La complémentarité des contraires

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Message par Invité Dim 9 Jan 2011 - 10:50

Le principe de complémentarité a été introduit par Niels Bohr en 1927 pour résoudre le conflit qui opposait les physiciens de l'époque dans la question de décider s'il fallait décrire la réalité nucléaire par des particules ou par des ondes. Il le concevait comme principe d'une nouvelle logique mais n'a pas été suivi, la physique ayant surmonté les paradoxes par des opérations mathématiques.

Stéphane Lupasco, biologiste et philosophe à la Sorbonne se référant surtout au principe d'exclusion de Pauli qui explique les atomes de la chimie et par conséquent toute la biologie, est le seul scientifique qui reprit le principe de complémentarité et le formula par un principe d'antagonisme qu'il considérait comme une logique de l'énergie. Il en a donné de nombreux exemples en biologie et en physique dans le livre "L'énergie et la matière vivante".

Dans "Le principe d'antagonisme et la logique de l'énergie", Lupasco dit:
"A tout élément logique doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement, un anti-élément logique, de telle sorte que l'un ne peut jamais qu'être potentialisé par l'actualisation de l'autre mais non pas disparaître"
Entre l'état actualisé et l'état potentialisé, Lupasco admet un état intermédiaire, l'état T, le tiers inclus, origine indifférenciée des deux états antagonistes. Basarab Nicolescu interprète l'état T comme une relation avec un niveaau supérieur qui englobe les élements contraires.
En effet, on ne peut pas comprendre la coexistence d'une logique d'exclusion des contraires avec une logique de complémentarité des contraires sans distinguer les niveaux de la connaissance et de ses objets différents que j'ai présentés sous le sujet "La connaissance et ses niveaux"

La logique classique de contradiction exclue s'applique, au phénomène observable matériel ou énergétique. Il peut être mesuré, par les paramètres matière, espace et temps. Le phénomène ou objet de connaissance est ainsi défini de manière dite objective, il ne peut pas avoir en même temps au même endroit et sous tous les rapports la propriété A et son contraire non-A. aux
La logique de complémentarité des contraires s'applique aux relations intelligibles, aux interactions dynamiques que l'on ne perçoit pas directement par les sens mais que l'on déduit par la raison. L'antagonisme définit un devenir, un fonctionnement.

Les interactions ou fonctions sont toujours produites par un potentiel de forces, un gradient entre une paire de propriétés ou d'états opposés. Ces antagonistes participent en commun et de façon actuelle au processus, mais se présentent à l'observation de façon dissociée:
    • Ils peuvent être dissociés dans l'espace ou symétriques, comme les pôles d'un champ magnétique ou d'un potentiel électrique.
    • Ils peuvent être dissociés dans le temps ou périodiques comme la lumière du jour et l'obscurité nocturne dans le cycle circadien.
    • Enfin ils peuvent aussi être dissociés dans la matière ou complémentaires, observables par des moyens matériels ou instrumentaux différents, comme l'aspect de particule et l'aspect d'onde de l'électron.
Les éléments contradictoires de l'antagonisme sont donc des aspects inséparables d'un même processus dynamique qui, dans nos exemples, correspond respectivement à un champ polarisé, à la rotation de la Terre, et à la charge électrique élémentaire.

Il faut reconnaître que ce n'est pas nouveau. La logique de complémentarité des contraires était connue de tout temps et dans d'autres cultures. Elle est la logique principale du taoïsme symbolisé par exemple par la complémentarité du yin et du yang et inclus dans le mutations des trigrammes du yi king. Elle est expliquée par Platon par un devenir entre états contraires exprimés par les idées abstraites. Elle est mentionnée par Nicolas de Cues sous le terme oppositorium coincidencia , la coïncidence des opposés, du minimum et du maximum, que Giordano Bruno a reprise.
Mais cette logique, d'origine platonicienne, de la complémentarité d'idées contraires a été évincée par la logique d'exclusion aristotélicienne du dominicain Thomas d'Aquin qui justifiait l'infaillibilité du pape et l'inquisition. Il est cocasse de constater que la Science a fait table rase des dogmes de l'Eglise mais a conservé sa logique d'exclusion accompagnée de sa prétention à l'infaillibilité.

C'est la logique de complémentarité des contraires qui fait la différence entre savoir et comprendre. La méthode scientifique fondée sur la logique aristotélicienne a multiplié le savoir de détails de plus en plus pointus ainsi que les langages de spécialistes. La complexité qui en est résultée rend la science et l'univers de plus en plus difficile à comprendre.

