Sagesse du pluvian
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mikael
Cochonfucius
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L’intérieur du reflet
Le miroir reflète un mystère,
Le monarque en reste ébahi :
Lui qui règne sur des pays
Craint ce prodige élémentaire.
Le miroir montre un monde austère
Où les vivants sont engourdis ;
On n’y voit pas le paradis,
Mais pourtant c’est une autre Terre.
Le cadre qu’on tient d’une main
Contient l’infini des chemins,
Un peu d’amour, un peu de haine,
Plusieurs renards, quelques corbeaux,
Des chapelles et des tombeaux,
Une mer, avec des sirènes.
Steppenwolf
Le loup de la steppe, un loup véritable,
Chasse sur la pente et dans le ravin ;
Au coeur de la steppe, un dahut s’en vint,
Un gibier pareil est-il profitable ?
Le dahut, peut-être, on le chasse en vain.
Animal farceur et peu charitable,
Son déséquilibre est bien redoutable ;
Je crois qu’il l’obtint par décret divin.
Or, le prédateur et sa panse vide
S’en vont maudissant le monstre perfide
Dont a retenti le cri discordant.
Camarade loup, tu n’es pas prospère ;
Auras-tu les proies que ton ventre espère ?
Ton coeur le demande au soleil ardent.
Ambijumart de gueules
Le rouge ambijumart n’a besoin de personne,
La lune et le soleil sont ses seules amours,
Maîtresse de ses nuits et seigneur de ses jours.
Il ne connaît ni dieu, ni diable, ni madone.
Qui dira s’il est pur, et si son âme est bonne ?
Nous savons que sa robe est faite de velours
Et que ses fins sabots produisent un bruit sourd ;
Qu’il n’a pas un regard pour la jument mignonne,
Qu’il ne désire point contempler ses enfants,
Que jamais pour l’amour il ne prend fait et cause,
Vraiment, l’ambijumart est un bestiau morose.
Et peut-être, ce monstre appartient au néant
Qui procure à son corps la fraîcheur infinie,
Une vie dans la mort et la mort dans la vie.
Ambiprêcheur
L’ambiprêcheur transmet des vérités rimées ;
Son style relevé, sa rigoureuse ardeur
Triomphent aisément des diables sans pudeur,
Et de ses auditeurs les âmes sont charmées.
Or, leur soif de péché se trouvant désarmée,
Dans l’antique sagesse ils trouvent leur bonheur ;
Je les vois progresser dans la voie de l’honneur
Qu’aux saisons de jadis leurs parents ont aimée.
Le prêche leur apprend ce qu’ils ne savaient pas,
Leur fait redécouvrir les choses d’ici-bas,
Vers des lieux étonnants leur conscience est ravie.
Car cet ambiprêcheur a de beaux sentiments,
Son coeur est inspiré, tel celui d’un amant,
Son langage exécute une danse de vie.
Ambicrabier
Il cherche tout le jour, sans jamais rien trouver,
Ces moments ne sont point parmi les heures fastes,
Les crabes sont cachés, le marécage est vaste,
Ils ne sont pas en vue, ils sont sous les pavés.
Cependant, par la faim, il n’est pas entravé,
Il endure son sort, car il est sobre et chaste;
Jamais un échassier ne fut iconoclaste,
Et jamais on ne vit sa vertu dériver.
Vous ne le verrez pas quémander aux faubourgs
Ni vanter son mérite au coin d’un carrefour,
Car son coeur est plus pur que celui des licornes.
Créateur, pourra-t-il trouver grâce à vos yeux ?
Cet oiseau fait confiance au jugement des dieux,
Innocence bénie, crédulité sans bornes.
Soldat perdu
C’est un trop paisible troupier
Qui dit que la vie est cruelle,
C’est presque un soldat de papier
Dont l’angoisse est perpétuelle
Deux mille bornes dans les pieds,
Les repas pris à la truelle,
Il ne sait plus trop son métier,
Se traînant au long des ruelles.
La peur du combat le hérisse ;
Il craint les coups tumultueux
Et les ennemis tortueux.
La grande Histoire toujours glisse
Sur ses équipements anciens,
En plus, il fait un temps de chien.
Moyen duc
Le hibou ne sait pas s’il a droit d’exister,
Mais la nuit apprécie sa course vagabonde ;
Ces oiseaux sont connus comme espèce inféconde,
Mais qui se reproduit pendant l’éternité.
Jamais de son branchage il ne fut rejeté,
Ce témoin de l’antique et premier jour du monde :
D’un excellent plumage on fit sa tête ronde,
Qui la neige paraît sous l’azur de l’été.
