scène des protagonistes majoritairement juifs vivant un destin commun face à l’occupant romain et à la déstructuration progressive de leur monde « social, religieux, culturel… ».
Un récit qui s’ancre donc dans une époque profondément troublée.
A ce point de vue, l’histoire de Jésus n’est qu’un exemple parmi d’autres des troubles politico-religieux et des questionnement existentiels qui touchaient le judaïsme au 1er siècle.
Dès lors, selon moi, « lire » l’histoire de de Jésus sans la resituer dans son temps débouche à faire du révisionnisme historique (et idéologique).
Je me doute bien qu’en bonne mécréante que tu es, tu ne cherches pas à défendre la « paroisse de l’acrobate ».
Mais ton analyse se base sur un référentiel occidental contemporain qui a de facto implicitement adopté les référentiels christiano-romains : le christianisme est peut-être né quelque part en Galilée, mais il s’est développé, a construit et appuyé sa dogmatique sur le monde romain et sa vision du monde. Le christianisme a choisi le camp des vainqueurs comme terreau, occultant ainsi une bonne partie de son héritage juif.
Pour la juive que je suis, lire les textes des évangiles me laisse toujours perplexe sous divers aspects :
- certains textes sont de simples copiés-collés de textes mishnaïques ou toraïques (d’où ma perplexité quand j’entends des Chrétiens affirmer que ce sont ces textes qui viennent « réformer l’ancien Testament »…),
- d’autres sont dans le plus pur style des discussions rabbiniques tel qu’on le retrouve dans le Talmud (et au-delà du style, ces discussions renvoient presque toujours à des controverses légales en rapport avec des lois de la Torah, ce qui amène à lire ces discussions avec un tout autre point de vue – voir l’exemple que j’avais donné dans mon interprétation « juive » sur un passage au sujet de Jésus et le Shabbath),
- d’autres passages enfin, semblent tout à fait aberrants d’un point de vue historique quand on connaît le contexte de l’époque. Exemple : le passage que tu cites justement (Marc 14) on y voit que le « procès » de Jésus a lieu la nuit, dans la maison du nassi (grand prêtre, Caïphe), qui accuse Jésus de blasphème et le condamne à mort, la veille de la fête juive de Pessah.
Or :
- Les tribunaux juifs ne siègent pas la nuit
- Dans le cas d’un procès pour un délit pénal, le sanhédrin ne peut statuer que dans l’enceinte du Temple (quel est donc ce « tribunal » qui se rassemblerait dans la maison du Grand Prêtre ?)
- L’accusation de blasphème est très cadrée et restreinte dans le judaïsme et ne concerne que celui qui, malgré avoir été mis en garde au préalable, prononce publiquement le Nom de Dieu en vue de lui porter atteinte, en présence de deux témoins au moins qui acceptent de témoigner et de répéter ce qu’ils ont entendus précisément. Une condamnation à mort ne peut se faire que suite à ces deux témoignages – s’ils sont jugés recevables. On voit dans le texte que Caïphe se permet de se passer de ces témoignages – il déchire son vêtement, geste qui n’était fait par les juges que dans les cas où les deux témoins confirmaient le délit de blasphème en répétant le Nom de Dieu qu’il avaient entendu de la bouche du coupable. Il s’agit donc d’une parodie de procès, ne respectant en rien les lois religieuses juives, qu’aucun « pharisien » ne pourrait cautionner.
- Depuis l’occupation romaine, le sanhedrin avait perdu tout pouvoir de condamnation à mort, un sanhedrin qui aurait mené un procès pour un délit pénal débouchant sur une condamnation à mort se mettait de facto en porte-à-faux de l’occupant romain, cela aurait été une véritable provocation contre laquelle les romains n’auraient pu que réagir avec la plus grande sévérité, en destituant notamment les responsables du procès.
- Le procès se déroule dans la nuit précédant la nuit de Pessah, la Pâque juive. Or, les tribunaux juifs ne siégeaient pas les veille de fête (et encore moins la nuit comme je l’ai dit plus haut), car une peine prononcée devait être appliquée le lendemain, ce qui fait que Jésus aurait été mis à mort le 1er jour de la Pâque juive, chose impossible au regard de la loi juive.
Cela fait quand même beaucoup d’incohérences...
Incohérences qui tranchent clairement avec d’autres passages où comme je le soulignais plus haut, un juif familier de l’étude talmudique se retrouvera « comme un poisson dans l’eau ».
Donc, de deux choses l’une : soit le texte des évangiles n’est qu’un enchevêtrement de textes piqués à gauche à droite dans les écrits (religieux) juifs de l’époque et retravaillés ultérieurement par des scribes successifs pour mieux faire coller le récit à l’idéologie naissante… dans l’Empire romain : il aurait donc été plutôt mal vu de voir le texte dire que Jésus était mort par la faute de l’occupant romain et des dirigeants juifs à sa solde… d’où certains passages « folkloriques » d’un point de vue historico-sociologique.
Dans ce cas, on peut se poser la question de savoir s’il est opportun de se baser sur ce texte pour faire une analyse historique objective de « l’affaire Jésus ».
Soit ce texte peut être vu comme un texte écrit par des juifs, pour des juifs, et ne peut dans ce cas être lu de manière crédible que dans un prisme d’analyse juif, toute interprétation extérieure au référentiel juif étant inopérante.
Dans cette optique, le récit des évangiles met le doigt sur les conflits et les compromissions qui existaient à cette époque au sein du peuple juif et de ses dirigeants, le récit d’une époque pas très « belle » où, face à l’occupant, le peuple juif s’est déchiré et divisé en conflits internes destructeurs. Cette approche-là va d’ailleurs dans le même sens que d’autres sources juives talmudiques ou non (Flavius Josèphe)
A ce point de vue, tu as raison de dire que les Pharisiens ont plutôt choisi dans l’ensemble de courber l’échine, tant que le pouvoir romain leur fichait plus ou moins la paix question religion, et n’ont rejoint le combat politique et armé que quand ils se rendirent compte que leur liberté de culte n’était plus assurée. Cela rejoint ce que je disais autre part : Jésus et ses enseignements sont intrinsèquement pharisiens, sur le fond comme sur la forme (sachant que les pharisiens étaient eux-mêmes segmentés en différentes écoles et courants de pensée).
Au sujet de Jésus « méprisant la religion formelle, la morale conventionnelle et hypocrite ».
Sûrement, et tout autant que les sages pharisiens de l’époque (tu cites toi-même un passage de la Mishna, et ils sont en effet nombreux les textes talmudiques remettant en cause le formalisme abruti et/ou hypocrite).
Jésus est tout à fait dans la ligne des réflexions que se posaient les rabbins pharisiens de son époque. A mon avis, s’il n’avait pas « mal tourné », on aurait aussi dans notre Talmud des références aux enseignements d’un « Rabbi Yeshoua », aux côtés des autres rabbis de son temps.
En fait, d’un point de vue historique, le Talmud fait référence à « Jésus » à certains endroits, mais ces passages ont été occultés par la censure chrétienne et l’auto-censure juive (vivant sous domination chrétienne, il était dangereux de donner son avis sur les enseignements d’un homme transformé en « fils de Dieu » par le pouvoir en place, les rabbins furent donc prudents à ce niveau, préférant « oublier » les discussions provoquées par « le rabbin de Nazareth » pour ne pas être accusés de blasphème par la chrétienté… déjà qu’on était accusés de déicide…). L’occultation des enseignements de Jésus s’est fait d’autant plus facilement que ceux-ci rejoignaient les enseignements d’autres grands maîtres juifs (notamment Hillel l’Ancien et ses disciples).
Que reprochent les juifs à Jésus alors ?
D’avoir prétendu être le Messie ?
Il n’était ni le premier, ni le dernier, cela n’était pas un problème pour les juifs pharisiens.
D’avoir prétendu être Dieu ? D’autres l’ont prétendu plus tard, mais pas lui.
Son non-conformisme dans les relations sociales ?
Cela a du en gêner plus d’un, c’est vrai, mais il n’était ni le premier, ni le dernier non plus, le Talmud regorge d’anecdotes de rabbins bousculant les « conventions sociales ». Pas de quoi fouetter un chat, donc.
Par contre, et c’est ce que les passages talmudiques sauvés de la censure semblent montrer, Jésus a été rejeté des autres maîtres pharisiens pour s’être approprié des enseignements de ses maîtres en leur manquant de respect.
Je m’explique : l’étude juive est basée sur la transmission de maître à élève.
Dans ce schéma pluri-millénaire, le respect du au maître par l’élève est primordial, le judaisme est très « à cheval » sur les règles de bienséance régissant les relations entre maître et élèves en public : un élève ne peut enseigner en présence de son maître, sauf si celui-ci lui en a donné l’autorisation. Celui qui transmet un enseignement en omettant d’en citer la source est considéré comme « un meurtrier ». Manquer de respect à son maître en public est une faute très grave qui peut justifier l’exclusion du cercle d’étude. Etc.
Jésus aurait à plusieurs reprises, lors de discussions portant sur la loi juive, manqué à ces règles de savoir-vivre, se serait emporté, et aurait refusé de s’en excuser malgré plusieurs tentatives de conciliation par des rabbins tiers. Le maître de Jésus, vexé, serait aussi resté sur ses positions. C’est dans ce climat que Jésus aurait claqué la porte et serait parti répandre la « bonne parole » de son côté.
