Sagesse du pluvian
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mikael
Cochonfucius
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Sirène parolière
La sirène a dit des mots véritables;
Issue de l’Espagne, où sont les bons vins,
Chanteuse enchantée qui vers nous s’en vint ;
Or, ce qu’elle écrit, c’est inimitable.
Sur ces pages-ci, je m’efforce en vain,
Mon travail n’est pas toujours profitable ;
Pourtant j’aime ça, c’est indubitable,
Ainsi l’ont voulu les décrets divins.
Que m’importe, aussi, j’écris dans le vide,
Sans rien de sérieux, sans rien de perfide ;
Des mots appelant, d’autres répondant.
Ce n’est pas ainsi qu’on devient prospère,
Mais ça divertit (du moins, je l’espère)
Mes gentils lecteurs, pas trop regardants.
===================================
https://lireditelle.wordpress.com/2018/11/23/entretien-avec-luna-miguel-poetesse-espagnole/
Fantôme du chevalier inexistant
À son inexistence on dit qu’il se soustrait ;
Que son absence d’âme au gré des vents s’envole
Et que son écuyer, vautré dans l’herbe folle,
Remue à son propos des souvenirs abstraits.
En rêve il nous redit ses lucides paroles
Qui montrent la droiture à notre coeur distrait ;
Mais comment ferons-nous pour brosser son portrait,
Lui, de chevalerie le plus parfait symbole?
Ainsi que des oiseaux trouvant vide leur nid,
Nous déplorons qu’il soit parti dans l’infini,
Lui, dont si dépouillé nous parut l’art de vivre.
Normal, inexistant, lequel plus longtemps vit ?
Les deux vont à la mort qui notre âme ravit,
À laquelle, un beau jour, notre destin nous livre.
Locomotive de dix-huit mètres
Son moteur se nourrit de l’énergie du vide,
D’ailleurs, cela demande un sérieux attirail.
On l’entend consumer des neutrinos livides,
Dont parfois, l’un s’échappe et transperce les rails.
Le moteur est gourmand, mais il n’est pas avide,
Ses rouages sont faits d’un solide corail ;
Or, ce dispositif est décrit par Ovide
Et présent, bien souvent, au centre d’un vitrail.
Tout ce vide parfois prend des nuances rouges
Et dans ses environs l’antimatière bouge,
Ça se produit souvent sur le coup de minuit.
Le vieux mécanicien très rarement s’active,
Il compte sur l’effort de la locomotive ;
Moins on en fait, dit-il, et moins on a d’ennuis.
Poisson-rhapsode
Il parcourt les chemins de la liquide plaine :
Ce rhapsode-poisson ne vit pas isolé ;
Et même, certains jours, il rêve de voler
Avec les albatros, eux qui planent sans peine.
Il ne peut pas chanter ainsi qu’une sirène,
Ni, comme font les sourds, avec ses mains parler ;
Mais l’infini du ciel, il peut le contempler
Sans être tourmenté par la misère humaine.
-- Poisson qui ne dis rien, tu vaux bien mieux que moi,
Et j’aurais des leçons à recevoir de toi,
Si tu en as le temps, tu peux me les écrire.
-- Or, dis-moi, plumitif, que viens-tu faire ici ?
De te perfectionner aurais-tu le souci ?
Non, je ne le crois pas, d’ailleurs, tu me fais rire.
La Semaine Sainte
(rattrapage d'un hôpital dont le pare-feu n'aimait pas méta)
Sainte Iris
-------------
Iris, ton univers est la joie de mes yeux,
Quand mon rêve est charmeur, tu es dans les parages;
Si j’aime chez mon chat la douceur du pelage,
Caresser tes cheveux, c’est atteindre les cieux.
Nous nous sommes croisés, déjà, en d’autres lieux,
À mes premiers regards, tu étais un mirage ;
Je me suis approché, rassemblant mon courage,
Pour t’offrir ce poème, à la grâce de Dieu.
Ça fait déjà longtemps, tu ne t’en souviens guère,
Ton visage pour moi est toujours un repère,
Mas je n’ai jamais su le dire franchement.