Le cerveau du hibou est presque translucide
Au point qu’on peut penser que son crâne est bien vide,
Que ce n’est qu’une épave, un esprit dérivant.
Mais il a pour parrains deux anges solitaires
Dont les âmes, jamais, ne peuvent toucher terre :
Car, comme ce rapace, ils sont nourris de vent.
Serpent démiurge
Le serpent fit ce monde au gré de sa mémoire,
Il ne l’a pas bien fait, l’acte fut si soudain !
Il ne corrige rien, c’est un serpent hautain,
La retouche vaudrait offense pour sa gloire.
Il n’a jamais compris le sens du verbe «croire»,
Je lui ai précisé, mais ce fut bien en vain,
Je faisais tout cela pour qu’il lui en souvînt,
Mais non, son ignorance emporta la victoire.
J’avais, comme prophète, une telle rigueur
Que l’univers était appuyé sur mon coeur :
Je ne me prenais pas pour un être suprême.
Ceci est un sonnet, ce n’est pas un roman,
Et ce texte et ma vie finiront simplement :
Quand l’encrier se vide, on écrit tout de même.
Meneuse de loups
Son bâton n’est pas en ivoire,
Il n’est pas d’un grand prix ;
Mais elle règne par l’esprit
Et par le Roi de Gloire.
Ne voulant point d’une victoire
Qui trop tôt se flétrit,
Elle ne croit pas aux écrits,
Ces porteurs de déboires.
Mais elle peut chanter des vers
Aux pâturages verts,
Sans nul besoin de savoir lire :
Un beau bâton de peuplier,
Un joli tablier,
Cela peut valoir une lyre.
L’oiseau de juillet
J’aperçois son reflet au milieu du carreau :
C’est un oiseau bizarre, une caricature,
Un phénomène dont j’ignore la nature,
Nul oiseleur ne l’a derrière ses barreaux.
Aucun dessinateur n’en a fait le tableau,
Son bec est redoutable et ses griffes sont dures ;
De ces sombres jardins il franchit la bordure
Pour s’en aller chasser tout seul, au bord de l’eau.
Vers son lointain logis, qui le pourrait poursuivre ?
Son plumage d’argent a des reflets de cuivre,
Son regard est sévère, et quelque peu sournois.
Plus orné qu’un prélat vêtu de broderies,
Ce volatile étrange est maître en rêverie
Tel le phénix aimé des poètes chinois.
Abel-Baal et Baal-Caïn
Le ver Baal, qui plus tard fut dieu des idolâtres,
En ses deux héritiers, jadis, mit son honneur,
Grands serpents l’un et l’autre, animaux randonneurs;
Hélas, pour une pomme ils ont voulu se battre.
Ils n’ont rien partagé, dans le printemps folâtre,
Car de la même dame ils voulaient le bonheur,
Chacun du fatal fruit se voulant le donneur,
Comme si cette reine eût été Cléopâtre.
Chacun, dans le combat, fut saigné comme un porc,
Cet Abel, ce Caïn sont unis dans la mort
Quand d’être tentateurs il leur prit fantaisie.
Or, ce double trépas ne fit point dépérir
Celui qui leur avait, c’est vrai, donné la vie,
Mais sans leur enseigner la crainte de mourir.
Dame des friandises
Elle n’imite point la muse, sa jumelle,
Qui la rime en son coeur souvent fait mijoter ;
Elle n’est pas non plus dame des privautés,
Mais comble d’aliments les fringales nouvelles.
Dans son vaste plateau, que les douceurs sont belles!
Mais ce que nous mangeons, ce n’est pas leur beauté,
C’est leur suavité qu’on aime grignoter :
À nulle sucrerie notre coeur n’est rebelle.
Petits creux, grandes faims, on n’y résiste pas,
On prend le chocolat dans le placard du bas
Ou l’on ferme ses dents sur la pomme croquante ;
On peut manger de trop, c’est un risque à courir,
Mais consommer trop peu, ce n’est pas se nourrir,
Jamais sobriété ne fut chose marrante.
Vénérable Seigneur Sanglier
Je me plais à régir ma forêt coutumière,
Territoire paisible où n’est aucun frondeur ;
Quand Phébus disparaît aux noires profondeurs,
Ma complice la Lune accomplit sa carrière.
Je médite sans fin dans sa douce lumière,
Sans jamais en hiver objecter sa froideur :
Car sa clarté me donne une belle vigueur,
Et me fait occuper ma place, la première.
Jamais cette forêt ne s’en va de mon coeur,
Cette terre sans roi, qui me voit en vainqueur,
Le monde qui me plaît, le jardin que j’adore.