Une bisbrouille idiote entre deux mâles seraient donc peut-être à l’origine de la naissance du ministère de Jésus. Classique.
Si ce récit est relaté dans les écrits talmudiques, il est aussi accompagné d’un enseignement, ou plutôt de plusieurs enseignements. De mémoire, voici ce que j’ai retenu :
1. Jésus avait tort de s’être emporté et d’avoir refusé de s’excuser, son comportement était indigne d’un sage
2. Le maître de Jésus a eu tort de se réfugier dans son intransigeance bornée face à son brillant élève.
Où l’on voit donc que « l’affaire Jésus » serait en fait à l’origine une simple histoire de querelle entre sages pharisiens – comme il en existent des dizaines dans le Talmud.
Cette histoire aurait pris de l’ampleur à cause du contexte dans lequel elle s’est produite : période mouvementée, où de nombreuses divisions religieuses et idéologiques parcouraient le peuple juif devant dans le même temps gérer l’intrusion du monde romain dans sa société traditionnelle, période de questionnement aussi, notamment dans la diaspora juive qui voyait bien que le monde romain était amené à asseoir son pouvoir partout, qu’il ne s’agissait pas juste d’un envahisseur de passage, diaspora juive qui avait un vécu religieux différent de celui des juifs vivant toujours en terre d’Israel, et qui étaient plus « ouverts » à une refonte de certains commandements (notamment tous ceux liés au service du Temple, si lointain… et bientôt détruit par les Romains), période de questionnement et de remise en question existentielle aussi chez les païens du monde romain pour qui les croyances juives avaient un certain attrait (eux ne faisaient pas la différence entre les différentes sectes juives de l’époque, les premiers chrétiens étaient des juifs pour eux).
Conjoncture d’événements et de facteurs qui aboutirent sur la naissance ô combien improbable d’une nouvelle religion : le christianisme.
Fort à parier que Caïphe n’avait absolument pas ça en tête le jour où, selon ce que certains veulent faire dire, il condamna Jésus à mort…
Merci de ta réponse. J’ai effectivement un peu forci le trait en résumant un peu rapidement « Le Vilain grand prêtre à la solde de l’ennemi contre tous les autres juifs ».
Le 1er siècle de l’ère commune a été une période très mouvementée dans l’histoire du peuple juif, bien plus complexe que ce que les évangiles peuvent en laisser paraître. C’est ce que mon message voulait signaler avant tout.
Le problème en présence, c’est que les évangiles sont des textes « politiques », dans le sens où ils visent à défendre et à asseoir une nouvelle religion face à une religion qui lui préexistait.
Ajoutons encore à la complexité en disant que ces textes ont été écrits à la base – à mon avis – principalement par des juifs, pour convaincre d’autres juifs… mais qu’ils ont été lus, interprétés (et adaptés) depuis près de 2000 ans principalement par des non-juifs.
Les évangiles font référence à une société juive, mettent en scène des protagonistes majoritairement juifs vivant un destin commun face à l’occupant romain et à la déstructuration progressive de leur monde « social, religieux, culturel… ».
Un récit qui s’ancre donc dans une époque profondément troublée.
A ce point de vue, l’histoire de Jésus n’est qu’un exemple parmi d’autres des troubles politico-religieux et des questionnement existentiels qui touchaient le judaïsme au 1er siècle.
Dès lors, selon moi, « lire » l’histoire de de Jésus sans la resituer dans son temps débouche à faire du révisionnisme historique (et idéologique).
Je me doute bien qu’en bonne mécréante que tu es, tu ne cherches pas à défendre la « paroisse de l’acrobate ».
Mais ton analyse se base sur un référentiel occidental contemporain qui a de facto implicitement adopté les référentiels christiano-romains : le christianisme est peut-être né quelque part en Galilée, mais il s’est développé, a construit et appuyé sa dogmatique sur le monde romain et sa vision du monde. Le christianisme a choisi le camp des vainqueurs comme terreau, occultant ainsi une bonne partie de son héritage juif.
Pour la juive que je suis, lire les textes des évangiles me laisse toujours perplexe sous divers aspects :
- certains textes sont de simples copiés-collés de textes mishnaïques ou toraïques (d’où ma perplexité quand j’entends des Chrétiens affirmer que ce sont ces textes qui viennent « réformer l’ancien Testament »…),
- d’autres sont dans le plus pur style des discussions rabbiniques tel qu’on le retrouve dans le Talmud (et au-delà du style, ces discussions renvoient presque toujours à des controverses légales en rapport avec des lois de la Torah, ce qui amène à lire ces discussions avec un tout autre point de vue – voir l’exemple que j’avais donné dans mon interprétation « juive » sur un passage au sujet de Jésus et le Shabbath),
- d’autres passages enfin, semblent tout à fait aberrants d’un point de vue historique quand on connaît le contexte de l’époque. Exemple : le passage que tu cites justement (Marc 14) on y voit que le « procès » de Jésus a lieu la nuit, dans la maison du nassi (grand prêtre, Caïphe), qui accuse Jésus de blasphème et le condamne à mort, la veille de la fête juive de Pessah.
Or :
- Les tribunaux juifs ne siègent pas la nuit
- Dans le cas d’un procès pour un délit pénal, le sanhédrin ne peut statuer que dans l’enceinte du Temple (quel est donc ce « tribunal » qui se rassemblerait dans la maison du Grand Prêtre ?)
- L’accusation de blasphème est très cadrée et restreinte dans le judaïsme et ne concerne que celui qui, malgré avoir été mis en garde au préalable, prononce publiquement le Nom de Dieu en vue de lui porter atteinte, en présence de deux témoins au moins qui acceptent de témoigner et de répéter ce qu’ils ont entendus précisément. Une condamnation à mort ne peut se faire que suite à ces deux témoignages – s’ils sont jugés recevables. On voit dans le texte que Caïphe se permet de se passer de ces témoignages – il déchire son vêtement, geste qui n’était fait par les juges que dans les cas où les deux témoins confirmaient le délit de blasphème en répétant le Nom de Dieu qu’il avaient entendu de la bouche du coupable. Il s’agit donc d’une parodie de procès, ne respectant en rien les lois religieuses juives, qu’aucun « pharisien » ne pourrait cautionner.
- Depuis l’occupation romaine, le sanhedrin avait perdu tout pouvoir de condamnation à mort, un sanhedrin qui aurait mené un procès pour un délit pénal débouchant sur une condamnation à mort se mettait de facto en porte-à-faux de l’occupant romain, cela aurait été une véritable provocation contre laquelle les romains n’auraient pu que réagir avec la plus grande sévérité, en destituant notamment les responsables du procès.
- Le procès se déroule dans la nuit précédant la nuit de Pessah, la Pâque juive. Or, les tribunaux juifs ne siégeaient pas les veille de fête (et encore moins la nuit comme je l’ai dit plus haut), car une peine prononcée devait être appliquée le lendemain, ce qui fait que Jésus aurait été mis à mort le 1er jour de la Pâque juive, chose impossible au regard de la loi juive.
Cela fait quand même beaucoup d’incohérences...
Incohérences qui tranchent clairement avec d’autres passages où comme je le soulignais plus haut, un juif familier de l’étude talmudique se retrouvera « comme un poisson dans l’eau ».
Donc, de deux choses l’une : soit le texte des évangiles n’est qu’un enchevêtrement de textes piqués à gauche à droite dans les écrits (religieux) juifs de l’époque et retravaillés ultérieurement par des scribes successifs pour mieux faire coller le récit à l’idéologie naissante… dans l’Empire romain : il aurait donc été plutôt mal vu de voir le texte dire que Jésus était mort par la faute de l’occupant romain et des dirigeants juifs à sa solde… d’où certains passages « folkloriques » d’un point de vue historico-sociologique.
Dans ce cas, on peut se poser la question de savoir s’il est opportun de se baser sur ce texte pour faire une analyse historique objective de « l’affaire Jésus ».
Soit ce texte peut être vu comme un texte écrit par des juifs, pour des juifs, et ne peut dans ce cas être lu de manière crédible que dans un prisme d’analyse juif, toute interprétation extérieure au référentiel juif étant inopérante.
Dans cette optique, le récit des évangiles met le doigt sur les conflits et les compromissions qui existaient à cette époque au sein du peuple juif et de ses dirigeants, le récit d’une époque pas très « belle » où, face à l’occupant, le peuple juif s’est déchiré et divisé en conflits internes destructeurs. Cette approche-là va d’ailleurs dans le même sens que d’autres sources juives talmudiques ou non (Flavius Josèphe)
A ce point de vue, tu as raison de dire que les Pharisiens ont plutôt choisi dans l’ensemble de courber l’échine, tant que le pouvoir romain leur fichait plus ou moins la paix question religion, et n’ont rejoint le combat politique et armé que quand ils se rendirent compte que leur liberté de culte n’était plus assurée. Cela rejoint ce que je disais autre part : Jésus et ses enseignements sont intrinsèquement pharisiens, sur le fond comme sur la forme (sachant que les pharisiens étaient eux-mêmes segmentés en différentes écoles et courants de pensée).
Au sujet de Jésus « méprisant la religion formelle, la morale conventionnelle et hypocrite ».
Sûrement, et tout autant que les sages pharisiens de l’époque (tu cites toi-même un passage de la Mishna, et ils sont en effet nombreux les textes talmudiques remettant en cause le formalisme abruti et/ou hypocrite).