Tu n’es pas en mon coeur un souvenir fragile ;
Si Rodin avait fait ta statue en argile,
Nul ne verrait sur terre un objet plus charmant.
Lutin méditant
-----
Lui qui se dissimule entre les brins de paille,
De ma sombre taverne il n’est pas amateur ;
Ce n’est pas un mondain, ce n’est pas un flatteur,
La longue beuverie ne lui dit rien qui vaille.
Il a bien du respect pour les gens qui travaillent,
Mais préfère, pour lui, le repos enchanteur :
Il médite à loisir, il pense avec lenteur,
Ce lutin fort discret qui platement rimaille.
Les arbres sont présents, les nuages sont là,
Et son intelligence est dans un calme plat,
Je ne pourrai jamais le mettre à mon service.
Ce lutin m’a bien l’air d’être un homme sans loi,
Lui qui connaît pourtant le jardin et la croix,
Lui qui s’abstient pourtant de la plupart des vices.
Grenouille du Pont de Pierre
Récit du bon vieux temps, fable que j’ai tressée
Pour ce vif batracien que menace l’hiver ;
Que ma lyre pour lui soit la mieux cadencée,
L’honorant d’une page ou de quatorze vers.
Souvent, quand j’écoutais son printanier concert,
Mon âme se trouva de doux rêves bercée,
Même la tienne aussi, dame de mes pensées ;
Car la grenouille est noble, et sans en avoir l’air.
Un jardin d’autrefois m’inspire ce délire,
Jardin que je voyais comme un immense empire,
Dont la grenouille, ici, me parle simplement.
Je sais que ce chemin s’en va vers la nuit noire :
C’est la règle du jeu, ce n’est pas un déboire,
Qu’on soit simple mortel, qu’on soit prince charmant.
Quand les lions vont boire
Au roi des animaux, les bouteilles divines
Font éprouver la joie qu’ivresse on peut nommer ;
Il vide les flacons, c’est sa façon d’aimer,
Il boit plus que son frère, officier de marine.
Des maîtres de vertu, la voix et la doctrine
Face à cet animal se doivent désarmer ;
Bacchus d’un tel disciple a le coeur enflammé
Qui chante sa louange en sa vaste poitrine.
Il a sa dignité, lui, ce n’est pas un porc,
Il trinque à ses beaux jours, il boit aux coups du sort,
Car les tire-bouchons sont faits pour qu’on s’en serve.
Toujours un noble vin figure à son menu,
D’Aquitaine tiré, de Bourgogne venu,
Un nectar qui l’inspire et qui le met en verve.
Le seigneur de Proxima Centauri
Ce maître sans pouvoir ne gouverne qu’en songe ;
Il règne sur un monde où ne vient pas l’humain,
Ou s’il le fait un jour, ce n’est pas pour demain.
N’ayant pas d’électeurs, il s’abstient du mensonge.
Les comètes perdues qui vers l’étoile plongent
Ne savent nullement maîtriser leur chemin,
Car aucun horloger n’y mit jamais la main,
Selon d’aveugles lois l’orbite se prolonge.
Rêve donc, bon seigneur, à ton simple horizon,
Ta rêverie jamais n’engage ta raison :
L’univers reste stable en ton âme placide.
Toi, tu n’auras jamais besoin d’un médecin,
Tu t’épargnes la crainte et les tourments malsains,
Noble patron d’un monde où rien ne se décide.
Loup de Carreau
Or, cette carte est le Loup de Carreau,
Mais j’ai perdu la Licorne de Pique ;
Trop dur, ce jeu, sauf si tu me l’expliques,
Dame du Sort, Maîtresse de Tarot.
Loin d’être fort comme Aurélien Barrau,
Je suis largué quand cela se complique ;
Gravitation, trous noirs microscopiques,
Et mots croisés aussi, du Figaro …
Il va trottant sans aucun cavalier,
N’occupe pas un gîte hospitalier,
Ne nous soumet pas la moindre exigence.