Pour rendre le sens à la science il faut une nouvelle métaphysique que les uns appellent systémique, d'autres transdisciplinarité, mais qui passe par une nouvelle conception de la logique qui associe tiers exclu et tiers inclus dans la hiérarchie des niveaux de la réalité et de la connaissance.

Que ceux qui ne veulent pas comprendre appellent cela Kamoulox métaphysique, tant pis pour eux. tire langue

Pour ceux qui veulent comprendre, j'expliquerai ces termes dans un nouveau sujet.

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Message par Lila Dim 9 Jan 2011 - 11:11

voilà qui est fort intéressant, et que je lirai mieux quand j'aurai un peu de temps devant moi. Je devrais en effet d'abord approfondir les principes d'exclusion, etc.

Par contre, pourrais tu déjà mieux situer le cadre d'application de ces principes (en gros: à quoi cela sert, avec des exemples, en philosophie et en sciences) ?

Est-ce inclus dans l'épistémologie ?

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Message par Invité Dim 9 Jan 2011 - 11:53

Lila:
Par contre, pourrais tu déjà mieux situer le cadre d'application de ces principes (en gros: à quoi cela sert, avec des exemples, en philosophie et en sciences) ?
Des exemples et explications très simples du langage courant sont donnés par Socrate dans la citation suivante. A quoi ça sert suivra dans d'autres sujets.
Phédon (70d à 71b): Platon, Oeuvres complètes, sous la direction de Luc Brisson, Flammarion 2008:

- Or ce principe, si tu veux le comprendre plus facilement, ne l'examine pas seulement à propos des hommes, mais aussi à propos de tous les animaux, de toutes les plantes et, plus généralement, de toutes les choses qui ont un devenir. A propos de toutes, essayons de voir si c'est ainsi, et pas autrement, qu'elles adviennent toutes: les choses contraires à partir de rien d'autre que de leurs contraires – cela vaut pour tout ce qui se trouve entrer dans une relation de ce genre: par exemple, le beau, je pense, est le contraire du laid, le juste de l'injuste, et il y a des milliers d'exemples semblables. Examinons donc cette question; pour toutes les choses qui possèdent un contraire, est-ce une nécessité que ce contraire ne provienne d'absolument rien d'autre que de son contraire? Par exemple: quand une chose devient plus grande, n'est-il pas, j'imagine, nécessaire que ce soit après avoir été d'abord plus petite qu'elle devient ensuite plus grande?
- Evidemment.
- Donc aussi, quand elle devient plus petite, c'est après avoir été d'abord plus grande qu'elle deviendra ensuite plus petite.
- Tout juste, dit-il.
- Et c'est bien du plus fort que provient le plus faible, et du plus lent le plus rapide?
- Parfaitement.
- Et encore, quand une chose devient pire, n'est-ce pas d'avoir été d'abord meilleure? ou plus juste, d'avoir été d'abord plus injuste?
- Impossible autrement.
- Nous tenons donc ce point pour suffisamment établi, dit il: c'est ainsi qu'elles surviennent toutes, c'est à partir de leurs contraires que viennent à exister les choses contraires.
- Tout à fait.
- Autre chose, en ce qui les concerne, voici à peu près ce qui se passe: entre tous ces couples de termes contraires se produit, puisqu'il y a deux termes, un double devenir – d'un contraire vers l'autre, et, inversement, de cet autre vers le premier. Je veux dire: entre le fait pour une chose d'être plus grande et celui d'être plus petite, n'y a-t-il pas accroissement et diminution? – c'est ainsi que nous nommons d'une part le "s'accroître", de l'autre le "diminuer"?

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Message par Invité Mer 12 Jan 2011 - 10:03

Lila:
Par contre, pourrais tu déjà mieux situer le cadre d'application de ces principes (en gros: à quoi cela sert, avec des exemples, en philosophie et en sciences) ?

Est-ce inclus dans l'épistémologie ?
La connaissance, qu'elle soit scientifique ou philosophique, n'est pas seulement un ensemble de constatations, c'est aussi une compréhension des relations ou interactions. La logique de la complémentarité des contraires ne s'applique pas aux constatation de faits d'observation mais aux relations et interaction qui s'expriment dans le langage par des états contraires.

