Spinoza conception de Dieu
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Spinoza conception de Dieu
un des enjeux important est de comprendre la conception d'un Dieu "hors religion". Le Dieu de la religion (on pourrait ajouter : quelle que soit la religion), Spinoza l'a fort bien montré dans le TTP (voir la Préface), est un l'instrument politique par excellence puisqu'il agit puissamment sur les passions des hommes (la crainte et la tentation). Le Dieu "de Spinoza" n'est pas une personne mais un principe. En opérant cette transmutation de notre conception de Dieu, je pense que Spinoza combat sur un double front :
1. D'abord, Spinoza s'oppose à la conception d'un Dieu personnel. Dieu, conçu comme personne, est distinct des êtres finis : c'est la figure du Christ qui se tient face à ceux qu'il enseigne et ceux qu'il combat. Dans la doctrine chrétienne, cette valorisation de la Personne va de pair avec une dévalorisation de la nature (la nature intérieure de l'homme pêcheur, et la nature extérieure, elle-même souillée par ce pêché, et désormais soumise aux altérations du temps). Par rapport à la problématique chrétienne, Spinoza opère un renversement complet : il réhabilite la nature, non plus comme totalité des étants, mais comme processus de génération des étants à partir d'un principe unique. D'un point de vue anthropologique, cela a pour conséquence que l'homme est 'lavé' du pêché originel, réhabilité lui-même dans sa capacité à appréhender par lui-même ce principe divin dans et hors de lui.
2. Ensuite, Spinoza s'oppose à la conception judaïque d'un Dieu furieux, imprévisible, objet de crainte, et en même temps sujet à d'éventuelles tractations. Le Dieu judaïque est un entité à la fois redoutable et négociable (par la prière), un punisseur et un rétributeur, c'est-à-dire un Dieu essentiellement orienté vers les hommes. Dans cette perspective, l'univers devient un système de signes, chaque évènement étant l'expression d'une intention divine concernant l'homme (voir la fameuse critique du finalisme, dans l'appendice au livre I de l'Ethique).
A cette vision, Spinoza oppose d'une part le mécanisme cartésien (les étants ne renvoie pas à autres chose qu'à d'autres étants, effets ou cause), et d'autre part une conception très profonde des contraintes psychologiques et de l'esclavage intérieur des passions. Que reste-t-il du concept de Dieu après cette double 'épuration'? Autrement dit, qu'apporte en positif la conception spinoziste de Dieu ?
Dire que Dieu est la Nature est une affirmation très trompeuse pour nous, car il ne s'agit surtout de ce que nous concevons être la nature (à travers l'héritage de la science moderne). Parler même de Dieu avec un grand 'D', comme si c'était un nom propre, peut nous inciter à nous adresser à lui comme à une personne. Je pense qu'il serait plus juste de parler de 'divin' ou de 'principe divin', ce principe étant l'origine de tout, qui est co-présent à chacune des 'créatures'. Or, c'est précisément en internalisant le principe divin en l'homme que Spinoza fonde la possibilité de sa liberté : tandis que le 'Dieu de la religion' faisait des hommes des esclaves en cultivant méthodiquement en eux certaines passions, le 'principe divin' en nous est source d'une liberté suprême, pour autant qu'on parcoure le chemin ardu qui mène à l''amour intellectuel'.
Les divers portraits qu'on fait d'un Spinoza athée ont ceci de commun qu'ils mettent l'accent sur deux choses :
- une démarche hyper-rationnelle d'explication exhaustive (on met alors en avant le côté systémique de sa pensée en faisant référence à la méthode géométrique de l'Ethique)
- le concept de Dieu serait une concession à son époque d'un penseur trop en avance pour son temps.
Je pense que le penseur Spinoza, l'être humain Spinoza, était un peu plus complexe que cela. L'Ethique est loin d'être un discours plein, parfait, sphérique et continu, comme la bien montré Deleuze. Et "son" Dieu n'est pas un simple principe explicatif, un Dieu rationnel et tout sec. Le Dieu de Spinoza est la puissance qui persévère à travers tous les êtres finis, et qui fait que chacun d'eux cherche à s'accroître.