Envers le loup, ne sois pas inhumain,
Lui qui saurait te montrer le chemin,
Si tu croyais à son intelligence.
Sainte Iris
-------------
Iris, ton univers est la joie de mes yeux,
Quand mon rêve est charmeur, tu es dans les parages;
Si j’aime chez mon chat la douceur du pelage,
Caresser tes cheveux, c’est atteindre les cieux.
Nous nous sommes croisés, déjà, en d’autres lieux,
À mes premiers regards, tu étais un mirage ;
Je me suis approché, rassemblant mon courage,
Pour t’offrir ce poème, à la grâce de Dieu.
Ça fait déjà longtemps, tu ne t’en souviens guère,
Ton visage pour moi est toujours un repère,
Mas je n’ai jamais su le dire franchement.
Tu n’es pas en mon coeur un souvenir fragile ;
Si Rodin avait fait ta statue en argile,
Nul ne verrait sur terre un objet plus charmant.
Lutin méditant
-----
Lui qui se dissimule entre les brins de paille,
De ma sombre taverne il n’est pas amateur ;
Ce n’est pas un mondain, ce n’est pas un flatteur,
La longue beuverie ne lui dit rien qui vaille.
Il a bien du respect pour les gens qui travaillent,
Mais préfère, pour lui, le repos enchanteur :
Il médite à loisir, il pense avec lenteur,
Ce lutin fort discret qui platement rimaille.
Les arbres sont présents, les nuages sont là,
Et son intelligence est dans un calme plat,
Je ne pourrai jamais le mettre à mon service.
Ce lutin m’a bien l’air d’être un homme sans loi,
Lui qui connaît pourtant le jardin et la croix,
Lui qui s’abstient pourtant de la plupart des vices.
Grenouille du Pont de Pierre
Récit du bon vieux temps, fable que j’ai tressée
Pour ce vif batracien que menace l’hiver ;
Que ma lyre pour lui soit la mieux cadencée,
L’honorant d’une page ou de quatorze vers.
Souvent, quand j’écoutais son printanier concert,
Mon âme se trouva de doux rêves bercée,
Même la tienne aussi, dame de mes pensées ;
Car la grenouille est noble, et sans en avoir l’air.
Un jardin d’autrefois m’inspire ce délire,
Jardin que je voyais comme un immense empire,
Dont la grenouille, ici, me parle simplement.
Je sais que ce chemin s’en va vers la nuit noire :
C’est la règle du jeu, ce n’est pas un déboire,
Qu’on soit simple mortel, qu’on soit prince charmant.
Quand les lions vont boire
Au roi des animaux, les bouteilles divines
Font éprouver la joie qu’ivresse on peut nommer ;
Il vide les flacons, c’est sa façon d’aimer,
Il boit plus que son frère, officier de marine.
Des maîtres de vertu, la voix et la doctrine
Face à cet animal se doivent désarmer ;
Bacchus d’un tel disciple a le coeur enflammé
Qui chante sa louange en sa vaste poitrine.
Il a sa dignité, lui, ce n’est pas un porc,
Il trinque à ses beaux jours, il boit aux coups du sort,
Car les tire-bouchons sont faits pour qu’on s’en serve.
Toujours un noble vin figure à son menu,
D’Aquitaine tiré, de Bourgogne venu,
Un nectar qui l’inspire et qui le met en verve.
Le seigneur de Proxima Centauri
Ce maître sans pouvoir ne gouverne qu’en songe ;
Il règne sur un monde où ne vient pas l’humain,
Ou s’il le fait un jour, ce n’est pas pour demain.
N’ayant pas d’électeurs, il s’abstient du mensonge.
Les comètes perdues qui vers l’étoile plongent
Ne savent nullement maîtriser leur chemin,
Car aucun horloger n’y mit jamais la main,
Selon d’aveugles lois l’orbite se prolonge.
Rêve donc, bon seigneur, à ton simple horizon,
Ta rêverie jamais n’engage ta raison :
L’univers reste stable en ton âme placide.