Jésus est tout à fait dans la ligne des réflexions que se posaient les rabbins pharisiens de son époque. A mon avis, s’il n’avait pas « mal tourné », on aurait aussi dans notre Talmud des références aux enseignements d’un « Rabbi Yeshoua », aux côtés des autres rabbis de son temps.
En fait, d’un point de vue historique, le Talmud fait référence à « Jésus » à certains endroits, mais ces passages ont été occultés par la censure chrétienne et l’auto-censure juive (vivant sous domination chrétienne, il était dangereux de donner son avis sur les enseignements d’un homme transformé en « fils de Dieu » par le pouvoir en place, les rabbins furent donc prudents à ce niveau, préférant « oublier » les discussions provoquées par « le rabbin de Nazareth » pour ne pas être accusés de blasphème par la chrétienté… déjà qu’on était accusés de déicide…). L’occultation des enseignements de Jésus s’est fait d’autant plus facilement que ceux-ci rejoignaient les enseignements d’autres grands maîtres juifs (notamment Hillel l’Ancien et ses disciples).
Que reprochent les juifs à Jésus alors ?
D’avoir prétendu être le Messie ?
Il n’était ni le premier, ni le dernier, cela n’était pas un problème pour les juifs pharisiens.
D’avoir prétendu être Dieu ? D’autres l’ont prétendu plus tard, mais pas lui.
Son non-conformisme dans les relations sociales ?
Cela a du en gêner plus d’un, c’est vrai, mais il n’était ni le premier, ni le dernier non plus, le Talmud regorge d’anecdotes de rabbins bousculant les « conventions sociales ». Pas de quoi fouetter un chat, donc.
Par contre, et c’est ce que les passages talmudiques sauvés de la censure semblent montrer, Jésus a été rejeté des autres maîtres pharisiens pour s’être approprié des enseignements de ses maîtres en leur manquant de respect.
Je m’explique : l’étude juive est basée sur la transmission de maître à élève.
Dans ce schéma pluri-millénaire, le respect du au maître par l’élève est primordial, le judaisme est très « à cheval » sur les règles de bienséance régissant les relations entre maître et élèves en public : un élève ne peut enseigner en présence de son maître, sauf si celui-ci lui en a donné l’autorisation. Celui qui transmet un enseignement en omettant d’en citer la source est considéré comme « un meurtrier ». Manquer de respect à son maître en public est une faute très grave qui peut justifier l’exclusion du cercle d’étude. Etc.
Jésus aurait à plusieurs reprises, lors de discussions portant sur la loi juive, manqué à ces règles de savoir-vivre, se serait emporté, et aurait refusé de s’en excuser malgré plusieurs tentatives de conciliation par des rabbins tiers. Le maître de Jésus, vexé, serait aussi resté sur ses positions. C’est dans ce climat que Jésus aurait claqué la porte et serait parti répandre la « bonne parole » de son côté.
Une bisbrouille idiote entre deux mâles seraient donc peut-être à l’origine de la naissance du ministère de Jésus. Classique.
Si ce récit est relaté dans les écrits talmudiques, il est aussi accompagné d’un enseignement, ou plutôt de plusieurs enseignements. De mémoire, voici ce que j’ai retenu :
1. Jésus avait tort de s’être emporté et d’avoir refusé de s’excuser, son comportement était indigne d’un sage
2. Le maître de Jésus a eu tort de se réfugier dans son intransigeance bornée face à son brillant élève.
Où l’on voit donc que « l’affaire Jésus » serait en fait à l’origine une simple histoire de querelle entre sages pharisiens – comme il en existent des dizaines dans le Talmud.
Cette histoire aurait pris de l’ampleur à cause du contexte dans lequel elle s’est produite : période mouvementée, où de nombreuses divisions religieuses et idéologiques parcouraient le peuple juif devant dans le même temps gérer l’intrusion du monde romain dans sa société traditionnelle, période de questionnement aussi, notamment dans la diaspora juive qui voyait bien que le monde romain était amené à asseoir son pouvoir partout, qu’il ne s’agissait pas juste d’un envahisseur de passage, diaspora juive qui avait un vécu religieux différent de celui des juifs vivant toujours en terre d’Israel, et qui étaient plus « ouverts » à une refonte de certains commandements (notamment tous ceux liés au service du Temple, si lointain… et bientôt détruit par les Romains), période de questionnement et de remise en question existentielle aussi chez les païens du monde romain pour qui les croyances juives avaient un certain attrait (eux ne faisaient pas la différence entre les différentes sectes juives de l’époque, les premiers chrétiens étaient des juifs pour eux).
Conjoncture d’événements et de facteurs qui aboutirent sur la naissance ô combien improbable d’une nouvelle religion : le christianisme.
Fort à parier que Caïphe n’avait absolument pas ça en tête le jour où, selon ce que certains veulent faire dire, il condamna Jésus à mort…
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
D'accord, et pour Étienne, c'était une querelle de quoi ?
Actes 6.13 :
Ils produisirent de faux témoins, qui dirent : "Cet homme ne cesse de proférer des paroles contre le lieu saint et contre la loi;
6.14
car nous l'avons entendu dire que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données."
6.15
Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin ayant fixé les regards sur Étienne, son visage leur parut comme celui d'un ange.
...
7.48
Mais le Très Haut n'habite pas dans ce qui est fait de main d'homme, comme dit le prophète :
7.49
"Le ciel est mon trône, Et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, Ou quel sera le lieu de mon repos ?
7.50
N'est-ce pas ma main qui a fait toutes ces choses ?..."
7.51
Hommes au cou raide, incirconcis de coeur et d'oreilles ! vous vous opposez toujours au Saint Esprit. Ce que vos pères ont été, vous l'êtes aussi.
7.52
Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté ? Ils ont tué ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste, que vous avez livré maintenant, et dont vous avez été les meurtriers,
7.53
vous qui avez reçu la loi d'après des commandements d'anges, et qui ne l'avez point gardée !
...
7.57
Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui,
7.58
le traînèrent hors de la ville, et le lapidèrent. Les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul.
Actes 6.13 :
Ils produisirent de faux témoins, qui dirent : "Cet homme ne cesse de proférer des paroles contre le lieu saint et contre la loi;
6.14
car nous l'avons entendu dire que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données."
6.15
Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin ayant fixé les regards sur Étienne, son visage leur parut comme celui d'un ange.
...
7.48
Mais le Très Haut n'habite pas dans ce qui est fait de main d'homme, comme dit le prophète :
7.49
"Le ciel est mon trône, Et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, Ou quel sera le lieu de mon repos ?
7.50
N'est-ce pas ma main qui a fait toutes ces choses ?..."
7.51
Hommes au cou raide, incirconcis de coeur et d'oreilles ! vous vous opposez toujours au Saint Esprit. Ce que vos pères ont été, vous l'êtes aussi.
7.52
Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté ? Ils ont tué ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste, que vous avez livré maintenant, et dont vous avez été les meurtriers,
7.53
vous qui avez reçu la loi d'après des commandements d'anges, et qui ne l'avez point gardée !
...
7.57
Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui,
7.58
le traînèrent hors de la ville, et le lapidèrent. Les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul.
_Coeur de Loi- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Une lecture juive des évangiles
Je suis contente (et surprise) de lire que tu es d'accord avec tout ce qui précède Coeur de Loi...
Par rapport aux Actes 6.
Apparemment, Etienne est aussi un sage de la loi, il connaît ses "classiques" et les utilise quand des juifs étrangers (vivant en dehors d'Israel ? issus du monde grec ?) ralliés à la cause de Jésus veulent le faire condamner par jalousie ?
Ils l'accusent de "blasphème" en produisant de faux témoins. Le Tribunal se rend apparemment compte qu'il s'agit de faux témoignages, vu qu'on voit le président du tribunal demander à Etienne sa version des faits.
Etienne nous fait un brillant résumé de l'histoire des Hébreux et la manière dont est concue la Loi de Moïse et le Lieu de résidence de Dieu... Il tance apparemment les juges du tribunal, leur reprochant de ne pas "garder la loi reçue"... ceux-ci ne sont pas contents (ils sont "furieux dans leur coeur, ils grincent des dents contre lui..." Actes 7:54).
Et la fin de l'histoire... il y a un revirement dans le récit que je ne comprends pas et qui ne cadre pas avec le reste du texte (Etienne qui a une vision et les juges qui deviennent hystériques et le lapident comme des bêtes furieuses...).
Autant le début de l'histoire est détaillée, on suit toute l'argumentation d'Etienne (qui semble être assez érudit, du moins bien plus que ceux qui essaient de le faire accuser), autant la fin est précipitée est devient incohérente : paf, une vision en direct, un tribunal pris d'hystérie, un homme lapidé illico presto... rupture de style pour le moins bizarre.
Et évidemment, faut-il le rappeler, aucune des procédures habituelles du droit hébraique ne sont respectées ici :
- pas de condamnation officielle
- mise à mort effectuée sur le champs sans délais d'attente
- tous les juges semblent condamner unanimement Etienne, or, dans les cas de peine de mort, si la condamnation se fait à l'unanimité, le condamné est relaxé (dans la procédure hébraique, il n'y a efectivement pas d'avocat de la défense, ce sont les juges qui jouent à la fois le rôle de l'avocat et de procureur, si quelqu'un est condamné à mort à l'unanimité des 75 juges présents, c'est qu'aucun n'a réellement pris le rôle de défenseur de l'accusé, cela rend donc le procès invalide, et le condamné doit être libéré pour cause de droits de la défense non respectés)
- on n'est pas ici dans un procès menant à une lapidation (par ailleurs, les tribunaux juifs ne pouvaient plus déclarer de peine de mort sous l'occupation romaine), mais dans une sorte de mise à mort frénétique porté par un mouvement de folie collective...
