Sagesse du pluvian
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mikael
Cochonfucius
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Sagesse d’une orchidée
Cette plante fleurit au coeur du val ombreux
Où fit sa promenade, autrefois, Roland Barthes ;
Sa couleur resplendit quand l’ombre s’en écarte
Et son parfum s’élève au sous-bois ténébreux.
En offrant à l’insecte un nectar savoureux,
Elle sait lui transmettre, avant qu’il ne reparte,
La science du terrain, plus sûre qu’une carte,
Et peut faire confiance à ce bel amoureux.
En sa grande sagesse, ainsi, la fleur demeure
Pour que la poésie du bois jamais ne meure,
Ou du moins, pas avant la mortelle saison.
D’averse et de soleil elle tire sa force,
L’arbre, pour elle, est bon, malgré sa rude écorce ;
Puissions-nous vivre aussi de telles floraisons !
Apothicaire alchimiste
L’alchimiste a lentement préparé,
En montrant même un peu de gourmandise,
Une potion qui sent la vieille église,
Ou d’un sous-bois le parfum éthéré.
C’est la potion dont lui-même se grise
Et dont il peut aussi se restaurer ;
Elle est formée d’insectes mordorés,
De chocolat, de lait, de fleurs exquises.
Poudre écrasée au creux d’un mortier lourd,
Jus fermenté au secret d’une alcôve,
Une senteur de fruit, sauvage et fauve,
Sur l’estomac, ce philtre est un velours,
Tout imprégné d’une sagesse pure,
Mais son effet pas bien longtemps ne dure.
Grand basilic d’or
Le grand basilic d’or aime les mois d’été,
La lumière est pour lui un bienfaisant liquide ;
Il s’étale au soleil, son esprit fait le vide,
La nature et son âme ont la même clarté.
C’est un savant reptile, amateur de beauté,
Savourant la couleur des raisins translucides
Ou le subtil éclat d’un lac aux eaux limpides ;
Mais il aime surtout flâner en liberté.
Puis l’automne s’en vient, les pommes arrondies,
Merveilleux ornement des prés de Normandie,
Autrefois célébrées par Guy de Maupassant.
Les vapeurs du calva chatouillent ses narines,
Faisant vibrer son coeur plus vite en sa poitrine ;
Mais il n’en prend pas trop, cet alcool est puissant.
Nef précaire
Je sais que l’Atlantique est indulgent pour moi,
Car de ma nef précaire est chaque vague éprise ;
Autre que lac paisible, autre que mer exquise,
Camarade océan, je me remets à toi.
Je sais que tu agis selon de justes lois,
Des modestes pêcheurs tolérant l’entreprise :
Quand tu es parcouru d’une charmante brise,
Je n’hésite jamais à t’accorder ma foi.
Si ton âme est parfois en autre humeur encline,
Je laisse aller la nef, ma volonté s’incline,
Je peux bien dériver tout au long des courants ;
Nous savons que la mer a des métamorphoses,
Que la voie du marin n’est pas jonchée de roses,
Mais c’est ainsi qu’il vit, c’est ainsi qu’il est grand.
Drac de sable
Le drac de sable est fort, son coeur est plein de vie ;
Donne-lui de l’ouvrage, il le fait sans effort,
Offre-lui les périls, il ne craint pas la mort,
Et sa soif de plaisir n’est jamais assouvie.
Par la beauté des cieux, sa grande âme est ravie,
Ou par celle des flots qui enchantent le port ;
Sur ses ailes de monstre, il prend un bel essor
Et s’éloigne en un vol qui jamais ne dévie.
Son plumage est absent, ça ne lui manque point,
Les oiseaux sont servis mieux que lui sur ce point,
Mais il aime les voir, eux qui sont ses semblables.
Or, parfois il se pose, il marche à petits pas,
D’un fruit tombé de l’arbre il fait un bref repas ;
Cette simplicité se montre inégalable.
L’oiseau de septembre
Voici le bel oiseau de flammes
Dont le coeur n’est pas engourdi ;
La lumière envahit son âme,
Il entrevoit le paradis.
Il sait rimer des épigrammes
Et des sonnets, on me l’a dit ;
Il l’a fait pour deux ou trois dames,
Ce beau travail fut applaudi.
Il voudrait rencontrer la reine,
Entendre sa voix de sirène,
Toucher sa robe de velours ;
Mais cette reine, un peu mystique,
A dit, devant ses domestiques :
« Ce bel oiseau n’est qu’un balourd. »
Biche magique
Invisible pour les touristes,
La biche danse dans les bois,
Où trois lutins jouent du hautbois ;
Et ce spectacle n’est pas triste.