Toi, tu n’auras jamais besoin d’un médecin,
Tu t’épargnes la crainte et les tourments malsains,
Noble patron d’un monde où rien ne se décide.
Loup de Carreau
Or, cette carte est le Loup de Carreau,
Mais j’ai perdu la Licorne de Pique ;
Trop dur, ce jeu, sauf si tu me l’expliques,
Dame du Sort, Maîtresse de Tarot.
Loin d’être fort comme Aurélien Barrau,
Je suis largué quand cela se complique ;
Gravitation, trous noirs microscopiques,
Et mots croisés aussi, du Figaro …
Il va trottant sans aucun cavalier,
N’occupe pas un gîte hospitalier,
Ne nous soumet pas la moindre exigence.
Envers le loup, ne sois pas inhumain,
Lui qui saurait te montrer le chemin,
Si tu croyais à son intelligence.
Antisphinx d’azur
C’est l’antisphinx d’azur, un monstre qui m’inspire.
Il transforme en sonnets ce que nous lui disons,
Il répond au courrier, il garde la maison,
Il accueille en son coeur le meilleur et le pire.
Il fut divinisé dans les anciens empires,
Mais cette adoration lui parut un poison ;
Il lui a préféré la tendre floraison
Des jardins où, jadis, les muses s’assoupirent.
Il n’est pas alarmiste, il n’est pas tourmenté,
Cet animal jamais ne se va lamenter :
Il sait que toute vie inflige des blessures
Et que, bien durement, on en souffre parfois,
Mais il peut, quant à lui, porter ces meurtrissures
Sans même avoir l’idée de s’en mordre les doigts.
Manoir de l’indigent
Lui qui vit dans le manque, il se prétend frugal ;
Il eut pourtant, jadis, un bon coup de fourchette,
Mais, ne possédant pas un talent qu’on achète,
Néglige désormais ce qui fut son régal.
Et puis quoi ! se priver, ce n’est rien d’illégal,
Même la mie de pain fait de bonnes brochettes ;
Je ne veux pas sortir mes sous de leur cachette,
Appelez-moi radin, cela m’est bien égal.
Ce seigneur misérable est un homme de coeur,
Loin de la vanité, loin des propos moqueurs,
Chaque soir il relit les mots de La Fontaine,
Car ce livre est un monde, et l’on y peut bien voir
Combien le savetier, citoyen sans avoir,
Se satisfait de toi, providence incertaine !
Faucon visionnaire
Il apprécie le monde, il en goûte la sève,
Lui qui peut sans effroi verser son noble sang.
C’est un grand voyageur, c’est un oiseau qui rêve,
Son regard est précis, son envol est puissant.
Il salue en passant la mouette sur la grève
Où je les vois tous deux, s’amusant et dansant
Sous la bénédiction du soleil qui s’élève ;
On entend de la mer le murmure incessant.
La licorne survient et chante à pleine gorge,
Reprenant quelques vers qu’un vieux poète forge,
Qui aux textes anciens prennent leurs éléments.
Le faucon, ce penseur, nous dit des choses brèves
Que d’autres animaux vont répétant sans trêve,
Dont je crois me trouver plus sage, assurément.
L’ouroboros de Piaf-Tonnerre
Piaf-Tonnerre, au moment de franchir le désert,
Choisit pour compagnon le chercheur de lumière,
Celui qui ne craint pas les froides fondrières,
L’ouroboros, connu pour ses talents divers.
Il en existe peu dans ce vaste univers,
Car ils ont disparu depuis l’Âge de Pierre ;
Ils n’ont pas su garder leur âme prisonnière
Dans un corps asservi à ce monde pervers.
Les mots que Piaf-Tonnerre écrit de son calame
Ont paru convaincants à cet être de flammes
Qui le suit comme un chien, la nuit comme le jour.
Le serpent, regrettant la vestale dorée
Qui au premier jardin par lui fut adorée,
S’accoutume pourtant à cet autre séjour.