Pas très crédible dans le fil de l'histoire.
J'ai vraiment l'impression que le récit a été retouché ultérieurement pour en modifier la fin qui n'est pas du tout dans le même registre que le reste.
Par rapport aux Actes 6.
Apparemment, Etienne est aussi un sage de la loi, il connaît ses "classiques" et les utilise quand des juifs étrangers (vivant en dehors d'Israel ? issus du monde grec ?) ralliés à la cause de Jésus veulent le faire condamner par jalousie ?
Ils l'accusent de "blasphème" en produisant de faux témoins. Le Tribunal se rend apparemment compte qu'il s'agit de faux témoignages, vu qu'on voit le président du tribunal demander à Etienne sa version des faits.
Etienne nous fait un brillant résumé de l'histoire des Hébreux et la manière dont est concue la Loi de Moïse et le Lieu de résidence de Dieu... Il tance apparemment les juges du tribunal, leur reprochant de ne pas "garder la loi reçue"... ceux-ci ne sont pas contents (ils sont "furieux dans leur coeur, ils grincent des dents contre lui..." Actes 7:54).
Et la fin de l'histoire... il y a un revirement dans le récit que je ne comprends pas et qui ne cadre pas avec le reste du texte (Etienne qui a une vision et les juges qui deviennent hystériques et le lapident comme des bêtes furieuses...).
Autant le début de l'histoire est détaillée, on suit toute l'argumentation d'Etienne (qui semble être assez érudit, du moins bien plus que ceux qui essaient de le faire accuser), autant la fin est précipitée est devient incohérente : paf, une vision en direct, un tribunal pris d'hystérie, un homme lapidé illico presto... rupture de style pour le moins bizarre.
Et évidemment, faut-il le rappeler, aucune des procédures habituelles du droit hébraique ne sont respectées ici :
- pas de condamnation officielle
- mise à mort effectuée sur le champs sans délais d'attente
- tous les juges semblent condamner unanimement Etienne, or, dans les cas de peine de mort, si la condamnation se fait à l'unanimité, le condamné est relaxé (dans la procédure hébraique, il n'y a efectivement pas d'avocat de la défense, ce sont les juges qui jouent à la fois le rôle de l'avocat et de procureur, si quelqu'un est condamné à mort à l'unanimité des 75 juges présents, c'est qu'aucun n'a réellement pris le rôle de défenseur de l'accusé, cela rend donc le procès invalide, et le condamné doit être libéré pour cause de droits de la défense non respectés)
- on n'est pas ici dans un procès menant à une lapidation (par ailleurs, les tribunaux juifs ne pouvaient plus déclarer de peine de mort sous l'occupation romaine), mais dans une sorte de mise à mort frénétique porté par un mouvement de folie collective...
Pas très crédible dans le fil de l'histoire.
J'ai vraiment l'impression que le récit a été retouché ultérieurement pour en modifier la fin qui n'est pas du tout dans le même registre que le reste.
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
Il y a un malentendu Alice, je voulais dire d'accord c'est votre lecture juive de l'évangile, mais je n'y adhère pas, même si cela a eu une part d'influence, ce n'était pas le principal.
---
Cette mesure est pure folie, j'avais cru avoir mal lu tellement c'est ridicule, c'est scandaleux et honteux.
Reviens à la raison, tu ne peux pas adhérer à ça. Moi je peux pas en tout cas.
---
Alice a écrit:- tous les juges semblent condamner unanimement Etienne, or, dans les cas de peine de mort, si la condamnation se fait à l'unanimité, le condamné est relaxé
(dans la procédure hébraique, il n'y a efectivement pas d'avocat de la défense, ce sont les juges qui jouent à la fois le rôle de l'avocat et de procureur, si quelqu'un est condamné à mort à l'unanimité des 75 juges présents, c'est qu'aucun n'a réellement pris le rôle de défenseur de l'accusé, cela rend donc le procès invalide, et le condamné doit être libéré pour cause de droits de la défense non respectés)
Cette mesure est pure folie, j'avais cru avoir mal lu tellement c'est ridicule, c'est scandaleux et honteux.
Reviens à la raison, tu ne peux pas adhérer à ça. Moi je peux pas en tout cas.
_Coeur de Loi- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Une lecture juive des évangiles
C'est peut-être ridicule, scandaleux, honteux pour toi, mais c'est la loi juive, qui défend une justice juste.
Une justice dans laquelle les droits de l'accusé ne sont pas défendus ne peut être réellement juste.
"Ce qui est haïssable à tes yeux, ne le fais pas à autrui" (Hillel l'ancien dans le Traité Shabbath 31a), et
"Aime ton prochain comme toi même" (Lévitique 19:18).
C'est là l'enseignement de la Torah (écrite et orale).
Une justice dans laquelle les droits de l'accusé ne sont pas défendus ne peut être réellement juste.
"Ce qui est haïssable à tes yeux, ne le fais pas à autrui" (Hillel l'ancien dans le Traité Shabbath 31a), et
"Aime ton prochain comme toi même" (Lévitique 19:18).
C'est là l'enseignement de la Torah (écrite et orale).
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
Zoroastrisme (Perse) :Alice a écrit:C'est peut-être ridicule, scandaleux, honteux pour toi, mais c'est la loi juive, qui défend une justice juste.
Une justice dans laquelle les droits de l'accusé ne sont pas défendus ne peut être réellement juste.
"Ce qui est haïssable à tes yeux, ne le fais pas à autrui" (Hillel l'ancien dans le Traité Shabbath 31a), et
"Aime ton prochain comme toi même" (Lévitique 19:18).
C'est là l'enseignement de la Torah (écrite et orale).
"Tout ce qui te répugne, ne le fais pas non plus aux autres."
(Shayast-na-Shayast 13,29, vers 1000 avant JC)
ronron- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Une lecture juive des évangiles
Bonjour Ronron,
Il s'agit effectivement d'un enseignement assez universel. Confucius aussi ne disait pas autre chose, de même, cette sentence se retrouve dans pas mal de sagesses extrêmes-orientales.
Par contre, dans la sagesse greco-romaine, je ne sais pas (à vérifier).
Reste à savoir maintenant, au-delà des bonnes intentions morales, quels sont les systèmes civilisationnels qui ont inclu cet enseignement dans leurs procédures légales... donc, qui l'on sorti du champ de la "philosophie pure", pour l'ancrer dans la "loi de la Cité"...
Je ne prétends nullement que le judaisme est la seule civilisation à veiller à la mise en pratique des préceptes moraux qu'elle enseigne, mais je trouve intéressant de voir comment les sociétés opèrent le passage de "l'idéal au quotidien".
Il s'agit effectivement d'un enseignement assez universel. Confucius aussi ne disait pas autre chose, de même, cette sentence se retrouve dans pas mal de sagesses extrêmes-orientales.
Par contre, dans la sagesse greco-romaine, je ne sais pas (à vérifier).
Reste à savoir maintenant, au-delà des bonnes intentions morales, quels sont les systèmes civilisationnels qui ont inclu cet enseignement dans leurs procédures légales... donc, qui l'on sorti du champ de la "philosophie pure", pour l'ancrer dans la "loi de la Cité"...
Je ne prétends nullement que le judaisme est la seule civilisation à veiller à la mise en pratique des préceptes moraux qu'elle enseigne, mais je trouve intéressant de voir comment les sociétés opèrent le passage de "l'idéal au quotidien".
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
Alice a écrit:
Et la fin de l'histoire... il y a un revirement dans le récit que je ne comprends pas et qui ne cadre pas avec le reste du texte (Etienne qui a une vision et les juges qui deviennent hystériques et le lapident comme des bêtes furieuses...).
C'est plutôt le "brillant résumé" qui est inséré dans le récit du procès d'Etienne. Ce texte donne accès à la catéchèse qu'Etienne donnait aux chrétiens de culture helléniste dont il avait la charge. Catéchèse que veulent légitimement contrôler les membres du sanhédrin, et qu'il récite devant eux.
Il est accusé par des juifs hellénistes, puisqu'Etienne enseigne la doctrine chrétienne parmi cette catégorie de fidèles. Les motifs possibles qui ont mené à sa condamnation étaient nombreux : sa doctrine hétérodoxe n'était pas le seul. Il se constituait par exemple un clergé judéo-chrétien ainsi qu'une instance juridique tout à fait parallèle et indépendante du Sanhédrin, et donc concurrente, dont Etienne faisait partie.
libremax- Aka Taulique
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Re: Une lecture juive des évangiles
Bonjour Libremax,
Qu'entends-tu exactement par le terme "catéchèse" ?
Admettant que le Sanhedrin voulait contrôler l'enseignement d'Etienne, la "leçon" de ce dernier est tout à fait "kosher" et ne relève pas d'une doctrine hétérodoxe.
Donc pas de quoi fouetter un chat, et encore moins de lapider un homme.
La tournure que prend le procès est donc étrange, marquée par cette rupture dans le récit : une illumination débarque en plein tribunal, les méchants juges ne veulent rien voir ni entendre et trainent le pauvre homme à l'extérieur pour le tuer à coups de pierres...