Pour le peindre, il faut un artiste
Qui soit insensible aux effrois :
Le serpent, dont le coeur est froid
Sous ses écailles d’améthyste.
Pour pinceau, des rameaux de buis
Trempés dans l’onde d’un vieux puits,
Sous la lumière presque éteinte.
Son coeur est froid, mais bien profond ;
J’admire ses regards qui vont
Expertiser les demi-teintes.
Sagesse d’une coquille
Saint-Jacques, tu écris des poèmes d’amour ;
Tu as le souvenir d’une Aphrodite nue
Que tu fis naviguer par les mers inconnues,
Dans la splendeur des nuits, sur l’écume des jours.
Le corps de la déesse a pu te sembler lourd,
Mais pour elle, aussi bien, tu atteindrais les nues
Ou même l’inframonde aux sombres avenues,
Aux charmes de Vénus ton grand coeur n’est pas sourd.
Puisse ta poésie ne pas être étouffée ;
Tu ne la produis point pour gagner des trophées,
Tu ne l’annonces point en battant le tambour.
Les muses savent bien que tu leur fais la cour,
Et comme, paraît-il, elles sont un peu fées,
Tu gagneras peut-être un corps de troubadour.
Héron de Gironde
Grand héron de Gironde, échassier fort subtil,
Nous te voyons danser dans la verte nature ;
Au bord d’un long cours d’eau, tu cherches ta pâture,
Le poisson le plus noble ou le ver le plus vil.
Tu dégustes septembre et tu goûtes avril,
Sur le clair littoral, tu pars à l’aventure,
Héron plein d’optimisme, heureuse créature
Que ne rebute point l’effort ou le péril.
Je sais que cet oiseau ne manque pas d’audace,
Ça ne me gêne pas qu’il soit un peu vorace,
Car à l’écosystème il ne fait que du bien.
Admirable est son corps et paisible est son âme ;
À l’heure où le Ponant prend des couleurs de flamme,
Il admire ce monde où ne lui manque rien.
Quatre récits
Ces quatre narrateurs, qui peut les imiter ?
Ils ont vu de l’amour la secrète puissance,
Ils ont vu d’un errant la tranquille assurance ;
Ils racontent cela, dans leur simplicité.
Était-ce pour le monde une nécessité
De faire à des puissants perdre leur arrogance ?
Les écrits d’autrefois ont répondu d’avance,
Eux qui vont décrivant le monde illimité.
Quand cet arbre de mort devient arbre de vie,
L’homme voit qu’un Sauveur au jardin le convie,
Dont les quatre témoins rapportent le discours.
Le livre est un garant qui jamais ne trépasse ;
Il suffit qu’un lecteur le récite à voix basse
Pour qu’il porte avec joie la pesanteur des jours.
Lions de Charlemagne
Les lions portent la fleur, symbole de l’empire,
Pour servir Charlemagne ils quittent le désert ;
Ayant sur une nef passé la vaste mer,
Ils savourent ici la fraîcheur qu’ils respirent.
Ils ne sont pas venus manger une martyre ;
Le scribe du palais leur consacre ses vers,
Mais ils doivent rester dans leur cage en hiver,
Même si la blancheur des neiges les inspire.
Un imprudent parfois les flatte de sa main ;
Le petit chat se prend pour leur cousin germain,
Tout en sachant qu’ils sont venus d’un autre monde.
Un seul petit souci : nulle lionne n’est là,
Ces deux monarques sont privés de leur smala,
Leur vie est en ce lieu purement inféconde.
Splendeur de Maître Coq
Pour lui, la basse-cour est une vaste plaine ;
Le Seigneur Coq médite, en son fief isolé,
De poules entouré, d’éperviers survolé,
Son esprit connaissant le plaisir et la peine.
Il ne va sur les flots parler à la sirène,
(Ces dames, cependant, savent fort bien parler),
En ses songes nocturnes, il peut la contempler,
Il a de l’affection pour sa figure humaine.
«Vieux coq, accepte à boire, et puis, raconte-moi
Si le chien de la ferme est aimable avec toi,
Si l’on ne te prend point des plumes pour écrire.»
«Rhapsode, je vis bien, tu ne verras ici
Pas le moindre animal se faisant du souci,
Et même, le cochon passe son temps à rire. »
Gardien de sinople
Face à lui, nul démon ne prendra son essor ;
Il ne redoute ici ni monstre ni Méduse,
Ni les enchantements que le sorcier diffuse,
Ni l’archange pervers qui descend du ciel d’or.