Chevalier sans armes
Son âme est vigoureuse, et son visage est beau ;
C’est un fol chevalier, neveu de la tempête,
Qu’importe si, bientôt, c’est sa mort qui s’apprête,
Il saura se tenir très bien dans un tombeau.
Son orgueil d’autrefois est parti en lambeaux,
Et son goût de la drague, et son sens de la fête,
Car il a bien fini de se prendre la tête ;
À d’autres paladins il laisse le flambeau.
On le trouve affaibli, mais qu’à cela ne tienne,
Il poursuit son chemin sans rien qui le retienne,
Il ne cultive plus les exploits décoiffants.
Dans la sérénité sur l’herbage il se pose
Près des fleurs qu’il aimait quand il était enfant,
Pour leur parler toujours du prince et de la rose.
Ambipoisson qui doute
L’ambipoisson martien sait-il qu’il est heureux ?
Il n’a pas d’égérie, démone ni déesse,
Car à nulle poissonne il n’a fait des promesses ;
Et toujours en secret son coeur fut amoureux.
Or, tu pourrais trouver ce destin rigoureux,
Mais non pas accuser son porteur de rudesse :
La sirène des flots, sans être sa maîtresse,
Lui adresse souvent des regards langoureux.
De lui, nul empereur ne voulut faire un prince,
On ne le vit jamais gouverner des provinces,
Ce sont là des honneurs qu’il ne recherche pas.
L’ambipoisson martien ne se met pas en peine,
Bien loin de cultiver une espérance vaine ;
C’est chose vers laquelle il ne fait aucun pas.
Sainte Bécassine
C’est la chanson de Sainte Bécassine.
Tous ses amants fredonnent ce doux chant
Sur le chemin où je les vois marchant,
Qui vers le soir vont boire une chopine.
Bécassine est plus douce qu’une ondine,
Je suis séduit par son regard touchant ;
Et le soleil lui dit, en se couchant,
Qu’il l’aime autant que Dame Lune Fine.
Nous admirons le village où tu vis,
Qui au terroir ne sera point ravi,
Ni le clocher, ni la place où l’on danse.
Or, tout un jour, Bécassine a dansé,
Ce dont les saints ne furent offensés
Auxquels, toujours, notre Armorique pense.
Saint Bardamu
Bardamu fut ascète, en tant qu’adolescent ;
Il avait pour amis les gens du monastère
Et plus que chacun d’eux il se montrait austère,
Ce que ces frères-là trouvaient intéressant.
Il n’a jamais choisi un protecteur puissant,
Il est toujours resté un ami de la Terre ;
Personne, de son fait, ne fut mis en galère,
Et je vois bien des gens qui le vont bénissant.
Jamais son bel esprit n’entretint de grands doutes,
Libre fut son allure et droite fut sa route ;
Du diable, il n’a jamais signé le parchemin.
Bardamu, je le crois, méritait ce poème,
Car c’est un personnage, un saint comme on les aime
Et dont on est heureux de croiser le chemin.
Zoom and Unzoom
C’est le changeur d’échelle, il est assez retors.
Il agrandit souvent les images dorées
Qui dans les lieux sacrés sont par nous honorées,
Tant les dilate-t-il qu’on n’en voit plus les bords.
Or, de mainte vignette, il exhume un trésor
Dont se trouve aussitôt la foule enamourée ;
D’autres fois, les beautés richement figurées
Dans le moindre détail nous dévoilent leur corps.
Il divertit les rois, il instruit les ascètes ;
Plus d’un marquis pour lui puise dans sa cassette,
Même, comme ministre on l’a voulu nommer.
Mais il s’amuse avec les reflets dans la glace
Dont, à sa volonté, les contours se déplacent ;
Pour faire un tel métier, sans doute, il faut l’aimer.
Cerf-girafe
Sa mère fut girafe, on a lieu de le croire,
Ce dont le cervidé ne tire aucun orgueil,
Car cela ne lui fait gagner nulle victoire,
Sinon d’avoir besoin d’un plus vaste cercueil.