J'ai déjà donné trois exemples d'ordre scientifique dans le post initial. Voilà encore des exemples d'antagonismes d'ordre philosophique mais issus de l'ordre physique, et par conséquent méta-physiques, auxquels je reviendrai à propos d'épistémologie.

Le passé est fini, déterminé, le futur est indéfini, indéterminé. Passé et futur sont des notions antagonistes qui donnent un sens au temps: le présent qui est la complémentarité ou synchronicité du passé et du futur.
L'ensemble se définit par un nombre varié de parties. Les parties se rapportent à un ensemble. Ensemble et partie, unité et fraction sont des notions contraires et complémentaires qui expriment le sens de l'espace.
L'inertie est ce qui empêche l'accélération, la force est ce qui provoque l'accélération. Ce sont des influences de même nature physique mais de sens ou orientation opposée.

Note que lorsque je parle de métaphysique je parle de sens ou significations des idées, je ne parle pas de constatation par les sens ni de spiritualité ou de théologie. Car parler ou raisonner c'est faire des distinctions. Celui qui parle de spiritualité en termes de dieu, évoque inévitablement le diable, car toute relation se définit par son contraire. Ce n'est rien d'autre que du bon sens. Un vieux paysan voisin du chalet que j'habitais dans les Alpes valaisannes nous disait: "Les gens vont à l'église manger le bon dieu et en sortant ils vont caquer le diable". rire

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Message par JO Mer 12 Jan 2011 - 11:28

Ce qu'il faut admettre, je crois, c'est que la métaphysique est comme la géométrie dans l'espace : elle abandonne le dualisme,plan, au profit d'une globalité en volumes: Patanjali le démontre et c'est fondamental de le visualiser . L'espace métaphysique est à dimensions multiples , comme la physique quantique . C'est pourquoi j'ai été tentée par le rapprochement .
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Message par _zakari Mer 12 Jan 2011 - 12:32

bonjour
Jusqu'à présent je n'ai jamais pu conceptualiser cette notion de tiers inclus .. de lupasco , s'est d'ailleurs ce qui ma coincé a sa lecture , tout en sachant qu'il y avait une soluce évidente.
Mais il se peut aussi que je suis dans cette application sans le voir
a ceci
Distinction entre phénomène et fonction
Contradiction exclue, logique du phénomène

Le phénomène est ce qui est perçu par les sens. Il est donc l'objet de toute observation et par définition l'objet des sciences expérimentales. Dans les sciences dites exactes, les phénomènes sont décrits par leurs grandeurs mesurables. La description mathématique du phénomène se réfère aux trois paramètres: matière-espace-temps.

par dépit j'avais renvoyé la phénoménologie aux métaphores ou symboles en attente d'une ouverture voyant ces phénomènes comme d'une sorte de traitement inexplicable a ma pathologie d'aveugle et toutes explications une polémique vaine
Ne prendre aucune vérité prêchée si elle ne ressort de notre plus grande conviction
Et les convictions ne sont que des métaphores liées a la phénoménologie du coeur ou états d'âmes en attente d'une réponse pour une question qui reste ouverte.
----
C'est assez marrant avec ce 100 eme message je suis passé "affranchi des paradoxes" lol! comme quoi le tiers inclus
Cet humour a défaut d'amour

_zakari
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Message par Invité Mer 12 Jan 2011 - 18:22

zakari, il faut mettre de l'ordre dans tes définitions.
Le phénomène c'est l'observable, ce qu'on perçoit par les sens et qu'on peut mesurer, c'est tout.
Ce que j'appelle fonction par analogie aux maths, c'est l'intelligible, c'est à dire les relations, interactions, ou les lois de la nature physique.
Les métaphores ou symboles, sont des images avec lesquels le mental essaie de se représenter l'unité de l'univers.

En ce qui concerne Lupasco, je comprends que ses définitions t'ont laissé dubitatif. Je l'étais aussi parce qu'il cherchait à concilier sa définition avec la logique classique, sur un plan matérialiste. C'est pourquoi il en faisait une balance entre actualisation et potentialisation. J'ai modifié en fait sa définition en précisant que les contraires sont tous les deux présents et nécessaires pour définir une fonction. Par exemple anode et cathode sont toutes les deux nécessaire au champ électrique qui est le tiers inclus rationnel, l'intelligible contextuel, au-delà du perceptible.

Je dis contextuel car il existe aussi un Tiers inclus global, centre et origine de tous les contraires qui composent la réalité... En physique c'est le "vide quantique".

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