Il va sur la toiture, il s’approche du bord,
Dévorant les morceaux que nul ne lui refuse ;
Son âme est fort vaillante, et nullement confuse,
Il garde le palais sur tribord et bâbord.
Les diables du lointain peuvent venir par groupes,
Ils auront toujours peur qu’il leur morde la croupe ;
Ils seront emportés par le flot vagabond ;
Ici, nul chevalier ne brandit une lame,
Nul défenseur humain ne se dresse d’un bond :
Car ils préfèrent boire, ainsi qu’ils le proclament.
Vigne prodigieuse
Ces merveilleux raisins qui l’arc-en-ciel reflètent
Ont-ils aussi le goût des astres, qui le soir
Se contemplent en eux, ainsi qu’en un miroir,
Même s’il est porteur d’une image incomplète ?
La lune de septembre à ce vignoble prête
Une blanche lueur, pâle sur un fond noir ;
Le pampre qui frémit sous un masque d’espoir
Rêve du vin, des chants et des cris de la fête.
La vigne boit le feu du soleil jamais las,
Elle garde l’empreinte anonyme des pas
Des patients vignerons qui la veulent féconde.
Car elle est l’Avenir de nos joies, de nos pleurs,
Du printemps verdissant notre terre profonde,
Et surpasse la grâce irréelle des fleurs.
Sapience de Bouddha
Bouddha n’est pas le fils de Prométhée,
Nulle grillade il ne va dévorant ;
Tu ne le vois jamais s’enamourant
D’une beauté qui lui est présentée.
Or, sa grande âme, à la flamme apprêtée,
Prend soin d’autrui qui soudain va mourant,
Cet humain dont la voile déventée
Au fil du vent ne va plus espérant.
Ne crains donc rien, plébéien misérable,
Ne lâche point la charge qui t’accable,
Tu peux chanter au seuil de ton trépas.
Le grand Bouddha ressemble à la Tortue,
Car sa lenteur ne le retarde pas,
C’est sans effort que son coeur s’évertue.
Moulin fatidique
Le Cavalier suédois vint ici en maraude ;
Le moulin fut baigné d’un hivernal soleil,
Les frelons du bocage étaient en plein sommeil,
Sous la neige dormait la prairie d’émeraude.
Dangereux sont les champs, tant de soldats y rôdent !
Officier, malfaiteur, après tout, c’est pareil :
Le meunier verse aux deux le breuvage vermeil,
En bas de l’édifice est une pièce chaude.
Du soleil à présent s’affaiblit le rayon ;
Des archanges, légers comme des papillons,
Se cachent dans un arbre à l’immobile sève.
Assez rapidement, le lecteur perd le fil,
Maître Léo Perutz est un auteur subtil,
Il raconte une vie plus étrange qu’un rêve.
Monseigneur le Dauphin
Monseigneur par ces lieux ne passe pas souvent ;
J’admire, quand il vient, sa grâce plus qu’humaine.
De Garonne le flot l’emporte et le ramène,
Il est plein de bonté pour ses humbles servants.
Il salue quelques nefs qui le vont poursuivant,
S’en approche à son tour et les rejoint sans peine ;
Chacun prend son plaisir dans cette course vaine,
La nef et le dauphin sur les ailes du vent.
Pour ce noble seigneur la vie n’est pas cruelle,
Il veille à profiter de ses joies rituelles,
Et je trouve que c’est un exemple pour moi.
Je veux lui ressembler, si c’est chose possible,
Avoir un esprit libre et débordant de foi,
À la beauté du monde infiniment sensible.
Blason lunaire du coq de sable
La grandeur qu’à ce coq il advint d’acquérir,
Lui faisant éclipser la gloire paternelle,
Sur son blason lui vaut une lune éternelle,
Comme duc il ira sa fortune quérir.
Et même si la lune en venait à périr,
La noblesse du coq resterait immortelle :
Car ses mérites sont d’une abondance telle
Qu’un astre face à lui ne peut surenchérir.
L’honnête basse-cour où son devoir le lie
Plus grande lui paraît que Rome en Italie ;
Il n’irait point régner sur ces bords étrangers.
La lune et Jupiter, et le soleil encore,
Et Saturne au lointain, que ses anneaux décorent
Sous le pouvoir du coq sont venus se ranger.
Ambipiaf de gueules
De gueules, l’ambipiaf à la démarche lente
Ne proteste jamais contre l’adversité ;
Il accepte le poids de la nécessité,
Sans cesser de mener une vie indolente.