Imaginons que la vision d'Etienne se soit déroulée telle que le récit le dit.
Je ne suis pas une spécialiste du droit hébraique de l'époque mishnaique, mais en y réfléchissant un peu (avec le peu de connaissances que je possède sur les questions juridico-religieuses juives), je me dis que une réaction crédible du tribunal aurait été de ne pas prendre au sérieux la vision d'Etienne : une vision n'a pas de valeur "d'argument légal" au regard d'un tribunal, sans valeur donc, si ce n'est de décrédibiliser Etienne aux yeux de l'assemblée.
Jusque là, son témoignage plaidait plutôt en sa faveur, il arrive sur la fin à émettre une critique directe à l'assemblée à laquelle il fait face, critique qu'il devrait venir argumenter par des preuves concrètes (vu que l'accusation est grave quand même : il accuse le tribunal de ne pas respecter et défendre la Loi !).
Et là, bardaf ! Etienne qui argumentait brillamment jusqu'ici passe dans un registre dramatico-passionnel et toute la scène avec.
Ce qui me fait dire que ce bout de texte doit être un ajout, une réécriture de la scène originelle à visée didactico-politique.
En quoi consistait plus exactement cette instance juridique parallèle ? (s'agit-il du système des diacrs ?) A qui était-elle destinée ? Où cela ? (en terre d'Israel ou ailleurs ?)
Qu'entends-tu exactement par le terme "catéchèse" ?
Admettant que le Sanhedrin voulait contrôler l'enseignement d'Etienne, la "leçon" de ce dernier est tout à fait "kosher" et ne relève pas d'une doctrine hétérodoxe.
Donc pas de quoi fouetter un chat, et encore moins de lapider un homme.
La tournure que prend le procès est donc étrange, marquée par cette rupture dans le récit : une illumination débarque en plein tribunal, les méchants juges ne veulent rien voir ni entendre et trainent le pauvre homme à l'extérieur pour le tuer à coups de pierres...
Imaginons que la vision d'Etienne se soit déroulée telle que le récit le dit.
Je ne suis pas une spécialiste du droit hébraique de l'époque mishnaique, mais en y réfléchissant un peu (avec le peu de connaissances que je possède sur les questions juridico-religieuses juives), je me dis que une réaction crédible du tribunal aurait été de ne pas prendre au sérieux la vision d'Etienne : une vision n'a pas de valeur "d'argument légal" au regard d'un tribunal, sans valeur donc, si ce n'est de décrédibiliser Etienne aux yeux de l'assemblée.
Jusque là, son témoignage plaidait plutôt en sa faveur, il arrive sur la fin à émettre une critique directe à l'assemblée à laquelle il fait face, critique qu'il devrait venir argumenter par des preuves concrètes (vu que l'accusation est grave quand même : il accuse le tribunal de ne pas respecter et défendre la Loi !).
Et là, bardaf ! Etienne qui argumentait brillamment jusqu'ici passe dans un registre dramatico-passionnel et toute la scène avec.
Ce qui me fait dire que ce bout de texte doit être un ajout, une réécriture de la scène originelle à visée didactico-politique.
Il se constituait par exemple un clergé judéo-chrétien ainsi qu'une instance juridique tout à fait parallèle et indépendante du Sanhédrin, et donc concurrente, dont Etienne faisait partie..
En quoi consistait plus exactement cette instance juridique parallèle ? (s'agit-il du système des diacrs ?) A qui était-elle destinée ? Où cela ? (en terre d'Israel ou ailleurs ?)
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
Chère Alice,
j'entends par "catéchèse", un enseignement d'ordre religieux.
Les hellénistes ne maîtrisaient pas toujours, paraît-il, l'intégralité de l'enseignement juif, débarquant parfois d'une culture totalement étrangère à celle qui permettait efficacement la transmission de la foi juive.
Cette catéchèse récitée par Etienne est totalement orthodoxe pour un juif d'Israël, et c'est normal : les premiers chrétiens sont juifs, et ils transmettent tout autant la Torah et les Prophètes que l'Evangile. Ce n'est pas cette récitation qui fait basculer le sort d'Etienne. Sa conclusion, qui vise à accuser les membres du Sanhédrin d'avoir causé la mort du Messie en la personne de Jésus, ne donnait peut-être même pas matière à les scandaliser plus qu'autre chose, c'est vrai.
Je suis d'accord avec vous sur ce point : la raison profonde de sa lapidation ne me semble pas clairement donnée dans ce texte, mais je ne suis pas sûr que ce soit son objet réel. C'est évidemment un texte à portée didactique, et inévitablement politique. Etienne était enseignant de convertis hellénistes, et il a été condamné à mort, voilà ce qu'il établit, sans aller bien plus loin.
L'instance juridique parallèle, c'était les diacres, oui, mais non pas seulement les diacres hellénistes au nombre de sept, mais les 72 diacres choisis par Jésus, et qui reçoivent des directives d'ordre juridiques détaillées en Luc, supervisée elle-même par les Douze, c'est à dire les Apôtres.
On pourrait d'ailleurs faire un parallèle entre les 72 diacres et les 71 membres du Sanhédrin.
Cette instance juridique est formée de gens qui enseignent donc les gestes et les dits du Maître Jésus, elle s'adresse donc à tous les judéo-chrétiens d'Israël, mais aussi à toute la diaspora juive, au fur et à mesure que leur nombre va augmenter.
j'entends par "catéchèse", un enseignement d'ordre religieux.
Les hellénistes ne maîtrisaient pas toujours, paraît-il, l'intégralité de l'enseignement juif, débarquant parfois d'une culture totalement étrangère à celle qui permettait efficacement la transmission de la foi juive.
Cette catéchèse récitée par Etienne est totalement orthodoxe pour un juif d'Israël, et c'est normal : les premiers chrétiens sont juifs, et ils transmettent tout autant la Torah et les Prophètes que l'Evangile. Ce n'est pas cette récitation qui fait basculer le sort d'Etienne. Sa conclusion, qui vise à accuser les membres du Sanhédrin d'avoir causé la mort du Messie en la personne de Jésus, ne donnait peut-être même pas matière à les scandaliser plus qu'autre chose, c'est vrai.
Je suis d'accord avec vous sur ce point : la raison profonde de sa lapidation ne me semble pas clairement donnée dans ce texte, mais je ne suis pas sûr que ce soit son objet réel. C'est évidemment un texte à portée didactique, et inévitablement politique. Etienne était enseignant de convertis hellénistes, et il a été condamné à mort, voilà ce qu'il établit, sans aller bien plus loin.
L'instance juridique parallèle, c'était les diacres, oui, mais non pas seulement les diacres hellénistes au nombre de sept, mais les 72 diacres choisis par Jésus, et qui reçoivent des directives d'ordre juridiques détaillées en Luc, supervisée elle-même par les Douze, c'est à dire les Apôtres.
On pourrait d'ailleurs faire un parallèle entre les 72 diacres et les 71 membres du Sanhédrin.
Cette instance juridique est formée de gens qui enseignent donc les gestes et les dits du Maître Jésus, elle s'adresse donc à tous les judéo-chrétiens d'Israël, mais aussi à toute la diaspora juive, au fur et à mesure que leur nombre va augmenter.
libremax- Aka Taulique
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Re: Une lecture juive des évangiles
Libremax,
(désolée, j'oublie toujours que vous préférez le vouvoiement...)
J'ai un problème sémantique avec la notion d'instance juridique parallèle des diacres : quels étaient les objectifs de ces instances ? Enseigner ou rendre la justice ? Ou les deux ?
La mission du Sanhedrin n'était pas d'enseigner mais de rendre la justice (il s'agissait d'une assemblée juridico-législative). L'enseignement se faisait en d'autres lieux, dans les académies religieuses et/ou à travers les "maisons d'assemblée", les synagogues, où se faisait la lecture publique de la Torah.
Par rapport aux hellénistes, j'ai un petit soucis : apparemment, il semble qu'Etienne avait un problème avec ces juifs diasporiques assimilés et ignorants. Il n'était pas le seul, les relations entre juifs hellénistes et juifs "traditionnalistes" d'Israel étaient souvent conflictuelles, les premiers reprochant aux seconds un certain "monopole de la connaissance" (et du service divin), les seconds reprochant aux premiers leur assimilation et leur manque de connaissance.
A première vue donc, je dirais qu'Etienne et les autorités du Sanhedrin auraient plutôt fait cause commune !
Je comprends dès lors mal pourquoi des juifs hellénistes auraient convoqué un sanhedrin (qui était très critique à leur égard) pour "régler son compte" à Etienne... on le voit d'ailleurs dans le texte : le sanhedrin n'est pas dupe de la légèreté des accusations portées par les hellénistes, mais reconnaît au contraire la science certaine d'Etienne.
Donc, à nouveau, le revirement de situation de la fin du procès est... bizarre...
Tout à coup, au mépris de la loi juive qu'ils représentent aux yeux du peuple, les membres du sanhedrin auraient fait cause commune avec les hellénistes qu'ils ne portaient pas spécialement dans leur coeur ?
C'est un peu tordu comme scénario...
(désolée, j'oublie toujours que vous préférez le vouvoiement...)