Je veux pour tout objet l’avoir en mon esprit ;
Contempler sa splendeur, en estimer le prix,
Manger, boire, dormir et méditer encore.
Seigneur tourteau de sinople
Il sait se contenter du simple nécessaire,
Lui pour qui l’océan prodigue ses bienfaits.
Quoi qu’il mange ou qu’il boive, il le trouve parfait,
De bons morceaux il est l’heureux destinataire.
Aux danses des poissons il aime se distraire,
De leurs vifs mouvements ne se lassant jamais.
C’est un brave seigneur, c’est un tourteau de paix,
Nul habitant des mers ne dira le contraire.
Tel est le peu de biens dont, tranquille, il jouit:
Le sable dans lequel, parfois, il s’enfouit,
Les étoiles de mer, les coquilles qu’il compte.
Suzerain sans vassaux, maître sans ambition,
Expert en ascétisme et en dépossession,
Plus heureux que ne sont les barons et les comtes.
Serpent nostalgique
J’entends un serpent qui soupire
Et cela me surprend beaucoup ;
C’est leur roi, que tous ils admirent
Et dont le discours est si doux.
Ce vieux roi ne veut rien me dire,
Mais vous parlera-t-il, à vous ?
Il le pourrait, dans un délire,
Si votre écoute est à son goût.
De sa royale destinée,
Rien ne lui laissent les années :
Le roi reptile est pris de court.
Ses maîtresses, jadis émues,
Se montrent froides à sa vue,
Froids aussi les grands de la Cour.
Nostalgie ferroviaire
Vers le vaste Océan et son plaisant rivage,
Nous empruntions un train qu’admiraient les badauds;
Pour bagage n’ayant que de légers fardeaux,
Du pain blanc pour pitance et de l’eau pour breuvage.
La poussive loco parcourait les herbages,
Animal rutilant que guettaient les troupeaux ;
Le noble chef de gare agitait son drapeau
Et le trafic routier nous cédait le passage.
La machine pesait sur ses puissants essieux ;
Elle allait de l’avant, passant d’étranges lieux,
Comme un monstre terrestre à noire carapace.
Mais où sont-il allés, ces wagons merveilleux ?
Le TGV s’en moque, il est trop orgueilleux,
Lui qui tout véhicule en vitesse surpasse.
Grand cheval de sinople
Jamais ce cheval vert ne languit en service,
Car il n’accomplit rien, que muses courtiser,
Ou danser, par feintise en âne déguisé,
Cheval sans dignité, cheval plein de malice.
Ne possédant nul bien, il vit loin d’avarice,
Ne sait si d’éleveurs il fut jadis prisé :
Ne lui mets pas de chaîne,il pourrait la briser,
Mais c’est par bonne humeur, et ce n’est point par vice.
Remplis-lui donc un seau de la bonne eau du puits,
C’est un cheval magique, il chasse les ennuis,
Son coeur est un trésor de sagesse profonde.
Ce vaillant destrier, lui faut-il voyager ?
Non, sur cette matière, il veut se ménager,
Heureux de son repos, non de courir le monde.
Sagesse d’un limicole
Il explore du bec un ruisselet courant,
Au fil de l’eau trouvant quelques modestes joies;
Il pour compagnon son reflet qui ondoie,
Ce courlis vagabond, ce limicole errant,
Du vent quand il aspire un parfum odorant,
Il perçoit, près de lui, les saisons qui tournoient :
Il lève un peu le bec, et puis il suit sa voie
Dans la douceur du sable (humide, au demeurant).
Sa sagesse est rustique, et n’est pas affectée;
Elle vient de son coeur, et n’est pas empruntée
À des rayons chargés de volumes épais.
Il a bon appétit, car il dîne à ses heures,
Sa pitance toujours lui semble la meilleure,
Ainsi que le plaisir d’une tranquille paix.
Dame Plume et Maître Encrier
La plume et l’encrier sont, été comme hiver,
Les serviteurs du jour, les gardiens de la flamme,
Encrier, brave gars, et Plume, gente dame,
Il est ici pour vous, ce cahier grand ouvert.
De beaux feuillets qui sont noircis de mots divers,
La virgule et le point qui leur donnent une âme,
Avec votre assistance un grand recueil se trame ;
Un corpus instructif, un petit univers.
Ainsi qu’un bûcheron fait sa maison de planches,
Ainsi qu’un bel oiseau fait son château de branches,
Je bâtis un manoir de sonnets miroitants ;
Et s’il leur est donné d’égayer le printemps
Ou de redonner vie à mon coeur hésitant,
Je poursuivrai mon chant sur d’autres pages blanches.