Je crois - mais cela n'est qu'une supposition - que Spinoza, par pudeur, n'a pas parlé de sa relation à Dieu. Pour la comprendre, il n'est qu'à se référer à l'attitude d'Einstein (dans Comment je vois le monde) quand il parle de la "religiosité cosmique" : quand l'homme de connaissance pénètre dans le temple de la vérité, il contemple, il admire l'Univers dont l'intelligibilité se déploie devant ses yeux. Il y a là un très profond sentiment religieux - bien que nous soyons au-delà de toute religion !
Cet article provient de Spinoza et Nous - Philosophie de l'affirmation
Qu'en pensez-vous?
1. D'abord, Spinoza s'oppose à la conception d'un Dieu personnel. Dieu, conçu comme personne, est distinct des êtres finis : c'est la figure du Christ qui se tient face à ceux qu'il enseigne et ceux qu'il combat. Dans la doctrine chrétienne, cette valorisation de la Personne va de pair avec une dévalorisation de la nature (la nature intérieure de l'homme pêcheur, et la nature extérieure, elle-même souillée par ce pêché, et désormais soumise aux altérations du temps). Par rapport à la problématique chrétienne, Spinoza opère un renversement complet : il réhabilite la nature, non plus comme totalité des étants, mais comme processus de génération des étants à partir d'un principe unique. D'un point de vue anthropologique, cela a pour conséquence que l'homme est 'lavé' du pêché originel, réhabilité lui-même dans sa capacité à appréhender par lui-même ce principe divin dans et hors de lui.
2. Ensuite, Spinoza s'oppose à la conception judaïque d'un Dieu furieux, imprévisible, objet de crainte, et en même temps sujet à d'éventuelles tractations. Le Dieu judaïque est un entité à la fois redoutable et négociable (par la prière), un punisseur et un rétributeur, c'est-à-dire un Dieu essentiellement orienté vers les hommes. Dans cette perspective, l'univers devient un système de signes, chaque évènement étant l'expression d'une intention divine concernant l'homme (voir la fameuse critique du finalisme, dans l'appendice au livre I de l'Ethique).
A cette vision, Spinoza oppose d'une part le mécanisme cartésien (les étants ne renvoie pas à autres chose qu'à d'autres étants, effets ou cause), et d'autre part une conception très profonde des contraintes psychologiques et de l'esclavage intérieur des passions. Que reste-t-il du concept de Dieu après cette double 'épuration'? Autrement dit, qu'apporte en positif la conception spinoziste de Dieu ?
Dire que Dieu est la Nature est une affirmation très trompeuse pour nous, car il ne s'agit surtout de ce que nous concevons être la nature (à travers l'héritage de la science moderne). Parler même de Dieu avec un grand 'D', comme si c'était un nom propre, peut nous inciter à nous adresser à lui comme à une personne. Je pense qu'il serait plus juste de parler de 'divin' ou de 'principe divin', ce principe étant l'origine de tout, qui est co-présent à chacune des 'créatures'. Or, c'est précisément en internalisant le principe divin en l'homme que Spinoza fonde la possibilité de sa liberté : tandis que le 'Dieu de la religion' faisait des hommes des esclaves en cultivant méthodiquement en eux certaines passions, le 'principe divin' en nous est source d'une liberté suprême, pour autant qu'on parcoure le chemin ardu qui mène à l''amour intellectuel'.
Les divers portraits qu'on fait d'un Spinoza athée ont ceci de commun qu'ils mettent l'accent sur deux choses :
- une démarche hyper-rationnelle d'explication exhaustive (on met alors en avant le côté systémique de sa pensée en faisant référence à la méthode géométrique de l'Ethique)
- le concept de Dieu serait une concession à son époque d'un penseur trop en avance pour son temps.
Je pense que le penseur Spinoza, l'être humain Spinoza, était un peu plus complexe que cela. L'Ethique est loin d'être un discours plein, parfait, sphérique et continu, comme la bien montré Deleuze. Et "son" Dieu n'est pas un simple principe explicatif, un Dieu rationnel et tout sec. Le Dieu de Spinoza est la puissance qui persévère à travers tous les êtres finis, et qui fait que chacun d'eux cherche à s'accroître.