Le problème, c'est que certains se permettent allègrement d'aller plus loin... suivez mon regard. Un texte obscur est toujours source d'interprétations possiblement hasardeuses, et il est facile, surtout dans un contexte de concurrence religieuse, de prendre la voie des raccourcis hostiles et de l'animosité envers l'Autre...Etienne était enseignant de convertis hellénistes, et il a été condamné à mort, voilà ce qu'il établit, sans aller bien plus loin.
J'ai un problème sémantique avec la notion d'instance juridique parallèle des diacres : quels étaient les objectifs de ces instances ? Enseigner ou rendre la justice ? Ou les deux ?
La mission du Sanhedrin n'était pas d'enseigner mais de rendre la justice (il s'agissait d'une assemblée juridico-législative). L'enseignement se faisait en d'autres lieux, dans les académies religieuses et/ou à travers les "maisons d'assemblée", les synagogues, où se faisait la lecture publique de la Torah.
Par rapport aux hellénistes, j'ai un petit soucis : apparemment, il semble qu'Etienne avait un problème avec ces juifs diasporiques assimilés et ignorants. Il n'était pas le seul, les relations entre juifs hellénistes et juifs "traditionnalistes" d'Israel étaient souvent conflictuelles, les premiers reprochant aux seconds un certain "monopole de la connaissance" (et du service divin), les seconds reprochant aux premiers leur assimilation et leur manque de connaissance.
A première vue donc, je dirais qu'Etienne et les autorités du Sanhedrin auraient plutôt fait cause commune !
Je comprends dès lors mal pourquoi des juifs hellénistes auraient convoqué un sanhedrin (qui était très critique à leur égard) pour "régler son compte" à Etienne... on le voit d'ailleurs dans le texte : le sanhedrin n'est pas dupe de la légèreté des accusations portées par les hellénistes, mais reconnaît au contraire la science certaine d'Etienne.
Donc, à nouveau, le revirement de situation de la fin du procès est... bizarre...
Tout à coup, au mépris de la loi juive qu'ils représentent aux yeux du peuple, les membres du sanhedrin auraient fait cause commune avec les hellénistes qu'ils ne portaient pas spécialement dans leur coeur ?
C'est un peu tordu comme scénario...
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
( chère Alice, tutoyez-moi si vous préférez ; moi j'aime bien vouvoyer, je trouve ça courtois et joli, mais qu'on me tutoie ne m'ennuie pas du tout, et tout ça n'a aucune importance)
La fonction des diacres était, par dessus tout, d'enseigner. L'occident chrétien a perdu de vue cette fonction primordiale, il a fini par ne plus voir en eux que des hommes chargés du service, ce qui est un terme bien vague. Ils secondaient les Douze dans leur mission d'évangélisation, ce qui passait par l'organisation des repas de partage de la Parole, usage totalement disparu en occident, mais que les chrétiens orientaux n'ont pas oublié. Ils étaient aux apôtres ce que les lévites étaient aux sacrificateurs.
Cependant, aux diacres et aux apôtres, Jésus donne le pouvoir de juger en cas de litige : Il existe une hiérarchie qui, dès le début de l'Eglise, se passe du Sanhédrin pour rendre la Justice.
Ils ne faut pas mettre tous les poissons dans le même panier ! Etienne a eu vraisemblablement un problème avec des juifs hellénistes qui, arrivant à Jérusalem, tombent sur ce jeune prédicateur qui dit des choses qui peuvent choquer, notamment sur le Temple, envers qui de jeunes judéo-chrétiens fougueux ont pu manquer de respect, illuminés qu'ils étaient par la révélation que le vrai Temple, pour eux, c'était le Corps du Christ.
Et sur ce point, il n'y a pas à dire : des gens comme Etienne se mettent nombre de juifs à dos, qu'ils soient hellénistes ou non. Il pouvait donc naître un front commun de juifs traditionalistes et hellénistes contre des chrétiens blasphémateurs.
Sauf si on prend en compte que le blasphème d'Etienne contre le Temple n'est évidemment pas le motif qui pousse le sanhédrin à convoquer Etienne et à l'exécuter. Il s'agit d'un acte politique à message clair qui vise la communauté chrétienne : Ce message sera très bien reçu, puisque la communauté de Jérusalem s'enfuit dans les campagnes.
J'ai un problème sémantique avec la notion d'instance juridique parallèle des diacres : quels étaient les objectifs de ces instances ? Enseigner ou rendre la justice ? Ou les deux ?
La mission du Sanhedrin n'était pas d'enseigner mais de rendre la justice (il s'agissait d'une assemblée juridico-législative). L'enseignement se faisait en d'autres lieux, dans les académies religieuses et/ou à travers les "maisons d'assemblée", les synagogues, où se faisait la lecture publique de la Torah.
La fonction des diacres était, par dessus tout, d'enseigner. L'occident chrétien a perdu de vue cette fonction primordiale, il a fini par ne plus voir en eux que des hommes chargés du service, ce qui est un terme bien vague. Ils secondaient les Douze dans leur mission d'évangélisation, ce qui passait par l'organisation des repas de partage de la Parole, usage totalement disparu en occident, mais que les chrétiens orientaux n'ont pas oublié. Ils étaient aux apôtres ce que les lévites étaient aux sacrificateurs.
Cependant, aux diacres et aux apôtres, Jésus donne le pouvoir de juger en cas de litige : Il existe une hiérarchie qui, dès le début de l'Eglise, se passe du Sanhédrin pour rendre la Justice.
Par rapport aux hellénistes, j'ai un petit soucis : apparemment, il semble qu'Etienne avait un problème avec ces juifs diasporiques assimilés et ignorants. Il n'était pas le seul, les relations entre juifs hellénistes et juifs "traditionnalistes" d'Israel étaient souvent conflictuelles, les premiers reprochant aux seconds un certain "monopole de la connaissance" (et du service divin), les seconds reprochant aux premiers leur assimilation et leur manque de connaissance.
A première vue donc, je dirais qu'Etienne et les autorités du Sanhedrin auraient plutôt fait cause commune !
Ils ne faut pas mettre tous les poissons dans le même panier ! Etienne a eu vraisemblablement un problème avec des juifs hellénistes qui, arrivant à Jérusalem, tombent sur ce jeune prédicateur qui dit des choses qui peuvent choquer, notamment sur le Temple, envers qui de jeunes judéo-chrétiens fougueux ont pu manquer de respect, illuminés qu'ils étaient par la révélation que le vrai Temple, pour eux, c'était le Corps du Christ.
Et sur ce point, il n'y a pas à dire : des gens comme Etienne se mettent nombre de juifs à dos, qu'ils soient hellénistes ou non. Il pouvait donc naître un front commun de juifs traditionalistes et hellénistes contre des chrétiens blasphémateurs.
Je comprends dès lors mal pourquoi des juifs hellénistes auraient convoqué un sanhedrin (qui était très critique à leur égard) pour "régler son compte" à Etienne... on le voit d'ailleurs dans le texte : le sanhedrin n'est pas dupe de la légèreté des accusations portées par les hellénistes, mais reconnaît au contraire la science certaine d'Etienne.
Donc, à nouveau, le revirement de situation de la fin du procès est... bizarre...
Tout à coup, au mépris de la loi juive qu'ils représentent aux yeux du peuple, les membres du sanhedrin auraient fait cause commune avec les hellénistes qu'ils ne portaient pas spécialement dans leur coeur ?
C'est un peu tordu comme scénario...
Sauf si on prend en compte que le blasphème d'Etienne contre le Temple n'est évidemment pas le motif qui pousse le sanhédrin à convoquer Etienne et à l'exécuter. Il s'agit d'un acte politique à message clair qui vise la communauté chrétienne : Ce message sera très bien reçu, puisque la communauté de Jérusalem s'enfuit dans les campagnes.
libremax- Aka Taulique
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Re: Une lecture juive des évangiles
Les récits du procès et de la condamnation de Jésus se trouvent dans les évangiles. Le récit de la mort d'Etienne se trouve dans les "Actes des Apôtres".
Laissant à part ce qui concerne l'institution des "diacres", la figure d'Etienne, lynché par les juifs, est un décalque de celle de Jésus, victime de l'animosité du clergé juif.
L'intention de ces deux récits, dont Alice a bien souligné les invraisemblances, est claire : disqualifier la hiérarchie juive dont la "secte" dissidente des "disciples de Jésus" est en train de se séparer.
Laissant à part ce qui concerne l'institution des "diacres", la figure d'Etienne, lynché par les juifs, est un décalque de celle de Jésus, victime de l'animosité du clergé juif.
L'intention de ces deux récits, dont Alice a bien souligné les invraisemblances, est claire : disqualifier la hiérarchie juive dont la "secte" dissidente des "disciples de Jésus" est en train de se séparer.
lagaillette- Maître du Temps
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Re: Une lecture juive des évangiles
Textes socio-politiques donc (comme beaucoup). Merci Lagaillette de le rappeler.lagaillette a écrit:Les récits du procès et de la condamnation de Jésus se trouvent dans les évangiles. Le récit de la mort d'Etienne se trouve dans les "Actes des Apôtres".
Laissant à part ce qui concerne l'institution des "diacres", la figure d'Etienne, lynché par les juifs, est un décalque de celle de Jésus, victime de l'animosité du clergé juif.
L'intention de ces deux récits, dont Alice a bien souligné les invraisemblances, est claire : disqualifier la hiérarchie juive dont la "secte" dissidente des "disciples de Jésus" est en train de se séparer.