Seigneur taureau d’azur
De ce taureau d’azur je veux faire un tableau,
Qui sait dire un bon mot, qui sait briser la glace,
Qui a du sens commun, qui sait sauver la face,
Celui que les auteurs déclarent le plus beau.
Je veux le faire naître au bout de mon pinceau,
Évoquer son mérite et décrire sa grâce :
Celui qui des bestiaux tient la première place
A droit d’être chanté par un sonnet nouveau.
Qu’il séduise une vache ou drague une déesse,
Il ne craindra jamais que mes vers ne le blessent,
Il estime bien mieux ses cornes que ma lyre.
Or, saura-t-il vraiment comment il est là peint?
Semblable, sur ce point, au coq et au lapin,
Ce magistral taureau n’a pas appris à lire.
Ambifucius
On ne sait presque rien de ce monstre placide.
Il n’est pas serviteur, il n’est pas chevalier,
Aux règles du commerce il ne sait se plier,
Il vit près de Bordeaux, loin des milieux torrides.
Il ne laisse jamais son gosier être aride.
Il a développé l’esprit de l’escalier :
Maître des lieux communs, des propos familiers,
Il se bricole une oeuvre avec un peu de vide.
Car il n’a qu’une plume, il n’a pas de pinceau.
Quant à ses illusions, elles sont en morceaux,
Rendant à tout jamais son coeur mélancolique.
Il n’a pourtant subi aucun genre de tort,
Puisque sa vie devient quelque peu bucolique
Et que la fin du jour y déverse son or.
Nef à petites pattes
Cette nef peut affronter les tourmentes,
Mais ses marins préfèrent le temps doux ;
Ces douze gars, douze loyaux époux,
L’ont pour maîtresse, et non pas pour servante.
Le vent, parfois, peut tromper leur attente,
Mais leur humeur n’en souffre pas beaucoup ;
Car dans l’attente, on peut boire un bon coup,
Il s’agit là d’une valeur constante.
À cette nef ils consacrent leur âme,
Au long du jour, sous un soleil de flamme,
Tous ces marins sont autant de passeurs.
Mais où vont-ils ? suivre leur fantaisie ?
Leur intention, je ne l’ai pas saisie,
Cet équipage est fait de rêvasseurs.
Plus fort que Pégase
Le grand pédalosaure, un être plein de vie,
Sur deux roues à rayons équilibre son corps.
Pégase est imposant, mais ce monstre est plus fort,
Car il a des mollets que les dieux lui envient.
Il roule sans freiner dans la plaine obscurcie,
Laissant derrière lui le chariot de la mort.
Son très noble destin s’accomplit dans l’effort,
Quel que soit l’adversaire, il gagne la partie.
Son esprit est subtil, par la course formé,
Par la beauté du jour vivement enflammé,
Rouler, telle est sa foi, telle aussi son essence.
L’éternel mouvement dont il est animé
A fait que de la Muse il est le plus aimé,
Elle qui toujours eut le goût du Tour de France.
Ambicanasson
Le diable de Schlemihl l’a sorti de sa poche ;
Par ce geste bizarre, il a franchi le seuil
De la noire magie, car il l’a fait sous l’oeil
De Peter qui se dit que quelque chose cloche.
Cet ambicanasson est dépourvu d’orgueil ;
Il se trouve malin, il voit qu’il n’est pas moche,
Il sait que l’écurie de l’inframonde est proche,
Mais sans anticiper ni l’effroi, ni le deuil.
Son créateur n’est pas des noirs démons le pire :
Chamisso l’apprécie, de sa plume on peut lire
Les services que rend ce vénérable aïeul.
Le livre est assez bref, je le relis encore,
Petit recueil ancien qu’un graffiti décore ;
Du début à la fin, Peter Schlemihl est seul.
Chauve-souris verte
Elle surgit au ciel comme par une trappe,
Est-ce d’un inframonde, ou d’un tout autre lieu ?
Je dis «de nulle part», mais c’est faute de mieux,
J’entends au firmament son rire de satrape.
Est-ce un démon d’enfer, est-ce un oiseau du Pape ?
Est-ce un vampire noir que l’on perce d’un pieu ?
Un ange de sinople, un envoyé de Dieu ?
De moustiques du soir elle fait ses agapes.
Elle ne prend jamais de nos bons petits plats
Et se tient à l’écart du lumineux éclat
Des lustres du salon, qui point ne l’émerveillent ;
Elle salue pourtant le hibou, son voisin,
Et s’approche avec lui des grappes de raisin
Près desquelles, parfois, aucun gardien ne veille.
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