Il aime, au poulailler, la volaille parlante
Dont il ne peut avoir nulle postérité ;
Il contemple le monde et sa fragilité,
L’humaine frénésie lui semblant insolente.
Jamais il ne se plaint de la rigueur du sort,
Il sait que l’existence aboutit à la mort,
Mais que la dure loi est parfois compensée
Par un léger bonheur qui vient à petits coups ;
Il ne sait pas quoi faire avec cette pensée,
Cette règle du jeu ne lui dit rien du tout.
Douceur éléphantine
Cet éléphant, loin d’être fou,
Est un partenaire très doux ;
Nous le maquillons pour nos fêtes,
L’un de nous monte sur sa tête.
L’éléphant veut bien boire un coup ;
Ça ne nous coûte que trois sous,
Le vendeur de bière est honnête,
L’éléphant devant lui s’arrête.
Avec lui, nous batifolons
Et nous découvrons des merveilles ;
Il nous transporte nos bouteilles.
Mais au bout d’un trajet bien long,
Ce beau pachyderme sommeille,
Rêvant qu’il voyage en ballon.
Douceur éléphantine
Cet éléphant, loin d’être fou,
Est un partenaire très doux ;
Nous le maquillons pour nos fêtes,
L’un de nous monte sur sa tête.
L’éléphant veut bien boire un coup ;
Ça ne nous coûte que trois sous,
Le vendeur de bière est honnête,
L’éléphant devant lui s’arrête.
Avec lui, nous batifolons
Et nous découvrons des merveilles ;
Il nous transporte nos bouteilles.
Mais au bout d’un trajet bien long,
Ce beau pachyderme sommeille,
Rêvant qu’il voyage en ballon.
L’oie de la nutrition
Une oie se nourrissait de l’herbe qui foisonne,
Passant des jours heureux dans les prés verdissants;
Mais peu longtemps dura ce bonheur florissant,
Vint l’aigle qui ses plats de douleur assaisonne :
Dans la sérénité du champ que l’on moissonne,
La grande oie se compare à du blé blondissant
Ainsi qu’à du maïs bellement jaunissant
Ou encore au festin qu’un cuisinier façonne.
Et, se montant stoïque, autant qu’un vieux Romain,
Elle dit « Je remets mon âme entre les mains
Des dieux qu’on adorait aux époques antiques. »
Sans doute, elle a raison, l’aigle n’est qu’un glaneur,
Puisque tout prédateur se nourrit des reliques
D’un autre corps nourri par le bon moissonneur.
Nef des vendeurs de minotaures
Les marchands, protégés par plusieurs déités,
Remontent sur leur nef les fleuves de Saintonge ;
Tous leurs bestiaux sont beaux, ce n’est pas un mensonge,
Rien, pour ces commerçants, ne vaut la vérité.
Les clients sont heureux de cette nouveauté,
À Dédale, à son fils, au labyrinthe ils songent,
Au fil qu’un visiteur dans les couloirs allonge,
Au premier Minotaure, empli de cruauté.
Ceux-là sont sans danger, car ils sont en bas âge,
Monstres qui volontiers acceptent le servage
Et qui s’efforcent d’être utiles pour l’humain.
Le village est en fête, on a fleuri la place,
Les petits éleveurs boiront jusqu’à demain :
Qui voit un minotaure est en état de grâce.
Hommage à Liliana Negoi
Le sombre flot sur la pierreuse grève,
La lune inerte et qui ne le suit point ;
Le flot se brise et se défait sans trêve,
Dentelle ornée d’écume, à petit point.
Écho de vague au coeur de la nuit brève,
Chant de sirène à la douleur qui point ;
En insomnie, je refoule mes rêves,
Dessous ce flot je les scelle avec soin.
L’écume vient d’un passé révolu,
Frappant le bord d’un coeur irrésolu ;
Dépoussiérant des larmes invisibles.
Larmes sur mon visage minéral,
Noir flot sculptant mon désarroi moral,
Cette dentelle est pensée inaudible.
Re: Sagesse du pluvian
L’âne raconte, et parfois il soupire ;
En a-t-il vu, des chevaliers transis !
Mais parfois il décrit en raccourci
Des lieux lointains le meilleur et le pire.
Il a connu les palais de porphyre
Gouvernés par des moines sans souci :
Il dit la mort, et les amours aussi,
Il dit enfin plus que je ne sais dire.
Sur cette route il ne fait que passer,
Porteur de grains par grands sacs entassés,
Il apprécie les chemins qu’il explore.
C’est le baudet sans peur et sans émoi,
Âne, tu sais, j’aime écrire pour toi
Qui ce chemin de ton passage honores.
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