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Re: Une lecture juive des évangiles
Bonjour Libremax,
Actes 6:1
En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les Hébreux. Dans le service quotidien, disaient-ils, on négligeait leurs veuves.(on parle bien là de disciples de Jésus, au sein duquel on retrouvait apparemment les mêmes dissensions entre "hellénistes" et "hébreux" qui existaient dans le judaisme traditionnel.. l'explication qui suit sur la mise en place du système de diacres ne peut se comprendre que comme telle selon moi)
Plus loin :
6:8 Étienne, rempli de grâce et de puissance, opérait de grands prodiges et signes parmi le peuple.
Actes 6:9
Alors intervinrent des gens de la synagogue dite des Affranchis, des Cyrénéens, des Alexandrins et d'autres de Cilicie et d'Asie. Ils se mirent à discuter avec Étienne,
(s'ensuit le procès...)
Selon moi, les hellénistes dont il est question ici sont bien des sympathisants de la secte judéo-chrétiennes (ou en tout cas, intéressés) qui n'acceptèrent pas d'être "remis à leur place" par Etienne, tout comme ils acceptaient très mal d'être remis à leur place par les juifs traditionnels. C'est leur complexe d'infériorité, le sentiment de ne pas être pris au sérieux du fait de leur manque de connaissance qui sert de moteur à leur désir de "punir" Etienne... en en profitant éventuellement pour redorer leur blason face au judaisme traditionnel, vu que ce sont eux qui convoquent le procès devant l'instance suprême juive de l'époque...
Je déduisais mon argumentation du texte évangélique (Actes 6) qui - si je l'ai bien compris, nous parle d'hellénistes judéo-chrétiens, en tout cas, de juifs héllenistes dont le coeur balance entre la nouvelle secte judéo-chrétienne et le judaisme "traditionnel" :Ils ne faut pas mettre tous les poissons dans le même panier ! Etienne a eu vraisemblablement un problème avec des juifs hellénistes
Actes 6:1
En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les Hébreux. Dans le service quotidien, disaient-ils, on négligeait leurs veuves.(on parle bien là de disciples de Jésus, au sein duquel on retrouvait apparemment les mêmes dissensions entre "hellénistes" et "hébreux" qui existaient dans le judaisme traditionnel.. l'explication qui suit sur la mise en place du système de diacres ne peut se comprendre que comme telle selon moi)
Plus loin :
6:8 Étienne, rempli de grâce et de puissance, opérait de grands prodiges et signes parmi le peuple.
Actes 6:9
Alors intervinrent des gens de la synagogue dite des Affranchis, des Cyrénéens, des Alexandrins et d'autres de Cilicie et d'Asie. Ils se mirent à discuter avec Étienne,
(s'ensuit le procès...)
Selon moi, les hellénistes dont il est question ici sont bien des sympathisants de la secte judéo-chrétiennes (ou en tout cas, intéressés) qui n'acceptèrent pas d'être "remis à leur place" par Etienne, tout comme ils acceptaient très mal d'être remis à leur place par les juifs traditionnels. C'est leur complexe d'infériorité, le sentiment de ne pas être pris au sérieux du fait de leur manque de connaissance qui sert de moteur à leur désir de "punir" Etienne... en en profitant éventuellement pour redorer leur blason face au judaisme traditionnel, vu que ce sont eux qui convoquent le procès devant l'instance suprême juive de l'époque...
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
Chère Alice,
non, vous faites ici une petite confusion.
Le texte est très précis : il s'agit de deux groupes hellénistes bien distincts. Le premier groupe dont il est question dans l'extrait que vous avez pris la peine de citer est, en effet, celui des hellénistes déjà convertis à la foi chrétienne : ils font partie du "nombre des disciples" qui augmentait.
( en apparté : Le service des diacres n'a pas son origine dans la solution donnée au problème des hellénistes (ils ont un problème de langue : leur langue, c'est le grec ; leur liturgie est en grec, et ils parlent peu ou mal l'araméen ). Les diacres sont en activité bien avant la mort du Christ.
Ce qui est décrit ici est la création d'un service supplémentaire, créé tout spécialement pour les parlant-grec : celui de traduire et d'annoncer l'enseignement des Apôtres en grec.)
Le groupe qui a un différend avec Etienne est tout autre.
L'auteur du texte les désigne très précisément de par leur synagogue de rattachement. Il s'agit bien d'étrangers, et probablement d'hellénistes. Mais ils ne sont pas chrétiens : ou bien Luc aurait précisé qu'il s'agissait de disciples.
Un épisode se rapprochant de la situation que vous imaginez existe dans les Actes : il s'agit de judéo-chrétiens qui tiennent à ce que les convertis issus du paganisme observent la Loi de Moïse, et soient circoncis. Il y a un débat entre Paul, Barnabé et ces personnes. Ils décident d'en débattre définitivement à Jérusalem, devant les Apôtres.
Et Luc précise bien :
Ac 15:5- Mais certaines gens du parti des Pharisiens qui étaient devenus croyants intervinrent pour déclarer qu'il fallait circoncire les païens et leur enjoindre d'observer la Loi de Moïse.
Luc a donc des mots pour décrire les judéo-chrétiens, les hellénistes, ceux qui sont convertis à la foi chrétienne, ou ceux qui ne le sont pas.
Les Hellénistes qui ont un problème de langue trouvent une solution justement dans le service diaconal créé pour eux. Ils n'ont aucune raison de récriminer encore.
Bien sûr, on peut arguer que la distinction entre Hellénistes totalement convertis et fidèles à l'Eglise, et Hellénistes fidèles à la Synagogue n'était pas aussi nette que le texte des Actes semble signifier.
Mais une chose est sûre : des hellénistes, en portant leur mécontentement devant l'assemblée même qui venait de condamner le Christ, tournaient concrètement le dos au christianisme.
non, vous faites ici une petite confusion.
Le texte est très précis : il s'agit de deux groupes hellénistes bien distincts. Le premier groupe dont il est question dans l'extrait que vous avez pris la peine de citer est, en effet, celui des hellénistes déjà convertis à la foi chrétienne : ils font partie du "nombre des disciples" qui augmentait.
( en apparté : Le service des diacres n'a pas son origine dans la solution donnée au problème des hellénistes (ils ont un problème de langue : leur langue, c'est le grec ; leur liturgie est en grec, et ils parlent peu ou mal l'araméen ). Les diacres sont en activité bien avant la mort du Christ.
Ce qui est décrit ici est la création d'un service supplémentaire, créé tout spécialement pour les parlant-grec : celui de traduire et d'annoncer l'enseignement des Apôtres en grec.)
Le groupe qui a un différend avec Etienne est tout autre.
L'auteur du texte les désigne très précisément de par leur synagogue de rattachement. Il s'agit bien d'étrangers, et probablement d'hellénistes. Mais ils ne sont pas chrétiens : ou bien Luc aurait précisé qu'il s'agissait de disciples.
Un épisode se rapprochant de la situation que vous imaginez existe dans les Actes : il s'agit de judéo-chrétiens qui tiennent à ce que les convertis issus du paganisme observent la Loi de Moïse, et soient circoncis. Il y a un débat entre Paul, Barnabé et ces personnes. Ils décident d'en débattre définitivement à Jérusalem, devant les Apôtres.
Et Luc précise bien :
Ac 15:5- Mais certaines gens du parti des Pharisiens qui étaient devenus croyants intervinrent pour déclarer qu'il fallait circoncire les païens et leur enjoindre d'observer la Loi de Moïse.
Luc a donc des mots pour décrire les judéo-chrétiens, les hellénistes, ceux qui sont convertis à la foi chrétienne, ou ceux qui ne le sont pas.
Les Hellénistes qui ont un problème de langue trouvent une solution justement dans le service diaconal créé pour eux. Ils n'ont aucune raison de récriminer encore.
Bien sûr, on peut arguer que la distinction entre Hellénistes totalement convertis et fidèles à l'Eglise, et Hellénistes fidèles à la Synagogue n'était pas aussi nette que le texte des Actes semble signifier.
Mais une chose est sûre : des hellénistes, en portant leur mécontentement devant l'assemblée même qui venait de condamner le Christ, tournaient concrètement le dos au christianisme.
libremax- Aka Taulique
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Re: Une lecture juive des évangiles
Bonjour Libremax,
De mon coté, si je suis les règles d'herméneutiques hébraiques, la proximité physique des deux passages, l'un parlant des judéo-hellénistes, l'autres d'hellénistes (sans autre précision), n'est pas fortui, et il faut en déduire une proximité sémantique par analogie entre les deux groupes cités.
Ma déduction en est qu'il s'agit d'un seul et même groupe (mais aussi traversé par des divergences de vue interne, des nouveaux convertis encore en questionnement, qui ont encore du mal à savoir sur quel pied danser), mais je peux évidemment me tromper.
J'ai trouvé un article sur wikipedia au sujet des Hellénistes, cela m'intéresserait de savoir ce que vous en pensez :
Hellénistes
Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi (je trouve l'article un peu confus par endroits... et il y a quelques raccourcis fâcheux en rapport avec les pratiques juives), mais un passage m'a interpelé, qui suggérerait une double origine du christianisme, l'une chez les "hébreux", l'autre ches les "hellénistes" (voir le chapitre "Dispersion et devenir").
Qu'en pensez-vous ?
D'où tirez vous cela ?Le texte est très précis : il s'agit de deux groupes hellénistes bien distincts.
