VISION

[Magnus]

VISION


C'est maintenant l'heure des nulle part et des nuits sans regard
A présent pleurent le hasard et les bruits des quais sans gares
Sur aujourd'hui pleut la nuit noire, le destin est hagard
Un vieux chien errant allonge faiblement son gémissement
en traînant las et lent derrière un corbillard; un vieillard
égrène un chapelet d'antan --celui où Dieu était encore vivant.

La ville bruite d'un silence sanglant sous sa poussière grise
Seules des ombres au dedans des maisons bougent là où elles gisent
Hurlant d'un jaune striant, les éclairs balafrent la cathédrale
Murmures momifiés de prières d'un autre âge dans les stalles
Le vieux et le chien, sous le crucifié sont assis, l'homme est pâle
Surgissent des gamins nus maigres et menaçants d'une voix de râle
Orphelins de femmes éventrées, monstres de foetus rescapés,
chaînes de motos en mains, prêts à tuer pour manger, pitié !

Peut-être, quelque part, après avoir encore et encore marché :
la mer, sale et morte, et puis ensuite, de là, où donc aller ?
Peut-être, au départ, avant, juste avant d'arrêter d'aimer
Ne pas s'isoler, coincé, déçu, meurtri, offensé
Aux noces barbares, à la routine glacée, s'opposer
Aux tendresses avortées, aux amours humiliées,
aux douceurs ratées et aux caresses négligées,
aux sourires crispés et aux élans brisés,
aux matins éteints, aux soirs mutilés,
aux nuits piégées et à ces je t'aime cassés,
dire.... ---mais dire quoi ? tout a désormais cessé :
l'homme s'est tué pour n'avoir pas su veiller.

Mais moi, l'autre nuit, je l'ai quand même vue sourire
avant de mourir...
...comme un dernier aveu, ---une ultime sincérité, celle
qui n'a plus rien à perdre ni à gagner,

celle...

...des rancunes apaisées, des injures oubliées,
des premières heures ensoleillées, des étés étonnés.



Le vent chasse la pestilence de la mégapole gazée
Le temps passe et l'absence folle est presque cicatrisée
Autour des clochers se dessine comme un peu de clarté
De loin en loin toutes les lueurs ne sont plus d'hostilité
J'ai même croisé une femme vers le sud près d'un sentier
Elle m'a dit qu'il y avait là un puits non tari
Que son eau était saine, qu'il y faisait bon à minuit


Viens...
m'a-t-elle dit.







T'en souviens-tu
dis ?
en cet instant trop nu... .

---

C°) Tous droits réservés. Propriété artistique de l'auteur.

[bernard1933]

Tu me cherches, Magnus ! Un quai sans gares, un vieux chien errant,
le vieux et son chien... Tu me " fiches le bourdon " ! Mon épagneul a couru plusieurs kilomètres ce matin et le vieux qui l' accompagne a
marché d' un pas ferme !
Mais j' apprécie beaucoup tes poèmes ! J' adore Baudelaire pour son spleen et sa désespérance, mais aussi pour la beauté de ses images.
" Le gouffre de tes yeux, plein d' horribles pensées,
Exhale le vertige, et les danseurs prudents
Ne contempleront pas sans d' amères nausées
Le sourire éternel de tes trente-deux dents ."
A noter que "la" squelette avait conservé ses dents de sagesse...

[Invité]

[quote="Magnus"]

VISION

j'aime particulièrement ce passage

Ne pas s'isoler, coincé, déçu, meurtri, offensé
Aux noces barbares, à la routine glacée, s'opposer
Aux tendresses avortées, aux amours humiliées,
aux douceurs ratées et aux caresses négligées,
aux sourires crispés et aux élans brisés,
aux matins éteints, aux soirs mutilés,
aux nuits piégées et à ces je t'aime cassés,
dire.... ---mais dire quoi ? tout a désormais cessé :
l'homme s'est tué pour n'avoir pas su veiller.

et celui-ci aussi, où l'on retrouve ton attachement à la mort douce

Mais moi, l'autre nuit, je l'ai quand même vue sourire
avant de mourir...
...comme un dernier aveu, ---une ultime sincérité, celle
qui n'a plus rien à perdre ni à gagner,
celle...
...des rancunes apaisées, des injures oubliées,
des premières heures ensoleillées, des étés étonnés.

Et ce cri, ce besoin d'amour, que nous ressentons tous à un moment ou à l'autre

Viens...
m'a-t-elle dit.