Je crois - mais cela n'est qu'une supposition - que Spinoza, par pudeur, n'a pas parlé de sa relation à Dieu. Pour la comprendre, il n'est qu'à se référer à l'attitude d'Einstein (dans Comment je vois le monde) quand il parle de la "religiosité cosmique" : quand l'homme de connaissance pénètre dans le temple de la vérité, il contemple, il admire l'Univers dont l'intelligibilité se déploie devant ses yeux. Il y a là un très profond sentiment religieux - bien que nous soyons au-delà de toute religion !
Cet article provient de Spinoza et Nous - Philosophie de l'affirmation
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Soulfly- Sorti de l'oeuf
- Nombre de messages : 43
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Identité métaphysique : sans
Humeur : bonne
Date d'inscription : 01/06/2008
Re: Spinoza conception de Dieu
Spinoza était un précurseur de la pensée moderne et il a montré la voie
vers le Siècle des Lumières. Son influence a été considérable.
vers le Siècle des Lumières. Son influence a été considérable.
bernard1933- Aka Tpat
- Nombre de messages : 10079
Localisation : Dijon
Identité métaphysique : agnostique
Humeur : serein
Date d'inscription : 23/03/2008
Re: Spinoza conception de Dieu
Je pense d'abord que c'est une excellente contribution.Soulfly a écrit:Le Dieu "de Spinoza" n'est pas une personne mais un principe. En opérant cette transmutation de notre conception de Dieu. Par rapport à la problématique chrétienne, Spinoza opère un renversement complet : il réhabilite la nature, non plus comme totalité des étants, mais comme processus de génération des étants à partir d'un principe unique.
Autrement dit, qu'apporte en positif la conception spinoziste de Dieu ?
Dire que Dieu est la Nature est une affirmation très trompeuse pour nous, car il ne s'agit surtout de ce que nous concevons être la nature (à travers l'héritage de la science moderne). Parler même de Dieu avec un grand 'D', comme si c'était un nom propre, peut nous inciter à nous adresser à lui comme à une personne. Je pense qu'il serait plus juste de parler de 'divin' ou de 'principe divin', ce principe étant l'origine de tout, qui est co-présent à chacune des 'créatures'.
Ensuite, après Spinoza, sont apparus Gérard et Gereve qui ont débattu sur le fait de savoir si Dieu est une personne http://bistrophilo.aceboard.fr/98101-2463-9260-0-Dieu-personne.htm
Disons que si l'on raisonne en regardant vers l'avenir, le principe divin qui est co-présent à l'homme peut très bien faire apparaître dan l'humanité, un être qui soit d'abord un démiurge, et puis plus tard, pourquoi pas un dieu. Et dans ce cas, ce dieu sera une personne.
Si l'aboutissement de cet univers est un dieu UN, ce dieu ne pourra faire autrement que de créer pour vivre.
On peut donc penser qu'à l'origine du monde, il y a bien une personne.
Geveil- Akafer
- Nombre de messages : 8776
Localisation : Auvergne
Identité métaphysique : universelle
Humeur : changeante
Date d'inscription : 18/05/2008
Re: Spinoza conception de Dieu
Dieu n'est pas une personne puisqu'il n'existe pas.
Dieu n'existe pas ; il Est.
Au début était le Verbe (Etre)
Si Dieu n'était pas, il n'y aurait Rien, et même pas rien ! :brulé:
Dieu est Essence, l'Homme Existence.
C'est un Jeu de Miroir, une Réflexion !
(les majuscules sont, ici, absolument nécessaires)
Ronsard.
Dieu n'existe pas ; il Est.
Au début était le Verbe (Etre)
Si Dieu n'était pas, il n'y aurait Rien, et même pas rien ! :brulé:
Dieu est Essence, l'Homme Existence.
C'est un Jeu de Miroir, une Réflexion !
(les majuscules sont, ici, absolument nécessaires)
Ronsard.
Ronsard- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 430
Identité métaphysique : toutes
Humeur : toujours plus ou moins bonne
Date d'inscription : 24/06/2008
Re: Spinoza conception de Dieu
D'accord
Geveil- Akafer
- Nombre de messages : 8776
Localisation : Auvergne
Identité métaphysique : universelle
Humeur : changeante
Date d'inscription : 18/05/2008
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