Être giraffidé, ce n’est pas une gloire
Et pour ses deux parents il mena même deuil,
De girafe et de cerf la commune mémoire
En son hybride esprit subsiste sans écueils.
Mais cet état de fait n’aurait-il aucun charme ?
Voit-on le cerf-girafe essuyer une larme ?
Non, il aime son sort, sa mère y a veillé.
Il contemple, au couchant, le ciel couleur de flamme,
Sachant que l’univers n’est nullement infâme
Et qu’à de beaux sonnets l’on y peut travailler.
Arbre d’inframonde
C’est l’arbre d’inframonde, et sa ramure est belle,
Mais il ne voit jamais la lumière du jour ;
C’est un arbre sans fruit, sans fleur et sans amour
Qui de notre univers n’a jamais de nouvelles.
Un froid seigneur lui dit, de sa voix paternelle,
Que l’inframonde aura de la gloire, à son tour,
Que le serpent d’antan lui portera secours
Et le dieu du trou noir que le cosmos congèle.
Le seigneur a promis des fleurs et des troupeaux,
Un roi plein de douceur, une mignonne reine,
Il rehausse à plaisir les couleurs du tableau.
Or, ce n’est que mensonge, et l’arbre est dans la peine :
Pour lui ne coulera le sang d’aucun agneau,
Nulle vierge, non plus, ne sera sa marraine.
L’inventeur de la roue
Aux très anciens temps de l’histoire,
N’en soyez pas effarouchés,
Nous laissions les monstres toucher
Aux objets de nos territoires.
Ces artisans aléatoires,
Nous ne pouvions les empêcher
De bricoler et de tricher
Pour une improbable victoire.
Parmi eux, le griffon joyeux,
Lissant son plumage soyeux,
Au coeur de l’atelier s’ébroue ;
Il prit quelques outils épars
Et par l’effet de son grand art
Il fut l’inventeur de la roue.
Fantôme d’un écureuil
Un écureuil jadis dansait parmi les fleurs ;
De le revoir ici ton espérance est vaine,
Il a quitté ce lieu de plaisir et de peine,
De veille et de sommeil, d’amour et de douleur.
Or, tu peux, toi aussi, échapper au malheur,
À tout ce qui t’abîme, à tout ce qui te gêne ;
Les morts dans leurs cercueils ne portent pas de chaînes
Et de leurs descendants n’entendent pas les pleurs.
Si tu crois qu’un défunt en un spectre se change,
Je ne te suivrai point : ce phénomène étrange,
Quel que soit son statut, n’est pas de mon ressort.
Le fantôme, pourtant, cette ombre vagabonde,
Se plaît à visiter les jardins de ce monde,
Qui, dans sa distraction, ne sait pas qu’il est mort.
Arbres des jardins
Je vous ai traversés, jardins inégalés,
Des feuilles j’entendais les muettes paroles ;
Assez simple est leur style, elles n’ont pas d’école,
On ne les voit jamais leur culture étaler,
Ni dans les Facultés en thèse s’enrôler.
Ni, pour passer le temps, forger d’obscurs symboles.
Ces feuilles sans lourdeur qui dans le vent s’envolent
Sentent venir l’hiver, sans pourtant s’affoler.
Dans ces jardins, j’appris mille charmantes choses
En observant les fleurs qui s’y trouvent encloses,
Y compris la pensée, y compris le souci.
Cet endroit qu’en hiver le vent trouble et dérange,
Mon esprit l’aime tel que les saisons le changent,
Mesurant le bonheur que j’ai de vivre ici.
Nef sans destination
Je suis la nef sans but qui vainement serpente ;
Que l’océan soit calme, ou qu’il soit agité,
Que le ciel soit obscur ou rempli de clarté,
Me conduit au hasard ma gouvernance absente.
Je ne suis pas de ceux qui du trouble ressentent
Ou qui d’un juste cap craignent de s’écarter,
Je ne me souviens plus des lieux que j’ai quittés ;
Un beau rayon de lune, et mon âme est contente.