T'en souviens-tu
dis ?
en cet instant trop nu... .

merci, Magnus!
Là je te retrouve comme je t'ai "ressenti" depuis le début!
Mais ne me demande pas de l'expliquer, je ne le cherche pas moi-même! Je ne suis pas médium, ni devin , ni marabout, ni quoi que ce soit de ce genre, j'ai juste une très grande sensibilité qui parfois me porte préjudice!


ps Comment fais-tu pour mettre "droits réservés"? Tu crois que c'est utile pour ne pas te faire "piquer" tes oeuvres?
ah, je vois quelque chose écrit en dessous!
que veut dire "hr" entre crochets?

[Magnus]

merci, Magnus!

Merci aussi à toi, et à celles et ceux qui ont pris le temps de lire ces poèmes.

Le "hr" entre crochets est un code destiné à pister les candidats faussaires, les voleurs, les plagieurs, mais est aussi un code permettant de tracer une ligne. :ptdr:

Nb pour Bernard et son épagneul : "toute ressemblance....".

[JO]

j'ai lu ... et aimé :sir:

[_Spin]

Bonjour,

merci, Magnus!

Merci aussi à toi, et à celles et ceux qui ont pris le temps de lire ces poèmes.

Superbe ! Un peu déconcerté par l'association rime-métrique absente (ben oui, je suis un vieux croûton accroché aux formes), mais les images et les évocations sont tellement prenantes !

Heu, "ces" poèmes, je n'en ai vu qu'un...

Qu'ai-je manqué ?

à+

[Invité]

tu as manqué "Elles", qui vaut le détour.

pour les rythmes et les rimes, je préfère aussi "personnellement", mais les poèmes en prose ou en vers libres, c'est parfois très beau aussi!
voir par exemple Rimbaud pour ne citer que lui!

[_Spin]

tu as manqué "Elles", qui vaut le détour.
pour les rythmes et les rimes, je préfère aussi "personnellement", mais les poèmes en prose ou en vers libres, c'est parfois très beau aussi!
voir par exemple Rimbaud pour ne citer que lui!

En l'occurrence, c'est "bâtard",

Pas vraiment libre puisqu'il y a rime,
Ce qui n'est pas un crime,
Et pas vraiment classique
Puisqu'il y a métrique
Vaguement anarchique...

(Oui, bon, enfin... :whistle: )

à+

[Cochonfucius]

Citation :

J'ai même croisé une femme vers le sud près d'un sentier

Elle m'a dit qu'il y avait là un puits non tari

Que son eau était saine, qu'il y faisait bon à minuit


... si ça se trouve, c'était point une femme, c'était le serpent du Petit Prince.

[Invité]

.

.. si ça se trouve, c'était point une femme, c'était le serpent du Petit Prince.

ou bien au contraire, l'appel à la renaissance.
pourquoi ce pessimisme?

[Cochonfucius]

Citation :

(...)

à ma grande surprise, j’aperçus sur le seuil le serpent du Petit Prince.

(...)

«J’aimerais enfin que ma vraie nature soit révélée à tous dans un rôle loyal et principal.»



Tout à coup, un serpent vert olive traversa la pièce. L’ogre l’arracha du sol en lui postillonnant dessus avec impatience :

« Je vais te manger, petite vermine ! »

Le serpent lui rétorqua qu’il avait la chair venimeuse et qu’il ferait bien de ne pas y goûter. En revanche, il avait intercepté les propos du géant concernant son festin carnivore et, s’il voulait, il pouvait l’aider à le cuisiner, étant lui-même un fin cordon bleu. Le géant le lâcha de toute sa hauteur :

« J’accepte mais ne t’avise pas de me piquer sinon, je t’écraserai ! Entendu ?

— T’inquiète, je suis pas fou ! Je suis ton serpent et même que, pour te mettre en appétit, je te propose un petit cocktail de pommes du verger. »

L’ogre, emballé, poussa un rugissement qui cloua sur place les ingrédients de son repas.

L’affreux, tout occupé à secouer un pommier, ne sentit pas le serpent s’enrouler autour de son mollet. Le redoutable animal se lova au creux de ses reins et piqua. L’ogre hurla de dépit et s’effondra, la mort ayant fait son chemin jusqu’au cœur. La ferme au complet acclama le héros. Pourtant, d’inquiétantes fumerolles se dégageaient du cadavre. Tous purent voir l’âme du petit être blond qui s’élevait. Le reptile venait à nouveau de tuer le Petit Prince. L’infortuné reptile éclata en sanglots.