De mon coté, si je suis les règles d'herméneutiques hébraiques, la proximité physique des deux passages, l'un parlant des judéo-hellénistes, l'autres d'hellénistes (sans autre précision), n'est pas fortui, et il faut en déduire une proximité sémantique par analogie entre les deux groupes cités.
Ma déduction en est qu'il s'agit d'un seul et même groupe (mais aussi traversé par des divergences de vue interne, des nouveaux convertis encore en questionnement, qui ont encore du mal à savoir sur quel pied danser), mais je peux évidemment me tromper.
J'ai trouvé un article sur wikipedia au sujet des Hellénistes, cela m'intéresserait de savoir ce que vous en pensez :
Hellénistes
Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi (je trouve l'article un peu confus par endroits... et il y a quelques raccourcis fâcheux en rapport avec les pratiques juives), mais un passage m'a interpelé, qui suggérerait une double origine du christianisme, l'une chez les "hébreux", l'autre ches les "hellénistes" (voir le chapitre "Dispersion et devenir").
Qu'en pensez-vous ?
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
RienAlice a écrit:Qu'en pensez-vous ?
_L'Olivier- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Une lecture juive des évangiles
c'est déjà beaucoup, merci.
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Une lecture juive des évangiles
Si on me permet, j'aimerais ouvrir un échange de vues l'épisode où Barabbas est libéré plutôt que Jésus.Alice a écrit:- d’autres passages enfin, semblent tout à fait aberrants d’un point de vue historique quand on connaît le contexte de l’époque. Exemple : le passage que tu cites justement (Marc 14) on y voit que le « procès » de Jésus a lieu la nuit, dans la maison du nassi (grand prêtre, Caïphe), qui accuse Jésus de blasphème et le condamne à mort, la veille de la fête juive de Pessah.
Or :
- Les tribunaux juifs ne siègent pas la nuit
Est-ce une pure fiction?
ronron- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 07/03/2011
Re: Une lecture juive des évangiles
Barabbas en araméen bar abba signifie "Fils du Père"... on aurait voulu faire d'une seule personne deux personnages distincts, on n'aurait pas fait mieux. D'autant plus qu'il me semble que la tradition dit que le petit nom de Barabbas était Yeshoua...
Jésus Fils du Père ou Jésus Fils du Père ?
Jésus le chef des révoltés ou Jésus le rebelle pacifiste ?
Une pure fiction ? Je n'en sais rien, mais toute l'histoire est selon moi un récit politico-idéologique composé comme tel, à partir de morceaux réels, ça c'est sûr. Mais quelle est la part de réel, quelle est la part d'invention politico-idéologique ?
Jésus Fils du Père ou Jésus Fils du Père ?
Jésus le chef des révoltés ou Jésus le rebelle pacifiste ?
Une pure fiction ? Je n'en sais rien, mais toute l'histoire est selon moi un récit politico-idéologique composé comme tel, à partir de morceaux réels, ça c'est sûr. Mais quelle est la part de réel, quelle est la part d'invention politico-idéologique ?
Alice- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Date d'inscription : 21/09/2010
Re: Une lecture juive des évangiles
Alice a écrit:D'où tirez vous cela ?Le texte est très précis : il s'agit de deux groupes hellénistes bien distincts.
Chère Alice,
c'était l'objet de mon précédent post : Je vois deux groupes différents dans la mesure où Luc désigne des personnes différentes. La première fois, il dit "Les Hellénistes" opposés aux Hébreux, après avoir évoqué le nombre des disciples. On parle donc ici de la partie des disciples qui sont hellénistes, et qu'on oppose à ceux qui sont hébreux.
La deuxième fois, Luc parle de "gens de la synagogue dite des Affranchis, des Cyrénéens, des Alexandrins et d'autres de Cilicie et d'Asie". Il situe ici ces personnes d'après leurs origines géographiques. Il n'utilise pas les mêmes mots : pour moi, il s'agit donc de personnes différentes.
En revanche, tout dépend de ce qu'on entend par "groupe".
Il me semble évident par exemple, que les personnes dont parle Luc la 1ère et la 2ème fois ont des origines communes : Ce sont tous des juifs hellénistes, pour autant qu'on puisse réunir tous les juifs parlant grec dans un seul groupe.
Maintenant, affirmer que les personnes qui se plaignaient de leur traîtement auprès des Apôtres, étaient les mêmes que ceux qui ont conduit Etienne devant le Sanhédrin, me semble difficilement soutenable. En premier lieu, parce qu'Etienne est, lui-même, un helléniste (il y en avait parmi les Apôtres aussi). Punir l'un des leurs parce qu'ils seraient méprisés par les judéo-chrétiens israélites ne me semble pas cohérent.
De plus, le problème dont les "Hellénistes" se plaignent au début n'est pas le même que celui qui provoque la comparution au Sanhédrin. Le premier est un problème de négligence vis à vis des veuves lors du service des tables. Donc de vie communautaire. Le second est un problème de discussion pure et simple, donc, de polémique. Les deux situations sont donc bien différentes.
J'ai trouvé un article sur wikipedia au sujet des Hellénistes, cela m'intéresserait de savoir ce que vous en pensez :
Hellénistes
Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi (je trouve l'article un peu confus par endroits... et il y a quelques raccourcis fâcheux en rapport avec les pratiques juives), mais un passage m'a interpelé, qui suggérerait une double origine du christianisme, l'une chez les "hébreux", l'autre ches les "hellénistes" (voir le chapitre "Dispersion et devenir").
Qu'en pensez-vous ?
C'est un article intéressant, mais qui prête à sourire.
J'y vois une réflexion qui convient tout à fait à votre vision des choses qui fait de Jésus un petit rabbi rebelle : les hellénistes, pour lesquels vous semblez ne pas avoir grande admiration, influencés par je ne sais quels délires des judéo-chrétiens, auraient vite fait de broder des idées de divinisation sur son mythe et auraient peaufiné le dogme chrétien, quitte à se fâcher avec les israélites, ce qui d'ailleurs a fini par se passer, quoi qu'il en soit.
Hélas, cet article est typique de l'auto-centrisme occidental qui sert de fondation à l'exégèse chrétienne classique. Il omet que l'Eglise d'Orient s'est développée avec les mêmes dogmes sans recevoir une influence grecque d'aucune sorte. - Attention : je ne parle pas ici de l' "Eglise d'Orient" qu'on assimile à l'Eglise Orthodoxe : celle-ci hérite directement des églises byzantines, donc grecques. Il s'agit plutôt des églises judéo-chrétiennes qui ont pu se développer en Mésopotamie, en Perse, et en Asie durant les premiers siècles du christianisme.
Ces églises ont subi des vagues de persécutions systématiques, des empereurs Perses jusqu'aux musulmans, mais il en persiste un petit reste aujourd'hui. Et l'étude de leurs textes ne laisse aucun doute à ce sujet.
libremax- Aka Taulique
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Date d'inscription : 26/03/2008
Re: Une lecture juive des évangiles
ronron a écrit:
Si on me permet, j'aimerais ouvrir un échange de vues l'épisode où Barabbas est libéré plutôt que Jésus.
Est-ce une pure fiction?
Le fait est que la coutume de Ponce Pilate de libérer un condamné les jours de fête n'est répertoriée dans aucune autre source que les évangiles. Cela rend-il la chose impossible pour autant ... ?
"Abba" était aussi un patronyme juif. Bar Abba peut avoir été le nom de ce Jésus Barabbas.
Maintenant, il faudrait se demander l'intérêt religieux pour une secte chrétienne naissante de mettre en scène un tel choix entre deux "fils du père"... Barabbas n'a aucun rôle catéchétique, et l'appellation de "Fils du Père" est absente des Evangiles.
libremax- Aka Taulique
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Date d'inscription : 26/03/2008
Un témoignage
« Trouble à l'ordre public, a jugé le Romain,
Mais l'affaire pour moi n'a rien d'irrémédiable.
Ce fils de charpentier, ce n'est qu'un pauvre diable,
Il parle, on l'applaudit, ce n'est rien, c'est humain ».
« Tu dois le crucifier, aujourd'hui ou demain,
Ont répondu alors les principaux notables.
Ton apprenti prophète est un irresponsable
Qui sème la révolte au long de son chemin. »
Alors le magistrat consulta les oracles,
Qui, n'aimant pas beaucoup les faiseurs de miracles,
Ont demandé la mort pour de pareils forfaits.
Mais ils ont accordé aussi une indulgence :
Libérer par ailleurs un gibier de potence.
Et, foi de Bar-Abbas, je dis qu'ils ont bien fait.
Mais l'affaire pour moi n'a rien d'irrémédiable.
Ce fils de charpentier, ce n'est qu'un pauvre diable,
Il parle, on l'applaudit, ce n'est rien, c'est humain ».
« Tu dois le crucifier, aujourd'hui ou demain,
Ont répondu alors les principaux notables.
Ton apprenti prophète est un irresponsable
Qui sème la révolte au long de son chemin. »
Alors le magistrat consulta les oracles,
Qui, n'aimant pas beaucoup les faiseurs de miracles,
Ont demandé la mort pour de pareils forfaits.
Mais ils ont accordé aussi une indulgence :
Libérer par ailleurs un gibier de potence.
Et, foi de Bar-Abbas, je dis qu'ils ont bien fait.
Dernière édition par Cochonfucius le Ven 8 Avr 2011 - 17:32, édité 1 fois
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