Au coeur des vastes flots, nul ne m’a secouru
Et j’ai, seul et sans voix, ce chemin parcouru
Qui après l’horizon, sans doute, se termine.
Je ne suis qu’un vaisseau, je supporte l’ennui
En traçant calmement la route d’aujourd’hui :
Je ne suis qu’un errant qui lentement chemine.
Fruits d’antan
C’est un peu grâce aux fruits que la nature est belle
Et savoureuse aussi, car ils sont odorants;
Ils plaisaient au vieillard quand il était enfant,
Qui à de tels plaisirs est volontiers fidèle.
Au profond du verger, deux oiseaux se querellent,
Mais le litige entre eux ne doit pas être grand,
Car on les voit bientôt, ces beaux fruits savourant,
Animer cet endroit, tels des oiseaux modèles.
Plutôt modestes sont les dieux de ce terroir,
Peut-être même atteints d’un certain nonchaloir ;
La flore pour cela leur est obéissante.
Au début de l’hiver, quand le vent souffle fort,
Nous aimons la chanson des ramures géantes ;
Aussi, les craquements de quelques arbres morts.
Montagne est inframonde
Montagne, on dit que tu es dangereuse,
Qu’au charpentier, tu as tourné le dos ;
Mais je l’ai vu qui allait en rando,
Marchant vers toi par une voie ombreuse.
Ceux qui te font visites peu nombreuses
Sont satisfaits de tes petits cours d’eau ;
Ils sont sportifs, et non simples badauds,
Tu les connais, montagne chaleureuse.
Quelques errants, du monde abandonnés,
Comme inframonde ont pu te condamner ;
Or, toi, sans être un enfer ordinaire,
Tu fus nommée un lieu de triste sort,
Où brusquement la vie peut se défaire ;
Mais par ailleurs, est-il plus belle mort ?
Fleurs d’un monde invraisemblable
Notre monde est-il étrange ?
Notre herbage, il est mouillé,
Nos chemins sont de la fange,
Nos ruisseaux sont bien souillés.
Les corps en terre se changent,
De leur âme dépouillés ;
Car il n’en sort pas des anges,
Ni des saints agenouillés.
Vraiment, ce monde ressemble
Aux dortoirs où se rassemblent
Des oiseaux pleins d’amitié ;
Pourvu que leur nuit soit calme,
Ils s’aimeront sous les palmes ;
La Nature en a pitié.
Dragons des points cardinaux
Ces quatre dragons-là font un commerce louche,
Nul ne voit clairement quels sont leurs intérêts ;
Car ceux qui ont voulu savoir ce qu’il en est
Furent intimidés par ces êtres farouches.
Un invisible feu sort de leur vaste bouche,
Qui nous peut aveugler, paraît-il, quand il naît ;
Détenteurs de cette arme, ils font ce qui leur plaît,
N’en déplaise aux prêcheurs et aux saintes-nitouches.
Sur ces différents points, je ne les juge pas ;
Ils ne feront jamais d’un barde leur repas,
Nobles monstres qu’ils sont, ils savent se conduire.
Ce n’est pas leur propos de devenir des saints,
Mais qui donc le voudrait, dans ce monde malsain ?
On peut se contenter, d’abord, de ne pas nuire.
Joli taureau de gueules
Ton corps ne donne pas d’ombre triste au tableau,
Ton âme est sans défaut, ton coeur n’est pas de glace ;
Une vraie joie de vivre emplit ta rouge face,
Joli Seigneur Taureau, c’est bien toi le plus beau.
Tu te sers de ta queue ainsi que d’un pinceau,
Les vieux signes chinois tu écris avec grâce ;
Hiéroglyphes sacrés, que nul trait ne remplace,
Ni ce que nous propose un alphabet nouveau.
Or, ton nom fut jadis tracé par la déesse
Dont les ardents désirs nullement ne te blessent,
Qui de ton noble chef voudrait faire une lyre.
Je recopie ce nom, ainsi le voilà peint
Sur le mur du clapier où j’élève un lapin,
Un modeste animal qui ne peut pas le lire.
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