C’est alors que je vis le Petit Prince se pencher sur son serpent bien-aimé pour le sortir de mon récit. Il le pria de revenir dans son histoire car il avait encore besoin de lui pour revoir sa rose dans un autre monde.


Source :

http://collegi-calandreta-leon-cordas.ouvaton.org/spip.php?article315

(tout à la fin de la page).

[Invité]

merci, Cochonfucius, je suis allée sur le site et j'ai fait un joli voyage imaginaire dans les contes d'hier et d'aujourd'hui.
Que le serpent jaune reste au pied de son mur,plutôt que de s'approcher du puits (au souhaits?) des femmes qui vont mourir... je préfère; et que le renard continue d'apprivoiser le petit Prince... ou le contraire!

[Babylon5]

Eh ! Bien, Magnus, comme je ne suis revenue que récemment sur le forum, je ne te savais pas poète ! Continue, s'il te plaît !

[Invité]

je ne pense pas que Magnus écrive sur commande, malgré son immense talent!

Mais je plussois! quand tu veux, Magnus, j'aime tes mots!

[Magnus]

je ne pense pas que Magnus écrive sur commande, malgré son immense talent!

Je sais qu'il serait de mise de répondre : "Oh, immense, n'exagérons rien". Mais bon, c'est tout de même le mot juste.
Sur commande, non, jamais. La commande me brise net l'inspiration.

Mais je plussois! quand tu veux, Magnus, j'aime tes mots!

Je mets environ trois heures pour écrire un poème, et ensuite je suis lessivé comme si j'avais travaillé quinze heures d'affilée. Vous voulez tuer le boss ?
Mais Baby et Myrrha, je ne suis pas insensible aux compliments, qui l'est ?

[Babylon5]

Je mets environ trois heures pour écrire un poème, et ensuite je suis lessivé comme si j'avais travaillé quinze heures d'affilée. Vous voulez tuer le boss ?
Mais Baby et Myrrha, je ne suis pas insensible aux compliments, qui l'est ?

Moi, il m'arrive de mettre plusieurs jours : je commence à écrire un truc, ça ne débouche sur rien, puis je commence un autre truc, un vers, deux vers (un vers ça va, deux vers... bonjours les dégats ). Puis finalement je reprends le tout, je fais un mix avec certains mots ou images, et c'est autre chose qui sort. Mais pour le côté fatigue, je comprends très bien : dur de se retrouver en face de soit-même et devant une feuille blanche.

[JO]

Les forçats de la poésie !
bravo et merci
d'avoir tous du talent...
et trente deux dents !

[Babylon5]

Les forçats de la poésie !
bravo et merci
d'avoir tous du talent...
et trente deux dents !

J'ai pas 32 dents. En tout cas, je suis d'accord avec Magnus pour les compliments.

[Invité]

moi non plus! D'ailleurs je n'ai jamais eu trente-deux dents!
Mais je ne me sens pas un forçat de la poésie, aussi

[bernard1933]

Tu es jeune, Myrrha ! Il paraît que les dents de sagesse se font rares dans la jeune génération ( Evolution ? )
Baudelaire ne pensait pas à toi !

" Le gouffre de tes yeux, plein d'horribles pensées,
Exhale le vertige, et les danseurs prudents
Ne contempleront pas sans d'amères nausées
Le sourire éternel de tes trente-deux dents."

[Invité]

bravo magnus, moi si j'écris un poème (un poème !), c'est en cinq minutes, je ne peux pas plus ça sort des tripes et pas du cerveau.

[Babylon5]

Les tripes et le cerveau, tout ça c'est lié. Moi parfois j'ai l'impression que mon cerveau est un vieux tas de tripes.

[Magnus]

bravo magnus, moi si j'écris un poème (un poème !), c'est en cinq minutes, je ne peux pas plus ça sort des tripes et pas du cerveau.

Ah parce que tu te figures, toi, qu'un poème ça sort du cerveau ? C'est nouveau ça, ami caillou.

[Babylon5]

OUI, je disais que tout ça c'était lié : cerveau, tripes, coeur, sexe même.Et peut-être même les pieds (suivant les hautes réflexions de Lacan) Faut tout squeezer et mélanger, c'est un peu fatigant. Et faut que ça soit BEAU ! ça, c'est difficile. Mais si ça n'est pas créé en tant que poème, c'est que du vomi qui n'intéresse personne (de la mauvaise prose, en somme)

[Magnus]

10% d'inspiration, 90% de transpiration.


https://www.forum-metaphysique.com/approches-poetiques-du-profane-et-du-religieux-f19/et-puis-t4753.htm#112494